DORTE

Numéro

246

Prénom

Jean Baptiste

Naissance

1753

Décès

1792

1. État-civil

Jean Baptiste Denis d'Orte est né à l'Ile Bourbon le 21 octobre 1753 d'un père ingénieur. Marié à Henriette Moreau, anglaise d'origine. Mort à Bordeaux le 8 février 1792 au terme d'une longue maladie (J.C.P.L.). Il a un frère cadet Jean François, également journaliste. Avant la Révolution, son nom s'orthographie D'Orte.

2. Formation

Venu très jeune à Bordeaux, il y fait ses études. Il est un brillant élève du «Collège Royal» ; le 30 août 1767, c'est lui qui, «écolier de troisième», répond à l'Exercice littéraire en français et en latin qui précède la distribution solennelle des prix (a). Après s'être tourné, à l'incitation de ses parents, vers le droit, il choisit la carrière des armes. Il sollicite et obtient une place dans l'Ecole royale du Génie où il fait rapidement preuve de ses connaissances et de ses progrès (J.C.P.L.). En 1790, il est reçu membre de l'Académie des beaux-arts de Bordeaux (ibid.).

3. Carrière

Tandis qu'il est encore à l'Ecole du Génie, il est appelé par M. de Crussol, maréchal de camp, colonel du régiment de Berri, et abandonne l'habit du corps de génie pour prendre celui d'infanterie. Il sert dans ce régiment en qualité d'officier pendant 14 ans (ibid.). Selon Bernadau (h), une affaire d'honneur l'aurait obligé de se tenir caché quelque temps à Londres où il aurait épousé, et laissé, la jeune Henriette Moreau. Pour des raisons de fortune, il quitte le service, revient à Bordeaux, y fait venir sa femme, se lance dans l'activité journalistique (il se met «aux gages» de Gaufreteau, directeur du Journal de Guienne ; h) cependant que, conformément au premier vœu de ses parents, il est reçu avocat au Parlement (J.C.P.L.). Il aurait été «secrétaire de M. le Président de l'Encre» (h). Admis au nombre des associés du Musée de Bordeaux (J.C.P.L.), il en devient, en 1788, «le secrétaire pour l'extérieur» (g), à la suite de la démission de l'abbé Sicard (h). Membre de la Société philanthropique, fondée à Bordeaux en juillet 1787, il en devient également bientôt l'un des secrétaires (J.C.P.L.). Il habite rue Causserouge (g).

A l'occasion du voyage qu'il entreprend en juin 1789 à Versailles pour obtenir le renouvellement du privilège du Journal de Guienne (h), il se trouve à Paris le 14 juillet 1789 (J.C.P.L.). Il est choisi comme capitaine par les citoyens de la section de Saint-Séverin (ibid.) et commande les patrouilles «dans les premiers jours d'alarme» (f). Après avoir reçu le 20 août pour son zèle et son patriotisme un brevet de «capitaine commandant honoraire de la garde nationale parisienne non soldée» (ibid.) - il en fera état le 29 août devant l'Assemblée des Quatre-vingt-dix Electeurs (e) -, il retourne à Bordeaux où il sert dans le corps patriotique du Génie (J.C.P.L.). Le 5 juillet 1790, il fait partie d'une délégation de ce corps qui présente aux jurats le plan d'un monument destiné à orner le milieu du champ de la Confédération le 14 du mois (c). En 1791, il est, sur présentation de Vergniaud, reçu membre de la société des Amis de la Constitution (C.G.).

4. Situation de fortune

Son père installé à Bordeaux se serait ruiné par son faste (h). C'est parce que «la fortune de sa famille» ne lui assure plus «une pension» dans l'«état dispendieux» du militaire qu'il quitte le service (J.C.P.L.). Il aurait acquis de Gaufreteau le privilège du Journal de Guienne moyennant une pension annuelle de 5000 £ (h). Le périodique rapportant plus de 12 000 £ de profit, ce sont 7 à 8000 £ qu'il aurait gagnées et «consommées fastueusement» (ibid.).

5. Opinions

Il est en général présenté comme un être doué de grande sensibilité, animé d'un vif amour de l'humanité, ayant le goût des belles-lettres et soucieux de politesse et d'impartialité dans son métier de journaliste. Cependant Bernadau (h) tend à le peindre sous les traits d'un individu plein d'impudence et de prétentions, très médiocre homme de lettres. Il paraît avoir échappé à l'esprit de parti si fréquent à l'époque révolutionnaire et c'est pourquoi certains ont pu lui reprocher d'être «indifférent à l'intérêt du peuple» (C.G.). N'oublions pas néanmoins qu'il finit par être admis au nombre des Amis de la Constitution.

6. Activités journalistiques

A son retour à Bordeaux, il collabore au Journal de Guienne, «Dédié à M. le Mal. Duc de Mouchy» (Bordeaux, J.B. Séjourné, puis P.G. Calamy, puis Simon de la Court. 1er sept. 1784 - 16 sept. 1790, in-40, quotidien) ; permis d'imprimer et distribuer en date du 3 août 1784 ; prix : 24 £ pour Bordeaux et 28 £ pour la province et tout le Royaume (D.P. 1 647). Il y rédige notamment les articles «bienfaisance», «en style précieux», selon Bernadau (h).

Lorsqu'en 1788 le directeur du Journal de Guienne, H.E. Gaufreteau de La Gorce, décide de se retirer, c'est D. qui, parmi différents candidats, obtient le privilège (ibid.). Il se serait montré assez autoritaire dans sa fonction directoriale, refusant certaines pièces pour leur médiocrité, accordant aux négociants des facilités qu'il aurait refusées aux gens de lettres (ibid.). Victime de la défense faite à son prédécesseur de parler des œuvres jouées sur le théâtre de Bordeaux, il rédige un mémoire ou il demande la liberté d'insérer dans ses feuilles l'analyse des pièces, du jeu des acteurs : une réponse favorable lui est donnée par les jurats le 27 août 1789 à la suite d'une lettre (datée du 21 août) du comte de Saint-Priest qui souligne que le journaliste est «connu pour avoir de la sagesse et de la circonspection» (b).

Avec la Révolution qui voit se multiplier les journaux, le périodique doit faire face à une rude concurrence. Le 21 mars 1790, Bernadau note que le nombre des abonnés du Journal de Guienne ne cesse de diminuer (h). Cependant le directeur profite des circonstances pour prendre « un ton plus libre» (ibid.), échapper à la tutelle du censeur, modifier la dédicace (A Philippe de Noailles, maréchal de France) et finalement changer de titre : le 17 septembre 1790, le Journal de Guienne devient le Journal patriotique et de commerce. Dès avant cette date, Jean Baptiste a fait appel à son frère Jean François, attaché au Contrôle à Bayonne, pour l'associer à ses travaux. En novembre 1790, pour des raisons mineures d'ordre personnel, « un schisme » se produit dans « la famille périodique» (ibid.) : le cadet lance un journal concurrent, Le Pis-aller, qui, après avoir «langui pendant un mois» et ressuscité sous le titre de Creuset littéraire et politique, meurt «de sa belle mort». Mais, en février 1791, Jean François se réconcilie avec son frère et, de corédacteur, devient à la disparition de celui-ci, directeur : dès le 9 février 1792, il modifie le titre : le Journal de commerce, de politique et de littérature durera jusqu'à la fin de 1797.

7. Publications diverses

L'essentiel de ses travaux littéraires est consigné dans le Journal de Guienne et le Journal patriotique et de commerce. Cependant le Courrier de la Gironde signale l'existence de «plusieurs pièces de littérature et de poésie légère» dont l'auteur a privé ses lecteurs. Dans le périodique qu'il publie en l'an VI, La Ruche ou Recueil d'ouvrages tant anciens que nouveaux, relatifs aux sciences, à la littérature, aux arts libéraux et mécaniques, à la morale publique et privée, Jean François fait paraître l'une de ces poésies (t. I, n° 2, p. 65-66).

8. Bibliographie

A.M. Bordeaux : (a) GG 985e ; (b) 84 Registre ; (c) 86 Registre ; (d) D 216 ; (e) D 217 ; (f) D 221. – B.M. Bordeaux : (g) ms. 829 (I-IV) ; (h) ms. 713, Œuvres complètes de Pierre Bernadau, t. V-VI (passim). – (J.C.P.L.) Journal de commerce, de politique et de littérature, notice nécrologique, 11 mars 1792, n° 31 et 28 mars 1792, n° 47. – (C.G.) Courrier de la Gironde, 10 févr. 1792. – Journal de Bordeaux et du département de la Gironde, 11 févr. 1792, n° 11. – Labadie E., La Presse bordelaise pendant la Révolution : bibliographie historique, Bordeaux, Cadoret, 1910, p. 35-36.