LA COUR

Numéro

440

Prénom

James de

Naissance

1709

Décès

1785

1. État-civil

Il est difficile de déterminer à quelle branche d'une nombreuse famille appartient James de La Cour (ou de La Court), nom courant en Grande-Bretagne depuis le milieu du XVIe siècle. Par exemple, un garçon de ce nom venant de Normandie est enregistré à Londres dès 1544, on ne sait pourquoi, et il semble avoir fait souche, car ce nom est fréquent au XVIIe siècle dans les registres de la guilde des tisserands, comme ailleurs. Lors des persécutions de Louis XIV, deux autres branches ou deux familles distinctes les ont rejoints à Londres : les Delacourt du Terme, très souvent militaires, venant de Champagne et Lorraine, qui passèrent vite en Irlande du Nord, et une autre presque toujours écrite en un mot, à l'anglaise, plus dispersée dans le sud de l'Angleterre. Celle-ci semble être venue de Normandie par les îles normandes, Jacques de La Cour avec sa femme et leur servante inscrits au temple huguenot à Southampton en 1568 et 1570, Nicolas de la Cour «marchand de Guernesey» en 1573. Le cabotage vers le sud de l'Irlande étant facile, on pourrait croire que Jacques aurait quitté Southampton après 1570 pour Cork où il y avait un John de la Cour négociant au XVIIe siècle. C'est le père de James (dont le prénom rappelle celui de son grand-père ou arrière-grand-père anglicisé) qui naquit à Cork en 1709. Il y a pourtant une autre tradition familiale, d'après un Irlandais moderne, selon laquelle la famille d'un officier huguenot de la branche Du Terme de Porlarlington, grand centre huguenot de l'Ulster, se serait fixée à Cork, ayant un parent, John Delacourt établi à Ballinroe, tout près, déjà en 1654, qui pourrait être le père de notre écrivain. Dans ce cas, James serait né gentilhomme, alors que l'autre famille aurait été roturière. Mais rien n'empêchait les nobles en Grande-Bretagne, surtout les cadets, de commercer. En tout cas John avait un fils cadet, Robert qui fit souche à Mallow et eut deux fils : Charles qui devint notaire à Cork, et Robert II qui eut une terre près de Mallow, y devint une notabilité et fonda une des meilleures banques huguenotes de la province en 1800.

2. Formation

Le père de L. devait être à l'aise dans ses affaires et bien intégré dans la société anglo-irlandaise ; il put envoyer son fils se faire instruire, d'abord chez le révérend Edward Mulloy, anglican, à Cork et à l'âge de 18 ans à Trinity College, Dublin, fondation anglicane datant d'Elisabeth I. Immatriculé le 29 janvier 1727-1728, il y payait les frais annuels normaux d'un «pensioner», fut diplômé B.A. (printemps 1732), M.A. (été 1735). Ce grade pouvait lui ouvrir une carrière dans l'église anglicane qui ne semble pas l'avoir tenté d'abord, car il s'était déjà illustré dans la littérature à un âge précoce. Peut-être son père finança-t-il une ou deux années d'études ou de recherches à Dublin, où il publia dès 1730, comme étudiant, un poème anglais Letter of Abelard to Eloïsa, réponse à celui d'Alexander Pope qui avait donné en 1717 Eloïsa to Abelard. Peut-être aussi reçut-il des fonds d'un noble condisciple de Trinity College, pour la dédicace de son deuxième ouvrage en vers : A Prospect of Poetry, qu'il écrivit en 1733, et dédia à John Earl of Corke and Orrery. Son père, peut-être ébloui par des débuts en telle compagnie, a bien pu le soutenir après son premier diplôme. On ne sait pas la date de la mort du père ni si L. put hériter de quoi vivre indépendant, jusqu'en juillet 1737 quand il fut ordonné prêtre anglican à Cork et jusqu'en 1744 quand il fut nommé curate (vicaire) de la petite paroisse campagnarde de Bollinaboy. En 1755, il fut révoqué, après de longues absences dues à ses entreprises journalistiques sur le continent.

3. Carrière

Il s'est adonné entièrement à la vie littéraire et sociale de Dublin pendant les années 1730, s'y faisant apprécier par son esprit et son caractère amène. Il ne s'est jamais marié et on ne sait ce qui l'a poussé à s'expatrier vers 1740. Très admiré en Irlande, traité même de poète de génie par certains, complimenté par Thomson, poète des Saisons, en l'honneur de qui il avait ajouté un poème à la suite de son Prospect of Poetry (1734), espérant peut-être de l'avancement par Charles Boyle, le père de son ami d'études, grand noble lettré, ou même par cet ami, John, qui succédait au titre et aux biens des comtes de Cork, à l'extinction de la branche aînée des Boyle, L. semble avoir été déçu, après un début brillant. Etait-ce faiblesse de caractère? On ne le sait pas, toujours est-il que sa carrière se distingue par trois parties très distinctes : la première, très réussie, à Dublin, jusqu'à 30 ans (1740) ; la seconde, assez réussie, comme journaliste publiciste et homme d'affaires à Francfort-sur-le-Mein (jusqu'en 1756), où il fut l'ami de Voltaire et de la Beaumelle (C. Lauriol, La Beaumelle, Genève, Paris, Droz, 1798, p. 300-301) ; la troisième, en Irlande, sur laquelle les informations sont lacunaires. Ses premières oeuvres ont été saluées dès leur parution comme des poèmes d'un génie précoce, et pas seulement en Irlande. Dans l'Europe au Magasine on loua le Prospect d'abonder en belles descriptions des vrais sujets poétiques d'une harmonie parfaite. Les louanges de Thomson ont dû ouvrir à L. les pages du Gentleman's Magazine, où il fit paraître plusieurs de ses poèmes fugitifs. Il fut donc connu en Angleterre et visita Londres, dont il cite certains beaux monuments, mais il ne semble pas y avoir trouvé de protecteurs. C'est peut-être la raison de son expatriation dans la colonie de réfugiés francophones à Francfort car la grande maison de Boyle-Orrery ne semble guère l'avoir aidé non plus. Peut-être son goût prononcé pour les cercles littéraires et mêmes badins le rendait-il impropre à d'autres occupations, comme on l'a dit de son entrée dans le clergé anglican. Il était petit, gai, bien reçu pour son esprit primesautier toujours à son aise dans toutes sortes de compagnies, étant bilingue, avec une étonnante facilité pour les improvisations en vers. Son registre était large et varié, depuis l'imitation de Pope jusqu'aux thèmes romantiques, excellant dans la peinture délicate des amours naissantes comme dans la raillerie affectueuse. Pour cette dernière on peut consulter le recueil intitulé Poetry and Legendary Ballads of the South of Ireland (série I, Cork, 1894, p. 270-278). Sa petite Epitaphe élégante sur sa grand-mère maternelle Anne y accompagne la sienne, du 4 avril 1785, inscrite sur leur pierre tombale à Shandon, Cork. Cette date infirme celles de 1771 et 1781 données par beaucoup de commentateurs. La raison de cette incertitude est évidente : après 1781, il sombra dans la folie, avec intermissions, et disparut, finissant ses jours peut-être dans une institution d'où l'ignorance sur sa mort.

6. Activités journalistiques

A partir de 1740 jusqu'en 1748 au moins, L. diffusa, deux fois par semaine, une traduction de papiers anglais auprès des «Grands seigneurs de l'Empire» (Le Patriote Anglais, 2e série, t. IV, n° 7). Il créa divers journaux, dont il paraît avoir assuré en grande partie la rédaction et la compilation :

Le Babillard anglais ou Raisonnements politiques, galants et critiques : pédiodique condamné par les échevins de Francfort le 11 février 1745 (Strauss B., La Culture française à Francfort au XVIIIe siècle, Bibliothèque de littérature comparée, 1914, p. 155-156, 201-202) et non retrouvé.

Le Patriote anglais, 1748-1752, 4 vol., bi-hebdomadaire sous-titré en 1749-1751 : « [remarques] tirées des auteurs anglais et autres les plus célèbres» (D.P.1 1109).

Le Nouveau Magasin de Londres, 1752-1753, 3 vol. (D.P.1 984), à ne pas confondre avec le Nouveau Magasin français de Mme Leprince de Beaumont.

Nouveau Cordial pour ranimer les esprits abattus ou l'Inquisiteur anglais, Francfort-sur-le-Mein, 1755 (D.P.1 978).

Les Amusements historiques, 1755-1756, 4 vol. (D.P.1 98).

D'autre part, L. publia une contrefaçon : Le Vrai Patriote hollandais, imprimé à Amsterdam par Rousset de Missy et repris sans indication d'éditeur par L. (1748-1750, 6 vol. ; (D.P.1 1267). Cette contrefaçon était réalisée au fur et à mesure de la parution, l'éditeur se contentant de postdater d'une semaine les livraisons. L'attribution à L.C. de cette contrefaçon se fonde sur la publicité qu'il ajoute pour le Patriote anglais, sur une allusion au fait que la nouvelle édition n'est pas faite en Hollande (t. V, n° 8), sur l'aspect général de la typographie et des ornements. (Paragraphe rédigé par F. Moureau).

7. Publications diverses

Letter of Abélard to Eloïsa, 1730. – A Prospect of Poetry (1733). – Verses inscribed to the Rt. Hon. Colonel Boyle on his being chosen Speaker to the House of Commons in Ireland. – Prospect of Poetry to which is added. A Poem to Mr Thomson on his «Seasons», 1734, (ouvrages réédités très souvent depuis, en volume ou en recueils collectifs, quelquefois avec d'autres vers occasionnels de L.). – The Progress of Beauty (un de ses poèmes les plus loués, de date inconnue, paru dans un recueil collectif). Traductions : La Prudence humaine, trad. de l'anglais de W. de Britaine, avec Sententiae Stellares, Bernes, 1744. – Dialogues et débats entre les maris et les femmes ou le but utile qu'on doit se proposer dans le mariage [...] traduit de l'anglais, Francfort-sur-le Mein, 1848 [1748].

8. Bibliographie

Smith C., The Ancient and Present State of the Country and City of Cork (1750, etc.). – Cork Historical and Archeological Society, Journal, 1872, 1926, 1969. – «Selections from James Delacourt», Poetry and Legendary Ballads of the South of Ireland, Cork, 1894. – Brady W., Clerical and Parochial Records of Cork, Dublin, Cloyne and Ross, 1863, t. I. – Smiles S., Huguenots in England and Ireland, Londres, 1876. – O'Kelly Eoin, The Old Private Banks and Bankers of Munster, Cork U. P., 1959. – Folliott Rosemary, Biographical Index to Cork and Kerry Newspapers from 1756 to 1827 (dact., dans Cork City Library). – Allibone S.A., A critical dictionary of England literature and British and American Authors, Philadelphia, Childs and Peterson, 1859-1871. – Lee G.L., The Huguenot Settlements in Ireland, London, Longmans, 1936. – Raymond J., Life of Thomas Dermody, Londres, William Miller, 1806 ; contient le meilleur éloge de L.

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