MINUTOLI

Numéro

577

Prénom

Vincent

Naissance

1639

Décès

1709

1. État-civil

Vincent Minutoli, troisième du nom, est né à Genève le 5 décembre 1639 et fut baptisé le 13. Il était fils unique de Paul II Minutoli (1610-1680), marchand de soie, et de Madeleine Perrot. La famille Minutoli, d'origine napolitaine, mais fixée à Lucques dès le XIVe siècle, y a produit jusqu'à nos jours de nombreux magistrats, prélats, militaires et hommes de lettres (voir Spreti). Ce fut le grand-père de M., Vincent II Minutoli, allié Burlamacchi, qui se réfugia de Lucques à Genève en 1594, ayant embrassé la religion réformée (voir M., «Mémoire touchant la maison Minutoli» ; Galiffe). Cette branche protestante de la famille acquit la bourgeoisie de Genève en 1651, mais cessa d'y être représentée dès le milieu du XVIIIe siècle.

Par sa mère, M. était le petit-fils du pasteur Charles Perrot (1541-1608), professeur de théologie et recteur de l'Académie de Genève, reçu bourgeois de Genève en 1567, issu de la même famille de parlementaires parisiens d'où sortit plus tard l'historiographe et traducteur Nicolas Perrot d'Ablancourt (1606-1664).

M. épousa le 28 avril 16 71 (contrat du 11, chez le notaire Balth. Guenand, A.E.G.) Suzanne Fabri (1653-1725), cinquième des huits enfants de Pierre Fabri ( 1616-1700), procureur général, conseiller d'Etat et syndic (à sept reprises) de la République, et de son épouse Andrienne Trembley.

De leur union naquirent de 1672 à 1686 quatre filles (une morte en bas-âge, une imbécile, les deux autres mariées, la première en Hollande, la seconde à Genève au baron autrichien Charles Louis de Planckenau) et cinq fils: 1) Paul, né en 1673, officier au service étranger, mort avant son père; 2) Amédée, né en 1675, officier, mort en 1693 à la bataille de Neerwinden ; 3) Jean Barthélémy, né en 1677, sans profession ni alliance connue, décédé hors de Genève entre 1710 et 1754; 4) François Helen, 1679-1754, capitaine dans la garnison de Genève, allié à Marie Vasserot, d'où un fils unique, Daniel, converti au catholicisme en 1749 et fixé en Italie; 5) Joachim Frédéric, né en 1683, déshérité par sa mère à cause de sa conduite indigne, converti au catholicisme par le fameux Pontverre, curé de Confignon, qui lui fit publier deux ouvrages de polémique religieuse : les Motifs de la conversion de J.F.M. (Modène, 1714) et les Sentiments particuliers des ministres de l'Eglise de Genève sur la religion, qui ont servis de motifs à la conversion de Monsieur le Chevalier M. (Fribourg, 1722), établi dès lors à Lucques où il devint major dans les troupes de la République et où il laissa une postérité catholique. M. testa le 24 avril 1709 (par devant le notaire Et. Beddevole, A.E.G.) et mourut le lendemain, dans sa maison de la rue Verdaine à Genève. Sa veuve testa à son tour le 8 octobre 1710 (chez le notaire J.A. Comparet, A.E.G.), mais ne mourut que le 9 août 1725.

2. Formation

M. fit des études de théologie à l'Académie de Genève (où il s'inscrivit sur le «Livre du Recteur» le 1er mai 1654), puis à celles de Leyde (où il s'immatricula le 1er septembre 1661) et de Groningue (23 nov. 1661).

3. Carrière

M. exerça d'abord le ministère pastoral dans les Eglises wallonnes des Pays-Bas, où il fut successivement proposant (sept. 1662), pasteur de l'Eglise de l'Olive, c'est-à-dire des protestants disséminés dans les Pays-Bas catholiques (août 1663), puis pasteur à Middelburg (sept. 1664). Accusé en mai 1667 de paillardise et mensonge, il fut condamné et déposé par le Synode wallon d'avril 1668 (cf. Livre synodal).

Revenu à Genève, il s'y fit connaître par ses travaux littéraires et fut élu professeur de grec et de belles-lettres à l'Académie le 17 septembre 1675. Ayant été rétabli au saint ministère le 29 novembre 1678, il fut en outre nommé «pasteur en ville» le 16 mai 1679, bibliothécaire le 19 décembre 1699 et pasteur de l'Eglise italienne de Genève en 1707. Il remplit toutes ces fonctions jusqu'à son décès.

M. assuma périodiquement la présidence (hebdomadaire) de la Compagnie des pasteurs et professeurs de Genève, et fut recteur de l'Académie pendant trois ans, de novembre 1683 à octobre 1686.

4. Situation de fortune

Dès le 1er avril 1676, M. reçut le traitement ordinaire des professeurs de l'Académie, soit 300 florins de Genève (400 à partir du 1er juil. 1697) et 7 coupes de froment par trimestre.

M. tenait de son père une vaste maison avec cour et jardin située aux abords du Collège et de l'Académie, à l'angle de la rue Verdaine et de la Vallée ; il y prenait en pension des étudiants étrangers, souvent de noble extraction, parfois même de familles princières. Il possédait en outre des champs, prés, vignes et bois à Céligny (enclave genevoise en Pays de Vaud), d'où il tirait un revenu en nature (voir contrat de métayage du 28 janv. 1679, passé chez le notaire Bernard Grosjean, A.E.G.).

5. Opinions

M. ne s'est jamais fait remarquer par ses prises de position théologiques ou autres. On ne lui connaît point de procès civils. S'il polémiqua avec Jurieu en 1691, ce fut pour défendre son ami Pierre Bayle, qu'il avait compromis dans l'affaire de la publication du «Projet de paix générale» de François Goudet.

A Genève, M. semble avoir fréquenté surtout ses collègues Louis I Tronchin (1629-1705) et Jean Alphonse Turrettini (1671-1737), professeurs de théologie à l'Académie. Il se lia également avec le polygraphe Gregorio Leti qui, dans son L'Italia régnante (Verona, Valenza, 1675-1676, t. IV, p. 453), le qualifie en 1676 de «mio autorevolissimo Padrone e carissimo Compadre».

Hors de Genève, son principal ami et correspondant fut sans aucun doute Pierre Bayle: inauguré dès l'époque du préceptorat de Bayle à Coppet (1672), leur commerce épistolaire dura plus de 30 ans et 110 lettres environ s'en sont conservées. M. fut également en rapports suivis avec les frères Basnage, surtout avec Jacques Basnage, pasteur à Rouen, puis à Rotterdam, ainsi qu'avec David Constant, pasteur à Coppet, puis professeur à l'Académie de Lausanne, qui étaient aussi des correspondants de Bayle. M. entretint des relations plus épisodiques avec Jacob Spon, l'historien et antiquaire lyonnais, avec l'abbé de Saint-Réal, avec Gilles Ménage, avec Joh. Ben. Carpzov, de Leipzig, avec l'abbé Claude Nicaise, de Dijon, avec Pierre Desmaizeaux, le futur éditeur et biographe de Bayle, avec les pasteurs des Vallées vaudoises du Piémont, etc.

6. Activités journalistiques

M. fut le rédacteur probablement unique et l'éditeur d'un périodique anonyme, publié sans nom de lieu et dont on ne connaît que quatre numéros : Les Dépêches du Parnasse ou la Gazette des savans (D.P.1 344).

Avant de publier lui-même une gazette, M. avait collaboré épisodiquement aux Nouvelles de la République des Lettres de son ami Bayle, en lui adressant une nécrologie de Jacob Spon, dont un extrait parut dans le fascicule de juin 1686.

Jusqu'à la fin de sa vie, M. garda un certain penchant pour le journalisme, puisque, en date du 30 octobre 1702, on voit le Petit Conseil de Genève ordonner « qu'il ne se mêle plus de faire des nouvelles» (A.E.G., Registres du Conseil, vol. 102, p. 431).

7. Publications diverses

A) Œuvres publiées de son vivant dans l'ordre chronologique : Discours de l'incendie arrivé à Genève le 18 janvier 1670, fidèlement extrait et abbregé de plusieurs mémoires de personnes dignes de foy, s.l.n.d. [Genève, 1670] (trad. hollandaise, La Haye, 1670). – L'Embrasement du pont du Rhône à Genève, arrivé le XVIII de janvier MDCLXX et décrit par Mr. Vincent Minutoli, Genève, 1670 (plusieurs éditions la même année, le nom de l'auteur étant mentionné sur deux d'entre elles par les seules initiales V.G. ; trad. allemande, Zurich, 1670; réimpr. d'une des éd. françaises, Genève, 1866). – Relation du naufrage d'un vaisseau holandois sur la coste de l'isle de Quelpaerts, avec la description du royaume de Corée (par Hendrik Hamel), trad. du flamand par Monsieur Minutoli, Paris, 16 70 (réimpr. 1683 ; rééd. avec introduction, notes et postface par

F. Max, Paris, 1985). –Journal de Monsieur Colier (Justinus Coljer), résident à la Porte pour Messieurs des Estats Généraux des Provinces Unies, trad. du flamand par M., Genève, 1671 (rééd. par P.L. Jacob, 18 74 ; en collaboration ; voir lettre de P. Bayle à M., 17 mars 1675). – Ad strenuos Christi confessores viginti sex Pastores Hungaricos [...] propempticon, 20 mai 1676 (voir G. Leti, Historia genevrina, Amsterdam, 1686, t. V. p. 135). – La Vie du marquis Galéace Caracciolo, mort à Genève le siècle passé, histoire des plus curieuses (de Niccol Balbani, trad. de l'italien par M.), Genève, 1681 (rééd. 1854). – «Supplément à l'Eloge de M. Spon» (extrait d'une lettre de M. Minutoli), dans Nouvelles de la République des Lettres, 1686, p. 635-638. – Courte et véritable description du Piémont et principalement des vallées des montagnes vaudoises [...] de leurs habitans et de leurs églises, Genève, 1690 (compilation du début de l'Histoire générale des Eglises [...] vaudoises de Jean Léger, 1669, attribuée hypothétiquement à M. par le soussigné). – Lettre de Mr. Minutoli [...] à Mr. Jurieu (à propos de la publication du «Projet de paix générale» de François Goudet), dans: P. Bayle, La Chimère de la Cabale de Rotterdam démontrée, Amsterdam, 1691, p. 187 et suiv. (réimpr. dans: P. Bayle, Œuvres diverses, nouv. éd., La Haye, 1737, t. II, p. 744-746. – Les Dépêches du Parnasse ou la Gazette des savans, Genève, 1693-1694. – Vincentii Minutoli, Syllabus quorundam Scriptorum, quorum nomina praetermissa sunt in isto Catalogo, à la fin de: Vicentius Paravicini, Catalogus Scriptorum, ab Helvetiis ac Foederatis Reformatae Religionis, annis quinquaginta posterioribus seculi decimi septimi, editorum, in omni eruditionis genere, ed. secunda, Basileae, 1702.

B) Œuvres posthumes: Histoire de la glorieuse rentrée des Vaudois dans leurs Vallées, par le pasteur et colonel des Vaudois Henri Arnaud (mise en forme par M.), Cassel, 1710 (rééd. Neuchâtel, 1845, Genève, 1880, trad. anglaise, Londres, 1827, etc. ; dont il subsiste deux manuscrits, l'un de la main de M., à Torre Pellice, Società di Studi Valdesi, ms. 2 ; l'autre d'une main non identifiée, à Cracovie, Biblioteka Jagiellonska, Ms. Gali., f° 162b). – «Mémoire touchant la maison Minutoli», dans: P. Bayle. Supplément au Dictionnaire historique et critique, Genève, 1722, p. 272-276 (réimpr. ensuite dans les éd. du Dictionnaire même). – Epinicium super Cenava scalis admotis incassum tentata (trad. latine d'une chanson sur la fameuse «Escalade» de Genève), pubi, par E.A. Betant, dans La Démocratie suisse, 5 déc. 1865.

C) Correspondance: à part quelques lettres isolées, seule la correspondance échangée avec P. Bayle s'est conservée: cf. E. Labrousse, p. 381-383 et passim.

D) Ecrits inédits dont le ms. autographe est connu: Vers en l'honneur de Louis I Tronchin, nouveau recteur de l'Académie de Genève, 1663, B.P.U., ms. Tronchin 60, f° 167. – «In obitum [...] Stephani Clerici», 1676, B.U. Amsterdam, Remonstrantsche Kerk, ms. As 2. – « Genevensia ou Mémoires touchant Genève » (env. 1685), Genève, Société d'histoire et d'archéologie, ms. 213. – «Catalogue des livres d'histoire, de chronologie, de géographie, de politique, de fortification et de litérature de la Bibliothèque de Genève», «Bibliotheca Genevensis, Codices manuscripti», 1697: B.P.U., Archives B 4, f° 79-112,115-120. – Projet d'inscription pour célébrer le début du nouveau siècle, 1700: Genève, A.E.G., P.H. 4023.

E) Ouvrages non achevés ou disparus: Description de Genève destinée au Theatrum civitatum de J. Blaeu, 1671 (voir A.E.G., Registres du Conseil, vol. 171, f° 63 v°-64, 66). trad. française de Léon de Modène, Historia degli riti hebraici, env. 1675 (voir lettre de Bayle à M., 17 mars 1675). – Vers à la mémoire du syndic Marc Roset, avril 1677 (Bayle à M., 29 août 1677). – Plusieurs discours composés et prononcés à l'occasion de la cérémonie des « Promotions » du Collège et de l'Académie de Genève, notamment: Sur le mois de mai, 1677 (voir même lettre); Sur une inscription romaine trouvée dans le lit du Rhône à Genève, 1678 (Bayle à M., 15 déc. 1678: Nouvelles de la République des Lettres, 1685, p. 37); Sur les cloches, 1680 (Bayle à M., 1er janv. 1681); Sur les changements de nom, 1684 (M. à Bayle, 13 juin 1684) ; Sur les oracles et les disputes des gens de lettres, 1686 (M. à Bayle, 28 mai 1686); Sur une petite statue en bronze récemment découverte à Genève, 1690 (M. à Bayle, 5 sept. 1690). – Une «Géographie séculière», 1683 (Bayle à M., 15 juil. 1683). – Une trad. française de G.P. Valeriano, Contarenus, seu de infelicitate literatorum, 1692 (Bayle à M., 6 oct 1692). – Des «Disputes de morales», s.d. (voir Sene­bier, t. II, p. 266).

8. Bibliographie

Moreri, t. VII, p. 566-567. – (A.E.G.) Archives d'Etat de Genève. – Bayle P., Lettres, publiées sur les originaux avec des remarques par [Pierre] Des Maizeaux, Amsterdam, 1729. – Senebier J., Histoire littéraire de Genève, Genève, 1786, II, p. 265-266. – Galiffe J.A., Notices généalogiques sur les familles genevoises, Genève, 1836, t. III, p. 329-331. – Bordier H.L., «Les Incendies à Genève», dans Etrennes religieuses, 16e année, 1865, p. 259-285. – Gigas E. (éd.), Lettres inédites de divers savants, 1.1, Choix de la correspondance inédite de Pierre Bayle, 1670-1706, Copenhague, 1890. – Livre synodal contenant les articles résolus dans les synodes des Eglises wallonnes des Pays-Bas, t. I, 1563-1685, La Haye, 1896. – Borgeaud C, Histoire de l'Université de Genève, 1.1, 1559­1798, Genève, 1900, p. 403, 481-492, etc. – Watts G.B., «Vincent Minutoli's Dépêches du Parnasse», P.M.L.A., t. XLI, 1926, p. 935-941. – Spreti V., Enciclopedia storico-nobiliare italiana, Milano, 1931, t. IV, p. 604-605. – Labrousse E., Inventaire critique de la correspondance de Pierre Bayle, Paris, 1961. – Pons T., «L'autore della Histoire de la glorieuse rentrée», Bollettino della Società di Studi Valdesi, n° 124, déc. 1968, p. 56-82. – Candaux J.D., «Vincent Minutoli et les Vallées vaudoises», ibid., n° 125, juin 1969, p. 67-70. – Dizionario critico della letteratura francese, éd. F. Simone, Torino, 1972, t. II, p. 803-804. – Le Livre du Recteur de l'Académie de Genève (1559-1878), éd. S. Stelling-Michaud, t. IV, Genève, 1975, p. 552. – Kiefner T., Henri Arnaud d'Embrun, pasteur et colonel auprès des Vaudois, une biographie, Gap, 1989, p. 61-79: «La genèse du livre sur La Glorieuse Rentrée». – Campi E., «Vincente Minutoli e l'Histoire du retour», dans Dall'Europa alle Valli Valdesi: atti del XXIX Convegno storico internazionale «Il Glorioso rimpattrio (1689-1989)», Torre Pellice, 1989, éd. A. de Lange, Torino, 1990, P- 363-378.