LEUCHSENRING

Numéro

512

Prénom

Franz

Naissance

1746

Décès

1827

1. État-civil

Franz Michael Leuchsenring (Lizern, Liserin, Leisring, Leysering) est né à Kandel, à la limite du Palatinat et de l'Alsace, le 13 avril 1746, de Philip Nicolaus Hermann Leuchsenring, pharmacien, et de Maria Katharina Jung (F.G.A., p. 174). Son frère aîné, Johann Ludwig Leuchsenring (1732-1812), était le médecin personnel de la duchesse douairière Caroline de Deux-Ponts, la mère de la «grande Landgräfin», Caroline de Hesse-Darmstadt. De son mariage (1792 à Dahme, Niederlausitz : Riethmüller, p. 169) avec Elisabeth von Bielefeld (de Bilfeld), gouvernante des princesses à la cour de Frédéric II, L. eut trois enfants, tous nés à Paris : Sophie, en 1794, Caroline, en 1797, Franz Michael Zelter Leuchsenring, en 1799 (lettre à Zelter, 16 mars 1799). Le fils mourut à l'âge de 4 ans (lettre à Louis X de Hesse-Darmstadt, 9 nov. 1803) ; Sophie perdit la raison ; Caroline se maria avec un certain M. Lartique (H. Jacobi, p. 148 et suiv.). L. est mort à Paris, deux ans après la mort de sa femme, un des premiers jours de février 1827 (nécrologe par K.E. Oelsner, Courrier français, n° 40, p. 4, 9 févr. 1827).

2. Formation

Les contemporains attribuent à L. une érudition brillante. Goethe : «schöne Kenntisse in der neuern Literatur» (Dichtung und Wahrheit, XIII) ; Klopstock : « das grösste Genie Europas» (cité par H. Jacobi, p. 133). Le lieu de ses premières études est inconnu. Dans une lettre de janvier-février 1772 à J.H. Füssli («Obmann»), il appelle G.W. Petersen (1744­1816) «ältesten Schulfreund». Petersen étudia au gymnase de Deux-Ponts, mais L. ne se trouve ni dans la matricule de cette école, ni dans celles de l'Université de Strasbourg ou d'Utrecht. Selon Bollert (p. 34), L. aurait étudié dans la Suisse française. En 1791, avant son expulsion de Berlin, L. prétend posséder une bibliothèque de 2000 volumes (H. Jacobi, P- 137).

3. Carrière

Au début de l'année 1768, L. est appelé par la «grande Landgräfin» à la cour de Darmstadt (lettre à F.D. Ring, 12 janv. 1768). En 1769, il accompagne, comme sous-gouverneur, le prince héritier de Hesse-Darmstadt à l'Université de Leyde (oct. 1769 - janv. 1771). En Hollande, il fait la connaissance de F.H. Jacobi, de Herder et de Hemsterhuis. Il se met également en relation avec M.M. Rey, libraire d'Amsterdam. Au début de mai 1771, L., Jacobi et Wieland se rencontrent à Ehrenbreitstein (près de Coblence) chez Sophie de La Roche. L. retourne avec Wieland à Darmstadt où l'on arrange avec Gleim une autre réunion sentimentale. Après avoir passé l'été à Bergzabern (résidence de la duchesse Caroline de Deux-Ponts), il se rend en Suisse (sept. 1771 - 8 janv. 1772) : Bâle (Isaac Iselin) ; Zurich (Lavater, J.H. Füssli, S. Gessner, Bodmer, etc.) ; Königsfelden (N.E. von Tscharner) ; Berne (N.A. Kirchberger, S.A. Wilhelmi, A. von Haller) ; Neuchâtel (J. von Bondeli). C'est «vorzüglich eine Reise des Herzens» (lettre à Iselin, 16 juil. 1771 ; et dans le même sens Pfeffel à Ring : «il [L.] a comme Yorick [Sterne] des yeux pour voir et un cœur pour sentir», 29 sept. 1771). En février 1772, il rencontre à Francfort Goethe et Schlosser.Le deuxième voyage en Suisse dure d'avril 1772 au 1er janvier 1773. En compagnie de Louis, L. visite Bâle, Berne et la Société Helvétique à Schinznach. En printemps 1773, le cercle sentimental de Darmstadt se disperse. C'est Goethe avec la farce du «Pater Brey» qui met le point final à cette époque. La pièce jouée la veille des noces de Herder, dénonce L. comme « charlatan de la sensibilité ». En même temps, F.M. Grimm est nommé à la place de L. gouverneur du prince pour un voyage à Saint-Pétersbourg. L. doit chercher un autre champ d'activité. Il se met en route vers Hambourg, Mayence, Coblence (Sophie de La Roche), Düsseldorf (Jacobi), Cleves, Utrecht, Amsterdam (Rey), Leyde, La Haye (Diderot), Rotterdam, Anvers, Bruxelles, Paris, où il arrive le 16 août 1773 (lettre à Füssli, 18 août 1773). Le 3 septembre, il annonce à Rey qu'il a rencontré Rousseau, Thomas, La Harpe, Saurin, Suard et Saint-Lambert. (Sur les relations avec Rey, Rousseau et Diderot, voir les articles de de Booy, Mortier ). A l'exception d'un voyage en Allemagne en 1776, L. restera à Paris jusqu'en 1782. De 1782 à 1792, il est domicilié à Berlin ou à Hombourg ou bien il fait des voyages : par exemple, en 1782-1783, en compagnie du jeune baron de Labes (plus tard comte de Schlitz : Varnhagen, p. 508 et suiv.). De 1783 à 1785, il termine plusieurs tâches administratives pour le landgrave Frédéric V de Hombourg, qui le récompense avec le titre de «geheimer Rat» en 1785 (H. Jacobi, p. 136). En 1784, il est chargé par Frédéric II de l'enseignement de la dialectique au prince Frédéric-Guil­laume III (Sybel, p. 714-726). A Berlin, il fréquente les cercles juifs et rationalistes (M. Mendelssohn, E. Gedike, Biester, Zelter, Nicolai, etc.). En 1785, il fait son troisième voyage en Suisse : via Bâle, Lausanne, Genève, Berne, il arrive à Zurich, où il restera jusqu'en septembre 1786. En août 1786, il se brouille définitivement avec Lavater. En raison de sa sympathie pour la Révolution française, il est expulsé de la Prusse en 1792 (le 25 mai) et se rend avec Mlle de Bielefeld à Paris par la Suisse. Dans les années 90, L. aurait été secrétaire à la Convention («Gegenwärtig ist er laut der Zeitungen Secretair bei einem der Ausschüsse der Franzö­sischen National-Convention», cité dans : Die Neuesten Religionsbegebenheiten [...]für das fahr 1794, année 17, Stück 5, Giessen und Marburg, éd. H. Köster). En 1800, il entretient des relations avec Garât et Cabanis (lettre à un inconnu, 6 oct. 1800). Plus tard, ce sont des amis allemands qui visitent encore ce bizarre savant : A. Mendelssohn, W. von Humboldt, F. Schlegel, R. Levin, A. von Arnim (qui, dans son roman Gräfin Dolores, nous présente L. sous la figure du pasteur Frank), K.E. Oelsner, Schlabrendorf, etc.

4. Situation de fortune

L. est toujours accablé de soucis d'argent et grevé de dettes. Pendant son premier voyage en Suisse, il demande à Füssli un prêt de 4 à 5000 florins (lettre à F., 29 oct. 1771). De ses parents, il n'avait, semble-t-il, rien à attendre (Caroline Flachsland à Herder, 16 juil. 1771, Herders Briefwechsel, 1.1, p. 280). Lorsqu'il cherche, en 1776, 12 000 £ pour couvrir les frais de son Journal de lecture, c'est F.H. Jacobi qui l'aide une dernière fois avec la somme de 5000 florins (Zoeppritz, t. I, p. 143). L'ami CF. Zelter lui donne, en 1791, 1684 reichsthaler et continuera à l'aider plus tard (lettre de Zelter à L., 14 sept. 1802). Au moment de son expulsion de Berlin, la caisse royale lui paye 2188 thaler de dettes (Sybel, p. 725). A Paris, où il vivra de ses cours de langues, il devient cependant très réservé sur l'acceptation de subsides (H. Jacobi, p. 144). Des lettres de quémandeur restent pourtant presque les seuls documents de ses dernières années.

5. Opinions

Les opinions de L. se laissent difficilement fixer : en 1771-1772, « l'apôtre de la sensibilité » se présente en Suisse comme esprit fort et révolutionnaire en faisant semblant de figurer parmi les éditeurs anticléricaux des Frankfurter Gelehrte Anzeigen (Bräuning, «Freydenker», p. 722 et suiv.). Après avoir prolongé de cinq semaines son séjour en Hollande à cause de Diderot, il critique dans une lettre à Füssli (18 août 1773) l'irréligion du philosophe. A l'égard de Rey, il manifeste un «dégoût pour la charlatanerie littéraire» (3 sept. 1773), mais il se plaira durant des années dans ce même milieu littéraire. A Berlin, il combat à côté de Gedike, Biester et Nicolai, le crypto-catholicisme, de sorte qu'on le prendra pour l'un des agents les plus importants de l'illuminisme et pour un homme de liaison des Jacobins ; mais son appartenance à l'ordre de Weishaupt semble invraisemblable (Forestier, p. 220), et dans ses papiers la police prussienne ne trouvera rien de compromettant.

6. Activités journalistiques

Journal de lecture, ou Choix périodique de littérature et de morale, juillet 1775 jusqu'au début de 1779, 36 cahiers, 12 vol. in-8°, t. I-VIII, Paris, P.D. Pierres ; t. IX-XII, Paris, Stoupe (voirD.P.i 662).

7. Publications diverses

A l'exception du Journal, on ne connaît de L. que les publications suivantes : « Vorläufige Erklärung über Schlos­sers Brief an Leuchsenring, nebst einem Märchen», Berlinische Monatsschrift, juin 1787, t. IX, n° 6, p. 567-574, et dans Deutsches Museum, 1787, t. II. n° 8, p. 61-66. Dans Gothaische Gelehrte Zeitungen du 26 mai 1788, L. se défend contre S.L.E. de Marée, qui lui avait reproché d'être «einer der grössten Werber und Spionen des Illuminateordens».

Le mensuel Das Gelehrte Teutschland, t. IV, p. 432, lui attribue Anreden an die Richter des D. Bahrdt, von einem teutschen Manne, H. v. L.

Selon A.D.B., L. serait l'auteur de «Noch etwas über die geheimen Gesellschaften im protestantischen Deutschland», Berlinische Monatsschrift, juil. 1786, t. VII, n° 5, p. 44-100.

Plus grand que le nombre de publications réalisées est celui des projets ; en 1775, L. prenait en considération l'édition du Göttinger Musealmanach (voir Klopstock à H. Voss, 24 mars 1775, H. Pape, Klopstocks Autorenhonor und Selbstverlagsgewinne, Frankfurt am Main, 1969, p. 208). En 1782, après la mort d'Isaac Iselin, L. voudrait se charger de la rédaction des Ephemeriden der Menschheit (lettre à Nicolai, 22 oct. 1782). L'année suivante, il est question de L. comme coéditeur du Deutsches Museum (voir Hofstätter, Das Deutsche Museum (1776-1788), Leipzig, 1908, p. 119 et suiv.). En 1795, il offre sa collaboration aux éditeurs de la Jenaer allgemeine Litteraturzeitung (lettre à des «amis d'Iena», 14 oct. 1795). Mais au fond, L. se considérait toujours trop bon pour le journalisme. Dans ses dernières années, il se vouait exclusivement au projet irréalisable d'un «dictionnaire universel des langues connues, [...] une langue nouvelle très facile, qui servira de méthode analytique pour les sciences et de moyen pour apprendre en peu de tems les idiomes établis chez les différents peuples de la terre» (lettre à un inconnu, 6 oct. 1800).

8. Bibliographie

A.D.B., 1883. – Varnhagen von Ense K.A., Denkwürdigkeiten und vermischte Schriften, 2e éd., part. 2, Leipzig, 1843,

p. 494-532. – Zoeppritz R., Aus F.H. Jacobis Nachlass : ungedruckte Briefe von und an Jacobi und andere, nebst ungedruckten Gedichten von Goethe und Lenz, Leipzig, 1869. – Von Sybel H., «Zwei Lehrer Friedrich-Wilhelm II in der Philosophie», Monatsberichte der königl. Preuss. Akademie der Wissenschaften a.d.J. 1789, Berlin, 1880, p. 707-726, spéc. 714-726. – Bollert M., «Beiträge zur einer Lebensbeschreibung von Franz Michael Leuchsenring», Jahrbuch für Geschichte, Sprach und Litteratur Elsass-Lothringen, t. XVII, Strasbourg, 1901, p. 33-112. – Riethmüller R., «Franz-Michael Leuchsenring's expulsion from Berlin», May 25, 1792, from unpublished Letters of Franz von Kleist and Joh. W.L. Gleim», German-American Annais, nouv. série, t. IV, n° 6, juin 1906, p. 163-170. – Le Forestier R., Les Illuminés de Bavière et la franc-maçonnerie allemande, Paris, 1915. – Goedeke K., Grundriss zur Geschichte der deutschen Dichtung, 3e éd., Dresden, 1916, t. IV, part. 1, p. 764-766. – Herders Briefwechsel mit Caroline Flachsland : nach den Handschriften des Goethe-und Schiller-Archivs, éd. H. Schauer, Weimar. 1926-1928. – Mortier R., «Le Journal de lecture de F.M. Leuchsenring (1775-1779) et l'esprit philosophique», Revue de littérature comparée, t. XXIX, 1955, p. 205-222. – Jacobi H., «Goethes Lila, ihre Freunde Leuchsenring und Merck und der Homburger Landgrafenhof», Mitteilungen des Vereins für Geschichte und Landeskunde zu Bad Homburg vor der Höhe, t. XXV, 1957, notamment p. 131-153. – BooyJ.T. de, «Apropos d'une falsification de la Nouvelle Héloïse par Marc-Michel Rey», Neophilologus, 44, 1960, notamment p. 290-298. – Id., «Autour d'une dédicace à Jean-Jacques Rousseau : un épisode de l'histoire du Platonisme au XVIIIe siècle», Neophilologus, 45, 1961,

p. 298. – Bräuning-Oktavio H., «Johann Georg Jacobis Schreiben eines Freydenkers an seine Brüder (1771), der sog. Brief an die Freydenker», Weimarer Beiträge, Zeitschrift für deutsche Literaturgeschichte, t. VII, 1961, p. 694-738. – (F.G.A.) Id., Herausgeber und Mitarbeiter der Frankfurter Gelehrten Anzeigen, 1772, Tübingen, 1966, p. 174-186. – de Booy J.T. et Mortier R., «Les années de formation de F.H. Jacobi, d'après ses lettres inédites à M.M. Rey (1763-1771) avec Le Noble, et Madame de Charrière», S.V.E.C. 45, 1966. En préparation : Urs Kamber (éd.), Briefe von und an F.M. Leuchsenring.

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