POTIN

Numéro

653

Prénom

Jean François

Naissance

?

Décès

1773

1. État-civil

Le prénom de Potin était, jusqu'à présent, inconnu. Son contrat de mariage nous l'indique : Jean François (M.C.). P. est mort à Rotterdam le I e r octobre 1773 (A.M.R. ; A.N., C7 257, n° 62, 1773) ; il fut inhumé dans l'Eglise wallonne le 6 (A.M.R.). P. est probablement né à Paris. On ignore la date exacte de sa naissance, mais le document des A.N. affirme qu'il est mort «dans un âge très avancé» : nous proposons donc les années 1690.

En février 1714, le père de P., Jean, «bourgeois de Paris», comme son fils, était décédé. P. vivait alors avec sa mère, Rachel Lieuvaud, paroisse Saint-Roch. Sa sœur, Marie Anne, avait épousé Jacques Chabot, «bourgeois de Paris» (M.C.) : celui-ci était issu d'une «famille illustre de l'Angoumois dont la branche la plus connue, celle de Jarnac, a professé longtemps la religion protestante» (Haag, t. III, p. 307). Ils habitaient tous deux à Amsterdam (A.M.R.). P. avait épousé, en février 1714, Marie Anne Perrinet, fille de Jean Perrinet, «receveur au grenier à sel de Sancerres», et de Suzanne Chamaillard. Elle était née le 8 août 1697 (M.C. ; A.N., C7 257, dossier de la veuve de P.). P. n'a pas eu d'enfant : sa légataire universelle était sa nièce, Elisabeth Chabot (A.M.R., testament, 28 oct. 1760, Not. protocollen, inv. n° 2440/269).

2. Formation

On ne sait rien de la formation intellectuelle de P. Ayant vécu la plus grande partie de sa vie à Rotterdam, P. connaissait assez bien la langue néerlandaise pour faire une « imitation» d'une pièce de vers d'un «poète hollandais excellent»,

H.C. Poot (Le Je ne sais quoi, t. II, p. 356). P. était, selon une note du Je ne sais quoi (t. II, p. 33), paré d'une infinité de qualités morales : « ceux qui le connaissent particulièrement, savent jusqu'où il porte la modestie, la douceur, le désintéressement, la sensibilité pour le Malheureux et la Haine pour tout ce qui s'appelle vice».

3. Carrière

Dès le mois de mai 1718, P. est en Hollande (seconde Bagatelle) ; le 1er décembre 1718, il est à La Haye (A.M.R.).

P. a été nommé en 1721, agent de la marine de France à Rotterdam, avec rang de consul, profession qu'il a exercée jusqu'en 1773 (A.R., 1721, p. 333 ; 1773, p. 431). La Condamine, dans une lettre à Voltaire (25 févr. 1746), le gratifie du titre de «Commissaire de la Marine à Rotterdam». Il subsiste un certain nombre de documents relatifs à ses activités d'agent de la marine (A.N., B 3 308, f° 165, et B 3 384, f° 85, sur la désertion de neuf matelots). P. avait commencé sa carrière de diplomate en étant «Agent de France à Amsterdam» (A.N., B 3 262, f° 172, lettre du 14 sept. 1720) ; il a repris ces fonctions dans cette ville, concurremment avec celles de Rotterdam, de novembre 1756 au mois de septembre 1757 (A.N., C7 257, lettres de P., 10 avril et 30 nov. 1758). Cette double profession a sans doute été pour P. une source d'embarras et de surmenage. Il demande qu'on approuve «les efforts» qu'il fait pour donner « des marques de [son] zèle », et bien que ces deux emplois aient été «au-dessus de [ses] forces», rien n'a été, selon lui, négligé (A.N., C7 257, copie d'une lettre de P., 30 juin 1757).

Une quittance du 3 janvier 1755 révèle qu'il a servi « avec zèle et approbation», tandis que l'on alloue une pension à sa veuve en raison des « bons et longs services » de son époux.

4. Situation de fortune

La situation financière de P., dès sa jeunesse, n'est pas mauvaise : son contrat de mariage précise que sa femme doit toucher 20 000 £ (dont 7000 seront en communauté avec son mari) de la succession de son père qui, «pour l'amitié qu'il porte à ladite damoiselle future épouse », lui cède, d'autre part, 5000 £, versement qui sera réitéré à sa majorité. P., de son côté, apporte 30 000 £, «tant en biens meubles qu'immeubles », dont il laisse 7000 £ en communauté (M.C). L'emploi d'agent de la marine rapportait à P., sur la période 1747-1752, 900 £ tous les six mois, ce qui est peu (C7 257, bulletins de paye). En novembre 1754, on lui fait une gratification extraordinaire de 1000 £ (C7 257, quittance du 3 janv. 1755). P. semble avoir été très irrégulièrement payé par l'administration royale ; par une lettre du 10 avril 1758, il réclame son dû qui s'élève à 2222 £, et il fait la même requête en novembre (A.N., C7 257). Rien d'étonnant que

P. ait été dans «un continuel besoin d'argent et obligé de recourir à bien des expédients pour soutenir le Service», contraint «d'emprunter à différentes reprises», et même de vendre le «peu d'effets» qui lui restaient (A.N., C7 257, lettres de P., 30 juin 1757, 30 nov. 1758). Les «appointements» de P., comme il le note lui-même dans une lettre, et comme le reconnaît l'administration royale, sont «modiques» (A.N., C7 257, 25 sept. 1758 et quittance du 3 janv. 1755), ce qui ne l'a pas empêché de laisser après sa mort l'importante somme de 24 000 florins (A.M.R.).

5. Opinions

Ce qu'il faut d'abord noter, c'est que P. est protestant : il fut, avec sa femme, « admis » dans l'Eglise réformée wallonne à Rotterdam sur témoignage de l'Eglise de La Haye le 1er décembre 1718 (A.M.R.) et sa sœur avait épousé Jacques Chabot, issu d'une famille protestante bien connue. Dans les différentes pièces de poésies qu'il a fait paraître dans Le Je ne sais quoi, P. fait confiance à la raison «digne présent des Cieux» (t. II, p. 23), mais il critique vigoureusement le matérialisme et condamne l'athée (t. H, p. 29, 30). En revanche, estimant «moins le beau génie que la solide piété», P. se fait le défenseur de la religion (t. II, p. 31-32). P., dans ses poésies réprouve le jeu - qu'il convient de remplacer par la conversation (t. II, p. 65) - et décrit un certain idéal de pauvreté : défense du «Poète crotté» contre le Riche (t. II, p. 102), refus de tout signe social de richesse (t. II, p. 102104). Parmi les journalistes et écrivains que P. a pu connaître, il faut citer Du Sauzet, l'éditeur de La Bibliothèque française (L.P., post-scriptum). Et dans une lettre à Voltaire (25 févr. 1746), La Condamine l'appelle «notre ami» et rafraîchit la mémoire du Patriarche qui devait envoyer un exemplaire du Poème de Fontenoy à P. La Motte est également qualifié « d'ancien ami » de P. et de Van Effen (L.P.). D'ailleurs, dans Le Nouveau Spectateur français, périodique auquel collabora P., La Motte est présenté comme l'«un des Auteurs François qui fait le plus d'honneur à son Siècle» (Van Effen, t. V, p. 293). Enfin P. fut l'ami intime de Van Effen (L.P., n.p., début, «ce digne ami») ; il le proposa comme précepteur du fils «d'une de [ses] Parentes de Paris» (ibid.). Il l'avait connu en mai 1718 à l'occasion de la publication de la seconde Bagatelle (ibid.).

6. Activités journalistiques

P. a collaboré au Nouveau Spectateur français (1725-1726, 2 vol. in-8°) de Van Effen, comme il l'indique lui-même (L.P.).

P. rédigea aussi une lettre en vers dans la seconde Bagatelle (9 mai 1718), où il soumettait à Van Effen, auteur principal de ce périodique (3 vol., 1719), le projet d'une collaboration régulière (Van Effen, t. III, p. 11). Van Effen accepta cette collaboration « avec plaisir » (réponse dans la troisième Bagatelle, 12 mai 1718, ibid., t. III, p. 18). Van Effen a d'autre part publié, en 1719-1721, Le Courrier politique et galant (D.P.1 316), lequel nous promet des «Sonnets, Quatrains, Contes et Madrigaux» (cité par Du Sauzet, Nouvelles littéraires, t. IX, p. 24 ; voir aussi LXXXe Bagatelle, Van Effen, t. IV, p. 175-177). C'est un ouvrage à la rédaction duquel P. a pu participer. P. a également rédigé avec Van Effen Le Courrier (Amsterdam, petit in-8°) qui est passé par la suite sous la direction de Rousset de Missy (La Barre de Beaumarchais, Lettres sérieuses et badines, La Haye, 1729, t. I, p. 97). Des huit volumes qui existaient à l'origine, on ne connaît que dix-huit numéros pour l'année 1724. S'il n'est pas sûr que le sonnet intitulé Le Bonheur du Philosophe soit de P. (n° XXI, 17 avril 1724), il est probable, en revanche, que la Lettre sur l'Amitié à M. P*** lui est effectivement dédiée (n° XI, 18 mai 1724). Les Mémoires de la Calotte (éd. 1735, 2e part., p. 149) attribuent à P. et à Rousset de Missy, «deux beaux esprits», la paternité du Courrier galant et nouvelliste. Il s'agit sans doute d'une double confusion avec Le Courrier et avec Le Courrier politique, mais il faut noter que Les Mémoires identifient parfaitement Le Courrier de Van Effen qu'ils qualifient de «demi-feuille volante» (4e part., p. 34 et 148).

7. Publications diverses

P. n'a pas écrit, à proprement parler, de livres ; il est l'auteur de multiples pièces de poésie. – Cartier de Saint-Philip, Le Je ne sais quoi, nouv. éd., revue et augmentée considérablement, Utrecht, Jean Broedelet, 1730, 2 vol. in-12 : les Lettres sérieuses et badines (t. II, p. 282-283) signalent que P. et Van Effen ont collaboré à ce recueil de poésies diverses. P. a fourni de nombreux textes : t. I, p. XIII, 126, 211, 312 ; t. II, p. 23, 28, 65, 94, 101, 103, 163, 183, 226, 322, 356. – Lettre de M. P[otin] à l'auteur de l'Eloge de M. Van Effen, dans Van Effen, t. I, n.p. – Van Effen J., Œuvres diverses, Amsterdam, Herman Uytwerf, 1742, 5 vol. éd. «revue» par P. (voir L.P.), qui, en outre, est l'auteur de trois quatrains en l'honneur de Van Effen (t. I, p. 3).

8. Bibliographie

(L.P.) Lettre de M. P., 1742. – Cartier de Saint-Philip, Le Je ne sais quoi, 1730. – Van Effen J., Œuvres diverses, 1742. – (A.M.R.) A.M. Rotterdam, Inventaire n° 2440/269, testament de P., 28 oct. 1760. – A.M. La Haye, Not. arch. inv. n° 4609, p. 501 : P. est débiteur, pour une petite somme (3 florins 50), de Maria Julia Viel, tenant un magasin d'articles de luxe. – A.N., B^ 262, f° 172 ; B^ 308, f° 165 ; B^ 368, f° 103 ; B3 384, f° 84-85 ; C7 257 ; M.C., LXX, 241, 1er févr. 1714 : contrat de mariage de P. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, D3330 (lettre de La Condamine, 25 févr. 1746).

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