METTRA
Numéro
Prénom
Naissance
Décès
1. État-civil
Louis François Mettra est né au plus tôt vers 1738; il était fils de Louis François Mettra, ancien échevin, banquier ou marchand parisien et commissionnaire de Frédéric II, mort le 3 mai 1763, son fils étant à cette époque mineur (H, p. 39). Louis François Mettra l'ancien apparaît comme transitaire pour Berlin dans la correspondance de l'abbé Trublet avec Formey (nombreuses références dans Nachlass Formey, Staatsbibliothek, Berlin) et dans la correspondance de Thieriot et de Voltaire avec Frédéric II entre 1744 et 1750 (H, p. 37-38). J.V. Johansson, en découvrant la date de décès de Louis François Mettra l'ancien, a pu identifier comme son fils Louis François Mettra le jeune et le distinguer de ses homonymes (p. 40-50). En 1791, un ouvrage publié d'ailleurs par lui-même, signale à Neuwied « la société typographique tenue par M. Mettra dont le nom est cher aux gens de lettres». M. négociait avec la Prusse, pour le compte de la France, en 1792. La dernière lettre que l'on possède de lui est datée du 4 janvier 1793 (J, p. 94). En 1803, il pratique encore le commerce d'art à Berlin, Unter den Linden 34 («Magasin d'objets d'art et de littérature», «Librairie des Arts», «Collection de tableaux de grands maîtres et d'estampes anciennes et modernes, assortiment en éditions précieuses et en ouvrages récents» (Saint-Paterne). Un Mettra, ancien imprimeur à Neuwied, est encore signalé à Berlin en 1805 (J, p. 95).
2. Formation
A la mort de son père en 1763, M. semble lui avoir succédé comme courtier et agent de Frédéric II à Paris; il prend alors la qualité d'écuyer (J, p. 49 ; H, p. 40) ; en 1766, il devient agent de Frédéric II à Paris (patente du 26 avril 1767, citée par J, p. 52-54 et H, p. 40). Mettra acheta pour plus de 40 000 f de tableaux et d'objets à la vente après décès de Jean de Jullienne en 1767 (E. Dacier et A. Vuaflard, Jean de Jullienne et les graveurs de Watteau, Paris, 1929, t. I, p. 244). «Mettra, marchand à Paris» fut poursuivi quelques années plus tard à Berlin pour une caisse de tableaux que n'avait pas reçue la comtesse de Redern (Courier du Bas-Rhin, 15 janv. 1774).
3. Carrière
Il accomplit une mission de négociation à Berlin du 7 juillet au 26 août 1768 (J, p. 54-56; H, p. 41), puis une mission officieuse de rapprochement avec la Prusse du 2 août 1771a septembre (J, p. 58-61). Désavoué par le ministre d'Aiguillon, et bientôt en faillite (début 1772: H, p. 42), il disparaît pendant quelques années et réside probablement à Paris (H, p. 47). Peut-être se rend-il ensuite en Allemagne où paraît en 1775 la Correspondance littéraire secrète (J, p. 94), sans doute à Neuwied où s'installe vers 1780 la Société typographique (J, p. 70; H, p. 48). Il accomplit sa dernière mission diplomatique à Cologne, fin 1792 (J, p. 75 et suiv.); en avril 179 3, la Correspondance littéraire change de rédacteur et devient contre-révolutionnaire (J, p. 83). Un rapport adressé à Fouché le 2 septembre 1805 affirme que l'imprimeur Mettra fabriquait en 1793 de faux assignats dans son atelier de Neuwied (J, p. 95).
4. Situation de fortune
Banquier important à Paris, M. le jeune eut en 1769 l'ambition de devenir fermier-général (J, p. 56). Il paraît avoir été dur et parfois indélicat en affaires; sa «juiverie», selon d'Alembert, n'est plus supportable (J, p. 63). Les causes de sa faillite ne sont pas connues, mais à Neuwied, il rétablit rapidement ses affaires. Selon le Voyage du Rhin (trad. française de 1791), la Société typographique formée par M. comprend une librairie, une imprimerie en taille douce et une imprimerie française (J, p. 68-69).
5. Opinions
En 1783, une lettre de recommandation le cite comme « un de nos frères maçons » (H, p. 50). Il semble qu'à Neuwied, il ait publié un journal franc-maçon, le Freymaurer Zeitung (H, p. 59-61). Pendant la Révolution, M. servit d'intermédiaire pour négocier la fin de la guerre franco-prussienne (novembre 1792) (Sybel; H, p. 62-65). M. fut mandaté afin de négocier secrètement à Cologne une paix séparée avec l'envoyé prussien. Le projet échoua. M. aurait eu l'aide de l'écrivain Andréa de Nerciat (Paër), ancien directeur des bâtiments du prince de Hesse-Rothembourg et émigré.
Une Epître dédicatoire au prince Henri de Prusse (Berlin, 30 avril 1803) le désigne comme « de l'Académie des Sciences de Munich et d'autres sociétés littéraires» (Saint-Paterne).
6. Activités journalistiques
M. fut l'imprimeur, l'éditeur et le libraire de la Correspondance littéraire secrète (1775-1793), hebdomadaire publié d'abord de façon clandestine sur une «imprimerie portative» (Avis du premier numéro), sans doute à Neuwied; l'adresse de Neuwied, Société typographique, apparaît en 1785 (voir D.P.1 235). La Correspondance littéraire secrète de M. ne se confond pas avec la Correspondance secrète, politique et littéraire publiée à Londres (Adamson, 1787-1790), qui donne, avec des extraits de M. pour les années 1775-1785 (voir la Correspondance littéraire de M., t. VII, n° 26, 1788, p. 246), des nouvelles à la main tirées des Bulletins de Versailles (17771792). Ces Bulletins ont été publiés en 1866 par M. de Lescure sous le titre de Correspondance secrète inédite sur Louis XVI, Marie-Antoinette, la cour et la ville, de 1777 à 1792 (voir J, p. 15-25 ; D.P.1 235). Un Index nominum manuscrit a été établi par A. Paër d'après l'éd. Adamson de la Correspondance secrète politique et littéraire (Dossier Mettra, notes ms. et imprimées réunies par Auguste Paër, Paris, B.H.V.P., ms. 692). Un index nominum de la Correspondance littéraire secrète est en cours de préparation sous la direction de B. Berglund-Nilsson, U. de Karlstad (Suède). En 1780, M. lança un premier journal, le Magasin politique et historique (D.P.1 861), publié par son prête-nom, Louis de La Roque. Cette importante revue politique n'eut pas de succès et fut remplacée à la fin de l'année par le Nouvelliste politique.
De 1780 à 1784, M. publia ou fit publier, près de Cologne, Le Nouvelliste politique d'Allemagne (D.P.1 1067). Son activité personnelle est prouvée par une notice du 23 décembre 1783 parue dans le Nouvelliste politique : « On croit devoir prévenir de nouveau M.M. les abonnés que le S. de Mettra, propriétaire du Nouvelliste politique, leur fera présenter sa quittance à l'échéance de leur abonnement». Le Nouvelliste politique fut fondé en 1780 à Deutz par Louis de La Roque, conseiller financier de l'archevêque de Cologne qui demeurait près de la cathédrale et recevait dans son bureau les abonnements et les annonces. Une lettre signée Mettra dans les archives de Dùsseldorf fait état, dès le 7 février 1781, des difficultés qu'il a rencontrées avec le directeur des Postes au sujet de l'expédition du Nouvelliste (H, p. 53-54); le 27 mars 1782, on mentionne pour la première fois un Bureau des ouvrages périodiques privilégiés de Son Altesse Electorale de Cologne, sur le Quai de la Monnaie, près de Cologne [renseignements fournis par E. Mass].
M. tenta d'intéresser la représentation diplomatique française à la diffusion du Nouvelliste politique d'Allemagne, ainsi que du Magasin politique et historique, Deutz et Cologne, 1780. Il envoya en juillet 1780 un Mémoire anonyme au comte de Chalon, ministre du roi auprès de l'électeur de Cologne, dans lequel il demandait l'entrée en France de ses périodiques et suggérait un avis favorable de l'Intendant général des Postes. Le comte de Chalon en transmettant ce texte à Vergennes nota qu'il lui avait été « adressé par M. Mettra, Français établi à Deutz et qui est un des éditeurs des ouvrages privilégiés de l'Electeur». Un mois après, les «Editeurs des ouvrages périodiques privilégiés» (signant illisible cette fois-ci) interviennent, par une nouvelle supplique datée de Deutz, auprès de l'agent diplomatique français Rayneval: ils se flattaient d'être pour la plupart Français et que le chargé d'affaires Chalgrin avait déjà présenté leur demande à Vergennes. Chalon ne s'y opposait pas non plus. L'Intendant des Postes, le baron d'Ogny est disposé à former un traité avec nous dès que M. le comte de Vergennes y aura donné son approbation ». Ils promettent en outre que « la liberté honnête qui régnera dans nos écrits sera toujours dirigée par le respect le plus sincère pour le gouvernement de notre Patrie». Ils annonçaient un service gratuit de leurs productions aux Affaires étrangères. Vergennes fit répondre que « le ministre ne s'opposerfait] pas» (apostille à la requête), mais qu'il fallait s'adresser d'abord à l'Intendant des Postes (9 déc. 1780: A.A.E.).
M. quitta Cologne au printemps de 1784, après que les glaces du Rhin eurent détruit son imprimerie à Deutz, près de Cologne. Il remarque dans une lettre de Leipzig du 6 juin 1796: «Il est vrai qu'il s'est fait une gazette chez moi; mais ce n'est point moi qui l'ai faite. Depuis près de quinze ans il n'a été rien imprimé de moi en ce genre. La littérature ne s'accordait point avec les soins de la conduite d'un établissement que j'ai formé en 1780 sur les bords du Rhin près de Cologne, transporté à Neuwied à l'occasion de la débâcle des glaces qui l'avaient presque entièrement détruit en 1784». On ne sait pas qui continua la publication du Nouvelliste politique. Cette gazette exista cependant, sous une forme presque identique, jusqu'à l'année 1789 ou 1790.
Outre son imprimerie de Deutz, face à Cologne, M. entretenait une équipe de copistes autochtones chargés de diffuser, parallèlement à ses journaux, des séries de nouvelles à la main nourries des Bulletins de Versailles :
Le Nouvelliste politique et littéraire, janv. 1777 - 7 mars 1786, hebd., ms., 2 vol. (Bayonne, coll. part.).
Correspondance politique secrète sur la Cour de France,juil. 1774 - 22 déc. 1779, ms. en feuilles, comportant deux numéros imprimés de la Correspondance secrète (Namur, Archives de l'Etat, fonds Meldeman, n° 37). Série découverte par C. Douxchamps-Lefèvre et mise en rapport avec la Correspondance secrète inédite sur Louis XVI, Marie-Antoinette, la Cour et la ville de 1777 à 1792 publiée par Lescure en 1886. D'autres recueils ont vraisemblablement la même origine:
Lettres de M. de Kagencek [...] au baron Alströmer 1779-1784, éd. L.A. Léouzon Le Duc, Paris, 1884. Bulletins de Versailles conservés ( ?) à Berlin (M. Tourneux, Marie-Antoinette devant l'histoire, Paris, 1895, p. 22-25).
Nouvelles politiques, janvier 1777-1794, ms., 19 vol. comportant 5 numéros imprimés de la Correspondance politique et littéraire de 1793 (Munich, Staatsbibliothek, Cod. Gali., 122a-132).
J. Manzon, directeur du Courier du Bas-Rhin, signale en 1782 un atelier de nouvellistes à la main fonctionnant à Cologne ou à Francfort (lettre à Stanislas Auguste Poniatowski, 23 juil. 1782: Varsovie, AGAD, Pop. 430, p. 322-324) et dont font partie les comtes Oginski et Castriotto (Stephano Zannowitch alias Castriotto d'Albanie)
8. Bibliographie
A.A.E.: Cologne, C.P. 109, f° 206, lettre de Chalon à Vergennes lui envoyant le Mémoire suivant, 19 juil. 1780; f° 209, Mémoire de M. ; f° 272-273, Requêtes des «Editeurs des ouvrages périodiques privilégiés », 30 août 1780 ; f° 324, Vergennes à Chalon, 9 déc. 1780. – Stadtarchiv Leipzig, Acta über den zur Zeit in Leipzig sich aufhaltenden Buchhändler Mettra, Anno 1796, Libri XL VI, 43 (cité d'après Fontius). – Leclerc de Septchênes, Eloge de M. M. ***, Londres [Paris], 1786, réédité en 1789 avec le nom de Mettra. – Robineau, dit de Beaunoir A.L., Voyage sur le Rhin depuis Mayence jusqu'à Dusseldorf, Neuwied, Société typographique, 1791, 2 vol.: t. I, p. 133, Description de l'imprimerie de Neuwied, ses publications, p. 144-145. – Id., Le Royaliste ou Lettres d'un Francais, réfugié sur les bords du Rhin, Neuwied, 1791: La Deuxième Lettre (p. 39) est dédiée à «Monsieur M.» (Mettra). – Saint-Paterne C. de, Tablettes d'un amateur des arts, Berlin, Librairie des Arts, 1803. – Lévis, duc de, «Mettra le journaliste», dans Souvenirs et portraits, Paris, 1815, p. 183-184. – SybelH. de, Histoire de l'Europe pendant la Révolution française, trad. de l'allemand, Paris, Germer Baillière, 1870, t. II, p. 70. – Sorel A., «Post-scriptum sur Mettra», Le Temps, 5 février 1885. – Schérer E., Melchior Grimm, avec un appendice sur la Correspondance littéraire de M., Paris, 1887 (recueil d'articles parus dans R.D.M., 18851886). – Ester K. d', Das Politische Elysium oder die Gespräche der Todten am Rhein, Neuwied, 1936, t. I. – (J) Johansson J.V., Sur la Correspondance littéraire secrète et son éditeur, Göteborg, Gumperts, et Paris, Nizet, i960. – Fontius M., «Mettra und seine Korrespondenzen», Romanische Forschungen, t. LXXVI, 1964, p. 420-421. – Feiler S., Métra's Correspondance secrète, politique et littéraire: its content and nature, Evanston, Illinois, 1967 (University microfilm, Ann Arbor, Michigan). – (H) Hjortberg M., Correspondance littéraire secrète, 1775-1793 : une présentation, Acta Universitatis Gothoburgensis et Paris, J. Touzot, 1987. – Moureau F., De bonne main, Paris, Oxford, 1993. – Nouvelles, gazettes, mémoires secrets, colloque de Karlstad, dir. B. Berglund-Nilsson, Karlstad, 1999.
9. Additif
Décès : après 1803
Carrière : Louis Mettra est encore connu à partir de 1774 comme nouvelliste à la main à Deutz près de Cologne et à Neuwied, où il publie la Correspondance littéraire secrète (voirRépertoire des nouvelles à la main, Oxford, 1999). Il fut auparavant, marchand d’art à Paris et agent de Frédéric II . Après 1794 (?), il s’installe à Berlin dans le commerce de l’art et publie les Tablettes d’un amateur des arts contenant la gravure au trait des principaux ouvrages de peinture et de sculpture qui se trouvent en Allemagne. Avec leur description par une société d’amateurs et de gens de lettres. Tome premier. Etats du roi de Prusse, Berlin, Librairie du roi et de la cour; Paris, Levrault, Schoell et Compagnie, 1804. La Dédicace au prince Henri de Prusse est signée "Mettra, de l’Académie des Sciences de Munich et d’autres sociétés littéraires", Berlin le 30 avril 1803; ouvrage contenant une suite de 24 pl. [6 cahiers] gravées au trait par divers (dont Haller von Hallerstein) avec leurs notices, les oeuvres originales étant vendues par Mettra dans son "Magasin d’objets d’art et de littérature" à Berlin, Unter den Linden 34", dite aussi "Librairie du roi et de la cour".
Bibliographie : Angelike, Karin, Louis-François Mettra : Ein französischer Zeitungverleger in Köln (1770-1800). Cologne und Vienna : Böhlau, 2002 (J.S.).
Sur la production nouvelliste (1774-1794) de Mettra, voir François Moureau, Répertoire des nouvelles à la main. Dictionnaire de la presse manuscrite clandestine. XVIe-XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 1999, p. 380-464. (François MOUREAU)
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