De 1764 à 1767, le bailli d'Alsace-Henin-Liétard paie la pension de F. au collège de Neufchâteau puis lui assure une rente régulière, dont le montant n'est pas connu, au moins jusqu'en 1774, ce qui lui permet de vivre à Paris, d'obtenir un doctorat en droit qui lui ouvre l'accès aux carrières juridiques. La première charge d'avocat du roi au bailliage de Vézelise, acquise en 1773 pour 5400 £ (A.D. Vosges, série E, notaire Mersey), n'est pas encore remboursée au moment de son deuxième mariage. Elle rapporte peu. Le 5 mars 1776, il acquiert la charge de Lieutenant général civil et criminel au bailliage et siège présidial de Mirecourt pour 40 000 £ (M.C., LXX VI, 384) soit 45 000 avec les frais. Sa belle-mère Marie-Anne Dubus se porte caution. Le contrat de mariage avec Henriette Dubus le 20 décembre 1775 (M.C., LXXVII 383-384, A.J. Coyez) indique que l'apport de F. consiste en vêtements, bail de la forteresse ruinée de La Mothe (Haute-Marne) et une bibliothèque valant 6000 £, la mariée a une dot de 22 000 £ dont 10 000 fournies pour l'acquisition d'une charge pour son époux. Le revenu de la charge est d'environ 6000 £ par an dont une partie sera reversée à A.M.A. Dubus en remboursement de l'avance qu'elle a faite pour cette acquisition. Le deuxième mariage de F. avec Marie Françoise Pommier est un mariage de raison : «Je crois avoir fait une fort bonne affaire» écrit-il à un ami le 25 février 1783. La mariée apporte 36 000 £, tant en maisons qu'en revenus de ses terres et sa belle-mère Dubus lui quitte 21 000 £ sur les 45 000 qu'elle avait engagées pour sa charge (A.D. Vosges, série E, notaire Mersey). Lui n'a encore apporté que ses hardes et sa bibliothèque. Nommé procureur général à Saint-Domingue, il revend sa charge de lieutenant général 33 000 £ seulement. En 1787, en compensation de pertes subies lors d'un naufrage et des frais du voyage de retour, il perçoit 4200 £ du ministère. Il est nommé conseiller honoraire au Conseil supérieur du Cap Français avec une pension annuelle de 3000 £ (Marot, p. 138). De 1787 à 1791, il vit du revenu des terres de son épouse, mais le ménage doit supporter les frais de plusieurs procès intentés par les autres héritiers du premier époux de Marie Françoise Pommier. Bien qu'ils aient ainsi perdu 22 000 £, ils achètent le 1er mars 1788 une autre maison avec neuf jours de titre à Vicherey pour 10 800 £ payables en cinq ans (Marot, p. 137). F. a ensuite son salaire de juge de paix ou son indemnité de député (1791-1792). Le ménage acquiert des biens nationaux en empruntant de l'argent à un banquier de Rambervillers (Vosges). De 1791 à 1794, M.F. Pommier achète pour 16 000 francs de terres. En 1796, F. arrondit son domaine en terres pour 43 000 francs. L'aisance vient avec les grands emplois à partir de 1797 : ministre, directeur, sénateur. Bien qu'il perde ses biens acquis dans la région de Vicherey, lors de son divorce en 1800, il achète à Nogent-sur-Marne le château du Perreux, le 17 février 1800, 42 600 francs et y plante 1200 robiniers. Il le revend 45 000 francs le 28 novembre 1804 (M.C. XX, 781 Rameau et L XIV-520 Masse). En 1804, il réside rue de Tournon puis rue d'Enfer à l'hôtel Vendôme. Le 14 mars 1807, il achète une maison à Montmartre avec un hectare de terre qu'il convertit en potager, 93 (129 actuel) rue du faubourg Poissonnière pour 66 000 francs dont 28 000 empruntés à des amis à 6,5 % (M.C., XCII-1032 Le Brun). En 1805, il avait acquis une ferme dans le Charolais, coût 60 000 francs, dont le revenu annuel s'élevait à 5600 francs ; il la gardera sa vie durant. Sous la Restauration, les ressources identifiées de F. sont constituées d'une pension de 10 000 francs par an, ses indemnités de membre de l'Institut et de la Légion d'Honneur et le montant du bail de sa ferme. En 1821, il est contraint de vendre sa maison faubourg Poissonnière hypothéquée. Il en retire 130 000 francs avec lesquels il se libère de ses dettes et prend un appartement en location 14 rue Saint-Marc, de juillet 1821 à juillet 1827. A bout de bail, il s'établit 3 quai Voltaire au 3e étage et ne pouvant plus loger sa bibliothèque, il la vend aux enchères (Catalogue rédigé en mars 1827, Paris, Galliot, 1827, in 8°, 140 p. comprenant 20 vol. formant 1600 lots). Le compte de ses dépenses pour 1826 s'élève à 38 871 francs dont 3900 francs de loyer, 500 francs par mois versés à son fils Aimé. Il est servi par un valet de chambre, une cuisinière et une dame de compagnie (Marot, p. 330-334).
Selon l'abbé Chatrian, chroniqueur médisant (Anecdotes touloises, année 1771, Bibl. Gd Séminaire, Villers-les-Nancy) F., comme son ami l'abbé Bexon, est accusé de déisme au séminaire de Toul. Dès 1776, il adhère à la franc-maçonnerie dans la loge des Neuf-Soeurs à Paris et il lui restera fidèle, contribuant à sa reconstitution en 1806, collaborant à la rédaction de son règlement. En 1814, dans le calendrier de cette loge il est cité comme l'un des trois Grands Conservateurs (Besuchet, Précis historique de l'ordre de la franc-maçonnerie, Paris, 1829, t. II, p. 119-120). Dès son arrivée à Paris en 1767, F. rend visite à son compatriote Palissot de Montenoy «l'ennemi des philosophes» et fait sa cour à Voltaire qui a bien accueilli ses premières oeuvres et le reçoit avec bienveillance lors de son séjour à Paris, le 16 ou le 17 février 1778 (F. rend compte de cette entrevue dans le Journal de Paris du 19 février 1778). Il est également l'ami et le collaborateur juridique de Linguet, avocat et publiciste et s'en éloignera quand ce dernier, dans ses Annales politiques, t. I, 1777, p. 499-506, publiera un récit des infortunes sentimentales de F. 1789 le trouve acquis aux idées nouvelles, mais c'est un modéré inquiet «des bruits affreux de ces massacres de Paris» (lettre à Poullain-Granfrey datée : Toul, 19 juillet 1789). Il prend peu de positions politiques affirmées sauf contre les prêtres réfractaires : «la prêtraille, la mitraille sont coriaces, elles font le diable dans le peuple tandis que leur métier était de faire Dieu» (lettre au même, Vicherey 20 mai 1791, d'après Marot, p. 197). Refusant de siéger à la Convention, il est emprisonné en 1793-1794 à cause de la représentation de Pamela sous l'accusation de «modérantisme». Son opportunisme politique lui vaut les plus hautes fonctions de 1797 à 1804 : ministre, directeur, sénateur, président du Sénat, sous le Directoire et le Consulat. Cette souplesse ne lui réussira pas sous la Restauration. F., humaniste, s'attache plutôt à des problèmes de société. Ministre, il s'intéresse à l'éducation avec le développement des écoles centrales et nourrit un projet d'école normale pour y former les instituteurs de campagne, à la création des annuaires départementaux (soutien à S. Bottin), au lancement d'expositions industrielles, à la conservation à Paris des manuscrits historiques les plus précieux qu'il fait rechercher dans les dépôts littéraires de France, etc. (Recueil des lettres, circulaires, instructions, programmes, discours, et autres actes publiés émanés du citoyen François de Neufchâteau pendant ses deux exercices au ministère de l'Intérieur, Paris, impr. de la République, an VIII, in 4°, 2 vol.). Enfin, il est actif en faveur de l'agriculture : animation de la Société d'agriculture, expérimentations personnelles dans ses domaines et écrits divers de 1769 à sa mort.