PORTELANCE

Numéro

652

Prénom

François de

Naissance

1731

Décès

1818

1. État-civil

François de Portelance naquit en 1731 (et non pas en 1732, F.L ; B.Un. ; N.B.G.) et est mort le 29 novembre 1818, «à 4 h. du matin» (A.D. Dordogne, acte de décès de P.). Seul Mouhy (t. II, p. 281), donne la date correcte pour sa naissance. La date de 1821 souvent avancée pour son décès (F.L. ; B.Un. ; N.B.G. ; A. Mahul, Annuaire nécrologique, 1824, p. 248-249) est évidemment à rejeter et a fortiori celle de 1779. P. est mort «aveugle» (B.Un.) au château de Montazeau (Dordogne). Les parents de P. sont aisément identifiables : Charles Portelance, «bourgeois de Paris», et Charlotte Auguste Verdier, tous deux vivants en janvier 1757 (M.C., XC, 391 ; A.N., Y 405, f° 273). Les M.S. racontent que, lors de son procès, P. avait découvert des titres qui prouvaient qu'il était issu d'une «famille distinguée d'Irlande, dépouillée de tous ses biens par Cromwel et son parti, et tombée depuis cinq générations dans la plus grande misère » ; il possédait «sa généalogie extraite des Registres de la Cour héraldique de Dublin et revêtue de formes les plus légales» (M.S., 1er mai 1780). P. avait deux sœurs, Jeanne Charlotte et Marguerite Claudine (1732 - avril 1819, A.V.P., reconst. état civil) auxquelles revint, à chacune, la somme de 60 000 £, fruit d'une donation de leur frère et de sa première femme (A.N., Y 61, f° 212-214, mars 1779). P. avait d'abord épousé, en 1757, Marie Anne Silvecanne, veuve de Louis François Madeline, écuyer (A.N., Y 405, f° 273 ; M.C., XC, 391), « beaucoup plus âgée que lui» (M.S., 1er mai 1780). Il épousa ensuite Charlotte Marguerite Françoise Daure de Salency : une sentence du Châtelet de mars 1776 porte «séparation de biens entre les deux époux» (A.V.P., DC6 20, f° 7 v°, et DC6 268, f° 28 v°). De son premier mariage, P. eut une fille, Anne Charlotte Marguerite, «portant le nom de dame de Toury» (A.N., Z1j 1142, 12 nov. 1785), décédée à Paris en 1860, âgée de 92 ans (Saint-Saud, p. 54). Elle avait épousé en 1786 (contrat de mariage du 21 mai, acte signé par le roi, la reine et la famille royale) Henry Philippe Jean Baptiste, vicomte de Ségur-Montazeau, major du Régiment de Languedoc en 1788, émigré à Saint-Domingue, mort en 1796 (ibid., p. 53-54)-L a fille de P. et son mari avaient été «admis aux Honneurs de la Cour» en juin 1786 (ibid.). Il est certain que P. avait d'autres enfants : son acte de décès précise que Anne Charlotte était «sa fille aînée», mais nous n'avons aucune information à ce sujet.

En janvier 1757, P. est «bourgeois de Paris» (M.C., XC, 391). Il possède la qualité d'«Ecuyer» en octobre 1768 (A.V.P., DC6 16, f° 294 v°), et finit par être, en novembre 1785, «Chevalier, sieur de Toury et d'autres lieux» (A.N., A1j, 1142).

2. Formation

On ne sait exactement quelle fut la formation de P. Une note du Temple de Mémoire (p. 4) indique qu'il connaissait sans doute assez bien l'antiquité gréco-latine. P. séjourna souvent à Mannheim, et il n'est pas impossible qu'il ait su l'allemand. De même, il fit une adaptation des Commères de Windsor de Shakespeare sous le titre de A trompeur trompeuse et demi (1759), ce qui laisse supposer qu'il connaissait aussi l'anglais. Toutefois rien n'est sûr. A l'occasion de la représentation d'Antipater (1751), Collé note que la personnalité de P., «jeune étourdi», était faite d'«une suffisance aussi grande que s'il avait eu du mérite» (Collé, t. I, p. 377).

3. Carrière

P. fit un séjour assez prolongé à Mannheim pour la publication du Journal des journaux en 1760, mais plusieurs indices tendent à prouver qu'il s'y trouvait dès 1759 : une édition des Adieux du Goût y est publiée à cette même date (Ars., ms. Rf 12601), tandis que sa comédie A trompeur trompeuse et demi sort de l'Imprimerie Palatine, également en 1759. On peut même supposer que P. se trouvait à Mannheim en 1757 pour la représentation probable de cette dernière pièce (Brenner, n° 10231). P. a exercé une fonction militaire : un acte de mars 1779, par lequel il a fait une donation à ses sœurs, le présente comme étant «lieutenant de nos Seigneurs les Maréchaux de France» (A.N., Y 61, f° 212).

4. Situation de fortune

La situation de fortune de P. a été, au cours de sa jeunesse, des plus précaires : la CL., en décembre 1751, évoque un «jeune auteur fort pauvre» (t. II, p. 119). Et les M.S. rapportent qu'«un état rempli d'amertume et de disgrâces» constituait, à cette époque, toute sa position sociale (1er mai 1780). Malgré l'échec de la représentation d’Antipater, une «riche veuve», Marie Anne Silvecanne, sa première femme, fut «séduite» et le «fit son héritier» (B.Un.). Et, en effet, le contrat de mariage entre P. et M.A. Silvecanne (12 janv. I757)< certifie bien que «la Dame future épouse a fait donation entre vif et irrévocable audit au futur époux, ce acceptant de tous les biens meubles et immeubles qui lui appartiendront au jour de son décès» (A.N., Y 405, f° 273). Cette fortune consiste essentiellement en une propriété coloniale à Saint-Domingue, évaluée à 360 000 £, dont les revenus sont «considérables» (M.C, LXXXVI, 713). La guerre avec l'Angleterre gênait le commerce international, et les M.S. attribuent à P. des vers satiriques sur les négociations de paix et les commentent ainsi : «On dit qu'un peu d'humeur aussi contre les Anglais qui lui ont pris beaucoup de denrées venant d'Amérique où il a de riches habitations, n'a pas peu contribué à [les] inspirer» (13 janv. 1783). Cette fortune peut paraître considérable, mais P. et sa femme avaient beaucoup de dettes : en octobre 1768, les créanciers s'unissent «pour ne former qu'un seul et même corps» (A.V.P., DC6 16, f° 294 v°). Un an et demi plus tôt, les diverses créances, tant à Paris qu'à Saint-Domingue, s'élevaient à la somme immense de 503 048 £ (M.C., LXXXVI, 713). Bien que les dettes constituent l'essentiel de la succession de la première femme de P., elle fut âprement disputée : Jean Paul Tranel, ancien marchand à Amiens, fut accusé par P. «d'avoir enlevé par séduction, captation, obsession, hypocrisie, la succession de son beau-frère» (M.S., 29 juil. 1773). L'affaire fut jugée en juillet 1773, Linguet défendait Tranel (ce plaidoyer ne figure pas dans l'édition de 1776, 10 vol., in-8°, de ses Mémoires et plaidoyers), mais P. plaida lui-même sa cause et eut «l'avantage». En mai 1780, il rédigea lui-même un Mémoire qui eut «beaucoup de succès» (B.Un.) ; ainsi, P. aurait-il «tiré tout le parti possible du fond du sujet [...], il en a formé un roman intéressant [...], il l'a enrichi de faits piquans, arrangés avec un goût infini, l'a orné des charmes d'un style doux et séduisant» (M.S., I e r mai 1780). Sur cette affaire, on consultera aussi les documents des A.N. (X1B 8616, 18-30 déc. 1780).

5. Opinions

Dans le Temple de Mémoire (1753), P. condamne la Renommée, «aussi fausse que folle» (p. 4), et critique une certaine noblesse (p. 8). Il engage aussi au respect de la Religion (p. 9). P. professe enfin une admiration pour les Anciens qu'il exprime non seulement dans la Préface d'Antipater où il se dit 1'« admirateur des anciens et de leurs dignes successeurs» (n.p.), mais aussi dans le Temple de Mémoire (p. 9).

6. Activités journalistiques

P. a collaboré au Journal des journaux ou Précis des principaux ouvrages périodiques de l'Europe, janvier-avril 1760 (2 vol., in-8°), paru à Mannheim, et dédié à l'électeur Palatin (Q., t. VII, p. 287 ; B.H.C., p. 50). Pour mener à bien l'entreprise du Journal des journaux, P. était aidé par l'abbé Régley, cartographe, poète, traducteur (Q., t. III, p. 494) et par le chevalier Caux de Cappeval (voir ce nom). Il est très difficile de dire quelle a été la part exacte de P. à la rédaction du Journal des journaux. Il est possible cependant qu'il ait été chargé des articles de littérature française et notamment de ceux de poésie et de théâtre (Journal des journaux, t. I, p. 52, 87, 292). Si l'on admet qu'il ait pu connaître l'anglais, il n'est pas exclu, dès lors, que certains articles de littérature anglaise soient de lui (t. I, p. 417). On sait aussi qu'il était très intéressé au trafic colonial, et il a pu s'occuper de l'article consacré à 1'« Histoire et Commerce des Antilles Angloises» (t. I, p. 573). Ensuite, les deux comptes rendus ayant pour objet «la Société de Dublin» (t. I, p. 608) et 1'«Histoire de l'Irlande» (t. II, p. 198) sont, vu ses origines, probablement de lui. Enfin, il semble qu'il soit l'auteur des deux poèmes intitulés : «La Société nécessaire à l'Homme de lettres» et «Reproches adressés à Pindare à l'occasion de l'ode qu'il a faite en faveur de l'Eau. Imité de l'Anglais» (t. II, p. 506 et 509)

7. Publications diverses

Œuvres de P. : Les Adieux du Goût, comédie en un acte et en vers (en collaboration avec C.P. Patu), Paris, 1754.

– Antipater, tragédie, Paris, 1752, Mannheim, 1759. – A trompeur trompeuses et demi, comédie en 3 actes, en vers libres. – Le Temple de Mémoire à M. ***, s.l., 1752. – Totinet, parodie de Titon et l'Aurore, Paris, 1753. – La CL. (17 juil. 1750, t. I, p. 453-454) donne le texte d'une «chanson nouvelle» de P. (6 couplets de 7 vers chacun) dont le premier vers est «Du jour je préviens le réveil». Signalons encore que les M.S. (23 juil. 1754) donnent P. comme auteur possible de la tragédie en 5 actes de Mme Guibert, Les Triumvirs. Enfin, Mouhy mentionne Antipater, Les Adieux, A Trompeur, mais écrit que P. «est encore l'Auteur de plusieurs autres Pièces jouées à l'Opéra-Comique et en Province qui y ont été fort accueillies» (sic).

8. Bibliographie

8. F.L. 1769 ; B.Un. ; N.B.G. ; D.L.F. ; Cior 18 ; CL. – A.D. Dordogne, Périgueux : Actes de décès de P. – A.V.P. : DC6 16, f° 294 v° (25 oct. 1768) : contrat d'union des créanciers de P. ; DC6 20, f° 7 v° (15 mars 1776) : sentence du Châtelet de Paris portant séparation de biens entre P. et C. Dauré de Salency ; DC6 268, f° 28 v° (28 avril 1776) : même objet que pour le document précédent ; 6 AZ 1237 : «Inventaire des Titres de la Communauté des Prêtres du Calvaire du Mont Valérien sous [...] la supériorité de Messire A.G.C. Portelance, Chanoine de St-Honoré», 1758. – A.N., M.C., LXXXVI, 713 (13 janv. 1767) : dettes de P. et de MA. Silvecanne ; XC, 391 (12 janv. 1757) : contrat de mariage entre P. et M.A. Silvecanne. – M.S., notamment : 13 juil. 1764, t. II, p. 79 ; 29 juil. 1773, t. VII, p. 37-38 ; 8 avril 1777, t. X, p. 103 ; 19 juin 1778, t. XII, p. 21 ; 1er mai, 30 juin 1780, t. XV, p. 156-157, 230 ; 13janv. 1783, t. XII, p. 34-35 – Collé C, Journal et mémoires de Charles Collé, Paris, 1868. – Mouhy, Charles de Fieux, chevalier de, Abrégé de l'histoire du théâtre français, Paris, 1780. – Saint-Saud, comte de, Famille de Ségur en Bordelais et en Périgord, Bergerac, J. Castenet, 1924. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, D4995 (à P.R. Le Cornier de Cideville, 28 janv. 1754), et D17408 (au duc de Richelieu, 7 août 1773).

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