LUCHET
Numéro
Prénom
Naissance
Décès
1. État-civil
Jean Pierre Louis, marquis de Luchet, est né à Saintes, le 13 janvier 1739 (d'après Rainguet ; B.Un. donne 1740 ; mais Rainguet assure avoir vérifié la date «sur preuves authentiques»). En 1765, il épousa Suzanne Delon, fille d'un négociant de Genève. Il mourut à Paris le 6 avril 1792. Au début de sa carrière il se fit connaître sous le nom du marquis de La Roche Du Maine.
2. Formation
L. fit ses études à Saintes et d'après Rainguet, devint jésuite ; je n'ai cependant pu trouver de confirmation de ce détail. Il devint membre de plusieurs sociétés savantes, dont l'Académie de Marseille, l'Académie d'Erfurt, la Société royale de Lunebourg, la Société patriotique de Hesse-Homburg, l'Institut de Bologne ; il fut secrétaire permanent de la Société des antiquités de Cassel.
3. Carrière
Après la suppression de l'ordre des Jésuites (d'après Rainguet), L. devint officier de cavalerie, mais il abandonna bientôt cette carrière pour se consacrer à la littérature. Il quitta la France à une date inconnue (après 1770), ayant perdu la faveur du duc de Choiseul. Il s'en alla dans le pays de Vaud, et passa quelques mois, à partir de mars 1775, chez Voltaire à Ferney ; ce dernier écrit à d'Argental au sujet du marquis et de sa femme : «Elle n'a jamais songé, et ne songera qu'à rire. Son pauvre mari cherche de l'or. Mais toujours rire, comme le veut sa femme, ou s'enrichir dans des mines, comme le croit le mari, c'est la pierre philosophale, et cela ne se trouve point» (D19450, 1er mai 1775). En 1776, le couple se trouve à Lausanne. En 1777, L. se rendit auprès du landgrave de Hesse-Cassel, Frédéric II, dont il devint le bibliothécaire, conseiller privé des légations, et directeur du théâtre français, du muséum et des collections scientifiques. Avec la mort du landgrave, survenue le 30 octobre 1785, L. s'attacha au prince Henri de Prusse, et le suivit à Berlin dans l'espoir d'une pension de l'Académie de Berlin. Il ne réussit pas à obtenir de pension, et après la mort de Frédéric II, cela devint plus difficile. Il resta attaché au prince Henri, et vécut chez lui. En 1788, il se rendit à Paris avec le prince, et y resta après le départ de celui-ci ; d'après Denina, il lui renvoya son contrat par la suite. L. resta à Paris jusqu'à sa mort.
4. Situation de fortune
Voltaire décrit L. comme en situation financière très précaire ; en effet sa vie semble avoir été une suite d'échecs et de tentatives en vue de s'assurer une situation confortable. Après avoir quitté la cavalerie pour se consacrer à la littérature, il jouit de la protection du duc d'Orléans, qui l'engagea à écrire une histoire d'Orléans ; le maire de la ville lui promit également de l'argent. Quand le premier tome fut publié en 1766 « à Amsterdam», il créa un tel scandale par son impiété que «le duc d'Orléans engagea l'auteur à ne point continuer ses publications, et lui donna à cet effet 2000 fr. en retirant du commerce le plus d'exemplaires possibles. D'un autre côté, le corps de ville se dégagea en lui payant 3000 fr. » (Brainne, t. I, p. 251). Autour de 1775, il se lança dans l'exploitation des mines, qui se solda par une catastrophe dans laquelle il perdit beaucoup d'argent ; comme écrit Voltaire à d'Argental, le 14 avril 1775, c'était «un homme de condition, plus marquis que le marquis de Florian ; mais il a bien plus mal fait ses affaires» (D19424). C'est grâce en partie aux recommendations de Voltaire que L. fut accueilli par le landgrave de Hesse-Cassel, qui lui assura une position brillante. Mais la mort de ce prince « réduisit M. de Luchet à peu près dans l'état où il était lorsqu'il se retira à Lausanne» (Denina, t. II, p. 432). Heureusement, il fut sauvé par le prince Henri de Prusse, qui, à défaut d'une pension de l'Académie de Berlin, lui donna une pension de 2000 écus.
5. Opinions
Après avoir été jésuite, L. serait devenu franc-maçon. Il semble avoir attiré le scandale toute sa vie, et avoir été mêlé à plusieurs disputes ; il se fit connaître tout d'abord par le scandale de son Histoire d'Orléans, et plus tard, de retour en France, attaqua Grimm et Rivarol dans ses romans. La Harpe écrit, au sujet de son roman Le Vicomte de Barjac : «c'est l'ouvrage d'un homme qui n'est pas sans esprit mais qui est bien sans goût et sans principes, et qui a vécu en mauvaise compagnie» (cité par Rainguet, p. 376). Sa collaboration à l'ouvrage Les Contemporains de 1789 et 1790 et à La Galerie des Etats-généraux lui attira sans doute des inimitiés. Il faudrait aussi noter que d'après Desnoiresterres, Mme de Luchet avait eu à Paris un salon de «mystificateurs» composé de «vauriens spirituels».
6. Activités journalistiques
L. se lança dans le journalisme pour la première fois en 1775 ; d'après Denina, «Il entreprit un journal, ressource de tous les gens de lettres qui se trouvent sans état fixe». Il s'agit des Nouvelles de la République des Lettres, publiées à Lausanne de 1775 à 1777 (D.P.1 1017) ; mais, encore d'après Denina, «cette ressource n'en fut pas une pour Mr de Luchet. L'auteur l'abandonna après avoir donné 24 cahiers» (t. II, p. 431). Il fonda un autre journal, Le Pot-pourri, à Francfort en 1781, dont il sortit 4 vol. en 1781 et 1782 (D.P.1 1137), et qui fut remplacé par le Journal des gens du monde, à Francfort, 1782-1785 (D.P.1 701). De retour en France, L. lança le Journal de la ville (publié à Paris chez Maradan), qui porte son nom comme auteur et dont le premier numéro sortit le 1er août 1789 avec l'avertissement : «ce journal a paru sous une forme différente. Je n'avoue pas les huit numéros distribués jusqu'à ce jour, mais les numéros qui paraissent aujourd'hui et paraîtront dans la suite» ; en effet il existe huit numéros de ce journal sous une forme différente, sans nom d'auteur et sans date.
Il a fondé en 1780 les Mémoires de la Société des Antiquités de Cassel, dont il ne parut qu'un volume (D.P.1 881).
7. Publications diverses
L. a publié de très nombreux ouvrages, dont beaucoup de romans ; pour une liste détaillée, voir B.Un. et Rainguet. Notons surtout, outre les ouvrages mentionnés ci-dessus : Histoire littéraire de M. de Voltaire, Cassel, 1781,6 vol. – Pensées sur les princes, en collaboration avec Frédéric II de Hesse-Cassel. – Essai sur la secte des Illuminés, 1789 ; 3e éd. revue et corrigée par Mirabeau, 1792.
8. Bibliographie
B.Un. – Denina C, La Prusse littéraire sous Frédéric II, Berlin, 1790-1791, t. II, p. 432-433. – Rainguet P.D.. Biographie saintongeaise. Saintes, 1851, p. 373-376. – Brainne C. et al., Les Hommes illustres de l'Orléanais, 1852, t. I, p. 250-252. – Desnoiresterres G., Voltaire et la société au XVIIIe siècle, t. VIII, Paris, 1876, p. 36-37. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman.
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