DUPONT DE NEMOURS

Numéro

278

Prénom

Pierre

Naissance

1739

Décès

1817

1. État-civil

Pierre Samuel Dupont, né à Paris le 18 décembre 1739 (S), ajouta à son nom la mention «de Nemours» à partir de 1789. Son père Samuel Dupont, horloger, était issu d'une famille calviniste de Rouen ; sa mère, Anne Alexandrine de Montchanin, protestante également, appartenait à une famille noble mais sans fortune, apparentée à celle du marquis de Jaucourt-Epenilles chez qui elle fut élevée (J).

En 1766 Pierre Samuel épousa Nicole Charlotte Le Dée de Rencourt (J) dont il eut deux fils, Victor Marie né le 1er octobre 1767 et Eleuthère Irénée, filleul de Turgot, né le 24 juin 1771 (sur leur descendance : S, p. 395 et suiv.).

D. fut annobli en 1784 (J). Le 3 septembre de la même année il perdit sa femme. Il se remaria en 1794 avec Françoise Robin, veuve de son ami Poivre. Il mourut le 7 août 1817 chez ses fils près de Wilmington (Delaware).

2. Formation

Son éducation, très soignée, dut beaucoup à sa mère (L'Enfance). Amateur de belles-lettres, le jeune D. reçut aussi une formation mathématique et se prépara à une carrière d'ingénieur militaire. A dix-sept ans, brouillé avec son père, il mène une vie difficile, envisage de devenir médecin puis écrit deux tragédies. Il a vingt ans quand il présente à Choiseul un mémoire sur l'agriculture et le commerce ; admis aux audiences privées du ministre, il reste néanmoins sans situation (S).

3. Carrière

En 1763, D. publie une brochure intitulée Réflexions sur l'écrit intitulé : Richesse de l'Etat, qui attire l'attention des Economistes ; admis dans l'entourage de Quesnay, il s'éloigne de Choiseul. Le chevalier Méliand, intendant de Soissons, le prend comme secrétaire ; il devient membre de la Société d'agriculture de la ville. Le ministère le charge de dresser la statistique de la province (S) et il participe avec les Trudaine et Turgot à la préparation de l'édit de 1764 sur la liberté du commerce extérieur des blés (T). Dès lors, et jusqu'à la Révolution, il collaborera avec les différents contrôleurs généraux, sauf Terray et Clugny (Dermigny). En 1773 le margrave de Bade lui donne le titre de conseiller aulique et l'appelle à Karlsruhe (oct.-déc. 1773) (T). L'année suivante, D. part pour Varsovie où il doit diriger l'éducation des enfants du prince Czartoryski, beau-frère de Poniatowski. Celui-ci le nomme secrétaire du Conseil de l'instruction publique. Peu après D. rentre en France à la demande de Turgot : il est nommé inspecteur général des manufactures (20 sept. 1774) et devient le proche collaborateur du contrôleur général (J ; S). Disgracié en même temps que Turgot, D. participe cependant à la préparation du traité d'amitié et de commerce avec les Etats-Unis (1778) (C) et à celle de la nouvelle réglementation des manufactures (1779). Necker le charge également de la révision des états de la balance du commerce. Devenu le collaborateur intime de Vergennes, il intervient dans la préparation des traités de commerce avec l'Angleterre (1786) et la Russie. Il fait partie, avec Lavoisier, du comité consultatif de l'agriculture constitué en 1785. Calonne le fait nommer conseiller d'Etat et il joue un rôle important comme secrétaire de l'Assemblée des notables (1787) (S). Elu député du tiers de Nemours en 1789, il est président de l'Assemblée en 1790. Il doit se cacher après le 10 août 1792. Arrêté peu avant le 9 thermidor, il est assez rapidement libéré. Il entre à l'Institut lors de sa fondation (J). En 1795, il est élu député du Loiret au Conseil des Anciens. Après le coup d'Etat du 18 fructidor, il est emprisonné quelque temps comme suspect de royalisme (sept. 1797). Il part pour les Etats-Unis en septembre 1799 (C). De retour en France en 1802, il joue un rôle de négociateur officieux à propos de la cession de la Louisiane (C). En 1803, il est élu à la Chambre de commerce de Paris (J). Secrétaire du gouvernement provisoire en 1814, il rentre au Conseil d'Etat sous la première Restauration. Il repart pour les Etats-Unis pendant les Cent-Jours.

4. Situation de fortune

D. reçut des traitements élevés pour ses fonctions administratives. De mai à décembre 1768, il rédigea les Ephémérides du citoyen pour le compte de l'abbé Baudeau, à raison de 50 écus par mois (S, p. 103). En 1774, D. reçut 30 000 £ du prince Czartoryski, avec lesquelles il acheta une propriété à Chevannes, dans le baillage de Nemours. Turgot lui fit avancer de quoi rembourser cette somme quand D. rentra en France, à sa demande. De son père il hérita des intérêts chez les armateurs Heutte et fils (Dermigny). En 1788, le cumul de ses diverses fonctions administratives lui assurait 30 000 £ par an (S, p. 296). Après la dissolution de la Constituante il fonda une imprimerie avec le concours financier de son ami Lavoisier et ouvrit une librairie. Cette activité fut peu lucrative. Sous le Directoire, il déclara que sa fortune était réduite à 1000 écus de rente. De 1797 à 1799 il réunit des fonds, en particulier dans l'entourage de Mme de Staël, pour fonder une société par actions aux Etats-Unis. La société de négoce et de banque qu'il créa avec ses fils ne réussit pas, tandis que leur poudrerie de Wellington se développa lentement (Dermigny). Après son retour à Paris en 1802, D. exerça une activité de négoce, sans grand succès. En outre, de 1807 à 1814, il toucha 2400 francs d'appointements annuels comme sous-bibliothécaire de l'Arsenal, sans en assurer les fonctions (J).

5. Opinions

D. fut un des membres les plus actifs de l'école de Quesnay. A partir de 1764, il correspond régulièrement avec Turgot qui l'aide dans son travail de journaliste (T). En 1766 D. refuse d'attaquer La Chalotais et le Parlement de Bretagne. Vers 1767 il est lié avec Diderot et c'est peut-être sur ses conseils qu'il écrit Origines et progrès d'une science nouvelle. Il ne peut rencontrer Franklin quand celui-ci fait la connaissance de Quesnay (automne 1767) ; il lui adresse une première lettre le 10 mai 1768 et lui envoie des publications physiocratiques ; Franklin lui répondra en juillet et ils correspondent à d'assez longs intervalles (The Papers of Benjamin Franklin, t. XV, etc.). A l'automne 1768, D. passe quelques jours à Ferney (Voltaire). Voltaire, qui est abonné aux Ephémérides, le félicitera de son action (Voltaire, 7 juin 1769). En 1769, D. participe à la campagne dirigée contre la Compagnie des Indes, puis, dans les années suivantes, à la polémique sur les blés. Après la suppression des Ephémérides en 1772, Gustave III de Suède et le margrave de Bade demandent à D. de leur adresser une correspondance régulière. Il correspondra avec Jefferson après l'avoir connu à Paris vers 1787 (C). Auprès de Vergennes, D. continue à plaider pour la liberté du commerce. Après l'échec de l'Assemblée des notables, il se montre partisan d'un système de gouvernement inspiré de la constitution américaine, par opposition à tout système représentatif à l'anglaise. A la Constituante, il est un des chefs de la fraction modérée avec Sieyès, Talleyrand et La Fayette. Sous la Législative, il mène campagne contre les Jacobins et le 10 août 1792, il prend les armes pour protéger le roi. Son plan d'éducation publique pour les Etats-Unis, rédigé en 1800 à la demande de Jefferson, prévoit l'obligation, la gratuité (pour les pauvres) et la liberté de l'enseignement (J). L'hostilité de D. à Napoléon resta dissimulée. Son appartenance à la franc-maçonnerie n'est pas prouvée (J).

6. Activités journalistiques

Voir dans S la liste des articles de D.

1764-1766 : articles dans la Gazette du commerce.

Septembre 1765 - novembre 1766 : Journal de l'agriculture, du commerce et des finances, Paris, Knapen, in-12 (D.P. 1 650). D. en fut le rédacteur en chef pendant cette période, sous le contrôle souvent gênant de l'administration. Il est l'auteur des articles signés K (T. t. II, p. 509). Cromot et Mesnard, propriétaires du journal lui en retirèrent la direction quand il refusa de se prononcer contre le Parlement de Bretagne (S).

1767-1772 : Ephémérides du Citoyen ou Bibliothèque raisonnée des sciences morales et politiques, Paris, Lacombe, 66 vol. in-12 (D.P.1 377). D. publia des articles dans le t. V de 1767 et les t. II et III en 1768. A partir de mai 1768 (t. VI), il eut la direction effective du journal. Elle devint officielle en janvier 1769. Les articles signés (H) ou «l'auteur des Ephémérides» sont certainement de D. D'autres sont d'attribution douteuse. Sous sa direction le tirage s'éleva à 500 exemplaires (S, p. 124). Les Ephémérides furent supprimées en novembre 1772 (le t. III de 1772 est le dernier). D. n'eut aucune part aux Nouvelles Ephémérides fondées par Baudeau.

Après 1789 D. donna des articles au Journal de la Société de 1789 (en juin et juil. 1790), à la Correspondance patriotique entre les citoyens qui ont été membres de l'Assemblée Constituante, dont il était l'imprimeur (nombreux articles dans les cinq premiers vol., du 9 oct. 1791 au 1er juin 1792), à L'Historien (1796-1797), dirigé et imprimé par lui, et à de nombreux autres journaux.

7. Publications diverses

Bibliographie des œuvres de D. dans S. On peut retenir surtout : De l'Origine et des progrès d'une science nouvelle, Londres et Paris, Desaint, 1768 (paru en déc. 1767). – Table raisonnée des principes d'économie politique, Karlsruhe, Michel Maklot, 1775 (c'est un grand tableau synoptique). Mémoires sur la vie et les ouvrages de M. Turgot, Philadelphie et Paris, Barois l'aîné, 1782, 2 vol. in-8°. – Philosophie de l'Univers, Paris, Du Pont, 1796, in-8°. – Sur l'éducation nationale dans les Etats-Unis d'Amérique, Philadelphie, 1800, in-8°.

8. Bibliographie

(S) Schelle G., Du Pont de Nemours et l'école physiocratique, Paris, 1888 (source principale de la présente notice). – Cari Friedrich von Baden, Brieflicher Verkehr mit Mirabeau und Dupont de Nemours, éd. Carl Knies, Heidelberg, 1892, 2 vol. – Du Pont P.S., L'Enfance et la jeunesse de Du Pont de Nemours racontée par lui-même, Paris, 1906. – (C) The Correspondence of Jefferson and Du Pont de Nemours, éd. G. Chinard, Londres, 1931. – (J) Jolly P., Du Pont de Nemours soldat de la liberté, Paris, 1956. – Dermigny L., «Aux origines de Du Pont de Nemours », Revue d'histoire des colonies, t. XLIV, 1957, 258-310 (n° 156-157). – (T) Turgot A.R., Œuvres, éd. G. Schelle, Paris, Alcan, 1913-1923. – The Papers of Benjamin Franklin, éd. W. Willcox et al, New Haven, Londres, i960-, t. XV, XVI, XXIII, etc. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman.

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