LE GUAY DE PREMONTVAL

Numéro

494

Prénom

André

Naissance

1716

Décès

1764

1. État-civil

André Pierre Le Guay est né à Charenton le 16 janvier 1716. Son père était commissaire de quartier, d'après Assézat. Le 30 juin 1746 il épousa, à Loerach près de Bâle, Marie Anne Victoire Pigeon (née en 1724), fille du célèbre mécanicien. Elle était son élève quand ils partirent ensemble à Paris en 1744 (les détails romanesques se trouvent dans Jacques le Fataliste, éd. Lecointre et Le Galliot, p. 85). Le Guay, qui prit le nom de Prémontval quand il commença ses cours de mathématiques à Paris vers 1737, mourut à Berlin le 2 septembre 1764, en apprenant que Frédéric avait appelé Toussaint à Berlin pour occuper la chaire d'éloquence à l'Ecole militaire. Sa femme mourut peu après lui ; ils n'avaient pas d'enfants, mais d'après Thiébault, elle eut un enfant d'un certain Zacharie, libraire (t. V, p. 65).

2. Formation

Son père le destinait à être avocat ou prêtre, mais L. se passionna de bonne heure pour les mathématiques. Il fit des études d'ingénieur, contre la volonté de son père, et sans succès ; d'après Rotermund, il aurait étudié au collège Sainte-Barbe. Il fut reçu membre de l'Académie de Berlin le 29 juin 1752.

3. Carrière

Brouillé avec ses parents à cause de son refus de se soumettre à la volonté de son père, il quitta la maison vers 1737 et s'établit comme professeur de mathématiques ; il donna des cours publics dans une salle louée, ce qui lui permit de recruter des élèves privés, et de se faire une réputation. En 1744, après la fermeture de ses cours, il quitta la France avec Mlle Pigeon. Il passa quelque temps comme précepteur dans un château à Fribourg, puis alla à Bâle où il compta Bernoulli parmi ses bienfaiteurs ; c'est près de Bâle qu'il se maria en 1746. La chronologie de ses voyages à cette époque est assez confuse ; d'après Formey, il est à Genève en 1744 et à Bâle en fin décembre de la même année. Il aurait également occupé des fonctions publiques à Morges, car Formey parle d'un discours dans cette ville en septembre 1741, date évidemment erronée. Le 16 février 1749, il date la troisième partie de ses Mémoires d'Erschischens. Le 17 septembre 1749, il est à La Haye où il travaille comme correcteur d'imprimerie chez les libraires (d'après Thiébault) ; le couple y vit dans la gêne. Par l'intermédiaire de la comtesse de Golowkin et de Mme de Kameke, sa fille, ils entrèrent en rapport avec Maupertuis, qui les invita à venir à Berlin, et ils quittèrent La Haye le 14 février 1752. Le 6 juillet, L. prononça son discours de réception à l'Académie de Berlin. Dans cette ville, il ouvrit, avec sa femme, une pension de jeunes gens.

4. Situation de fortune

La situation financière de L. semble avoir toujours été assez précaire. Après la fermeture de ses cours à Paris, il aurait reçu de l'argent de Fontenelle pour pouvoir s'enfuir en Suisse avec Mlle Pigeon (Voir B.Un. et Bartholmess, t. II, p. 207, qui parle 1200 francs envoyés anonymement par Fontenelle). En Suisse, il est probable qu'il vécut comme précepteur, et qu'il jouit de la protection de diverses personnes, dont Bernoulli. A Berlin il aurait reçu une pension de 2000 francs (ce qui est pourtant nié par Denina) ; d'après Formey, le prince Henri lui offrit, pour quitter la Hollande, une pension de 200 écus, et 400 pour le voyage. Il vivait surtout de sa pension et de ses élèves.

5. Opinions

La carrière de L. est semée de disputes et de controverses, car d'après le Nécrologe (1770, p. 105), «le caractère difficile et emporté de M. de Prémontval ne lui permit pas de vivre en paix nulle part». Très tôt, à cause de ses doutes sur la religion catholique, il s'adressa au P. Tournemine, qui ne semble pas avoir réussi à le convaincre, car en 1735 il publia ses Lettres contre le dogme de l'Eucharistie tel qu'il est enseigné par l'Eglise romaine, adressées en 1735 au fameux P. Tournemine ; ces lettres lui auraient attiré la haine des Jésuites. Ces derniers étaient sans doute à l'origine des accusations d'impiété qui le forcèrent à fermer ses cours en 1744. Comme il écrit dans ses Mémoires en 1749, certains «soutenaient que mes conférences étaient une école d'impiété et que j'avais l'art, sous prétexte de digressions sur différentes matières, d'y mêler les principes les plus pernicieux à la société et les plus contraires à la religion» (cité par Dulac, p. 75). En 1746, L. et Mlle Pigeon se convertirent au protestantisme et furent mariés par le pasteur de Loerach. Prémontval publia en 1750 un ouvrage intitulé Panagia panurgica, une critique des Moeurs de Toussaint, ce qui l'a entraîné à une polémique avec ce dernier. Il se lança dans plusieurs disputes de ce genre, par la publication de nombreux libelles ; les deux groupes de personnes le plus visées étaient les disciples de Wolff, et les athées de toutes nuances. Parmi les premiers se trouvait J.H.S. Formey, qu'il choisit comme cible principale dans son journal, Préservatif contre la corruption de la langue française en Allemagne, dans lequel il critiquait surtout les prédicateurs français. Formey parle de ses attaques dans son Eloge de Prémontval, en concluant : «Mais j'en dis plus dans ce moment que je n'en ai dit pendant toute la publication du Préservatif, où je me suis imposé la loi du plus parfait silence, et où mon coeur lui-même quoiqu'il dût sembler ulcéré, s'est tu, puisque je n'ai jamais cessé d'estimer non seulement dans Mr de Prémontval l'écrivain, mais même d'aimer l'homme. A la fin, j'ai eu la satisfaction de l'en voir convaincu, et de le serrer dans mes bras aussi cordialement qu'il s'y est jeté. Pourquoi faut-il que j'ai si peu joui de ce retour?».

6. Activités journalistiques

L. publia un journal appelé Préservatif contre la corruption de la langue française en Allemagne, Berlin, 1759-1764, 8 part. en 2 vol., qui avait pour but de critiquer le «style réfugié».

7. Publications diverses

L. est l'auteur de nombreux ouvrages de mathématiques, de polémique, ainsi que de traductions et de mémoires pour l'Académie de Berlin. Le plus connu de ses ouvrages est La monogamie, 3 vol., La Haye, 1751-1752. Pour la liste complète, voir Q. et Haag.

8. Bibliographie

B.Un. ; Haag. – Formey J.H.S., Eloge de Prémontval, dans Histoire de l'Académie des Sciences de Berlin, 1765, p. 526-540. – Nécrologe, 1770, p. 95-117. – Rotermund H.W., Fortsetzung und Ergänzungen zu […] Jöchers Allgemeinem Gelehrten-Lexicon, 1816, t. VI, p. 851. – Thiébault D., Mes Souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin, 4e éd., Paris, 1827, t. V, p. 59-67. – Bartholmess, Histoire philosophique de l'Académie de Prusse, 1850, t. II, p. 207-223. – Pellisson M., «Les mémoires d'un professeur au 18e siècle», dans Revue pédagogique, t. XLIV, 1904, p. 232-252. – Dulac G., «Louis-Jacques Goussier, encyclopédiste [...] original sans principes», dans Recherches nouvelles sur quelques écrivains des Lumières Genève, 1972, p. 74-77.

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