PIERQUIN
Numéro
Prénom
Naissance
Décès
1. État-civil
Jean Pierquin est né à Charleville le 3 octobre 1676 (A.D. Ardennes, reg. par. Charleville), et non pas le 15 février 1672, comme l'indiquent Boulliot (t. II, p. 303 ; cf. N.B.G., B.Un.). Son père, Gérard Philippe, avocat au Parlement et à la Cour souveraine de Charleville, s'était marié avec Idelette Marie Bordois en 1666 (A.D. Ardennes, reg. par. Charleville et E 950). Parmi les ascendants paternels de P., on relève en 1631 un notaire à Mézières (ibid., E 1377), en 1646 un Jean Pierquin, avocat au Parlement et un Ponce Pierquin, magistrat de Charleville (ibid., E 1057), en 1656 enfin, un Paul Pierquin, «directeur de la ville et police de Charleville» (ibid., E 1656). P. avait un oncle maternel, le P. Bordois, jésuite, mort en 1708, qui était en 1697, «vice-provincial de la Province de Wallonie» (Suite, sept. 1728, t. XXIV, p. 164). Notons que l'un de ses neveux, Nicolas Pierquin de Gembloux (1738 - an IV) fut général de brigade de l'Armée du nord (F.L., t. VII, p. 152). La santé de P. était précaire. En 1722, «en revenant le soir de voir un malade, il tomba dans un fossé, creusé par un de ses Paroissiens depuis qu'il avait passé devant sa porte, et il se blessa à la jambe. Comme il était chargé d'embonpoint, cette blessure dégénéra en ulcère» (Préface, p. VII). Plus tard, la Suite fait mention en juillet 1728 d'«une maladie longue et dangereuse» (t. XXIV, p. 3) qui a tourmenté P. et en février 1730 le même périodique se réfère à de « longues indispositions » pour expliquer l'interruption de sa collaboration au journal (t. XXVII, p. 94). P. est mort à Châtel-Chéhery (Ardennes) le 10 mars 1742 (A.D. Ardennes, reg. par. Châtel). Le «dessèchement» de «l'ulcère» contracté à la suite de sa chute de 1722 lui fut «funeste lorsqu'il s'y attendait le moins. Car on le trouva mort dans son lit pendant le temps nécessaire pour cuire un œuf frais qu'il avait demandé pour son déjeuner» (Préface, p. VI et VII). P. est inhumé dans l'église de Châtel, chapelle de la Vierge (A.D. Ardennes, reg. par. et Guelliot).
2. Formation
P. fit ses études à l'Université de Reims : il y prit le degré de bachelier en théologie et se prépara au sacerdoce (Préface, p. IV ; Boulliot, p. 303). P. fut ordonné prêtre le 24 septembre 1701 (Répertoire des curés et vicaires de l'ancien diocèse de Reims).
P. savait le grec et sans doute l'hébreu (Dissertation physicothéologique, 1742, p. 143, 144, 178, 224, 254), mais sa passion dominante était pour les sciences. Il avait non seulement de bonnes connaissances de médecine (Préface, p. V), mais aussi de géologie, de biologie, de physique et d'astronomie. En 1697, P. s'intéressait déjà aux sciences : à cette date, il avait présenté « le canevas de [son] système sur la formation des pierres précieuses» au P. Bordois (Suite, sept. 1724, t. XXIV, p. 164).
3. Carrière
D'abord nommé vicaire à Rocroy et à Rethel (Ardennes), P. fut appelé ensuite par Le Tellier, archevêque de Reims, à la cure de Châtel-Chehery et à celle d'Exermont, son annexe (Ardennes), le 14 mars 1703 (Répertoire des curés et vicaires de l'ancien diocèse de Reims ; Préface, p. IV). «C'était plutôt une marque d'estime qu'une récompense : car ce bénéfice était d'un modique produit et pénible à desservir. Malgré ces inconvénients, il resta toute sa vie dans cette cure» (Boulliot, p. 303). P. exerça son sacerdoce d'une façon pieuse et charitable : il avait «une attention particulière pour l'instruction des enfants» et visitait les malades «qui recevaient de lui des secours de toute espèce» : «consolations», diagnostics, médications ; enfin il leur faisait présent « fort généreusement et obligeamment des revenus qu'il tirait de sa Cure » (Préface, p. V). Ses moments de loisir étaient consacrés uniquement au travail intellectuel. P. fréquentait assidûment les bibliothèques des Communautés religieuses du voisinage, ce qui lui a permis de mener à bien son œuvre scientifique (Boulliot, p. 304). En somme, «M. P. se montra toujours zélé, attentif, charitable et désintéressé» (Moreri, t. VIII, p. 332). P. était sans doute une figure marquante de la communauté villageoise et ses démêlés «assez vifs» avec le seigneur du lieu montrent bien qu'il jouissait d'un statut social particulier : il n'était pas qu'un simple curé de campagne (Préface, p. XXXIV-XL).
4. Situation de fortune
Les revenus de la cure de Châtel étaient très modestes (Préface, p. IV-V), mais un héritage arrivé fort à propos le sauva du dénuement (ibid., p. VI). L'un de ses héritiers, Antoine Carbon, maître-boutonnier, renonça à la succession de P. que celui-ci avait réglée par son testament du 17 août 1739 (A.D. Ardennes, E 920). On trouve dans ce testament des «preuves du goût qu'il avait pour la décoration du Temple du Seigneur, de son attachement pour les Pauvres, et de sa parfaite réconciliation avec le Seigneur de sa Paroisse qu'il institua son légataire universel», malgré les querelles mentionnées plus haut (Préface, p. XXXIV, XXXV).
5. Opinions
P. se montre résolument rationaliste : dans la Suite, il s'efforce de lutter contre les «croyances populaires», de « détromper le vulgaire d'une foule de préjugés » (juillet 1729, t. XXVI, p. 6). Il n'y aurait ni «lutins», ni «farfadets», ce sont des «contes d'ogre et de fée» (nov. 1728, t. XXIV, p. 323), le «retour des Ames», «c'est crédulité imbécile» (janv. 1729, t. XXV, p. 21), enfin, «le Sabat des Sorciers n'est qu'un songe vif et trompeur» (mai 1729, t. XXV. p. 317). P. subit diverses influences : ainsi saint Augustin serait « le guide des plus excellents Philosophes et l'oracle des plus célèbres Théologiens » (Suite, avril 1729, t. XXV, p. 246). Par ailleurs, la physique et la métaphysique cartésiennes ont joué un grand rôle dans la formation des idées de P. Descartes aurait produit « un système excellent et on ne peut philosopher avec plus de délicatesse» (ibid., juil. 1727, t. XXII, 4-5 et mars 1728, t. XXIII, p. 161). Cependant, il n'admet pas toute la physique cartésienne : le tourbillon cartésien serait composé d'une «matière trop fine et trop subtile» ; il n'en conserve que « les tourbillons fluides » pour les planètes (Journal des savants, juil. 1745, p. 414 : Suite, juil. 1727, t. XXII, p. 5 et avril 1728, t. XXIII, p. 239-240). P. tient Malebranche et Fontenelle pour d'«excellents maîtres» (Suite, sept. 1728, t. XXIV, p. 165) et l'on trouve sous sa plume une métaphore à connotation mécaniste qui rappelle les Entretiens sur la pluralité des mondes, mais où l'existence de Dieu est formellement rappelée : «Une horloge étant une fois achevée subsiste, ses ressorts mis en mouvement jouent quelque temps sans avoir besoin de leur auteur ; mais le Monde ne peut se conserver un seul moment sans le secours continuel et immédiat de son Créateur» (ibid, juil. 1728, t. XXIV, p. 10). En biologie, P. est partisan de la théorie des germes préexistants : il croit que les pierres précieuses, et même les métaux «viennent tous originairement de germes qui sont le raccourci essentiel de leurs belles qualités» (ibid., avril 1729, t. XXV, p. 29). On trouve une critique de ses idées biologiques dans l'ouvrage de Procope-Couteaux (L'Art de faire des garçons, 1748, chap. VI, p. 192-197). En astronomie, P. eut l'idée de réhabiliter le système de Thaïes : si on le « développait heureusement», écrit-il, «peut-être qu'il se remettrait en crédit, et qu'il attirerait quelque réputation à son réparateur» (Suite, juil. 1727, t. XXII, p. 4). Cette initiative fut mal accueillie du Journal des savants, dont l'un des rédacteurs fait valoir que, à s'en tenir à cela, «nous n'aurions pas une idée avantageuse du savoir [de P.] en physique. Il y a apparence que l'Auteur a voulu imiter quelques-uns de ces Systèmes qui sont plutôt des jeux d'esprit que des discours sur la Physique» (juil. 1745, p. 413). Dans la Suite, P. a polémiqué avec plusieurs savants. D'abord avec le P. E. de Viviers (juil. 1730, mars, juil. 1731, févr., juin 1732) à propos de sa Dissertation sur l'aurore boréale de 1726. Ensuite, concernant son article sur la formation des pierres précieuses, P. entra en controverse avec Capperon, ancien doyen de Saint-Maixent (août, sept. 1728, mars, avril 1729, et «Lettre à M.C. » dans Préface, p. XI-XXII) et avec Ancelot (mai, juin 1729). P. était l'ami personnel de L.F.J. de La Barre, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, directeur du Journal de Verdun à partir de 1727. Celui-ci a rappelé l'estime qu'il lui portait (Epître à M.P. dans Préface, p. XXXVI).
6. Activités journalistiques
P. a collaboré au Journal historique sur les matières du temps (D.P.1 214) et à la Suite de la Clef (D.P.1 1230), noms successifs du même périodique, plus connu sous le nom de Journal de Verdun. Voici le détail de cette collaboration.
Journal historique 1712, t. XVI, p. 151-155 : «Réponses aux questions touchant les causes qui ont produit les marques que les enfans apportent en naissant».
Suite de la Clef : 1727 : «Dissertation sur les Météores ou Phénomène du 19 octobre 1726», janv., t. XXI, p. 27-32.
«L'Astronomie de Thaïes réduite en Système», juil., août, XXII, p. 3-8, 81-86. – «Réflexions sur le Système astronomique de M. Pierquin», sept., t. XXII, p. 173-176. – «Dissertation sur la formation des pierres précieuses, des camaïeux et des coquillages», nov., déc, t. XXII, p. 315-320, 393-3971728 : «Réponse de M. P. aux objections sur l'Astronomie de Thaïes», mars, avril, t. XXIII, p. 161-164, 237-242. – « Eclaircissement de M. P. sur la formation des Camaïeux », juil., t. XXIV, p. 3. – «Dissertation de M. P. sur la couleur des Nègres», août, t. XXIV, p. 83-88. – «Réponse de M. P. aux réflexions de M. Capperon», sept., t. XXIV, p. 162-166. – «Réflexions philosophiques sur l'évocation des Morts», oct., t. XXIV, p. 241-245. – «Dissertation sur les Fantômes et les Farfadets», nov., t. XXIV, p. 318-323. – «Dissertation sur les batailles et les flottes aériennes», déc, t. XXIV, p. 403-408. 1729 : «Dissertation sur le retour des Ames», janv., t. XXV, p. 21-26. – «Conjectures sur les possessions», févr., t. XXV, p. 83-87. – «Réponse au sujet du système du Monde», mars, t. XXV, p. 162-167. – «Réplique à M. Capperon», avril, t. XXV, p. 241-246. – «Eclaircissement sur le sabat des Sorciers», mai, t. XXV, p. 317-321. – «Remarques sur les germes des Plantes», juin, t. XXV, 398-404. – «Réflexions sur les transformations magiques», juil., t. XXVI, p. 6-9.– «Réponse de M. P.», sept.,t. XXVI, p. 161-167. 1730 : «Dissertation sur le chant des coqs», févr., t. XXVII, p. 94-99. – «Conjectures sur la pesanteur de la flamme, de la lumière, de la terre et du Soleil», août, t. XXVIII, p. 85-90. – «Réflexions sur les causes et les effets de l'Incube», sept., t. XXVIII, p. 164-168. 1731 : «Dissertation historique et physique touchant la preuve d'innocence ou de crime par l'immersion», févr., t. XXIX, p. 88-94. – «Dissertation sur le nager des noyés», mars, t. XXIX, p. 184-187. – «Dissertation sur les hommes Amphibies», avril, t. XXIX, p. 243-247. – «Défense de la cause sublunaire des Lumières septentrionales», juil., t. XXX, p. 6-13. 1732 : « Réponse à la lettre du Révérend Père Emmanuel de Viviers», juin, t. XXXI, p. 391-399. – «Vie de St-Juvin», extrait du livre de P. », juil., t. XXXII, p. 9-14. 1733 : «Lettre au Père Emmanuel», mars, t. XXXIII, p. 167-169. 1735 «Conjecture sur la vue meurtrière de l'œil humain», nov., t. XXXVIII, p. 346-352.
7. Publications diverses
Dissertation physico-théologique touchant la conception de Jésus-Christ dans le sein de la Vierge Marie, Amsterdam, 1742. – Œuvres physiques et géographiques, Paris, 1744 (recueil de ses articles parus dans le Journal de Verdun). – Vie de Saint-Juvin, ermite et confesseur, Nancy, 1732. – Les dissertations qu'il avait données au Journal de Verdun étaient des fragments d'un ouvrage «soustrait des papiers de l'Auteur», intitulé Traité des créatures invisibles et aériennes (voir une lettre de P. où il trace le plan de son livre, Préface, p. XXIV-XXX). – Autre ms. de P. subtilisé à sa mort : Recherches sur la nécromancie (ibid., p. XXX-XXXI).
8. Bibliographie
Moreri ; Lelong, n° 11353 ; Desessarts, t. V, p. 173 ; Q. ; B.Un. ; Feller-Weiss ; D.L.F. ; Cior 18. – (Suite) Suite de la Clef ou Journal historique sur les matières du temps. – (Préface) Préface de l'éditeur, dans P., Œuvres, 1744, p. III-XL. – A.D. Ardennes, acte de naissance, acte de décès de P., reg. par. Charleville et Châtel-Chéhery. Série E : 16, 920, 950, 971, 1026, 1057, 1299, 1377, 1378, 1382, 1656. Série H supplément : 57, 171. Guelliot, Biographie vouzinoise (ms.), art. «Pierquin», 7 J 11. – B.M. Reims, Chaligny de Plaine M.A., Eloge de Pierquin, ms. 1293, p. 209. – B.M. Troyes, ms. 2788, t. III. – Boulliot J.B.J., Biographie ardennaise, Paris, 1830, t. II, p. 303-308. – Capperon, «Réponse de M. Capperon [...] aux objections de M. Pierquin sur son sentiment touchant l'origine des pierres précieuses, des Camaïeux et des Coquillages fossiles», Mercure de France, mai 1729, p. 927-928. – Chaudon L.M., Nouveau dictionnaire historique, 1789, t. VII, p. 262. – Dreux Du Radier J.F., Table générale et raisonnée du Journal historique de Verdun (1697-1756), I759"I76o, t. VII, p. 255-257. – Journal de Trévoux, juin 1745, p. 1009-1031. – Journal des savants, juil. 1745, p. 412-422. – Lalande J. de, Bibliographie astronomique, an XI [1803], p. 425. – Le Long N.. Histoire ecclésiastique et civile du diocèse de Laon, Châlons, 1783, p. 470. – Procope-Couteaux M., L'Art de faire des garçons, Montpellier, s.d. [1748], p. 192-197.
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