NICERON
Numéro
Prénom
Naissance
Décès
1. État-civil
Jean Pierre Nicéron (ou Niceron) est né à Paris le 11 mars 1685. Sa famille a été «illustrée par des alliances honorables, par des Charges et des emplois de distinction» (Eloge). Famille très pieuse en tout cas : un des oncles paternels de N., portant lui aussi le nom de J.P. Nicéron, a été membre de l'ordre des Minimes. Minime également Jean François Nicéron, «un des plus habiles mathématiciens du dernier siècle», né à Paris en 1613 et mort à Aix-en-Provence le 22 septembre 1646 à trente-trois ans (il est l'objet d'une brève notice au t. VII des Mémoires). Nicéron le journaliste a un autre oncle dans la congrégation des Clercs réguliers de Saint Paul (Barnabites), qui protègera ses débuts.
«Le 1er juillet 1738, le Père Nicéron sentit vers la mâchoire quelque légère douleur qu'il voulut se déguiser à lui-même, craignant qu'en l'écoutant, il ne fît tort à ses études ; la douleur devint plus vive deux jours après, la partie affligée s'enfla...» N. est mort à Paris «le Mardi 8e de Juillet sur le midi, âgé de 53 ans, 3 mois et 28 jours» (Eloge).
2. Formation
Bonnes études au collège Mazarin, et rhétorique au collège du Plessis, à Paris. Ayant consulté son oncle le Barnabite, «prêtre vertueux, capable de donner de bons conseils», il se décide à entrer dans les ordres. Après avoir prononcé ses voeux, N. se rend à Montargis, pour y faire sa philosophie et sa théologie . N. a de très bonnes dispositions pour l'étude des langues : il sait, «outre les langues savantes, presque toutes celles qui sont actuellement en usage dans l'Europe. C'est dans le temps qu'il employoit à apprendre l'Anglois qu'il donna au public la traduction de quelques ouvrages qui en ont été bien reçus» (Eloge).
3. Carrière
Présenté par son oncle le Barnabite au noviciat du prieuré de Saint Eloy, à Paris, il y est reçu le 14 août 1702. Prise d'habit le 18 janvier 1703 ; voeux prononcés le 20 janvier 1704 (à 19 ans). Une fois achevée sa théologie, N. se rend à Loches pour y enseigner la théologie, puis la rhétorique. Ses «heureuses dispositions» et ses «vertus» lui font obtenir une dispense de Rome pour être élevé à la prêtrise : N. reçoit le diaconat à Montargis le 17 août 1707 et la prêtrise à Poitiers le 2 juin 1708. Peu de temps après, le collège des Barnabites de Montargis le réclame ; il y enseignera deux ans la rhétorique et quatre ans la philosophie. Les Barnabites ayant pour obligation principale la prédication, N. prêche «dans plusieurs villes de province durant ces quelques années» (Eloge). Le rapport triennal du collège de Montargis pour 1710 1713 (B.V. Montargis, n° 6184) mentionne à plusieurs reprises des sermons et discours de N. : éloge funèbre du Grand Dauphin en 1712, discours sur la paix en 1711, etc. N. est rappelé en 1716 à Paris par ses supérieurs, qui veulent favoriser ses projets, au nombre desquels les Mémoires.
4. Situation de fortune
Sur la situation de fortune de N., nous n'avons guère que des indications éparses. Une des plus intéressantes est contenue dans une lettre assez venimeuse de l'abbé Papillon à l'abbé Le Clerc, datée de Dijon, le 12 juin 1735 : «Je prenois les Volumes du P. Nicéron à mesure qu'ils paroissoient ; le 7e Volume me dégoûta, et dès-lors j'y renonçai. Il est plagiaire par-tout, et il ne se met guère en peine de nous ennuyer par des vies que nous trouvons tous les jours sous notre main. Il est aisé de faire un in douze à ce prix-là, et de gagner les cinquante écus qu'on lui paye par quartier...». Papillon revient un peu plus loin sur ces 50 écus, qui évidemment lui paraissent excessifs.
5. Opinions
Les témoignages manquent sur les opinions de N. La faveur dans laquelle paraissent l'avoir tenu ses supérieurs plaide pour son orthodoxie et son zèle. Quant aux Mémoires, le parti pris d'objectivité et d'impersonnalité qui les marque rend toute généralisation aventureuse. Il est à noter toutefois que N. (on le lui a souvent reproché : voir le Dictionnaire de Chauffepié) n'accorde pas d'importance au renom littéraire d'un auteur : seule compte à ses yeux l'activité du savant ou du journaliste ; Fénelon et Bossuet n'ont droit qu'à quelques pages, mais tel théologien ou tel philologue obscur à une longue notice. Son attitude envers le protestantisme ne reflète ni hargne ni hostilité particulière, et il fait un usage très modéré du lexique polémique en vigueur ; de nombreuses notices (sur J. Daillé, t. III, sur D. Blondel, t. VIII, sur J. Le Clerc, t. XL, par exemple) prouvent son impartialité. Pourvu que l'écrivain dont il traite soit authentiquement chrétien (fût-ce chez Calvin ou Arminius), il reste objectif. Dans le cas contraire, il peut se montrer méprisant et injuste (voir notice sur Toland, t. I).
6. Activités journalistiques
Doit-on voir en N. un journaliste? Oui, compte tenu de la distinction, toujours faite à l'époque classique, entre journal et bibliothèque. Les journaux lui ont du reste fourni bien des éléments de sa compilation ; voir la préface du tome I : «les Journaux et les Bibliothèques m'ont fourni une partie des matériaux». Par leur forme même enfin, les Mémoires doivent beaucoup aux «Bibliothèques».
N. est connu par les Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres dans la République des Lettres «Avec un catalogue raisonné de leurs ouvrages», à Paris, chez Briasson, rue Saint Jacques, à la Science, en 43 vol., 1727-1745, à raison d'un volume tous les six mois (D.P.1 902). Goujet écrit (Eloge) : «les 3 premiers vol. ont été réimprimés en 1729 et le 4e en 1737 sous la date de la première édition faite en 1728». Oeuvre ambitieuse (1600 articles) et que l'auteur n'avait pas terminée à sa mort : ses collaborateurs, le père Oudin, J.B. Michault et l'abbé Goujet, achèvent et publient les t. XL, XLI, XLII et XLIII, préparés par N. (t. XLI, avertissement). Quérard cite quelques collaborateurs épisodiques : «Le père Bougerel, de l'Oratoire, a rédigé quelques articles d'anciens auteurs, tels que Tacite, Tite Live, etc. L'abbé Bonardy a aussi coopéré à cet intéressant recueil». Le dixième volume est divisé en deux parties «qui se relient séparément» (B.Un.). Les dixième et vingtième volumes sont munis de corrections et d'additions pour les volumes déjà publiés. Par un «Avis» qui ouvre le t. XLIII, les continuateurs préviennent le public des collaborations dont ils ont bénéficié (se conformant ainsi à l'usage de N. Iui-même) : «les vies de Robert Gaguin, J.B. Porta, N. Boyer, l'addition à celle de Sc. Dupleix, celle de Guil. Duvair, André Cesalpin et Nic. Pradon, nous ont été fournies par M. Michaut de Dijon. Celle de Jacques La Lande, par M. Prévôt de la Jannès d'Orléans ; celle de P.A. Micheli, par M. Languet de Sivry et enfin [...] nous avons copié l'éloge que M. de Boze a fait de M. Rollin dans l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Les autres vies qui composent ce volume sont du nombre de celles que le père Nicéron a laissé manuscrites à sa mort». Ils disent préparer «les volumes suivans» qui n'ont point paru. L'abbé Rives avait formé le projet de faire réimprimer les Mémoires avec une classification logique et en leur ajoutant ses propres corrections ainsi que celles de l'abbé Sepher (B.Un.) : le projet n'a pas abouti. L'éloge de Goujet a été tiré à part en quelques exemplaires (B.Un) et réimprimé avec quelques additions dans le Dictionnaire de Chauffepié. Vingt quatre volumes des Mémoires ont été traduits en allemand sous le titre suivant : Nachrichten von der Begebenheit u. Schriften berühmter Gelehrten, übers. u.m. Anmerk. u. Zusätzen begleitet ; les 15 premiers volumes par Sigis et J. Baumgarten, avec quelques additions (Halle, 1749-1757, in 8°) ; les six suivants par F. Eberhard Rambach (id., 1758-1761) ; le vingt-troisième et le vingt-quatrième par C.D. Jani (ibid., 1771-1777).
Fréron attribue à N. le premier volume de la Bibliothèque amusante et instructive, continuée par Duport Dutertre (D.P.1 144) :
N. a laissé en manuscrit : une Table de tous les journaux formant plusieurs volumes in 4°, «qu'il avoit fait pour son usage» (Eloge) ; une Bibliothèque volante, un vol. in 4° ; les trois premières lettres de la Bibliothèque française, «ouvrage dans lequel il se proposait de rassembler des notices sur tous les français qui ont cultivé la littérature et les sciences avec succès» (Eloge).
7. Publications diverses
Les autres oeuvres publiées de N. sont des traductions : Le grand Fébrifuge, ou Discours où l'on fait voir que l'eau commune est le meilleur remède pour les fièvres et vraisemblablement pour la peste. Traduit de l'Anglois du sieur Jean Hanckock, curé ou ministre de l'église de Sainte Marguerite à Londres, in 12, Paris, 1724. Réédité chez Cavelier en 1730 sous le titre de Traité de l'eau commune (deux vol. in 12). – Les Voyages de Jean Ouvington à Surate, et en divers autres lieux de l'Asie et de l'Afrique, avec l'histoire de la Révolution arrivée dans le royaume de Golconde, et quelques observations sur les vers à soye, deux vol., in 12, Paris, chez Ganeau et Cavelier, 1725. – La Conversion de l'Angleterre au christianisme comparée avec sa prétendue réformation, ouvrage traduit de l'anglois, Paris, chez Briasson, 1729, in 8. – Géographie physique, ou Histoire naturelle de la terre, traduit de l'anglois de M. Woodward, par Noguès Docteur en médecine. Avec la Réponse aux objections de M. le Docteur Camérarius ; plusieurs lettres écrites sur la même matière, et la distribution méthodique des fossiles, traduits de l'anglois, par le Père Niceron, Paris, chez Briasson, in-4°, 1735. – N. a laissé en manuscrit des Mélanges littéraires, deux vol. in-4°, des additions aux Mémoires (ms. 25632-25634, 25670)et quelques Sermons.
8. Bibliographie
B.Un., F.L., 1769 ; Q. ; D.O.A., N.B.G. – Chauffepié, Nouveau dictionnaire historique et critique, Amsterdam, La Haye, 1750-1756. – Nouveau Mémoires de l’abbé d’Artigny, Paris, Delubre, 1749-1756. – (Eloge) La quasi totalité des notices biographiques que l'on trouve sur N. utilisent l'éloge placé par l'abbé Goujet à la fin du t. XL des Mémoires ; contenant le témoignage de ses plus proches collaborateurs, il reste la source la plus sûre. – Mémoires de Trévoux, juil. 1726, juin 1727, févr. 1728, mars et nov. 1729, oct. 1730.
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