DU PIN

Numéro

277

Prénom

Louis

Naissance

1657

Décès

1719

1. État-civil

Descendant d'une famille notable de Normandie, Louis Ellies Du Pin, est né le 17 juin 1657, fils de Louis Ellies Dupin, écuyer, et de Marie Vitard ; il était parent de Jean Racine par sa mère (Moreri). Il mourut à Paris le 6 juin 1719. L'épitaphe de son tombeau, composée par Charles Rollin, peut être encore lue dans la crypte de l'église Saint-Séverin (D.B.F.). Il usa à deux reprises du pseudonyme d'abbé de Clairval, pour signer l'Histoire d'Apollonius de Tyane (1705) et la Bibliothèque universelle des historiens (1707).

2. Formation

Après une formation domestique où son père et des précepteurs lui enseignèrent les rudiments, D. reçut une formation scolaire : admis en troisième au collège d'Harcourt, sa précocité fut vite remarquée de ses maîtres qui soutinrent ses efforts. Reçu maître ès arts à quinze ans, il adopta l'état ecclésiastique ; bachelier en théologie en 1680, il obtient sa licence puis est reçu docteur en Sorbonne le 1er juillet 1684.

3. Carrière

En octobre 1686 il fut admis à la survivance de Léon Noël dans la chaire de philosophie du Collège royal, donnant les leçons sans percevoir de gages jusqu'à la mort de son prédécesseur. A cet enseignement, à ses fonctions de commissaire dans la plupart des affaires de la Sorbonne, il ajouta une énorme entreprise d'érudition : la Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques. L'abbé Bignon l'adjoignit à partir de 1702 à l'équipe du Journal des savants (J.S.), fonction qu'il n'exerça que jusqu'au printemps de 1703, comme celle de censeur pour les livres religieux qu'il avait reçue en même temps. Le Brun a relevé cinq examens à son nom jusqu'au 5 janvier 1703, pour des sermons et des livres de dévotion, ses tendances jansénistes et sa condamnation de 1693 l'écartant probablement de la théologie et de l'exégèse.

L'affaire du cas de conscience mit fin à ces activités : D. se vit retirer l'examen d'un livre reçu le 20 février 1703 et, en mars de la même année, il fut exilé à Châtellerault, perdant avec ses fonctions de journaliste et de censeur, sa chaire du Collège royal et tout espoir d'entrer à l'Académie française.

Sensible à l'idée de réunion des Eglises, il rédigea un mémoire à ce propos lors du voyage de Pierre le Grand en France (1717) et correspondit en 1718 avec l'archevêque de Canterbury, William Wake, qui poursuivait le même projet. Inquiet de telles relations et désireux de ménager la cour de Rome, Dubois fit saisir ses papiers le 13 février 1719. Lafitau, évêque de Sisteron, dressa contre lui un véritable réquisitoire, dans lequel il l'accusa d'avoir commis de graves erreurs doctrinales (B.Un. ; Dictionnaire de spiritualité). Ce fut le dernier tracas de D. avant sa mort, en juin suivant.

4. Situation de fortune

Lorsque sa rapide rétractation lui eut permis de regagner Paris en octobre 1704, privé de ses emplois, il vécut de sa plume, publiant alors les trois quarts de ses ouvrages. Saint-Simon écrit : «Il fut réduit à imprimer pour vivre, ce qui a rendu ses ouvrages si précipités, peu courus, et qui enfin le blasa de travail et d'eau de vie qu'il prenait en écrivant pour se ranimer et pour épargner d'autant sa nourriture».

5. Opinions

D. est l'auteur d'une œuvre considérable où s'expriment ses sympathies pour le jansénisme gallican. Son immense entreprise historique et bibliographique, la Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques (5 vol. publiés de 1686 à 1691) lui attira les critiques de D. Mathou, bénédictin, sur le martyre de saint Savinien, puis celles de M. Petitdidier, qui publia des remarques critiques sur les tomes 1, 2 et 3. L'affaire s'amplifia lorsque Bossuet lui reprocha de favoriser le nestorianisme, d'affaiblir l'autorité du Saint-Siège et de prêter des opinions peu fondées aux Pères de l'Eglise. Le 16 avril 1693. Mgr de Harlay, archevêque de Paris, condamna l'ouvrage (B.N., f.fr. 21048 et 23671) ; le 1er juillet suivant, le Saint-Office le mit à l'index. D. signa en novembre 1698, avec onze autres docteurs de Sorbonne, la censure des Maximes des saints de Fénelon ; mais il manifesta surtout ses sentiments jansénistes lors de l'affaire du cas de conscience. Accusé d'avoir divulgué la consultation des docteurs de Sorbonne de juillet 1701 qui fut condamnée par le pape le 12 février 1703, et par Noailles le 22 février suivant, D. perdit ses charges et fut éloigné de Paris.

D. s'attira une autre querelle, d'ordre littéraire cette fois, en publiant les sept volumes de l'Histoire des Juifs de Basnage sans nom d'auteur, en 1710. D. avait bien procédé à quelques changements et additions ; Basnage de Beauval protesta vivement contre ce procédé qui consistait « à mutiler et à défigurer» l'œuvre d'un «auteur vivant», et donna une nouvelle édition de son ouvrage : Histoire des Juifs réclamée et rétablie par son véritable auteur : M. Basnage (Tables du Journal des savants, art. «Dupin» ; Nicéron).

6. Activités journalistiques

Connaissant sa puissance de lecture, sa facilité de plume, et sensible à un jansénisme sans obstination, l'abbé Bignon chargea en 1702 D. de réaliser pour le Journal des savants les extraits des ouvrages religieux qui formaient environ le quart des livres analysés par la revue. Déjà absorbé par ses autres fonctions, D. se déchargea d'une partie des extraits sur son ami Pierre François Bigres, lui aussi docteur en Sorbonne, qui le remplaça lorsqu'en mars 1703 son exil mit fin à sa carrière de journaliste. Il est difficile de préciser exactement de quels extraits il est l'auteur. La consultation des trois derniers volumes de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques du XVIIe siècle (1708) peut fournir quelques indices à cet égard, car Dupin y reprend des extraits qu'il avait écrits pour le J.S., mais aussi, d'après Nicéron, des extraits dûs à d'autres journalistes : «Une bonne partie de cet ouvrage n'a pas coûté beaucoup à M. Dupin, car il n'a fait que copier les extraits dont il parle et qui se trouvent dans le J.S. ; comme la plupart étaient de lui, il les a apparemment revendiqués comme un bien qui lui appartenait» (t. II).

Malgré sa brièveté, cette collaboration témoigne des principes qui guidaient J.P. Bignon dans le choix des rédacteurs du J.S. : outre sa puissance de travail et une érudition peu commune en matière d'histoire religieuse, D. manifestait par son hostilité au quiétisme, ses sympathies pour le jansénisme et ses ouvrages, l'attitude d'esprit éclairée sans être critique qui prévalait dans l'entourage du directeur de la Librairie.

7. Publications diverses

Attaché de1686 à 1711 à l'édition de la Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, D. donna pendant cette période une quarantaine d'autres ouvrages (Cat.B.N.). Cette fécondité s'étendait à plusieurs genres : théologie, droit canon, histoire, exégèse. Mais il écrivait assez rapidement, sans toujours polir les interprétations et le style avec assez de soin, ce qui lui valut attaques et condamnation. On lui doit entre autres : Dissertation préliminaire ou prolégomènes sur la Bible, Paris, 1699 et 1701, 2 vol. – Notae in Pentateuchum Mosis, 1701, 2 vol. – Histoire de l'Eglise en abrégé par demandes et par réponses, 1712. – Analyse de l'Apocalypse, 1714. – Méthode pour étudier la théologie, 1716. – Traité philosophique et théologique sur l'amour de Dieu, 1717, ouvrage qui suscita une controverse avec un auteur anonyme, à qui D. répondit dans une Continuation du Traité, 1717. – Il rédigea de nombreux articles pour les éditions de 1712 et 1718 du Grand Dictionnaire historique de Moreri. Il aida aussi Jacques Le Cointe, avec lequel il partageait son logement, pour son Histoire du règne de Louis XIII (1716-1717, 5 vol.). Il participa à la commission qui examina l'édition des conciles du P. Jean Hardouin. Il rédigea également de nombreuses éditions. On trouve la liste de ses œuvres dans les Mémoires de Nicéron (t. II, p. 25-48 ; t. X, 1er part., p. 75-77 : 2e part., p. 80-81 ; t. XIX, p. 186 et suiv.).

8. Bibliographie

Feller-Weiss ; B.Un. ; N.B.G. ; Cior 17. – Moreri, éd. 1759, t. VIII, «Pin, Louis Ellies Du». – Dictionnaire de spiritualité, t. III, col. 1825-1831, avec une bibliographie détaillée. – D.T.C., t. XXII, p. 2111 et suiv. – A.N., M 758 : recueil de notes historiques et critiques (par le P. Léonard). – B.N., f.fr. 21939-21949 : registres des ouvrages manuscrits ou imprimés présentés à M. le Chancelier. – Archives du Collège de France, CXII, Louis Ellies Dupin, Pièce 1 : nomination de D. en survivance de Léon Noël. – Histoire du cas de conscience, Nancy, 1705-1711. – Journal des savants, 13 juin 1718. – Table du Journal des savants, t. IV, 1754, p. 186 et suiv. – Le Brun J., «Censure préventive et littérature religieuse en France au début du XVIIIe siècle», Revue d'histoire de l'Eglise de France, 1975, t. II, p. 201-225.