MARIVAUX

Numéro

549

Prénom

Pierre Carlet de

Naissance

1688

Décès

1763

1. État-civil

Pierre Carlet, qui à partir de 1716 signera Carlet de Marivaux, naquit à Paris au début de février 1688, probable­ment le 4, de Nicolas Carlet et Marie Anne Bullet. Son père, écrivain de la marine au Havre de 1680 à 1685, fut trésorier des vivres en Allemagne (1688-1697), contrôleur contre-garde (1699-1700) et directeur de la Monnaie de Riom (1701-1719). Son oncle maternel, Pierre Bullet, et son cousin J.B. Bullet de Chamblain étaient des architectes en renom. De son mariage (juil. 1717) avec Colombe Bologne, fille d'un «avocat au Parlement et conseiller en la ville de Sens», il eut, en 1718, une fille unique, Colombe Prospère, née le 24 janvier à Ivry-sur-Seine (Houdaille), plus tard «religieuse de chœur» à l'abbaye bernardine du Trésor (Eure), de 1746 (ou 1750) à 1788 (M.C., XVIII, 888, 27 janv. 1790). Il perdit sa femme entre I722 eti725 et mourut à Paris le 12 février 1763.

2. Formation

Etudes au collège de l'Oratoire de Riom (en 1722, il fait certifier son identité par un ancien professeur de cette institution, J.B. Paul; M.C., LXXXVI, 539, 18 sept.); la plu­part de ses maîtres étaient ardemment jansénistes. Inscriptions à la Faculté de Droit de Paris (30 nov. 1710, 25 avril 1711, 30 avril 1712), mais en juillet 1712, il renonce à se présenter au baccalauréat; il vient de publier son premier roman. Nouvelles inscriptions le 30 avril et le 31 juillet 1721. Bachelier en droit le 31 mai (A.N., MM 1123, p. 283), licencié le 4 septembre 1721, il se dit en 1722 «avocat au Parlement» («renonciation» du 18 mai, «notoriété» du 18 sept.: M.C., LXXXVI, 538), mais il ne semble pas qu'il ait jamais plaidé, et dans l'acte de baptême de sa fille, il était déjà désigné comme avocat.

3. Carrière

Il s'installe définitivement à Paris au printemps de 1712. Le séjour qu'il aurait fait à Lyon comme factotum d'une «vieille parente» (La Place, Pièces intéressantes et peu connues, Bruxelles, 1781-1790, t. II, p. 360-362), et qui n'aurait pu se situer qu'en 1725-1726, demeure hypothétique. Dès février 1727, il fut question de l'accueillir à l'Académie (lettre de Marais, B.N., f.fr. 24415, f° 210 ; Réception de Mathanasius, Le Cène, 1731, p. 77)- Il est encore question de lui en décembre 1732, mais Surian, évêque de Vence, lui est préféré (15 janv. 1733). puis Moncrif (5 déc. 1733 ; voir lettre de Le Blanc, 31 oct. 1733, dans Un voyageur-philosophe au XVIIe siècle: l'abbé Jean-Bernard Le Blanc, éd. H. Monod-Cassidy, Harvard U.P., 1941)- Nouvelle campagne en mai 1736: «si mon ami M. de Fontenelle n'est pas assez allant pour lui aller gagner des voix, Mme de Tencin se remuera volontiers pour lui» (lettred'Anfossi, 20 mai 1736, B.M. Avignon, ms. 2279, f° 29); mais Boyer puis La Chaussée sont élus. Il n'entre à l'Académie que le 10 décembre 1742, grâce à la «cabale» de Mme de Tencin (voir la Revue rétrospective, t. V, 1834). Il participera à ses travaux avec une remarquable assiduité.

4. Situation de fortune

Le 18 mai 1722, M. renonça à la succession de son père, «pour lui [...] plus oiseuse que profitable». Colombe Bologne lui avait apporté une dot substantielle (30 000 £ dont 7500 en argent comptant et 22 500 en billets divers), mais une bonne partie de ces revenus fondit probablement dans le désastre de Law (quelques traces de vente de billets d'Etat le 4 oct. 1719 et le 5 mars 1720: M.C., LXXXVI, 526 et 530). Malgré quelques dédicaces au duc de Noailles (1716), à Mme de Prie (1724) et à la duchesse du Maine (1728), et bien qu'il ait peut-être cherché à devenir secrétaire du duc d'Orléans (lettre de Le Blanc à Bouhier, B.N., f.fr. 24412, f° 456), il ne semble pas avoir été au service d'un grand. Il a tiré l'essentiel de ses ressources de son métier d'écrivain : les Comédiens-Français lui ont versé au total environ 2000 £, les Comédiens-Italiens peut-être 20 000; l'édition de ses œuvres peut lui avoir procuré un revenu deux fois plus important. A partir de 1747, N. Lasnier de La Valette lui assura une rente viagère de 2000 £, à quoi s'ajoutaient, au moment de sa mort, une rente de 4000 £ qu'il s'était constituée en 1757-1758, un «intérêt des fermes de Lorraine», et selon sa logeuse, Mlle de Saint-Jean, une «pension de 800 livres sur la cassette du Roi ». Avant qu'il ne cédât à Duchesne le privilège de l'édition de ses œuvres (automne 1757), sa situation financière était précaire: le 7 juillet 1753, il avait reconnu devoir 20 900 £ à Mlle de Saint-Jean et n'avait pu se libérer que de 900 en vendant la plupart de ses meubles. A sa mort, la vente de ses biens produisit 3501 £ 8 sols 6 deniers dont il subsistera finalement moins de 232.

5. Opinions

Les « pensées chrétiennes » du Spectateur français et surtout le Cabinet du Philosophe le montrent très éloigné du jansé­nisme. Ses prises de position en faveur des Modernes (premier témoignage dans le Mercure d'août 1718), sa participation aux discussions des cafés parmi les «Apédeutes» (voir son portrait dans l'Eloge historique de Pantalon-Phoebus) lui valu­rent l'hostilité des «savants». Souvent pris à partie par leurs partisans, il leur répondit en août 1722 dans la 7e feuille du Spectateur et plus particulièrement à Desfontaines, son ennemi particulier, dans la 6e feuille du Cabinet du Philosophe. Longuement raillé dans Tanzaï et Néadarné de Crébillon, il lui répondit dans la 4e partie du Paysan parvenu (automne 1734). Dans L'Ile de la Raison et dans Le Miroir, on trouve des traces de la longue inimitié qui l'a opposé, surtout au cours de la période 1732-1736, à Voltaire qui craignit longtemps de le voir publier une réfutation des Lettres philosophiques (D480, 494, 982, 1038; Bibliothèque française, t. XXIII, 1736, p. 358; Gazette d'Utrecht, supplément du 20 avril 1736). Principales amitiés : Crébillon le père, témoin à son mariage et parrain de sa fille, Fontenelle (Mémoires de Trublet), Helvétius (Le Miroir: Saint-Lambert, Essai sur Helvétius), Mme de Tencin dont il a été un des «sept sages» (Piron, dans le Mercure, févr. 1751), Mme de Verteillac (lettre du 4 déc. 1749), Mme de Lambert (Vie de Marianne), Mme Du Boccage (Le Miroir).

6. Activités journalistiques

Contributions au Nouveau Mercure (dir. l'abbé Buchet), août 1717-avril 1720. – Le Spectateur français, 25 feuilles, juin 1721-sept. 1724, Paris, Fournier, puis G. Cavelier père et fils, F. Le Breton, N. Pissot. – L'Indigent Philosophe, 7 feuilles publiées d'avril à juin 1727, Paris, N. Pissot et F. Flahault, puis P. Huet. D'après le Journal des savants de septembre 1727, p. 1824, Flahault a «débité» au début de l'automne la «huitième feuille» de ce journal. – Le Cabinet du Philosophe, 11 feuilles, fin janv.-avril 1734, Paris, Prault. – Dans le Mercure (mars 1751-déc. 1757), publication de diverses lectures académiques, du Miroir et de l'Education d'un prince. Pour la chronologie des œuvres de Marivaux, voir l'édition du Théâtre complet par H. Coulet et M. Gilot, 1.1, Paris, Pléiade, 1993, p. XCV-CLXI.

8. Bibliographie

Deloffre F., Marivaux et le marivaudage, Paris, Belles-Lettres, 1955 (rééd. A. Colin, 1967). – Durry M.J., A propos de Marivaux, Paris, S.E.D.E.S., i960. – Bonaccorso G., Gli Anni difficili di Marivaux, Messina, Peloritana Editrice, 1965.

Marivaux, monographie établie par S. Chevalley, Comédie-Française, 1966. – M., Journaux et œuvres diverses, éd. F. Deloffre et M. Gilot, Paris, Garnier, 1969, 1988. – Gilot M., Les Journaux de Marivaux, Paris, Champion, 1974. – Hou­daille J., Population, n° 4-5, 1988, p. 406, acte de baptême du26janv. i7i8(A.D. Val-de-Marne, I Mi 144 ou 4 E 655). – Moureau F., « Marivaux contre Voltaire : une lettre retrou­vée», Mélanges offerts à F. Deloffre, S.E.D.E.S., 1990, p. 405­

413. – Sgard J., «Trois philosophes de 1734», Etudes littéraires, t. XXIV, n° 1, été 1991, p. 31-38.

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