VEYSSIERE DE LA CROZE

Numéro

803

Prénom

Mathurin

Naissance

1661

Décès

1739

1. État-civil

Mathurin Veyssière de La Croze est né le 4 décembre 1661, à Nantes, de Léger Veyssière et de Jeanne de L'Attoué. Marié le 21 novembre 1697à Elisabeth Rose. Il meurt sans postérité, le 21 mai 1739. Ne pas le confondre avec Cornand de La Crose.

2. Formation

Première formation assurée par son père, négociant lettré, puis par des précepteurs. A quatorze ans, il s'embarque pour les Antilles, participe à un combat naval, séjourne à la Guadeloupe et apprend à cette occasion l'anglais, l'espagnol et le portugais. De retour à Nantes en 1677, il envisage de devenir médecin, mais se décide à entrer dans la Congrégation de Saint-Maur. Noviciat à Saumur en 1677 ; puis il est, à Marmoutier, le disciple de Dom Jacques Lopin et fait sa théologie à Saint-Vincent du Mans sous Dom Michel Piette. Mauriste en 1682, il travaille principalement sur Grégoire de Naziance et Clément d'Alexandrie (Formey). Il est particulièrement associé aux travaux de l'Histoire de Bretagne des Bénédictins et à ceux de Baluze, ce qui lui donna l'occasion de voir «une foule de chartes authentiques» (Formey).

3. Carrière

Il abjure à Bâle, au printemps de 1696, après avoir quitté la Congrégation de Saint-Maur, où ses positions menacent de le conduire en prison. Il séjourne quatre mois à Bâle. Il part pour Berlin en septembre 1696. Son séjour dans cette ville n'est plus dès lors interrompu que par des voyages littéraires ; à Brandebourg, en 169 7 ; à Hambourg, en 1713 ; à Leipzig, en 1715.

4. Situation de fortune

Sa vie est presque toujours difficile après son départ de France, en 1696, année où il quitte son Ordre. Il vit de préceptorats auprès de grandes familles allemandes. Le 1er février 1697, il est nommé bibliothécaire à Berlin, mais les 200 risdales de pension ne lui permettent pas de se passer du revenu des préceptorats. En 1714, la fin du préceptorat du margrave de Schwedt compromet gravement ses ressources. Leibniz lui fait proposer un emploi de professeur à Helmstedt. Il refuse parce qu'on y met la condition de souscrire à la Confession d'Augsbourg. Sa situation se trouve améliorée en 1715 par un gain à une loterie de Hollande, puis par une chaire de philosophie au Collège français de Berlin, à partir de 1724. En 1731, Dom Bernard Pez lui suggère de revenir dans l'Eglise catholique, et lui propose « une place fort avantageuse dans l'abbaye de Gottwic, en Autriche» (Formey). Nouveau refus. A sa mort, ses livres et ses manuscrits passent à Jordan, puis sont dispersés après la mort de ce dernier.

5. Opinions

Il est en relation avec un grand nombre de savants européens : Gaignières est «son ami particulier» ; il est aussi lié à Bernoulli, G. Cuper, Fabricius, Leibniz, Werenfels (voir sa correspondance : Thesauri epistolici Lacroziani, éd. J.L. Uhle, Leipzig, 1742-1746, 3 vol.). Son tempérament vif et mordant l'entraîne dans des querelles d'érudition, principalement contre le « système » hypercritique du P. Hardouin. Il s'oppose également à Heumann sur la question de l'athéisme de Giordano Bruno. Il rabroue le P. Le Nourry à propos de Lactance. Il nie l'authenticité du verset des trois témoins célestes (I Jean, V, 7) ; voir «Missy, César de». Orientaliste avant tout, il s'intéresse avec un jugement sûr à des domaines alors neufs : copte, syriaque, slavon, arménien, ouïgour, tzigane, et au chinois sur les instances de Leibniz.

6. Activités journalistiques

Barbeyrac avait donné des « Remarques diverses sur plusieurs choses qui concernent les belles lettres» {Nouvelles de la République des Lettres, janv. 1702, p. 24 et suiv.) où il suggérait des leçons pour deux textes, l'un de Cicéron, l'autre, d'Aristophane. V. y répond par sa «Lettre de M. Alcozer à l'auteur de ces Nouvelles, contenant quelques remarques de littérature» (N.R.L., avril 1702, p. 391-396). La discussion se poursuit avec la «Lettre de Mr Jean B* à l'auteur de ces Nouvelles pour répondre à celles que M. Alcozer a écrites contre lui» (N.R.L., août 1702, p. 139-156), et l'on peut observer, notamment à l'occasion de la mince dispute sur le vers 38 des Nuées d'Aristophane, la vivacité de ton de V. – «Lettre de Mr La Croze à l'auteur de ces Nouvelles contenant diverses remarques de littérature» (N.R.L., sept. 1704, p. 278-296). V. discute une lettre de Ruchat parue dans les N.R.L., mai 1704, p. 518-537 : les Pères de l'Eglise n'ont rien produit que d'excellent. Le P était connu des Hébreux. V. réfute ces deux positions, il se réfère pour la question du P, non seulement à l'hébreu, mais aux langues voisines : arabe, éthiopien, copte : «les Turcs et les Persans qui se servent de caractères arabes pour écrire les mots de leur langue, ont été obligés d'inventer un nouveau point diacritique qui change les B arabes en P turc ou persan». V. revient ensuite à son débat de 1702 avec Barbeyrac. – «Lettre d'un scavant de Berlin à un ami d'Utrecht, où l'on trouve une pièce chinoise assez curieuse» (Histoire critique de la République des Lettres, t. III, 1713, p. 272-276). V. donne l'oraison dominicale dans la langue de la province Chio-Chiu tirée du ms. du P. Diaz (voir Miscellanea Berolinensia, 1710, p. 84­88, art. de V. sur le ms. chinois du P. Diaz conservé à la Staatsbibliothek de Berlin). – «Réflexions sur la nouvelle édition du Traité de la mort des persécuteurs, imprimé avec une dissertation de Dom Nicolas Le Nourry, moine bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, à Paris chez Jean Baptiste de l'Epine, l'an 1710» (Journal littéraire, t. VII, 1715, p. 1­29). Le P. Le Nourry avait soutenu que le traité De mortibus persecutorum n'était pas de Lactance. V. entreprend de le réfuter avec sa rudesse habituelle : «D. Le Nourry n'entend assez ni le latin, ni l'antiquité, ni le grec pour s'ériger en juge d'une pièce de cette conséquence [...], sa dissertation ne doit faire aucune impression sur l'esprit de ceux qui en la lisant attentivement n'auront aucun autre but que la découverte de la vérité». – «Lettre de M. La Croze sur les deux lettres arméniennes qu'on trouve dans le tome X de l'Hist. crit. de la Répub. des Lettres» (Journal littéraire, 1716, 1er part., 1716, p. 76-81). V. indique que les deux lettres arméniennes qu'avait publiées Wilkins, l'une de l'Eglise de Corinthe à Paul et l'autre de Paul à cette église sont des apocryphes rédigés au Xe siècle contre les hérésiarques Pauliciens. – «Défense de la mémoire de feu M. Ludolf, contre les accusations que Mr. l'abbé Renaudot lui a intentées dans son Histoire des Patriarches d'Alexandrie et dans les deux volumes de son recueil de Liturgies orientales» (Journal littéraire, t. IX, 1717, p.217-235). – « Examen désintéressé du livre que Mr. 1' abbé Renaudot a mis au jour sous le titre de Défense de l'Histoire des Patriarches d'Alexandrie, et de la Collection des Liturgies orientales, contre un écrit intitulé : Défense de la mémoire de feu M. Ludolf etc. imprimé à Paris, 1717» (Europe savante, t. X, 2e part., art. VI, p. 230-280). – «Suite de l'examen désintéressé» (ibid., t. IX, 1er part., art. III, p. 28-69). – « Extrait d'une dissertation de M. de La Croze, adressée au roi de Prusse, sur un Priape que l'on observe dans son cabinet » (dans Recueil de littérature, de philosophie, et d'histoire, Amsterdam, 1730, p. 62-65). Des remarques ethnographiques complètent la recherche historique.

Dans L'Europe savante, V. a publié un article : «Examen désintéressé du livre que M. l'abbé Renaudot a mis au jour sous le titre de Défense de l'Histoire des Patriarches d'Alexandrie, et de la Collection des liturgies orientales, contre un écrit intitulé Défense de la mémoire de feu M. Ludolfe», août 1719, art. 6, t. X, p. 231-280 ; suite dans le t. XI, p. 28-69 ; voirie mémoire manuscrit de la Maz. A 15447, de Lévesque de Burigny.

Dans la Bibliothèque germanique, t. XXXII, 1735, p. 116-126 (B.N., Z 43194), substance d'une lettre à Jordan sur le système du P. Hardouin. La lettre se retrouve dans le Voyage littéraire de Jordan. – «Lettre [...] à M. de Beausobre sur l'extrait que les Journalistes de Trévoux ont donné de son Histoire du manichéisme dans leur mois de février 1735» (Bibliothèque germanique, t. XXXV, p. 127-129). V. prend la défense de Beausobre contre les Jésuites de Trévoux qualifiés d'«insolents et malins», le journaliste d'«impudent et malicieux faussaire», de «franc ignorant», etc. – «Lettre de Mr. La Croze à Monsieur de Beausobre sur le premier article du

t. XXIV de la Bibliothèque françoise» (Bibliothèque germanique, t. XXXVIII, 1737, p. 142-152). «Nous voyons enfin plus clair que jamais le but et les motifs du système du P. Hardouin ». V. rappelle qu'il a écrit contre le système du P. Hardouin trente ans auparavant : «Mon principal but [...] était de faire voir que la Société des Jésuites haïssait de tout temps les monuments ecclésiastiques sur lesquels on appuyé les principales vérités de la religion. Comme le P. Hardouin avait forgé dans son cerveau une prétendue officine ou boutique, où dans le XIIe ou le XIIIe siècle, il disoit qu'il avoit fabriqué la plupart de ces prétendus monuments sous la direction d'une personne qu'il nommoit Severus Archontius, [...] j'ai découvert le premier que ce nom de Severus Archontius étoit pris de Vopiscus». – «Remarques sur Tiran le Blanc» (Mercure et Minerve, 1737, n° IX).

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 35502-35513, ajouter une lettre de V. sur la version arménienne du Nouveau Testament, dans Beausobre et Lenfant, Le Nouveau Testament, Amsterdam, 1718,2 vol., in-40, p. CCXI-CCXII. V. note avec force l'importance de la version arménienne du Nouveau Testament : « selon moi la reine de toutes les versions du Nouveau Testament». Voir l'Epître A Monsieur de La Croze Bibliothécaire de Sa Majesté Prussienne, dans Œuvres mêlées, de Mr. De R[oseI] B[eaumont], Amsterdam, 1727, p. 46-58.

8. Bibliographie

8. Cior 18 («La Croze, Mathurin Veyssière de»). – Formey, Eloge de M. de La Croze, dans Eloges des académiciens de Berlin, Berlin, 1757, t. II, p. 63-79. – Jordan CE., Histoire de la vie et des ouvrages de M. La Croze, Amsterdam, 1741.