TOURNEMINE

Numéro

775

Prénom

René de

Naissance

1661

Décès

1739

1. État-civil

René Joseph de Tournemine naquit le 26 avril 1661 à Rennes d'une famille d'ancienne noblesse (voir la généalogie qui remonte aux Plantagenet dans Moreri). Toutefois, Sommervogel donne la date du 2 avril. Aîné des quatre fils de Jean Joseph de Tournemine, baron de Camsillon, et de Marie de Coëtlogon, fille de René de Coëtlogon, lieutenant du roi en Haute-Bretagne. Il parlait volontiers de sa haute naissance (B.F., p. 121) jusqu'à en indisposer ses visiteurs. «Il languit les trois derniers mois de sa vie» (B.F.), «avec une patience inaltérable dans les douleurs de la maladie » (Lettre) et mourut le 16 mai 1739.

2. Formation

Etudes de philosophie en Bretagne. Il entre chez les Jésuites à dix-neuf ans, le 30 août 1680. Profession solennelle des quatre vœux : 2 février 1695 (Nicéron).

3. Carrière

Il régenta à Rouen, sept ans les humanités, deux ans la philosophie, six ans la théologie, puis, à la fin de l'année 1701, il est appelé à Paris «pour être à la tête» des Mémoires de Trévoux (Moreri ; Sommervogel, Essai historique). Il est scriptor de 1702-1703 à 1708, de 1710 à 1711-1712, en 1714-1715 et de 1716-1717 à 1718-1719 (D.F., t. III, p. 35).« Confessarius in templo», puis préfet de la congrégation des pensionnaires, il dirigea le journal jusqu'en 1719, date à laquelle il devint bibliothécaire de la maison professe. En 1725, il est chargé de continuer l'Histoire littéraire de la Société, fait venir des mémoires de chaque province et des Archives de Rome. Finalement il ne peut remplir ses engagements (Sommervogel). Il était aussi employé aux Missions du Royaume (Caen, Soissons, Compiègne, Pontoise, Chartres, etc.). Il donnait une retraite à Saint-Sulpice chaque année. Il fut chargé de ces retraites pendant 35 ans (Lettre).

5. Opinions

«Il laissait envahir sa chambre par une foule de libertins auxquels il se résignait à ne pas parler latin avec le secret espoir de les convertir mieux» (D.F., t. I, p. 131). Comme directeur de la bibliothèque, il s'occupait des élèves brillants (voir Pappas, concernant son influence sur Voltaire). Lié à Fontenelle, il était vice-président de l'assemblée qui se tenait tous les jeudis à la bibliothèque du cardinal de Rohan. Il y rencontra Montesquieu qui trouvait que T. y voulait dominer et obliger tout le monde à se plier à ses opinions (Montesquieu, Correspondance, Œuvres complètes, éd. A. Masson, Paris, 1950-1955, t. III, p. 783, 1343). Les relations avec Voltaire se refroidirent au moment des Lettres philosophiques. Partisan de Corneille, contre Racine accusé de jansénisme, T. eut de nombreuses polémiques : controverse avec le P. Hardouin, avec Leibniz, touchant l'origine des Français. Berthier se félicite qu'il ait empêché les progrès du « hardouinisme » (Sommervogel). «Il savait rarement se contenir» (B.F.). En 1701, il publia ses Douze impossibilités du système du P. Hardouin. Sept ans plus tard, dans les Mémoires de Trévoux, il attaqua de nouveau le P. Hardouin, qui dut rétracter ses propos offensants. On lui attribua des écrits anti-jansénistes, qu'il désavoua à plusieurs reprises (Sommervogel). Les nombreuses controverses suscitées par les Mémoires de Trévoux sous sa direction firent ôter aux Jésuites le privilège du duc du Maine. Ils durent quitter la principauté de Dombes (dont Trévoux était la capitale), et firent imprimer le journal à Lyon pendant quelques années, puis à Paris (Essai historique). «L'homme le plus laid de son siècle» (DF, t. I, p. 131) entretint «une correspondance active avec les savants les plus distingués de la France et des pays étrangers » (Sommervogel). Le président Bouhier, Voltaire, le cardinal de Noailles, sont parmi ses correspondants (voir B.N., f.fr. 11912, 20973, 24420, 24469 ; Ars., ms. 10016 ; Chantilly, n° 375 ; B.U. Leyde, fonds Marchand ; Bodleian Library, Oxford, fonds d'Orville ; B.V. Abbeville, n° 105. Renseignements collectés par F. Weil).

6. Activités journalistiques

il fut appelé à la direction des Mémoires de Trévoux à la fin de 1701 (Moreri ; Faux, p. 148), et en gardera le contrôle, soit personnellement, soit par argent interposé (tel le R.P. de Blainville de 1712 à 1719) jusqu'à sa nomination à la maison professe en décembre 1718. Il fut à l'origine de la rubrique des nouvelles littéraires, qu'il recevait de Desmaizeaux (lettre de Ganeau, B.L., add. mss 4284, f° 1, 5 sept. 1713). « II continua jusqu'à sa mort à fournir de nombreuses et remarquables dissertations» (Faux). Cependant, en 1733, CE. Jordan affirme qu'«il n'y travaille plus» (Histoire d'un voyage littéraire, La Haye, 1735. P- 121). On relève au total dans Sommervogel ainsi que dans la notice de Nicéron 84 titres d'articles de T., dont 53 dans les Mémoires de Trévoux et 12 dans le Mercure. Les sujets traités sont les plus divers, «Belles-lettres, éloquence, physique, morale, métaphysique, théologie, histoire ancienne et moderne, sacrée et profane, les Médailles, la Chronologie, la Géographie, la Fable, tout [était] de son ressort» (Nicéron).

Il a publié une «Lettre du P. Tournemine, jésuite, à M *** où il répond aux objections de M. de Leibniz et de M. Eccard », dans le Journal des savants, janvier 1722, p. 414-416.

7. Publications diverses

7. Daphnis et Chloé, poème en six chants (publié d'abord en celte à Rennes, 1679), traduit de la langue celtique par M.B., Paris, 1789. – Biblia sacra latine, Paris, 1706. – « Réflexions sur l'athéisme», dans la 2e éd. (Paris, 1713) de la Démonstra­tion de l'existence de Dieu, par Fénelon. – Ibid., nouvelle édition augmentée des réflexions du P. Tournemine, Paris et Avignon, 1776. – Panégyrique de saint Louis, roi de France, Paris, 1733 ; ibid., 1734. – Essai de la science universelle où il est traité des principes généraux de toutes les sciences et de la meilleure manière de les apprendre. Traité sur le déisme : «Les deux premiers volumes étaient presque entièrement achevés lorsqu'il mourut» (Sommervogel). – Mémoire dans lequel on répond à diverses questions sur l'étendue du pouvoir du premier ministre et sur la manière de l'exercer.

8. Bibliographie

Moreri ; Nicéron, t. XIII ; Sommervogel, t. VIII, p. 179­194 ; D.N.B. ; D.T.C. Mémoires de Trévoux, nov. 1733,

p. 1927-1977 ; «Lettre au sujet de la mort du P. Tourne-mine», 17 mai 1739 (signée de Belingan S.J.), sept. 1739,

p. 1964-1974. – (B.F.) Bibliothèque française, «Lettre sur divers sujets de littérature», t. XXXI, 1739, p. 115-123. – Sommervogel C, Essai historique sur les Mémoires de Trévoux, Paris, 1864. – (DF) Dupont-Ferrier G., Du collège de Clermont au lycée Louis-le-Grand, Paris, 1921. – Faux J.M., «La fondation et les premiers rédacteurs des Mémoires de Trévoux», Archivum historicum Societatis Jesu, 1954, p. 131-151. – Pappas J., «L'influence de R.J. Tournemine sur Voltaire», Annales de Bretagne, 1976, p. 727-735. – Sgard J., «Chronologie des Mémoires de Trévoux», D.H.S., n° 8, 1976, p. 189-192. – Pierron A., Voltaire et ses maîtres, 1886, p. 121-137. – Naves R., Le Goût de Voltaire, Paris, 1938. – Berti S., «Il Journal littéraire et il Tournemine : il senso di un colloquio in due lettere inédite (1714) », Nouvelles de la République des lettres, 1982, fasc. 1, p. 152-172.