MILCENT

Numéro

576

Prénom

Jean

Naissance

1747?

Décès

1830?

1. État-civil

L'état civil de Milcent a été détruit lors de l'incendie de 1871 et n'a pas été reconstitué (A.V.P.). Un acte notarié (Etude Morin de Paris, 8 oct. 1789) lui attribue les prénoms de Jean Marie Gabriel, tandis que les biographies usuelles donnent Jean Baptiste Gabriel. Milcent (il se laisse appeler de Milcent par ses lecteurs) serait né le 23 juin 1747 à Paris et serait le dernier et seul survivant d'une famille de vingt et un enfants dont le père aurait été marchand de bois (N.B.G.). M. a eu pour épouse une certaine Jeanne Sonnet dont il est séparé quant aux biens (acte passé à Paris devant Me Giard le 30 juin 1792) et il est peut-être apparenté au jacobin Milscent. M. meurt au début du XIXe siècle, vers 1830 pour la B.Un., en 1833 pour la N.B.G., à Paris (Dubuc). Mais on ne trouve pas son nom dans l'Almanach des 25 000 adresses qui recense pourtant de nombreux auteurs mineurs.

2. Formation

M. aurait fait ses études chez les Jésuites avant d'être introduit dans le salon de Mme Geoffrin par d'Alembert et Diderot (il n'apparaît toutefois pas dans la Correspondance de Diderot, ni dans les Mémoires de Morellet). M. a été membre de la Société littéraire de Bayeux, membre-adjoint, puis trésorier de l'Académie des Palinods de Rouen et secrétaire de l'Opéra de Paris.

3. Carrière

M. a été connu en son temps avant de tomber dans l'oubli. Aussi sa biographie, telle qu'on peut la reconstituer, est-elle discontinue et emplie d'incertitudes. La carrière littéraire de M. semble commercer précocement. D.O.A. lui attribue Le XVIIIe siècle vengé, ouvrage paru en 1775. H s'agit d'une vibrante et maladroite apologie de la philosophie des Lumières, exécutée par le fils de Fréron dans L'Année littéraire, 1776, t. V. Très tôt M. mène de pair une carrière d'auteur littéraire et de journaliste. M. dirige le Journal d'agriculture et La Gazette d'agriculture qui, selon A. Dubuc, sont des publications officieuses du ministère des Affaires étrangères, avant de devenir le rédacteur du Journal de Normandie, qu'il obtient peut-être en dédommagement de son départ du Journal d'agriculture en 1785. M. quitte alors Paris, contraint et forcé (voir Journal de Normandie, 1786, p. 1) et s'installe à Rouen où il réside rue du Bourg-l'Abbé. M. se multiplie sur tous les terrains. Tout en dirigeant avec dynamisme son journal, il participe à l'activité de l'Académie des Palinods où il occupe le rang modeste de membre-adjoint et où il présente des poèmes d'un médiocre intérêt (Gosseaume). Mais M. écrit aussi pour le théâtre -Agnès Bernau en 1785 qui est soupçonnée de plagiat et où se mêlent des passages touchants et d'autres ridicules (CL., juil. 1785; L'Année littéraire, 1786, t. VIII, p. 320) - et devient en 178 7 secrétaire de séance du département de Rouen, qui est une émanation de la commission intermédiaire. Il garde cet emploi, la Révolution venue, en devenant secrétaire du district de Rouen en 1790: les archives de ces organismes sont conservées aux A.D. de Rouen et contiennent plusieurs pièces de la main de M. Dans son journal qu'il conserve jusqu'en 1792, M. appelle de ses vœux dès 1788 des réformes et adhère à la Société patriotique bretonne. En 1792 M. vend son journal à Noël de La Morinière et quitte Rouen pour s'installer à Paris. Est-il acculé à la vente par le mauvais état de sa vue (Le Patriote de Normandie) ou attiré par le bouillonnement politique de la capitale (Dubuc)? Souhaite-t-il tout au contraire se mettre en retrait? Toujours est-il qu'il semble renoncer au journalisme et se consacrer à la scène. M. occupe les fonctions de secrétaire de l'Opéra du 1er juin 1793 au 1er avril 1796 tout en écrivant plusieurs tragédies lyriques qui seront rejetées. On perd alors sa trace : auteur d'une œuvre abondante, M. reste cependant pour ses contemporains comme pour nous, non sans raison sans doute, avant tout comme le directeur du Journal de Normandie.

4. Situation de fortune

On ne sait pratiquement rien des revenus que M. tire de son activité proprement littéraire. On saisit toutefois l'enregistrement pendant la Révolution d'une convention sous seing privé entre un Milcent, très vraisemblablement le nôtre, et le libraire David: l'auteur se voit proposer 300 francs pour l'abrégé du troisième volume d'une Histoire d'Angleterre (A.V.P.). En tant que secrétaire du département de Rouen, M. reçoit 1800 £ par an (voir reçu aux A.D. Rouen, C.2126).

5. Opinions

M. est un représentant typique de la foule des républicains des lettres, membres de sociétés savantes, esprits curieux de tout, favorables aux réformes. Il milite en faveur des Etats Généraux. Par la suite il abandonne l'avant-scène politique à d'autres. Toutefois on le voit adhérer à une société patriotique bretonne et déposer, lors d'un bref passage à Rouen, un texte louant la Convention au bureau de la Commune de son ancienne ville d'adoption, le 5 frimaire 1793 (Le Patriote de Normandie).

6. Activités journalistiques

M. a collaboré au Journal d'agriculture, de commerce et de finances (D.P.1 650) et à la Gazette d'agriculture (D.P.1 555) de la fin de 1781 jusqu'en 1784, date à laquelle ces deux périodiques sont réunis à L'Affiche de province. Ce regroupe­ment s'insère manifestement dans un contexte de réorganisation assez confuse pour nous de la presse du début des années quatre-vingt. En 1783, le censeur Houard s'efforce d'obtenir un privilège pour un périodique s'intitulant Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique, civile, littéraire de Normandie, titre qui, à quelques mots près, va devenir le sous-titre du Journal de Normandie (D.P.i 681). Le problème est abordé notamment lors d'une séance des services de la Librairie, le 7 septembre 1783 (f.fr. 21978, f° 31). Houard finit par obtenir un privilège pour dix ans le 24 décembre 1784 (f.fr. 21978, f° 31; f.fr. 22011, f° 115 v°). Il ne semble pas en tirer immédiatement profit (il évoque même un privilège du 19 septembre 1783, f.fr. 21865, f° 95)- Cependant, en 1784, la veuve Machuel, éditrice des Affiches de Rouen, se voit retirer brutalement son privilège. Elle s'en plaint, mais apparemment en vain (f.fr. 21937, f° 51)- Un vide est créé. Le chevalier de Limoges tente de bénéficier du privilège de Houard. Celui-ci s'oppose à la diffusion du Journal de Normandie. La Librairie répond en déclarant ne pouvoir donner au sieur de Milcent, qui fait son apparition dans l'affaire, le privilège déjà accordé à Houard (f.fr. 21865, f° 95) et intervient auprès du comte de Vergennes, ministre des Affaires étrangères. On connaît la suite : assez mystérieusement, M. obtient le privilège et réunit sous le titre de Journal de Normandie les Affiches de Machuel et le projet de Houard. M. va vouloir faire immédiatement de la feuille d'annonces - déjà assez originale - de Machuel un journal rendant compte des aspects les plus divers de la vie culturelle locale et nationale. Son projet rencontre dans un premier temps une certaine inertie {Journal de Normandie, 1786, p. 1). Cela ne décourage pas le dynamique et enthousiaste M., qui, en s'appuyant sur de nombreuses contributions, parvient à faire de son journal un véritable bureau d'esprit, où sont examinées les questions les plus graves (esclavage, réformes politiques, progrès économiques). M. est en 1788 un des premiers à lancer le mot « citoyen » et à briser le silence imposé en matière politique aux journaux. Cependant M. travaille aussi en harmonie avec les autorités: il reçoit ainsi de l'intendant l'ordre d'annoncer certaines publications (A.D. Rouen, C.1078). Sous la direction de M., le Journal de Normandie devient sans doute un des titres les plus attachants et les plus intéressants de la presse provinciale de la fin de l'Ancien Régime.

7. Publications diverses

L'oeuvre de M. est abondante et seulement en partie imprimée. Certaines attributions sont discutables. Se reporter à Cior 18.

8. Bibliographie

8. B.Un.; N.B.G.; H.G.P., t. I, p. 337-343. – Frère E.B., Manuel du bibliographe normand, Rouen, 185 7-1859. – B.N.: f.fr. 21865, 21937, 21978, 22011. – (A.V.P.) Archives de la ville de Paris, D.Q.7, 126631. – A.D. Rouen, C.909, 1078,1080, 2126, 2186. – B.M. Rouen, ms., m.233, Aublé R., Bibliographie de la presse rouennaise. – Gosseaume D.M., Précis analytique des travaux de l'Académie [...] de Rouen, Rouen, 1821. – Héron A., Liste générale des membres de l'Académie de Rouen, Rouen, 1903. – Le Patriote de Norman­die, 2 avril 1894. – Dubuc A., «Le journal de Normandie avant et durant les Etats généraux», dans Actes du congrès des sociétés savantes de Lyon, 1964,1.1, p. 385-404.