GRASSET
Numéro
Prénom
Naissance
Décès
1. État-civil
François Grasset est né à Vichy en 1722, mort à Lausanne en 1789. Sa famille vaudoise, bourgeoise de l'Abergement dès avant 1521 devait donner, outre le libraire éditeur François Grasset, un artiste célèbre au XIXe siècle. Eugène Grasset (1845-1917), peintre, sculpteur, illustrateur qui contribua au renouveau de l'art décoratif en France. Il eut un frère. Gabriel Grasset, éditeur à Genève (Dictionnaire historique et biographique de la Suisse).
3. Carrière
Commis des frères Cramer à Genève, de 1740 à 1754, convaincu d'indélicatesse, il fut renvoyé et entra dans la maison de librairie de Marc Michel Bousquet à Lausanne. Il représenta la maison Bousquet à Paris pendant l'année 1754, puis en Espagne où il voyagea de 1755 à 1757. La société de librairie Bousquet fut dissoute en 1758, G. s'installa alors à son compte. Une correspondance avec le secrétaire de Voltaire en 1776 témoigne de son activité professionnelle à cette époque (Gaullieur ; Revue historique vaudoise).
5. Opinions
La physionomie morale de G. à ses débuts peut surprendre. Homme de confiance des Cramer qui employaient aussi son frère Gabriel, il détourna pendant plusieurs années des stocks de livres pour les vendre à son profit. Il avait établi une clientèle personnelle à Lyon, Paris, Francfort, Marseille et jusqu'à Saint-Domingue. Découvert, il obtient des Cramer qu'ils abandonnent toute poursuite, contre un engagement à renoncer au commerce de librairie et à quitter Genève. Mais installé à Paris, il entreprit de détourner leur clientèle à son profit, puis au profit de son nouveau patron Marc Michel Bousquet. Les Cramer tentèrent de le déférer aux magistrats lors d'un de ses passages à Genève (Candaux). Deux querelles violentes l'opposèrent à Voltaire en 1755 et 1759. La première concerne une édition scandaleuse de La Pucelle d'Orléans, que Voltaire soupçonnait G. de vouloir faire imprimer à Lausanne sur un manuscrit très incorrect (tronqué et enrichi d'interpolations grossières). G. rencontre Voltaire aux Délices, une scène violente éclate. Voltaire le défère devant les magistrats et le fait arrêter. Relâché peu après, G. part pour l'Espagne au service de la maison Bousquet. Voir la lettre de G. à M.M. Bousquet, du 28 juillet 1755 (D6361), ce qui permet de comparer les deux versions, et l'article de J.D. Candaux.
G. était-il aussi étranger qu'il le déclare au projet d'impression de La Pucelle? Le Cat.B.N. fait état d'une édition de ce texte datée de 175 5, contrefaçon de celle de Louvain, dont les caractères typographiques sont les mêmes que ceux employés dans l'ouvrage intitulé Guerre littéraire (édité par G. en 175 5). Voltaire de son côté semble surtout soucieux de mettre en scène le scandale, dont G. faisait les frais, pour désavouer le poème au moment de son installation aux Délices et apaiser les autorités civiles et religieuses en France. On trouvera dans l'édition de La Pucelle donnée par J. Vercruysse (Voltaire, Œuvres complètes, t. VII, Genève, 1970, p. 44-57) un exposé complet de la question.
La deuxième querelle a pour point de départ un recueil polémique publié par G. en 1759 sous le titre Guerre littéraire ou choix de quelques pièces de M. de V***, pour servir de suite et d'éclaircissement à ses ouvrages. C'est un écrit apologétique dirigé contre les positions de Voltaire en matière de religion. Les textes de Voltaire sont réédités avec des réfutations dues à des pasteurs : sont prises à partie les Lettres philosophiques, la Défense de Milord Bolingbroke, ainsi que deux chapitres de L’Essai sur l'histoire générale concernant Calvin et Servet mais aussi des interventions récentes de Voltaire dans l'affaire Saurin. G. se vengeait de l'arrestation de 1755 et choisissait le camp des pasteurs genevois, inquiets de l'influence de leur hôte. Sa position était d'ailleurs délicate, car il avait une part dans l'impression clandestine de La Pucelle et devait se blanchir.
Voltaire contre-attaqua et tenta à nouveau de faire exiler G., par une double démarche : un mémoire adressé à MM. les recteurs de l'Académie de Lausanne (où il désavoue la Défense de Milord Bolingbroke et produit une déclaration des frères Cramer accusant G. de malversations), et une lettre à M. de Haller pour l'éclairer sur son protégé G. et le prier de lui retirer sa protection. Haller répondit par un refus et une humiliante leçon de modération. G. l'emportait et marquait sa victoire par la publication d'un deuxième recueil en 1759, Pièces échappées du portefeuille de Mr de Voltaire comte de Tournay. A côté du Mémoire de Voltaire au recteur de l'Académie de Lausanne (G. se gardait de reproduire la déclaration des frères Cramer), figurait la lettre à M. de Haller et surtout la réponse mortifiante de celui-ci. Dans cette correspondance Voltaire n'avait pas le beau rôle. G. intervenait en personne avec une lettre de l'éditeur en introduction et en conclusion des vers non signés, qui semblent de la même encre. Il prenait acte du désaveu que faisait Voltaire d'écrits religieux et l'invitait à désavouer aussi Candide (Gaullieur ; Revue historique vaudoise).
6. Activités journalistiques
Gazette littéraire et universelle de l'Europe qui contient l'annonce et les extraits des principaux livres qu'on y met au jour ; avec divers morceaux sur l'agriculture, l'économie rurale, le commerce, la poésie, la peinture, la musique et la sculpture, etc., 11 avril 1768 (n° 2) - 26 juin 1769, 5 vol., hebdomadaire, in-8°. A Lausanne, chez les éditeurs François Grasset et Compagnie (D.P.1 575).
7. Publications diverses
Q. cite une Epître à M. J.J. Rousseau, citoyen de Genève sur sa Nouvelle Héloïse « donnée au public par les soins, le sincère attachement et l'admiration de son très humble, très obéissant serviteur et compatriote». Q. et Cior 18 mettent au compte de la production personnelle de G. des traductions d'ouvrages italiens et espagnols, dont il a assuré l'édition (la première édition française) : Les Nuits romaines au tombeau des Scipions par le comte A. Verri, traduit de l'italien par M.F.G., Lausanne, 1796, in-12, 2 vol., La République littéraire ou description allégorique et critique des sciences et arts, ouvrage posthume de Don Diego Saavedra Fajardo, traduit de l'espagnol, Lausanne, 1770, in-12.
La production littéraire personnelle de G. semble se limiter aux introductions et conclusions des recueils polémiques dirigés contre Voltaire, Guerre littéraire ou choix de quelques pièces de M. de V*** avec les réponses pour servir de suite et d'éclaircissement à ses ouvrages, Lausanne, Grasset, 1759. in-12. Le même ouvrage reparaît sous un autre titre, à la suite de la protestation de Voltaire auprès de l'Académie de Lausanne : Choix de quelques pièces polémiques de M. de V*** avec les réponses, pour servir de suite et d'éclaircissement à ses ouvrages, Lausanne, F. Grasset, 1759, in-12. – Pièces échappées du portefeuille de M. de Voltaire, comte de Tournay. A Lausanne, aux dépens de M. le Comte, 1759, in-12.
8. Bibliographie
F.L. 1769 ; Cior 18. – Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, Neuchâtel, 1921-1934. – Gaullieur E.H.A., «Etudes sur la typographie genevoise», Revue suisse, 1855, p. 397. – Revue historique vaudoise, 1894, p. 15. – Candaux J.D., «Les débuts de François Grasset», S.V.E.C. 18, 1961, p. 197-235. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman.
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