GAILLARD

Numéro

323

Prénom

Alexandre

Naissance

?

Décès

1784

1. État-civil

Issu d'une famille de réfugiés protestants français, Alexandre Bartholomé Gaillard est originaire de Rolle (Hollande).

2. Formation

Entre 1776 et 1780, il poursuit ses études à l'Université de Leyde.

3. Carrière

En mai 1780, G. ouvre à Haarlem une pension française pour jeunes gens. Il est aidé dans l'enseignement de «la lecture, l'écriture et l'arithmétique [...], des principes de géographie, de l'utilisation des globes, de l'histoire et de la chronologie», par Daniel Boinod, originaire d'Aubonne, près de Lausanne, avec lequel il s'était lié d'amitié à l'Université de Leyde (Barthold, p. 76-82).

Trois ans plus tard, Boinod et G. immigrent aux Etats-Unis, s'embarquant à Rotterdam pour Philadelphie qu'ils atteignent le 9 octobre 1783. Au début de novembre, ils ouvrent dans Second Street une librairie qui semble avoir été très vite populaire, notamment auprès de la relativement importante colonie française et acadienne de Philadelphie. L'année suivante, ils s'installeront plus près du centre ville, «dans Arch Street, au coin de Fourth Street». A la même adresse, s'établira également l'imprimeur Charles Cist avec lequel ils collaboreront (Evans, t. VI, p. 442). Boinod et G. envisagent de se lancer dans l'édition, et publient, dès 1784, une édition américaine des Aventures de Télémaque (id., t. VI, p. 285, n° 18466). Ils annoncent également, en octobre 1784, l'ouverture prochaine d'un «magasin de livres de louage » et d'un « cabinet de lecture » où pourront être consultés, outre les livres offerts en location, «toutes les gazettes qui paraissent à Philadelphie » ainsi que le Journal de Paris et le Journal encyclopédique, et, par la suite, L’Esprit des journaux, «le plus estimé dans son genre», la Gazette de France, la Gazette de Leyde, le Courrier de l'Europe et les Annales de Linguet (C.A, n° XIII, Suppl., 19 oct. 1784).

Dès la fin d'avril 1784, Boinod et G. annoncent leur intention de publier prochainement un journal « divested of politics and uninfluenced by parties» (F.J., 28 avril 1784). En fait ce sont trois journaux qu'ils essaient successivement de publier dans les mois qui suivent : The American Herald and General Advertiser, dont cinq numéros seulement paraîtront entre le 21 juin et le 20 juillet (Brigham, t. II, p. 889) ; The United States Journal or Continental Advertiser, annoncé en juillet (F.J., July 14, 1784), mais qui semble n'avoir jamais paru ; et le Courier de l'Amérique. Annoncé dès la mi-juin dans plusieurs journaux de Philadelphie, celui-ci paraît finalement à partir du mardi 27 juillet 1784. La liberté de son ton va assurer son succès, mais aussi entraîner sa disparition. Plusieurs articles jugés «insolents» et de nature à mettre en danger les relations franco-américaines, provoquent en effet 'la colère aussi bien du président de l'Etat de Pennsylvanie que du consul de France à Philadelphie (Pennsylvania Packet, 10, 12 août ; Pennsylvania Gazette, 11 août ; F.J., 18 août ; C.A., 13, 24 août 1784 ; Fay, p. 99). L'un et l'autre vont s'employer à trouver un moyen de réduire le C.A. au silence, sans pour autant que cela apparaisse comme une atteinte au principe de la liberté de presse qui est inscrit dans la constitution de l'Etat de Pennsylvanie. II s'agit, selon l'expression de Barbé-Marbois, de «faire tomber [le journal] par des moyens indirects» (C.P., vol. 28, f° 173-178 ; Fay, p. 99-100 ; D.P.1 266). Le directeur général des Postes, Ebenezer Hazard, trouvera finalement un biais : en imposant au C.A. un tarif postal exorbitant, il oblige ses rédacteurs à en cesser la publication avec le numéro XIV du 26 octobre 1784.

G. meurt soudainement quelques semaines plus tard (F.J., 24 nov. 1784). Boinod, qui reste en charge de la librairie et de la maison d'édition, essaiera sans succès, au début de l'année suivante, de faire reparaître le C.A. (Barthold, p. 94-95 ; Fay, p. 101).

4. Situation de fortune

En 1780, G. est précepteur des enfants d'un conseiller de la ville de Haarlem. Il s'établit maître de pension la même année, grâce à l'aide financière de son père et à l'héritage d'un oncle résidant en Allemagne dont il est en partie le bénéficiaire. La vente de la pension, en 1783, lui permet de payer son passage en Amérique et de s'embarquer avec huit caisses de livres (Barthold, p. 77-78).

Le fonds de livres de Boinod et G. semble avoir été, pour l'époque, assez important, puisqu'en octobre 1784 ils annoncent que les abonnés de leur cabinet de lecture auront à leur disposition plus de 500 ouvrages (C.A., n° XIII, Suppl.). Dans leur catalogue, on relève les noms de nombreux auteurs français, Voltaire, Montesquieu, Buffon, Condillac, Mme de Genlis, Linguet, les dictionnaires de Bayle et Moreri, l'Encyclopédie en 39 volumes et les 105 volumes des Descriptions des Arts et Métiers (Jones, p. 173-174 ; C.A, n° II, 8 oct.).

5. Opinions

«Jeune et né Républicain», acquis aux idées philosophiques, G. immigre aux Etats-Unis par idéal, pour y vivre «au milieu d'un peuple libre» ; «The inducement [...] was not so much the desire of gain as that of living among a Free-People» (C.A., n° I, 27 juil. ; Pennsylvania Journal, 17 janv., 1784). Le C.A. voulait s'attaquer à tous les «despotismes», persuadé «qu'en faisant connaître le mal, peut-être parviendra-t-on à en trouver le remède » (n° V, 2 7 août). Ses éditeurs seront à plusieurs reprises accusés d'être à la solde de l'Angleterre, mais Barbé-Marbois reconnaîtra lui-même qu'ils n'étaient «aux gages d'aucune puissance» (Fay, p. 100).

6. Activités journalistiques

Vingt-sept numéros du C.A. ont été publiés du 27 juillet au 26 octobre 1784. Bi-hebdomadaire, il paraissait le mardi et le vendredi, 4 p., à deux colonnes, in-40, avec de fréquents suppléments de 2 et parfois 4 p. (D.P. 1 266). Boinod et G. auraient été aidés dans la rédaction du C.A. par «un genevois» réfugié en Amérique à la suite des troubles de 1782 (Fay, p. 100).

8. Bibliographie

A.A.E., C.P., Etats-Unis, vol. 27-29. – (C.A) Courier de l'Amérique. – (F.J.) Freeman's Journal. – Pennsylvania Packet. – Pennsylvania Gazette. – Pennsylvania Journal. – Catalogue des livres qui se trouvent chez Boinod et Gaillard, Philadelphie, 1784. – Fay B., Bibliographie critique des ouvrages français relatifs aux Etats-Unis 1770-1800, Paris, 1924, Appendice I (Prospectus du Courier de l'Amérique ; extraits de la correspondance échangée entre Barbé-Marbois et Vergennes au sujet du journal). – Evans C, American Bibliography, New York, 1941-1959. – Brigham C.S., History and bibliography of American newspapers, 1690-1820, Worcester, 1947.Barthold A.J., History of the French newspaper press in America, 1780-1790, thèse, Yale, 1931. –Jones H.M., «The importation of French books in Philadelphia, 1750-1800», Modern philology, t. XXXII, n° 2, 1934, p. 157-177.

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