FLINS DES OLIVIERS

Numéro

306

Prénom

Claude Carbon

Naissance

1757

Décès

1806

1. État-civil

Claude Marie Louis Emmanuel Carbon naît en 1757 à Reims où son père est Maître des Eaux et Forêts (C, t. I, p. 179). Il meurt à Vervins dans le milieu du mois de juillet 1806 (B.H.C., p. 56). Au nom de Carbon, il a ajouté celui de Flins (écrit parfois Flin ou Fleins) des Oliviers, nom sous lequel il est généralement connu. Journaliste, il utilise parfois le pseudonyme de Louis-Emmanuel.

2. Formation

A en croire Chateaubriand, son éducation fut «fort négligée» (C, t. I, p. 179). Ses parents le destinent à la magistrature et lui achètent à la fin de ses études une charge de Conseiller auprès de la Cour des monnaies de Paris, charge qu'il gardera jusqu'à son abolition pendant la Révolution.

3. Carrière

Flins, qui se trouve encore à Reims en 1775, se fait connaître en composant une Ode sur le sacre de Louis XVI. Venu se fixer à Paris, où l'appelle sa charge de Conseiller à la Cour des monnaies, il devient membre de la loge des Neuf-Soeurs dont le Vénérable est Benjamin Franklin. Le 16 août 1779, à l'occasion de la fête académique de la loge, est lu un «Eloge de Voltaire, en vers, par un jeune frère qui donne des espérances», Flins (M.S., 25 août 1779). Le Mercure de France rend compte longuement de ce poème qui «malgré le grand nombre de fautes qui le défigurent, donnera l'idée d'un esprit qui a le besoin de penser, et d'un homme qui a reçu de la Nature des organes sensibles aux belles formes de la poésie» (2 oct. 1779, p. 216-225 ; v. aussi l’Année Littéraire, 1779, t. VII, p. 119-120). Flins fait paraître, en 1780, son premier recueil de poésie, Les Amours. L'année suivante, il concourt pour le prix de poésie de l'Académie française sur le sujet : «la servitude abolie dans les Domaines du Roi» (M.S., 27 août 1781). Le prix n'est pas décerné, mais son poème, qui avait pour devise «Je voudrais tout penser et j'oserais tout dire», est remarqué et lu en séance publique. Concourant de nouveau en 1782, il reçoit une mention honorable pour un «poème lyrique [...] intitulé La Naissance du Dauphin» qui, remarque Meister, contient «plusieurs morceaux pleins de verve et d'harmonie» (C.L., t. XIII, p. 18, p. 197). Introduit dans les milieux littéraires, Flins fréquente Parny, Lebrun, La Harpe, Chamfort, Ginguené et Fontanes avec lequel il se lie d'amitié. Chez Delisle, il fait la connaissance de Chateaubriand qu'il reverra souvent, notamment chez sa soeur la comtesse de Farcy pour laquelle Flins se prend d'une «belle passion» (C., t. I, p. 179 ; t. II, p. 77). Chateaubriand, pour qui il fut une première liaison littéraire, nous en a laissé un portrait : «homme de moeurs douces, d'un esprit distingué, d'un talent agréable», Flins «se piquait d'être de bonne compagnie» ; au physique, «on ne pouvait voir quelque chose de plus laid : court et bouffi, de gros yeux saillants, des cheveux hérissés, des dents sales, et malgré cela l'air pas trop ignoble» (C., t. I, p. 179).

Les débuts de la Révolution voient Flins s'engager dans le journalisme et le théâtre. Il rédige les Voyages de l'opinion qui, malgré leur succès, n'auront que six numéros, puis, de janvier à avril 1790, le Modérateur, en compagnie de Fontanes. Amateur de théâtre, auquel on le voit régulièrement (ibid., t. I, p. 179), il fait jouer le 1er janvier 1790, au théâtre de la Nation, sa première pièce, Le Réveil d'Epiménide à Paris. Le succès qu'elle obtient est dû en partie aux allusions à la réalité politique de l'époque, aux «traits ingénieux relatifs aux circonstances», qu'elle contient (Moniteur, p. 15). L'auteur y peint les changements que la Révolution apporte à la vie quotidienne d'un certain nombre de personnes : le juge, l'abbé, le censeur royal, le gazetier, le maître à danser, la marchande de chansons, etc. Flins écrira et fera représenter trois autres pièces, dont Le Mari directeur, comédie en vers adaptée d'un conte de La Fontaine, représentée pour la première fois le 25 février 1791 au théâtre de la Nation, et La Jeune Hôtesse, adaptation libre de La Locandiera de Goldoni, jouée le 24 décembre 1791 au théâtre du Vaudeville en 1793. Il se retire en 1797 dans un presbytère qu'il avait acheté près de Reims, à Sermiers. Il sortira de sa retraite pour devenir Commissaire Impérial auprès du tribunal de Vervins, charge qu'il obtient de Napoléon par l'entremise de Fontanes. Il meurt en juillet 1806. A sa mort, Flins des Oliviers était commissaire impérial auprès du tribunal de Vervins, dans l'Aisne (Letillois, p. 34 ; B.H.C.).

4. Situation de fortune

Chateaubriand nous a laissé un témoignage sur la situation de fortune et le mode de vie de Flins dans les années qui précèdent la Révolution : «Flins occupait un appartement rue Mazarine [...]. Deux Savoyards, travestis en laquais par la vertu d'une casaque de livrée, le servaient ; le soir, ils le suivaient, et introduisaient les visites chez lui le matin. [...] Flins, qui n'avait qu'une petite pension de sa famille, vivait de crédit. Vers les vacances du Parlement, il mettait en gage les livrées de ses Savoyards, ses deux montres, ses bagues et son linge, payait avec le prêt ce qu'il devait, partait pour Reims, y passait trois mois, revenait à Paris, retirait, au moyen de l'argent que lui donnait son père, ce qu'il avait déposé au Mont-de-Piété, et recommençait le cercle de sa vie, toujours gai et bien reçu». Chateaubriand ajoute que ce genre de vie était celui de presque tous les gens de lettres de Paris à cette époque (t. I, p. 179-180).

5. Opinions

Le Réveil d'Epiménide, sa première pièce, révèle l'état d'esprit de Flins quelques mois après le début de la Révolution. Journaliste, il se réjouit de l'abolition de la censure et de la liberté de pensée et d'expression nouvellement acquise, mais il s'inquiète de la montée d'un nouveau «despotisme» tout aussi «effroyable», celui de l'Opinion (R.E., p. 34), et des abus nés de la trop grande liberté laissée aux journalistes. Dans la pièce, Gorgi le gazetier, rédacteur d'une feuille de Bruxelles, préfère deviner les faits plutôt que les découvrir, convaincu que la réalité ne vaut jamais ce qui est imaginé ni ce que le public attend. Il cherche à surpasser les autres journaux par «de plus sanglantes nouvelles» car, ce que veut le lecteur, c'est «être ému» : «encore quelques complots et ma fortune est faite» (R.E., p. 23). Partisan de l'ordre, Flins s'effraie de l'anarchie naissante et accuse les «tribuns factieux» de l'entretenir à dessein : «si chacun est content, je ne serai plus important / et bientôt dans Paris je n'aurai plus d'affaires» remarque Damon le «démocrate», en qui certains ont voulu reconnaître Mirabeau (R.E., p. 48). Flins accueille favorablement les premières réformes apportées par la Révolution, mais il s'alarme bientôt des abus et des excès qui les accompagnent. Refusant de se laisser emporter par les «événements et l'esprit public», il va prêcher la modération : «si au jour du combat le courage est dans l'audace, au jour de la victoire il est dans la modération» (R.E., p. III).

Dans sa réponse au Petit Almanach de nos grands hommes de Rivarol, Flins a exposé ses goûts en matière littéraire. Ceux-ci restent classiques, même s'il conseille au «jeune artiste» de s'écarter souvent des «goûts chers aux français» et de suivre les chemins nouveaux ouverts par Gessner, Parny ou Florian. Le «bon sens», base du «talent vrai», la clarté, «l'heureux choix des tableaux, l'ordre, le mouvement», «l'art savant» du style, art des «peuples polis» sont selon Flins les composantes nécessaires de l'oeuvre littéraire qui, lorsqu'elle allie plaisir et raison, atteint au chef d'oeuvre, car «rien ne plaît autant que la raison qui plaît» (Dialogue, p. 4, 21 et passim).

En politique comme en littérature, Flins «homme d'esprit et parfois de talent» (C., t. I, p. 179), s'est voulu l'homme de la raison. Mais, dépassé bientôt par une époque qu'il ne comprenait plus, il a abandonné la vie publique pour se retirer à l'écart, évoquant sans doute avec nostalgie le temps où régnait «cette douce gaieté, et cette aimable urbanité qui faisaient tant chérir la France» (R.E., p. 42), un temps dont il était, au jugement de son ami Fontanes, la parfaite incarnation (Modérateur, 2 janv. 1790).

6. Activités journalistiques

Flins, sous le pseudonyme de Louis-Emmanuel, est le rédacteur des Voyages de l'opinion dans les quatre parties du monde, dont le premier numéro, non-daté, paraît au début du mois d'août 1789, 8 pages, in-8°. L'abonnement est de 3 £ par mois pour «quatre feuilles en huit livraisons». Dans ce journal qu'il rédige seul, Flins se propose de voyager en compagnie de la nouvelle «reine du monde», l'Opinion. A sa suite il va examiner tour à tour : «ceux qui prétendent à devenir les représentants de la nation» (n° 1) ; le premier mouvement d'émigration et le milieu des aristocrates exilés à Bruxelles (n° 2-4) ; la situation à Paris et dans le sud-ouest et l'attitude de Mirabeau (n° 5) ; ceux qui veulent «mettre la populace à la place du peuple, afin de commander à cette même populace» (n° 6). Le journal a du succès (B.H.C., p. 154), mais cinq mois séparent le n° 5 du n° 6, qui paraît fin décembre 1789. Le libraire La Grange excuse ce délai par une absence prolongée de l'auteur et annonce, en décembre, que les Voyages de l'opinion paraîtront dorénavant 3 fois par mois, le 10, le 20 et le 30, mais ce n° 6 n'aura pas de suite. Flins abandonne les Voyages de l'opinion, appelé à la rédaction du Modérateur par Fontanes qui en devient directeur au 1er janvier 1790. Le Modérateur est un nouvel avatar du Journal de la Ville, quotidien qui avait commencé à paraître à la fin de juillet 1789. Fontanes et Flins dirigent la rédaction de ce journal qui paraît chaque jour sur 4 pages in-4°, sur 2 colonnes. L'abonnement est de 36 £ par an. A la suite du compte rendu journalier des séances de l'Assemblée nationale, se trouvent les nouvelles concernant «l'hôtel de ville, les tribunaux, les districts et les principales municipalités du royaume» et une rubrique de «variétés» et d'anecdotes. L'Assemblée ne siégeant pas le dimanche, le compte rendu des séances est remplacé le lundi par «un précis des affaires de l'Europe». Une grande place est faite à la littérature. Les rédacteurs annoncent, dans le prospectus de leur journal, qu'ils ne craindront pas d'y insérer «quelques articles de cette littérature légère et piquante dans laquelle les Français n'ont point eu de maîtres, [...] ; l'arme de la plaisanterie et du ridicule a servi plus d'une fois la cause de la raison». En fin de journal, à la suite des recensions de livres récemment parus et de l'analyse des pièces nouvelles, sont annoncés les spectacles, le «cours des effets publics, les résultats du tirage de la loterie royale, les deuils récents, etc.» (Prospectus du Modérateur). Continuant la pratique du Journal de la Ville, le Modérateur ouvre ses colonnes aux plaintes des prisonniers qui «n'ont souvent aucune voie pour excuser leurs erreurs ou faire connaître leur innocence, s'ils en peuvent faire parvenir les preuves» (Prospectus du Journal de la Ville, oct. 1789). Dans ces derniers numéros, il accueillera «les lettres de personnes désirant se marier» (3 avril 1790).

Fontanes et Flins se montrent favorables à la Révolution, repoussant par exemple, le 30 mars, l'idée «insensée» d'une contre-révolution et d'un retour à l'ancien régime, et affirmant que la plupart des réformes faites sont nécessaires : «la raison seule a fait la Révolution». Mais ils ne peuvent l'admettre «ennemie de l'ordre et des lois» et s'inquiètent de la «fureur aveugle de la populace» et de sa puissance grandissante (15 janv. 1790). On leur reprochera de préférer une «consolante sécurité» à la réalité des faits, de «couvrir de fleurs» le précipice qui s'ouvre sous les pieds des Français (11 janv., 15 janv. 1790), ou de croire que l'on peut faire un journal «comme l'on fait un madrigal» (B.H.C., p. 156) .

A partir du 18 avril 1790, le Modérateur est absorbé par le Spectateur national de De Charnois : «en conséquence M. de Fontanes et M. de Flins déclarent qu'ils n'ont plus aucune part à ce journal» (Modérateur, 17 avril).

7. Publications diverses

Cior. 18, n° 28710-28717. – Flins a publié des poèmes, notamment des fragments d'un poème inédit en cinq chants «Agar et Ismaël», dans la Décade philosophique (n° 63, 30 nivôse an IV, p. 172-175), l'Almanach des Muses (an V, p. 77-84 ; an VIII, p. 20), le Mercure de France (1er frimaire an IX, p. 321-327), les Veillées des Muses (10 nivôse an IX, p. 32-39). – Il est aussi l'éditeur des Oeuvres du chevalier Bertin, Londres, 1785, 2 vol. Flins aurait également fait paraître en 1784 le «Plan d'un cours de littérature, présenté à Monseigneur le Dauphin» (Letillois). La Papesse Jeanne, représentée en 1793, ne semble pas avoir été imprimée.

8. Bibliographie

8. B.H.C. ; M.S., C.L. – (Le Moniteur universel, réimpr. de 1847, Paris. – L'Année littéraire. – Le Modérateur. – La Revue ou Décade philosophique, littéraire et politique, t LI, 1806, 4e trim., p. 56-59 (article nécrologique).– (C.) Chateaubriand A. de, Mémoires d'Outre-tombe, éd. du Centenaire, Paris, 1947. – (L) Letillois, Biographie générale des Champenois célèbres morts ou vivants, Paris, 1836.

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