A. Boudet s'inspire de la formule des Affiches de Paris, des provinces et des pays étrangers (1716) pour créer Les Affiches de Paris (puis Affiches de Paris, Avis divers qu'il fait paraître du 22 fév. 1745 au 3 mai 1751 en 7 vol. du format original in-8° oblong, Barbier, D.O.A.) : à la publication des actes officiels, arrêts et jugements, programmes de cours publics, ventes publiques, publications nouvelles, inventions, spectacles, il ajoute les décès et le cours des changes et effets (B.H.C., p. 19). Rétif de La Bretonne écrit dans les Nuits de Paris : «Boudet, qui vient de mourir, se contentait de mettre, en petit, toutes les affiches, qu'il voyait en grand au coin des rues. Il eut d'abord beaucoup de peine, parce qu'il n'avait de secours de personne : il fallait qu'il vît tout par lui-même, ou par les yeux de Louis Maugé, son apprentif, qu'il envoyait lire les affiches, et en prendre note. Mais bientôt les procureurs et les notaires sentant l'utilité de sa feuille, lui évitèrent cette peine, en lui envoyant la note de toutes leurs affiches. Cependant la feuille resta faible entre les mains de Boudet, qui la plupart du temps en abandonnait l'arrangement à Maugé» (359e Nuit). Inquiets du succès de cette formule, les rédacteurs de la Gazette obtiennent la suppression des Affiches de Paris en mai 1751 (B.H.C., ibid. ; v. D.P.1 notices «Aunillon» et «Meslé»).
Dans l'Histoire de l'édition française (t. II, Paris, Promodis, 1984, p. 263-281), H.J. Martin publie un document important : une «lettre à M. de Bombarde sur l'imprimerie et librairie d'Espagne et de Portugal», 10 fév. 1763 (B.N., ms.fr. 22130, pièce 44). Boudet y écrit : «Je n'imaginai la petite feuille périodique des Affiches de Paris, que dans l'intention et l'espérance, qu'appuyé par le profit que me donnerait son succès, je pourrois m'hasarder à des affaires importantes en librairie, en effet, comme je donnai l'être à cette feuille, elle me le donna, dans les six années qui suivirent sa naissance, elle m'enrichit de cent mille livres et m'enhardit à me charger de grandes entreprises ; la première, la collection des oeuvres de Bossuet ; personne à Paris n'ayant osé la faire, les Vénitiens l'entreprenoient, j'annonçais la mienne, l'exécutai rapidement et eus la satisfaction de faire tomber des mains des Vénitiens celle qu'ils avoient commencée par 6 vol. in 4° qu'ils avoient déjà distribués, et ils ne les continuèrent plus ; la mienne a enfanté successivement 20 vol. in 4° et in folio [sur cette édition de Bossuet donnée par l'abbé Pérau de 1743 à 1747 puis par l'abbé Leroy après 1749, voir Victor Verlaque, Bibliographie de Bossuet, Paris, 1908, p. 99-103, et Jacques Le Brun, «Les premiers éditeurs français de Bossuet au XVIIIe siècle dans : La Prédication au XVIIe siècle, Actes du Colloque tenu à Dijon les 2, 3 et 4 décembre 1977, Paris, 1980, p. 165-185]. Ma seconde entreprise fut le grand atlas de Mrs Robert. L'Angleterre l'a tellement honoré de son suffrage qu'elle seule en a consommé près de 500 exemplaires [Sur cet atlas publié à Paris en 1757 par Gilles Robert et son fils Didier Robert de Vaugondy, voir Mary Sponberg Pedley,«The Subscription List of the 1757 Atlas Universel : A Study in cartographie dissemination» dans Imago Mundi, 31, Second Series, vol. 4, 1979, p. 66-77]. La troisième a été le Moréri espagnol 10 vol. in folio, par l'importance et l'aventurement des fonds qu'elle a exigés, elle a causé de l'étonnement en Espagne [El Gran diccionario historico... traducido del francés de Luis Moréri, Paris, «a costa de los libreros privilegiados», 1753 ; 8 tomes en 10 vol. in f°. Le privilège avait été délivré à de Tournes à Lyon en novembre 1744 et celui-ci l'avait cédé aux libraires de Paris intéressés au Moréri en François]. La quatrième enfin a été l'Edition qu'a soignée le P. Griffet de la grande histoire de France du P. Daniel [Histoire de la France depuis l'établissement de la monarchie française dans les Gaules... 1755-1757, 17 vol. in 4°] ; mon profit sur ces quatre entreprises qui m'occupent depuis 20 ans n'a point égalé le bénéfice que j'ai fait en 6. sur ma seule feuille des affiches. Car que me reste-t-il des quatre entreprises? des magazins pleins à la vérité...» (renseignements fournis par P.F. Burger).
H.-J. Martin a également cité le «portrait» de Boudet par d'Hémery : «C'est un petit finot qui entend bien sa partie et qui est un peu suspect. Il a inventé les Petites affiches qui lui rapportaient beaucoup mais que le chevalier de Meslé lui a enlevées par le crédit de Madame de Pompadour. Depuis ce temps, il a inventé le Journal oeconomique...»
Le 26 mars 1751, A. B. vient d'obtenir un privilège général pour le Journal oeconomique ou Mémoires, notes et avis sur les arts, l'agriculture et le commerce (Antoine Boudet, imprimeur du roi et du Châtelet). Le premier volume paraît avec la date de janvier 1751 ; au total 28 vol. in-12 et 15 vol. in-8° selon Hatin et D.P.1 729 (34 vol. in-12 et 15 vol. in-8° selon Barbier) jusqu'en 1772.
D'après le «Plan» présenté en tête du premier volume (I, 6), le Journal oeconomique doit mettre ses lecteurs en mesure «d'accroître de plus en plus le bien général en travaillant à leurs fortunes particulières». Ce «Plan» ainsi que la «Réponse de l'Auteur du Journal oeconomique» parue en juin 1751 sont-ils de la plume d'Antoine B. lui-même se considérant comme l'«auteur» du périodique dont il a le privilège? C'est plausible, mais il paraît difficile de mesurer sa contribution à la rédaction du journal. Quérard ne voit en lui que l'imprimeur-libraire (t. I, p. 443, col. A). Barbier précise que le Journal oeconomique a eu pour rédacteurs «les frères Antoine et Antonin Boudet, Jean Goulin, A.G. Meusnier de Querlon, Ant. Lecamus, J.F. Dreux du Radier, E.C. Bourru et autres. La traduction du Praedium rusticum est du P. Antonin Boudet». En réalité cet «Antonin» est le frère aîné Claude, né en 1705, chanoine régulier de Saint-Antoine. Il a enseigné chez les Antonins de Rome la philosophie et la théologie pendant six ans (vers 1731 - 1736), est retourné dans la maison de Saint-Antoine du Dauphiné, où il réside depuis deux ans environ lorsque son supérieur le fait partir pour Paris afin de poursuivre des recherches sur les auteurs de son ordre ; il réside à Paris jusqu'en novembre 1738. Ce supérieur fait son éloge à l'abbé général de Saint-Antoine, N. Gasparini, et le présente à l'âge de 32 ans (en réalité 33) comme «un véritable homme de lettres en tous genres, poète, historien, prédicateur, philosophe et bon théologien» promis à un bel avenir (lettre du 13 janv. 1739, B.N., ms.fr. 16681, dans la correspondance de Dom Rivet, publiée par Vanel). Selon Quérard, le P. Claude Boudet a fourni de nombreux articles au Journal oeconomique ; il a également écrit un poème latin en l'honneur de son abbé général, Gasparini ; un Mémoire où l'on établit les droits des abbés généraux de Saint-Antoine de présider aux états de la province de Dauphiné en l'absence de M. l'évêque de Grenoble (Lyon, 1746, in-4°) ; La Vie de M. de Rossillion de Bernex, évêque et prince de Genève (Paris, M. Lambert, 1751, 2 part. en un vol. in-12) ; une traduction de La Vraie Sagesse de l'italien Segneri, ou Pinamonti (Mannheim, 1752, in-18). Il est mort le 25 décembre 1774 (Feller, Supplément au Dictionnaire historique).