FALLET

Numéro

294

Prénom

Nicolas

Naissance

1746

Décès

1801 ou 1802

1. État-civil

Nicolas Fallet est né à Langres le 10 septembre 1746 et non le 11 comme l'indiquent le D.B.F. et Migneret, ou en 1753 comme l'affirment la N.B.G. et la F.L 1769. Jean Fallet, son père, était chapelier ; sa mère s'appelait Marguerite Chapusot. Il eut pour parrain Nicolas Febure, bourrelier, et pour marraine Didière Lelièvre, femme de Claude Fallet, marchand (Archives de la mairie de Langres, acte de baptême).

F. était marié et père de trois enfants (Inst., lettre du 10 déc. 1786, f° 141). Il avait un frère aîné, Jean, né le 3 octobre 1736 (Migneret, p. 80, n. 1).

La N.B.G. et la F.L. donnent comme date de sa mort le 22 décembre 1801 ; Migneret le 22 septembre 1801 (p. 94) ; mais Chaudon affirme qu'il est mort «presque subitement» en ventôse de l'an X (févr.-mars 1802). En 1838, la Bibliothèque de Langres possédait un buste en terre cuite de F., qui avait été endommagé pendant la Révolution (Migneret, p.94).

2. Formation

F. fit ses études au collège des Jésuites de Langres (Migneret, p. 80), puis il fut envoyé à Paris chez un procureur (ibid. et B.Un.). Dès 1769 (Mes prémices, p. 67, n.), il y exerça un «travail constant», «pendant plusieurs années» et fut «longtemps premier clerc» (Inst., lettre du 10 déc. 1786, f° 141 v°). Il est sûr que F. connaissait le grec, puisqu'il fit la traduction d'un roman de Chariton d'Aphrodisias, Les Aventures de Chaerée et de Callirrhoé (1775). F. parlait aussi l'allemand (Inst., f° 113) et était assez familier de cette culture pour apprécier «les ingénieuses productions des Schlegels, des Gessners» et pour traduire librement le Fanfaron (1744) de Zachariae (M.B., p. 5 et 9).

3. Carrière

Outre son emploi à la Gazette de France, F. a été secrétaire du marquis de Paulmy (CL., sept. 1782, t. XIII, p. 195).

Pendant la Révolution, s'il n'y a pas homonymie ou confusion avec son frère, il fut officier municipal, membre du tribunal de Police, administrateur de la Municipalité de Paris, au moins pendant la période allant de novembre 1789 a juin 1792. Au début de ses fonctions, il est chargé du domaine suivant : «vauxhalls, cirque, panthéon, clubs, salons, foires, marchés, promenades publiques, balayage, arrosement, bals publics, maisons de jeu, carnaval». Il travaille avec Manuel et Duport Du Tertre (Moniteur, t. II, p. 235 et 282). En 1791, F. porte le titre de « Commissaire de l'administration des biens nationaux» : il s'occupe de l'inventaire de certains biens ecclésiastiques (Tuetey, t. III et VI).

F. a commencé sa carrière littéraire vers 1772 en rédigeant une tragédie intitulée Tibère qui fut représentée dix ans plus tard (Avertissement, p. IV). Dans De la fatalité, poème publié en 1779, F. veut «prouver que dans les revers qui affligent l'humanité il faut mettre tout son espoir dans la Divinité bienfaisante» (L'Année littéraire, 1779, t. VI, p. 58). C'est un «morceau qui ne mérite que des éloges», poursuit L'Année littéraire (p. 69), encouragement que lui prodigue également le Journal encyclopédique (1779, t. VII, p. 286 et suiv.). Mais F. était par-dessus tout attaché à sa carrière dramatique, où cependant il n'a guère brillé. Le 8 mai 1784, on donna au Théâtre-Italien Les Deux tuteurs, opéra-comique en deux actes qui avait déjà été représenté l'année précédente à Fontainebleau devant la Cour sous le titre, Les Deux Soupers. En août 1786, F. fait représenter, encore au Théâtre-Italien, Les Fausses nouvelles, pièce inspirée de celle de Dufresny, Le Double veuvage. Sans se décourager, F. persévère : le 19 juin 1788, il fait jouer Alphée et Zarine, mais le parterre a «hué continuellement» la pièce (CL., t. XV, p. 278). La pièce la plus connue de F. demeure Tibère, représentée au Théâtre-Français le 23 août 1782. Ces pièces ont fait l'objet de comptes rendus mitigés ou hostiles dans C.L. et dans M.S.

En septembre 1785, F. a habité rue des Cannettes, dans la même maison que le sculpteur Caffieri (Inst., f° 135). Pendant la Révolution, en 1791, il demeure rue Boucher, terrain de l'Ancienne Monnaie, «vis à vis» la rue Etienne (Avertissement).

4. Situation de fortune

La situation financière de F. n'a jamais été bonne. Dès 1774, « ma mauvaise fortune », écrit-il, « m'obligea à sacrifier une partie de mon temps à des occupations utiles pour pouvoir employer le reste à la culture des lettres» (Inst., lettre de F. à Vergennes, 1782, f° 118). Son emploi à la Gazette de France est loin de le satisfaire : il s'agit «d'une misérable place» (ibid., 5 janv. 1782, f° 115 v°), il critique «le petit produit de [sa] petite place» (11 sept. 1787, f° 141). L'année 1787 fut «bien dure» pour lui (31 déc. 1787, f° 116). Mais ce qui chagrine le plus F., c'est le manque de perspective dans son emploi à la Gazette de France : «il est surtout bien affligeant pour moi de ne voir aucun avancement, lorsque dans toute autre partie, la seule longueur de mon travail m'en eût infailliblement procuré » ( 11 juin 1784, f° 127). Trois ans plus tard, F. réitère ses légitimes remontrances : « Voici la quatorzième année que je suis secrétaire de la Gazette, sans avoir vu mon sort s'améliorer. Ce qui est bien loin des promesses qu'on m'avait faites dans le temps» (19 déc. 1787, f° 145). En 1782, F. touche 50 louis (1200 £) par an pour son emploi à la Gazette (f° 118 v°). Il essaie d'obtenir une augmentation en janvier 1784 par l'intermédiaire du diplomate Hennin (f° 125), mais son traitement reste inchangé (f° 131). Enfin, F. reçut une somme non déterminée pour la confection des Tables de la Gazette (19 sept. 1787, f° 145).

5. Opinions

F. s'était lié dans sa jeunesse avec Duruflé et Gilbert (B.U.C., t. II, p. 1630). Il était aussi proche d'Antoine Bret, rédacteur à la Gazette de France, mais par la suite, il s'est brouillé avec lui (Inst., 22 mai 1782, f° 117). F. fut aidé par le diplomate Hennin qui faisait pour lui toutes les démarches à Versailles en vue de l'amélioration de sa situation matérielle (31 déc. 1783, f° 124 ; 23 janv. 1784, f° 130). Etant le secrétaire du marquis de Paulmy, F. fut protégé par ce grand seigneur qui lui accordait «l'intérêt le plus vif» (23 janv. 1784, f° 130 v°).

Sur le plan idéologique, F. est rousseauiste (M.B., p. 180). Il fut en opposition avec les philosophes. Certains «sont des esprits audacieux ennemis de la Divinité, qui ont osé y trouver des armes pour la combattre. Leur système, révoltant et destructeur, a fait horreur au monde entier». Enfin F., dont les poésies sont dans le style de Dorât, trouve que Piron est «ingénieux» et se déclare «gluckiste» dans la querelle entre gluckistes et piccinistes (M.B., p. 174 et 183).

6. Activités journalistiques

F. a travaillé à la fois à la Gazette de France et au Journal de Paris (B.N.C., t. VII, p. 20-21 : F.L.). D'après la CL. (t. XIII, p. 195) et les M.S. (20 août 1782, t. XXI, p. 66), F. était «commis au bureau de la Gazette de France» ou plus exactement «secrétaire» de la Gazette (La Harpe, t. IV, p. 16). Il débuta dans cet emploi en 1773 (Inst., 27 sept. 1785, f° 134 v°) ou en 1774 : «la première besogne dont je fus chargé fut de rassembler et rédiger les matériaux destinés à composer la Gazette» (22 mai 1782, f° 118). Par la suite, son travail est celui d'un secrétaire de rédaction. F. corrige les épreuves : «Il n'y a pas de gazette dont je ne corrige deux fois les épreuves», «et si la Gazette passe pour le papier le plus correctement écrit, je puis me flatter que c'est en grande partie à moi qu'elle doit cette réputation» (ibid.). Quelquefois même, F. rédige lui-même certains articles : il réécrit ceux qu'on lui envoie et supplée Antoine Bret «au moins deux jours par semaine qu'il va passer à sa campagne» ; cela donne à F. «une occupation très réelle» (ibid.). F. a rencontré de grandes difficultés dans son emploi à la Gazette. Il se querelle avec A. Bret, lequel parle de lui «comme d'un jeune homme qui n'est capable de rien» (ibid.). F. est même sur le point de perdre son emploi fin mai 1783, mais il fait intervenir Hennin et le marquis de Paulmy (ibid., 30 mai 1783). En janvier 1784, des difficultés s'élèvent avec Dubois-Fontanelle qui, semble-t-il, l'a écarté : «jusqu'à présent, il m'a très peu employé, écrit F. ; il prétend que cela ne le gêne pas de tout faire et me fait avaler cette rude pilule de nullité avec toute la douceur et la politesse possibles» (23 janv. 1784, f° 130 v°). Après avoir occupé pendant des années cet emploi de secrétaire de rédaction, F. convoitait légitimement la fonction de rédacteur à part entière ; mais, dit-il, «après huit années d'un travail irréprochable», je me vois «beaucoup plus mal traité que quand je suis venu» (5 janv. 1782, f° 115 v°). En septembre 1785, Dubois-Fontanelle quitte enfin sa place et F. brûle de l'occuper, mais l'abbé Aubert, mieux en cours et son ennemi mortel, obtient l'emploi pour son neveu (27 sept. 1785,f° 134). Il faut signaler enfin que F. a rédigé les tables de la Gazette au moins pour les années 1785 et 1787 (ibid., f° 136 et 149). Il devra attendre la Révolution pour être le rédacteur à part entière de la Gazette de France. Il prend ses fonctions en janvier 1792. Il ne «négligera rien de son côté, pour conserver à la G. de Fr. le ton décent qu'elle a toujours eu depuis son origine» (Avertissement, p. 2). Dans sa tâche, F. est aidé par Delarue, «chef de bureau de la Gazette». F. est resté peu de temps à la direction de la Gazette, puisque dès mai 1792, Chamfort le remplace (Tourneux, t. II, n° 10190).

En janvier 1784, Panckoucke avait proposé à F. de l'associer à Dubois-Fontanelle pour la rédaction du Mercure de France, mais «on a encore trouvé le moyen de faire avorter cette bonne volonté qu'il avait pour moi», dit-il (Inst., 23 janv. 1784, f° 131).

7. Publications diverses

Liste des œuvres de F. : Dictionnaire universel, historique et critique des mœurs, lois, usages et coutumes civils, militaires et politiques, 1772, 4 vol. (avec J.P. Costard et Contant). – Mes prémices, poésies, 1773. – Les Aventures de Chaerée et de Callirrhoé, 1775. – Le Phaéton, poème héroï-comique en six chants imité de l'allemand de M. Zacharie, Utrecht, 1775. – (MB.) Mes Bagatelles ou les torts de la jeunesse, 1776. – De la fatalité, épître, 1779. – Tibère, tragédie en 5 actes, 1782 ; Tibère et Sérénus, nouv. éd., 1783 ; cette pièce fut parodiée par J.B. Radet : Tibère, repr. au Théâtre-Italien le 8 oct. 1782. – Les Deux tuteurs, comédie, 1784 ; Mathieu et les deux soupers, comédie, 1783 (remaniement des Deux tuteurs). Barnevelt ou le Stathoudérat aboli, tragédie, 1785. – Alphe et Zarine, tragédie, 1788. – Avertissement de la Gazette de France, 1791, in-40 (B.N., Le2 4A). – F. a inséré des poésies dans L’Almanach des Muses. Il a également publié un madrigal dans le recueil Les Plus courtes folies sont les meilleures,1783 (B.N., Lb39 10265).

8. Bibliographie

Desessarts, t. III, p. 9 ; N.D.H. ; B.N.C. ; B.Un. ; N.B.G. ; B.U.C. ; Cior 18, n° 28124-28134. – Brenner, n° 6131-6136. – M.S., 21 août 1782, 9 mai 1784, 27 août 1786. – CL., t. XIII, p. 195. 369, 531 ; t. XIV, p. 455 ; t. XV, p. 278. – Archives de la mairie de Langres, acte de baptême de F. – Inst., ms. 1259, lettres à Hennin, 1779-1788, f° 110-150. – L'Année littéraire, 1779, t. VI, p. 56-69 ; 1782, t. VIII, p. 145-178 ; 1783, t. IV, p. 48-53 et 287. – Journal de littérature, des sciences et des arts, 1779, t. IV, p. 406-414. – Mercure de France, 7 sept. 1782. – Moniteur universel, t. II, p. 235 et 282. –Journal de Monsieur, 1782, t. VI, p. 81-124. – La Harpe J.F. de, Correspondance littéraire, Paris, 1801-1807, t. IV, p. 16 ; t. V, p. 181. – Rivarol A. de, Petit dictionnaire des grands hommes inconnus, éd. Paris, 1808, p. 78. – Lombard de Langres V., Mémoires anecdoti-ques pour servir à l'histoire de la Révolution française, Paris, 1823, t. I, p. 108-109. – Letillois, Biographie générale des Champenois célèbres, Paris, 1836. – Migneret S., «Notice sur Nicolas Fallet», La Haute-Marne, Chaumont, 1856, p. 79-80 et p. 93-94. –Jolibois E., La Haute-Marne ancienne et moderne, Paris, 1858, p. 211. – Tourneux M., Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, Paris, 1900, t. II, n° 10190. – Tuetey A., Répertoire général des sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, Paris, 1890-1914, t. III, 407, 426, 4329, 4334, 4363, 4951 ; t. VI, 1991, 1993 ; t. VII, 205, 298, 335, 535, 566.

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