ROBINEAU DE BEAUNOIR

Numéro

693

Prénom

Alexandre

Naissance

1746

Décès

1823

1. État-civil

Alexandre Louis Bertrand Robineau, dit de Beaunoir, naît à Paris le 4 avril 1746. Il est fils d'un notaire de Paris, qui avait été secrétaire du roi (B.U.C.) et qui a laissé plusieurs ouvrages manuscrits sur l'économie politique. En 1781, R. épouse Mlle Louise Céline Cheval, morte le 19 janvier 1821, à l'âge de cinquante-cinq ans (B.Un.). Le ménage a laissé un fils, Guillaume Louis, né à Paris le 1er mars 1783, et qui a exercé le métier de vitrier. Vers 1807, celui-ci s'installe à Bruxelles sous le nom de Robineau de Beaunoir (L, p. 444­445). R. meurt à Paris le 5 août 1823.

2. Formation

Résistant au désir de son père qui veut lui céder sa charge de notaire, R. quitte la maison paternelle pour se consacrer à la littérature légère et, vers 1771, il prend le petit collet. L'habit ecclésiastique facilitait souvent à l'époque, on le sait, l'entrée dans le monde des lettres. En 1789, il est frère orateur de la loge du Contrat-Social à Paris.

3. Carrière

R. a écrit environ 200 pièces d'une gaieté légère et spirituelle qui plut beaucoup au public. Seulement une trentaine de ces pièces ont été imprimées (A, p. 20-22). La plupart furent représentées sur les théâtres de boulevard, entre 1768 et 1780, sur le théâtre de Nicolet et, pendant les années suivantes, tant au Théâtre des Variétés amusantes qu'au Théâtre-Italien. Vers 1769, il obtint par un ami une place à la Bibliothèque du Roi, ce qui lui assurait un revenu régulier, le dramaturge n'étant pas toujours bien payé. L'Amour quêteur, petite comédie assez scandaleuse, fut représentée le 22 octobre 1777. Elle est considérée comme le véritable début dramatique de R. L'archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, en fut toutefois si indigné que l'auteur fut obligé de choisir entre l'état ecclésiastique et le théâtre. Le choix ne fut sans doute pas trop difficile : il choisit le théâtre après avoir défroqué. Ce fut à cette époque qu'il prit le nom de Beaunoir, anagramme de Robineau. Ainsi, il put continuer d'écrire des pièces. Jérôme Pointu, représenté le 13 juin 1781, lui valut une réputation européenne et, en 1783, cette pièce fut même traduite en allemand à Vienne par F.W.L. Meyer (B.Un.). En 1782, IJI Nouvelle Omphale fut représentée au Théâtre-Italien. On donna, en 1783, sa Thalie à la Foire et les Pointu et, en 1784, Eustache Pointu chez lui, ou qui a bu boira, pour ne citer que quelques exemples. Même si le public aimait beaucoup les comédies de R., ses confrères à la Bibliothèque du Roi n'appréciaient pas sa réputation d'auteur libertin. Et par la suite, R. fit représenter ses pièces sous le nom de sa femme, bien que, selon toute probabilité, elle n'en ait pas écrit une seule ligne ; elle n'était qu'un prête-nom (A, p. 24-25). Dans les M.S., on lit à la date du 26 octobre 1786 : «Madame de R., sous le nom de laquelle son mari a imaginé de donner quelquefois ses pièces, quoiqu'elle soit incapable de composer la moindre chose». En 1788, R. se rendit à Bordeaux, où il avait acheté le privilège d'une charge de directeur de théâtre. Très vite, il connut des difficultés d'ordre financier, et dut prendre la fuite pour échapper à ses créanciers. Ruiné, il rentra à Paris. Peu après, il quitta la France pour la Belgique, terrifié par les progrès de la Révolution. R. s'y consacra à rédiger des journaux et à écrire des brochures. Il se trouva en pleine révolution brabançonne. Il ne réussit pas à rester neutre : il s'introduisit à tour de rôle dans les partis opposés et les trahit successivement (L). «La nécessité de se loger et de se nourrir prima tout autre sentiment, même celui de l'honneur» (A, p. 28). Il s'installa d'abord à Bruxelles où, entre autres, il fit paraître l'Histoire secrète et anecdotique de l'insurrection en Belgique ou Vander-Noot, drame historique en cinq actes et en prose, dédié à S.M. le Roi de Bohême et de Hongrie, traduit du flamand de Van Schôn Schwartz, Gantois, par M.D.B., pièce historique qui fit scandale. Il est à noter que Van Schôn Schwartz est une traduction directe de Beau-noir. De nouveau, il fut obligé de s'enfuir. Le 18 mai 1790, il se rendit en secret à Amsterdam. En Hollande, il écrivit une amère satire politique, intitulée Les Masques arrachés ou Vies privées de L.E. Henri Vander-Noot et Van Eupen, de S.E. le Cardinal de Malines et de leurs adhérens, par Jacques Le Sueur. Tout amère et effrontée qu'elle soit, cette brochure eut, paraît-il, plus de douze éditions (L, p. 433 ; Quérard, Les Supercheries, art. «Le Sueur» et «Schoen-Swartz»).

R. ne put rester en Hollande n'ayant pas de quoi vivre. C'est vraisemblablement à cette époque qu'il passa à Neuwied, car, à en juger par ses articles signés et publiés dans la Correspondance littéraire secrète, il s'y trouva entre le mois de septembre 1790 et le mois de mars 1791 (H, p. 105 et suiv.). A la Société typographique de Mettra à Neuwied, ilfit publier, sous l'anonymat, le Voyage sur le Rhin, depuis Mayence jusqu'à Dusseldorf, remaniement d'un ouvrage allemand, Reise auf dem Rhein, 1789, de J.G. Lang, auquel il a ajouté quelques passages qui intéressent surtout Neuwied (Johansson, p. 67-68). Dans le Voyage sur le Rhin, on apprend, que R. avait confié son fils aux soins des frères Herrnhouts, de confession évangélique (p. 140). Au printemps de 1791, R. retourna en Belgique. Il se rendit cette fois à Liège. Après la bataille de Neerwinden (18 mars 1793), on retrouve R. à Bruxelles. Le 2 avril R. publia, dans le Magasin historique et littéraire ou Journal de Bruxelles, «un grand morceau de chant», qui témoigne de l'amour qu'avaient les «Brabançons pour le jeune souverain, sa famille et son gouvernement» (L, p. 438-439). Le 30 avril, l'archiduc Charles assista à une scène lyrique de R., Hommage de Bruxelles. R. retourna sans doute encore une fois à Neuwied. Il est en effet fort possible qu'il y ait passé l'été de 1793, ce qui n'empêche pas qu'il ait pu être aussi, la même année, rédacteur du Journal de Bruxelles (L, p. 439 ; H, p. 113 et suiv.). Par la suite, R. voyagea beaucoup. Il se rendit en Allemagne, à Hambourg et à Berlin. En 1796, il écrivit Les Libellistes, drame qui fut joué à Berlin en 1797. A cette époque, l'impératrice Catherine II l'invita à se rendre en Russie, mais lorsqu'il y arriva, en 1796, elle était déjà morte. Son fils, Paul 1er, le nomma cependant directeur des trois théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg. En 1798, il fut banni de Russie avec tous les Français qui s'y trouvaient.

R. se rendit alors à Berlin, où il devint lecteur de la reine Louise Wilhelmine Amélie. Il écrivit plusieurs pièces qui furent traduites en allemand. En 1801, il rentra en France, où il se fixa à Paris pour le reste de ses jours. Plusieurs personnages étrangers avaient choisi R. comme leur correspondant littéraire, entre autres Jérôme Bonaparte, devenu roi de Westphalie. Il continua, en outre, de travailler pour le théâtre, n'oubliant jamais de célébrer Napoléon. Au total, les pièces de théâtre écrites par R. entre i8oieti8i3 eurent peu de succès. Célébrant le retour des Bourbons, R. retourna le sujet de son Thrasyhule et composa ainsi, en 1814, un drame en trois actes et en prose, non représenté, sous le titre de Thrasyhule, ou l'Amnistie d'Athènes. Récompensé de son dévouement, il obtint à la Restauration un emploi à la division littéraire du ministère de la Police, puis au bureau des gravures au ministère de l'Intérieur, une véritable sinécure, position qu'il garda jusqu'à sa mort survenue en 1823.

Au cours de ses dernières années, R. publia quelques pamphlets, commandés par les administrations successives. On peut citer Le Mieux est l'ennemi du bien, brochure parue en 1819, dans laquelle il s'oppose à la proposition de Barthélémy au sujet du changement de la loi des élections du 5 février 1817. La même année parut La Liberté de la presse garantie par la censure. L'Arc-en-Ciel (1820), contient quelques scènes allégoriques au sujet de la naissance du duc de Bordeaux. En 1822, il publia Petite Logique à l'usage de nos grands orateurs. Vers la fin de sa vie, il travaille avec Chaalons d'Argé à la Bibliothèque dramatique et théâtrale, consacrée à l'histoire de tous les théâtres de Paris. Enfin, l'année même de sa mort, R. fit publier un roman historique en deux volumes, Attila ou le fléau de Dieu (B.Un. ; L, p. 443). Bien que R. changeât d'idées littéraires aussi souvent que d'opinions politiques, il finit sa vie comme un aimable vieillard : «c'est que cet homme, malgré toutes ses faiblesses et toutes ses déplorables erreurs, avait en lui quelque chose qui l'élevait au-dessus de ces mesquineries et de ces laideurs, et qui, dans sa vieillesse, fit de lui le bonhomme que ses rares amis aimaient et respectaient» (A, p. 31).

4. Situation de fortune

Menant une vie très agitée et se mêlant autant aux controverses littéraires qu'aux remous politiques, R. n'avait souvent pas de situation financière solide. Ayant renoncé à la fortune de son père, c'est grâce à son emploi à la Bibliothèque du Roi qu'il put se consacrer à la littérature. Dans une lettre écrite à R. par Nicolet, probablement en 1775, on apprend qu'il était payé «dix-huit francs la pièce». Nicolet le priait aussi « de n'en pas présenter plus de trois par semaine » (A, p. 24). Lorsqu'il quitta la Bibliothèque du Roi, en 1788, il fut assez bien rémunéré : «j'obtins [...] mes appointements en pension, que M. le Noir, alors bibliothécaire du roi, eut la bonté de me faire rembourser sur les fonds même de la bibliothèque, outre une gratification de cent louis que le roi m'accorda sur le trésor royal, dont je conserve le bon» (Le Vengeur, n° 29, juil. 1791, p. 295). Afin de pouvoir s'installer comme directeur de théâtre à Bordeaux, R. dut acheter le privilège à un médecin de Monsieur, frère du roi, pour 800 000 £. Il lui fallait en plus obtenir le privilège signé par le maréchal de Richelieu, gouverneur de la province, privilège que le baron de Breteuil fit ensuite signer au roi, «petits agrémens» qui valaient 600 000 £. Lors de son arrivée à Bordeaux, une nouvelle difficulté surgit. Son prédécesseur, le comte de Fumel, directeur de la Comédie, ne voulut pas renoncer à une place qui lui valait 600 000 £ par an. Fumel, dont la fille était mariée avec l'un des beaux-frères de Mme Du Barry, défendit même à R. de «mettre les pieds dans la salle du spectacle pour en prendre possession», sous peine de « pourrir dans un cachot », duquel il ne sortirait «jamais vivant». Fumel reçut cependant «l'ordre du Baron-Roi» de mettre R. en possession de son privilège. Pour faire face aux engagements qu'il venait de contracter, R. dut prendre deux associés : «l'un étoit le caissier général des fermes de Bordeaux, qui [lui] avoit fourni un cautionnement de neuf cent soixante mille livres ; l'autre étoit le joyaillier du comte d'Artois, qui devoit [lui] livrer comptant trois cent mille livres». La première année, il gagna 89 000 £ ; l'année suivante, la recette montait à 540 000 £. Ses deux associés firent cependant banqueroute et voilà R. engagé pour I 400 000 £. Il dut revendre son privilège en faisant une perte considérable (Voyage sur le Rhin, p. 128 ; Le Vengeur, juil. 1791, p. 295-299). Il dit lui-même (p. 299) : «Je quittai Bordeaux avec quatorze louis dans ma poche, y laissant ma chaise de poste faute d'avoir de quoi payer les chevaux : en passant à Nantes trois spadassins apostés m'y assassinèrent, & je fus obligé pour continuer ma route d'y vendre la dernière pièce de mon argenterie que j'avois apportée de Paris à Bordeaux ; en traversant Paris je fus forcé d'y donner ma bibliothèque pour un morceau de pain, enfin je me rendis à Bruxelles». Lors de son séjour en Belgique, ce sont ses interminables difficultés financières qui portèrent R. à soutenir tour à tour le gouvernement aristo-théocratique et les adversaires de celui-ci. Toutefois, l'on sait que Metternich lui accorda, de 1793 jusqu'au mois de juillet 1794, un traitement de 2400 francs. R. avait été rédacteur du Journal de Bruxelles, mais à cause de son attitude favorable aux Français, adversaires des Belges, il dut cesser d'y écrire. A sa mort en 1823, R. était sans fortune, bien que sa production dramatique lui eût rapporté plus de 100 000 écus (L, p. 443 ; A, p. 30 ; B.Un.).

5. Opinions

Installé à Bruxelles, R. exprima d'abord hautement ses opinions en faveur de la maison d'Autriche. Après la retraite des troupes autrichiennes, toutefois, il dut vendre ses services au parti régnant d'Henri Van der Noot afin de gagner sa vie. II essayait de vivre de sa plume, mais les quelques pièces représentées à Bruxelles ne rapportaient pas beaucoup, paraît-il. Lorsque le Congrès, Van der Noot et le chanoine Van Eupen refusèrent de lui accorder le brevet d'officier dans l'armée belge qu'il avait sollicité, il leur tourna carrément le dos. A la même époque, il fut mêlé à une querelle entre la Pineau, maîtresse de Van der Noot, et la Dubuisson, comédienne française. R. prit parti pour cette dernière. Les autorités accusèrent la Dubuisson d'avoir un salon dans lequel se nouaient des intrigues en faveur de l'Autriche. R. finit alors par trouver le climat de Bruxelles malsain. Et pour se venger du tort que, à ses yeux, Van der Noot lui avait causé, il écrivit le libelle Vander Noot. Ensuite, il se tourna vers les vonckistes, opposés à Van der Noot, chez lesquels il se présentait sous le nom de comte ou vicomte de Beaunoir, mais aussi comme baron de Bamberg. Ce changement d'opinion et de parti semble être dû uniquement au besoin d'avoir de quoi vivre. Au sujet de la Révolution française, R. exprimait nettement ses pensées. Même si, tout au début, il ne désapprouvait pas entièrement les idées révolutionnaires, il ne pouvait toutefois pas applaudir à tous les progrès de la Révolution. Il l'explique amplement dans sa Lettre d'un impartial : «enfin j'ai versé autant de larmes de joie à la fédération du 14 juillet 1790, que j'en avois répandu de douleur & de honte sur les journées du 14 juillet, du 6 octobre 1789, & sur ce décret impolitique, injuste, odieux, qui prononce l'extinction de la noblesse françoise. Depuis ce décret je n'entends parler que de crime de lèse-nation & de projets de contre-révolution ». En effet, il termine en déclarant sa prise de position contre-révolutionnaire : « la contre-révolution se tentera, elle réussira, & fera la gloire de la France & le bonheur du Peuple». La lettre «A Monsieur M***», imprimée dans l'opuscule intitulé Le Royaliste, ou Lettres d'un Français réfugié sur les bords du Rhin, donne un autre témoignage du même point de vue. R. se compare ici à Mettra, l'éditeur de la Correspondance littéraire secrète, à qui il semble avoir adressé la lettre (H, p. 106). En résumé, et même s'il trouve, au début surtout, que certaines de ses idées sont assez bonnes, R. réprouve intensément la Révolution. Ce sont les excès, les exagérations, les actions répugnantes et outrées qui le révoltent. C'est pourquoi il prédit la contre-révolution et affirme son futur succès. Ce sont là des idées que l'on retrouvera dans les derniers numéros de la Correspondance littéraire secrète. Après son retour en France en 1801, R. se montra nettement royaliste, attitude qu'il garda jusqu'à sa mort.

6. Activités journalistiques

Les activités journalistiques de R. ne durèrent que quelques années. Il est possible qu'il ait donné, avant 1789, quelques comptes rendus à la Correspondance littéraire secrète, mais c'est vraisemblablement son séjour agité en Belgique et la nécessité de vivre qui firent de lui un journaliste. Ainsi, au début de 1790, R. édita quelques numéros d'une feuille qu'il intitulait Journal de Bruxelles, et qui remplaçait le Magasin historique et littéraire (il ne faut pas confondre ce journal avec Le Journal de politique et de littérature, généralement appelé le Journal de Bruxelles, par Linguet, La Harpe et autres). Le journal de R. était «dédié à la Patrie idole des grandes âmes, toi [...] qui consacres à l'immortalité les noms sacrés des Brutus, [...] des Van der Noot, des Van der Mersch, c'est à toi que nous vouons ce Journal». C'est une feuille de 8 p., petit in-8°, hebdomadaire, dont le premier numéro porte la date du 1er janvier 1790 (L, p. 424 ; B.H.C., p. 289). R. prenait ses sujets dans des gazette françaises et belges. Le texte était plat et insignifiant. N'y trouvant rien que des nouvelles françaises, les lecteurs finirent par témoigner au rédacteur leur mécontentement. Dans les Masques arrachés, R. lui-même donne, au sujet du Journal de Bruxelles, un compte rendu qui n'est guère flatteur : « [Le] rédacteur de ce pitoyable journal qui le faisait pour un morceau de pain, & qui, pour flatter le bon goût des Bruxellois, le commençait, Au nom du Père, du Fils & du Saint-Esprit, par une lamentable vie des saints, puis suivaient quelques sarcasmes, contre les philosophes modernes & contre l'Assemblée nationale de France, puis des lettres des héros de l'armée brabançonne, & le tout finissait par de longs éloges des acteurs de Bruxelles qui sont détestables». C'est Van der Noot qui fait les frais de ce journal (t. II, p. 184-185). Selon L'Oracle du 11 août 1823, R. fut, en 1793 également, rédacteur du Journal de Bruxelles, mais «Metternich finit par interdire la publication de ses articles parce qu'il s'y montrait trop favorable aux armées françaises qui menaçaient » les frontières de la Belgique (L, p. 439).

Le 6 avril 1791, R. fit paraître à Liège le premier numéro de la feuille périodique Le Vengeur, où il exprime ses opinions contre-révolutionnaires. En même temps, il publia L'Ami des hommes, journal historique et littéraire. A partir du numéro 27, il fondit ensemble les deux feuilles, sans doute à cause du nombre restreint d'abonnés. La nouvelle publication eut le titre Le Vengeur et l'Ami des hommes. Il y eut en tout 52 numéros, le dernier est daté d'octobre 1791. R. y relate avant tout des nouvelles de France, mais on y trouve aussi des articles favorables à la cour autrichienne et, bien entendu, des remarques blessantes au sujet de Van der Noot. Les numéros 27 et 29 surtout nous intéressent car ils renferment de nombreux renseignements sur R. lui-même. Il explique entre autres pourquoi il s'est détourné du théâtre : «J'ai quitté la carrière dramatique quand je l'ai vue souillée par des athlètes séditieux, qui se détournant du vrai but de la comédie, qui est de corriger les mœurs par le ridicule, n'offroient plus aux yeux de leurs spectateurs que les tableaux les plus dégoûtans, & livroient aux huées du peuple ce que les hommes ont des [sic] plus cher & de plus sacré, le trône & ses soutiens, l'autel & ses ministres» (p. 273).

Au mois de septembre 1790, R. se trouva à Neuwied, où il collabora à la Correspondance littéraire secrète de Mettra. « [Ce] fut à Neuwied que je trouvai mon Dieu tutélaire, qui m'engagea à prendre la plume pour venger l'autel & le trône : il m'enflamma des feux de sa philantropie, il me rendit mon amour pour les hommes, il assura mon sort, & me mit au-dessus des besoins» (Le Vengeur, juil. 1791, p. 302-303). La Lettre d'un impartial fut d'abord imprimée dans ce journal. Datée de Neuwied, le 30 septembre 1790, elle est répartie entre six numéros : les numéros 40, 25 sept. 1790 ; 41, 2 oct. 1790 ; 43, 16 oct. 1790 ; 44, 23 oct. 1790 ; 45, 30 oct. 1790 et 46, 5 nov. 1790. Parmi les articles signés Beaunoir dans la Correspondance littéraire secrète, on peut aussi signaler quelques morceaux de poésie légère : « Le dialogue entre un paysan et sa femme», «Lendemain de noce», «La résistance amoureuse» et «Les faveurs du sommeil», dans les numéros 50, 5 déc. 1790 ; 7, 13 févr. 1791 ; 8, 20 févr. 1791 et 10, 5 mars 1791 (d'ailleurs également publiés dans la Chronique scandaleuse d'Imbert de Boudeau, t. V, 1791). Dans les «lettres à l'éditeur» écrites par R., il traite entre autres son thème favori à l'époque : révolution et contre-révolution. C'est au sujet d'un pamphlet intitulé L'Evêque-Prince de Liège à son peuple que R. prend le parti du Français qui a vaincu le despotisme mais non pas le roi (n° 52, 19 déc. 1790).

Est-il possible d'attribuer d'autres articles à R. ? A l'époque où il publia l'Histoire de Vander-Noot, au cours de l'été de 1790, on trouve, dans la Correspondance, deux morceaux pleins d'allusions à Van der Noot : d'une part «Le Soleil et les grenouilles, apologue, par Van Schoon Swerts, Gantois», d'autre part «Vers pour mettre au bas du buste de S.E.M. Vandernoot, agent plénipotentiaire de la Belgique, promené dans les rues de Bruxelles, et installé par les capons et les volontaires de cette ville, dans le cabaret du Corbeau par Van Schon-Swartz». Juste après ce Vers se trouve une longue citation de l'Histoire secrète & anecdotique [...] ou Vander-Noot, ouvrage qui, en plus, se vendait à Neuwied, précise-t-on (n° 29, 10 juil. 1790 et n° 31, 22 juil. 1790). Tant le pseudonyme et le contenu que le ton et le style rendent l'attribution à R. fort vraisemblable (H, p. 111-112).

En 1793, la Correspondance littéraire secrète eut un nouveau rédacteur (D.P.1 235). Est-il possible que R. rédigeât alors la gazette ? C'est ce que pense V. Johansson qui constate que la nouvelle attitude de la Correspondance littéraire secrète à partir d'avril 1793 rappelle parfaitement les opinions politiques de R. De plus, le style enflé, emphatique et pompeux des articles de la gazette à l'époque correspond fort bien à la prose journalistique de R. (1930, p. 182). Les numéros parus entre le 27 avril et le 3 août 1793 sont datés de Neuwied et signés Le Baron de ***. Justement, R. employait, dans les Masques arrachés, le nom du baron de Bamberg : «Je me fis annoncer chez le chanoine Van-Eupen, sous le titre du baron de Bamberg, seigneur prussien» (t. I, p. 57). Peut-être le baron de Bamberg se cache-t-il derrière le pseudonyme le Baron de ***. Beuchot nous apprend en outre que R. fut l'un des successeurs d'Imbert pour la rédaction de la Correspondance littéraire secrète (B.Un., art. «Imbert»). De même, Lesueur signale R. comme rédacteur de la Correspondance à Neuwied (N.B.G., art. «Imbert de Boudeau»). Si l'on compare les articles du Baron avec ceux du journaliste R., on constate vite la ressemblance évidente de ton et de style aussi bien que de vocabulaire. Dans son premier numéro, daté du 27 avril 1793, le Baron se présente comme un bon citoyen français, qui veut de bonnes et justes lois, qui aime l'ordre et qui exècre les outrances de la Révolution.

Dans la Lettre d'un impartial, R. avait déclaré son loyalisme envers son roi, il s'était plaint du «despotisme tyrannique des ministres» et il s'était réjoui que «les trônes de mille tyrans injustes & superbes » fussent remplacés par « des juges modestes». Tant R. que le Baron considèrent l'impartialité du journaliste comme extrêmement importante. Dans Le Vengeur (n° 27, 1791, p. 273), R. s'exclame que «l'indignation [l'avait] fait journaliste» ; Baron s'exprime d'une façon comparable (n° 16, 27 avril 1793). Dans la Lettre d'un impartial, R. discute de la Révolution et de la contre-révolution. L'analyse que donne le Baron, le 21 juin 1793 (n° 32), de la contre-révolution est plus élaborée que celle de R., sa haine des Jacobins est plus implacable que l'aversion de R. contre l'Assemblée nationale. On osera donc avancer que R. se cache derrière le pseudonyme «le Baron» (H, p. 112-125).

Vers la fin de sa vie, R. s'occupait entre autres à rédiger des articles sur le théâtre dans le journal Le Publiciste.

7. Publications diverses

7. Cior 18, n° 53526-53561. Y ajouter : L'Espion belgique ou histoire impartiale de ce qui s'est passé d'intéressant sous la révolution des Pays-Bas, de même que les intrigues les plus secrètes qui y ont eu lieu, terminé par une ode à S.M. l'Empereur Léopold, sur la conquête du Brabant, pamphlet avec figures, en prose, Londres. – De Fransche Spioen in Brabant door Jacob Le Sueur, chez Kreitscher, Cologne. – Lettre de M. de Beaunoir à M. le Brun, Liège, 1792. – La Liberté de la presse garantie par la censure, Paris, 1819. – Le Mieux est l'ennemi du bien, Paris, 1819. – L'Arc-en-ciel, scènes allégoriques à l'occasion de la naissance du duc de Bordeaux, Paris, 1820. – Bibliothèque dramatique et théâtrale, en collaboration avec Chaalons d'Argé, 1821. – On attribue à R. Les Nourrissons de Schaerbeke ou les Bonnes Gens au berceau discutant souverainement les Intérêts de la pieuse république Belgique avec l'illustre Henri Van der Noot, le Saint homme Van Eupen et la chaste Pineau, pièce satirique (L, p. 433).

8. Bibliographie

B.H.C. ; B.Un. ; B.U.C. ; N.B.G. ; Cior 18. – Quérard J.M., Les Supercheries littéraires dévoilées, 2e éd., Paris, 1869-1870. M.S., 1788, t. XXXIII, p. 136 (26 oct. 1786). – Imbert de Boudeau G., La Chronique scandaleuse ou Mémoires pour servir à l'histoire des mœurs de la génération présente, Paris, 1785-1791. 5 vol. – Johansson J.V., «Om Correspondance littéraire secrète 1775-1793», dans Festskrift tillâgnad Yrjô Hirn, Helsingfors, 1930, p. 163-188. – Id., Sur la Correspon­dance littéraire secrète et son éditeur, Gôteborg, Paris, Nizet, i960. – (A) Abbott E.B., «Robineau, dit de Beaunoir, et les petits théâtres du XVIIIe siècle», dans R.H.L.F., 1936, p. 20­54 et p. 160-180. – (L) Leconte L., «Un pamphlétaire de la Révolution brabançonne», dans Annales du 35e Congrès de la Fédération historique et archéologique de Belgique, Courtrai, 26-30 juillet 1953, Fase. IV, 1955, p. 417-445. – (H) Hjortberg M., Correspondance littéraire secrète, 1775-1793 : une présenta­tion (Acta Universitatis Gothoburgensis), Gôteborg, 1987.