DESMOLETS

Numéro

230

Naissance

Pierre

1. État-civil

Pierre Nicolas Desmolets naquit à Ollainville (ou Aulainville) près d'Arpajon le 17 octobre 1677 (A). Il était le deuxième enfant de Pierre-Nicolas des Molets, seigneur d'un petit fief en ce village et procureur général au bureau des finances de Paris (C), et le petit-fils de Marc Nicolas, greffier, mort à la fin de 1682 (K). Sa mère, Marie Perrin (D), originaire de Chaumont en Haute-Marne (A) et nièce de Mgr. Marion, évêque de Gap (G), était, selon Bonnardet, fille d'un riche fermier. Il perdit son père pendant sa première enfance (en avril 1682, B, F ; ou 1680, K), et sa mère en 1693 (B, E). Sa soeur aînée, Marie-Thérèse, épousa en 1691 Nicolas Huot, sieur de Vauberry (K), ancien capitaine au régiment de la marine, chevalier de Saint-Louis (B). Sa soeur cadette, Magdelaine, «fille majeure», demeurait chez eux, «île Notre-Dame», en 1704 (K) ; elle aurait épousé ensuite un trésorier de France à Caen (K). Pierre Nicolas Desmolets mourut à Paris le 26 avril 1760.

2. Formation

Ayant appris à lire avec sa soeur aînée et commencé le latin avec l'abbé de Cornouailles, vicaire de Saint-Eustache (B), il fut bientôt mis «dans une petite pension du faubourg Saint-Antoine» où il «demeura trois ans à perdre son temps» (A). Il fit ses humanités de 1686 à 1692 au Collège des Génovéfains de Senlis (D), où il fut un brillant élève et eut pour régent de rhétorique le P. de Bassonville (B), puis sa philosophie en deux ans, au collège Mazarin, avec pour maître Pourchot. A cause de sa surdité, il renonça vite à suivre les leçons de Witasse et de Lestocq (B) et étudia la théologie «en particulier» (C) auprès du P. Mabille, «en deux ans de temps» (B). Vers 1699, il prit «le parti de [se] retirer au séminaire de l'Oratoire» (B) à Saint-Magloire où il passa 15 moi (B,C) avant d'entrer à l'institution (M).

3. Carrière

Voulant éviter d'entrer chez les Génovéfains et «pensant déjà à l'Oratoire» dont il vantera plus tard «la piété éclairée, mais sans affectation» (B), il reçut la tonsure à Saint-Nicolas du Chardonnet en juin 1692 (A). «Entré» à l'lnstitution le 31 octobre 1701 et «vêtu» le 7 décembre (D), il est qualifié de «confrère» au début de 1704, et demeure rue Saint-Honoré (K). Il fut ordonné sous-diacre en 1704, diacre en 1705 et prêtre le 29 mai 1706 (F). Bientôt chargé de seconder le P. Lelong, bibliothécaire de l'Oratoire en 1707, il lui succéda à sa mort, en août 1721 (A). A ce moment, il hérite de ses manuscrits et de sa chambre ; il ne quitte plus la rue Saint-Honoré que pour de courts séjours à la campagne (H), comme celui qu'il a fait dans son village natal en 1702 après une maladie (B).

4. Situation de fortune

A son entrée à l'Oratoire, il est spécifié qu'il paiera «400 livres de pension et son entretien pour toujours» (C; D). Lors du partage de 1704, il hérite d'un des trois lots tirés au sort, c'est-à-dire du tiers des biens de ses parents, estimés 59 408 £ (K). Le 21 septembre 1751, il vend le fief des Molets à un fermier. Le terrier est évalué 1400 £ et les fermages sont de 49 £ par an (L).

5. Opinions

Encore adolescent, il fut remarqué par le P. de Bassonville (1692) et par Ameline, archidiacre de Paris (1694). Plus tard, «les plus savants» Oratoriens, B. Lamy, Malebranche, Lelong, F.A. Pouget, «se lièrent avec lui» (A; G). En 1731, il possède une vingtaine de lettres de Leibniz au P. Lelong et à Malebranche, qu'il met à la disposition de Vèze pour une édition de la correspondance de Leibniz (lettre de Vèze à Seigneux, 15 juil. 1731, B.P.U. Genève, fonds Seigneux II, n° 51). A partir de 1722, il prit l'habitude d'assembler «chez lui tous les dimanches sur le soir un nombre d'amis qui à son exemple aimaient et cultivaient les lettres» (H). «On y apportait diverses pièces. La conversation faisait naître l'idée de quelque autre, des amis en envoyaient aussi» (Catalogue de la bibliothèque de Goujet, B.N., n.a.fr. 1012, p. 479). Ces réunions donnèrent lieu aux Nouvelles littéraires (I). Goujet, Granet, de Vèze, le mathématicien Gauger et le docteur F. Petit furent parmi les plus assidus ; y assistèrent également Jacob Vernet, l'abbé Conti (J), le président de Mazaugues (lettre de Granet, 10 mars 1725, B.V. Nîmes, ms. 151, f° 131), le P. Bougerel, Bonardy, J.L. Le Clerc, Papillon, d'Olivet, le président Bouhier (B.N., f.fr. 24410), le comte de Plélo (J), Desmaizeaux (B.M., add. mss. 4285). On ne possède pas de témoignages sur ces réunions après 1727 ; elles auraient été «jugées suspectes sans aucun fondement» et le P. de La Tour aurait «conseillé [leur] cessation» (Goujet, n.a.fr. 1012, f° 479) ; mais d'autres rencontres avaient lieu encore en 1741 (lettres de Bonardy à Bouhier, 21 août 1741 et 11 août 1742, dans la Correspondance littéraire du président Bouhier, éd. H. Duranton, n° 5, Université de Saint-Etienne, 1977, p. 73, 83). Il est probable que le jansénisme de D. et de plusieurs de ses amis parut compromettant aux Oratoriens.

D. était janséniste : «Je crois que sans le zèle des prétendus jansénistes l'irréligion s'emparerait de tout le royaume, mais c'est de quoi les promoteurs de la Bulle paraissent se soucier très peu pourvu qu'elle soit reçue» (lettre du 14 avr. à Conti, J). Il fournit plusieurs articles au «Catéchisme de Montpellier» dans la version latine et publia dans ses Mémoires d'importants textes de Pascal. Il admirait le P. Le Courayer (lettre à Conti, 12 mai 1727, J) et se méfiait des Jésuites : «Je les crains tous en général et en respecte plusieurs en particulier» (lettre à Bouhier, 3 mai 1726, n.a.fr. 1212, f° 72). Il fut en relations avec Montesquieu, surtout en 1734 et en 1749-1750 (R. Favre, «Montesquieu et la presse périodique», dans Etudes sur la presse au XVIIIe siècle, n° 3, P.U.L., 1978). Il était surtout connu pour son affabilité et sa largeur de vues ; on trouve plusieurs fois sous sa plume les termes de «tolérantisme» (lettre à Bouhier, 17 déc. 1727, f.fr. 24410, f° 451) et de «tolérance» (à Conti, 18 janv. 1730, J.) ; il redoute les interlocuteurs «pleins d'eux mêmes, entêtés de leurs opinions et incapables d'écouter le bon sens et la droite raison» (à Desmaizeaux, add.mss. 4285, f° 256-257). L'abbé Papillon le qualifiait de «meilleur homme du monde» (f.fr. 2418, f° 49, 15 sept. 1727).

6. Activités journalistiques

Nouvelles littéraires, 7 numéros du 1er décembre 1723 au 1er mars 1724, Paris, Vve Le Febvre puis A.X.R. Mesnier, VI-248 p. in-8° (D.P.1 1041). D. a utilisé un privilège acquis par A. Martel qui n'avait fait paraître, en octobre 1723 qu'une feuille sous le titre de Nouvelles littéraires, curieuses et intéressantes (Paris, L. Sevestre).

Continuation des Mémoires de littérature et d'histoire de M. de Sallengre, Paris, Simart, 11 vol, en 21 parties in-12. Projeté dès 1724 (f.fr. 21974, priv. du 24 déc., enregistré le 29 janv. 1725, et 21953, p. 133), le journal prit corps en 1726 : 1re partie du tome I à la fin de février (Histoire littéraire de l'Europe, nouv. litt., mars, p. 275) ; 2e partie à la fin de mars (lettre de Bonardy à Bouhier, 8 mars 1726, éd. citée, p. 9) ; 1re partie du tome II, début juillet (lettre de l'abbé d'Olivet à Bouhier, 9 juil.1726, éd. citée, n° 3, p. 108) ; sept volumes fournis à la Bibliothèque du Roi en 1729 (f.fr. 22023, p. 83, 21 juin). Il commença à péricliter pendant l'été 1731, du fait de l'«indolence» du libraire (lettres de D. à Desmaizeaux du 27 juil. 1731, add.mss. 4285, f° 259, et du 16 juin 1732, dossier Bonnardet, J), et cessa à la fin de l'année à cause du dérangement des affaires de Simart (H) : «Le pauvre homme est prisonnier à la Conciergerie sans qu'on puisse trop dire pourquoi sinon qu'il était un des plus assidus valets de chambre des convulsionnaires» (D. à Bouhier, 21 sept. 1735, f.fr. 24410, f° 459 ; cf. Bonardy à Bouhier, lettre du 18 juil. 1734, f.fr. 24409, f° 131).

Recueil de pièces d'histoire et de littérature (D.P.1 1171), t. III et IV, Paris, Chaubert, in-12, juin 1738 (D. en envoie deux exemplaires à Bouhier, le 16, f.fr. 24410, f° 455) et février 1740 (tome dont Goujet annonçait «l'impression» imminente dès juin 1738 : f.fr. 244112, f° 311). Il s'agit d'une reprise des Mémoires sous un autre titre (voir lettres de Bonardy à Bouhier, 3 mars 1738 et 31 janv. 1740, éd. citée, p. 32 et 58) ; mais D. ne semble y avoir publié que peu d'articles de lui ; son rôle, dans les divers périodiques qu'il a animés, a consisté à «ramasser des dissertations, des discours et autres pièces de prose et de poésie, ou nouvelles, ou rares» (lettre de Bonardy à Bouhier, 8 mars 1726, éd. citée, p. 9) .

On lui doit encore l'éloge de Dom de Vert dans les Mémoires de Trévoux de 1708, l'abrégé de la vie du P. Lelong dans le Journal des savants (janv. 1724), une «lettre d'un professeur de l'université d'Angers» dans la Bibliothèque française (mai 1726).

Il a surtout su donner corps, dans les Nouvelles littéraires, au projet d'A. Martel : faire vivre un grand journal d'information littéraire. Il y a mis en pratique la régularité et la fréquence de publication (une livraison au moins tous les quinze jours), une information large et rapide (le compte rendu consacré au Spectateur suisse paraît le jour même de la publication), une critique impartiale et aimable. D'après Goujet (H), les Nouvelles littéraires eurent un grand retentissement, si bien que le P. de La Tour, supérieur de l'Oratoire, «homme trop politique», demanda bientôt à D. d'en interrompre la publication.

7. Publications diverses

Voir la liste des ouvrages du D. à la B.V de Dijon, ms. 1134, f° 73 : Historia ecclesiae Parisiensis du P. Gérard Dubois, Muguet, 1710, (2e t. : Vie du P. Dubois, épître, préface et tables de D.). – Ed. des Explications [...] des cérémonies de l'Eglise de Dom Claude de Vert, t. III et IV, 1713 (notes et éloge de l'auteur «qui était son oncle»). – Ed. du De Tabernaculo foederis de B. Lamy, Mariette, Delespine, 1720 (préface, vie de l'auteur et tables de D.). – Ed. du De Templo Salomonis de B. Lamy, 3e éd. fr., Lyon, Certe, 1723. – 2e éd. de la Bibliotheca sacra du P. Lelong, Paris, Coustelier, 1738 (additions et vie de l'auteur par D.). – Institutiones catholicae de F. Pouget, «catéchisme de Montpellier», Paris, Simart, 1725 (citations recueillies par D.). – Panégyriques des Saints, Paris, Moreau, 1723, 2 vol. in-12. Sermons pour l'Avent, ibid., 1725, in-12, et Sermons pour le Carême, ibid., 1735, 3 vol. in-12, du P. Jean de La Roche (éd, et éloge de l'auteur par D.). – Les Ruses de guerre de Polyen avec les stratagèmes de Frontin, Paris, 1738, 2e éd., Ganeau, 1739, trad. attribuée à Dom Lobineau, probablement de D. (lettre d'Anfossi à Caumont, 14 oct. 1738, B.V. Avignon, ms. 2279, f° 192). – Ed. de la Résolution des cas de conscience, du p. G. Juénin, s.l., 1741. – Histoire de l'empire ottoman de D. Cantemir, trad. par M. de Jonquières, éd. par P.D., s.l., Leclerc, 1743, 2 vol. in-4°, et Barois fils, 4 vol. in-4°. Bibliothèque historique de la France du P. Lelong, 2e éd. par Fevret de Fontette, 1768-1778 (réalisée à partir de l'exemplaire annoté de D. : cf. préf., p. VII).

8. Bibliographie

(A) Adry, Bibliothèque des écrivains de l'Oratoire, t. II et VI (B.N., f.fr. 25 682 et 25 686). – (B) Autobiographie de D. utilisée par le P. Bonnardet dans le Bulletin de la paroisse Saint-Eustache. – (C), A.N., MM 6612 ; (D), A.N., MM 618 ; (F), A.N., MM 230 ; (G), A.N., MM 607. – (E) Catalogue Bicaïs de la B.V. Aix et sa copie aux Archives de l'Oratoire. – (H) Mémoires historiques et littéraires de l'abbé Goujet, La Haye, 1767. – (I) Goujet, «Lettre à M.» [Bonamy] «sur la vie et les ouvrages du P. Desmolets» (25 juin 1764) dans le Journal de Verdun, septembre 1764. – (J) Archives de l'Oratoire à Montsoult (correspondance de D. et de Conti et pièces utilisées par Bonnardet). – (K) Partage du 8 février 1704 (Etude Jean-François Richer, Minutier central, MC XVI/383 ; MC LXII/173). – (L) Vente du 21 septembre 1751 (Etude Lemoine, Minutier central, MC XVI/383). – (M) Table des écrivains de l'Oratoire (A.N., M 231, n° 8).