DESMAIZEAUX
Numéro
Prénom
Naissance
Décès
1. État-civil
Pierre Desmaizeaux (ou des Maizeaux), fils du pasteur Louis Desmaizeaux et de A. de Monteil (ou Dumonteil, selon sa signature, D, p. 41), est né à Paillat dans le Puy-de-Dôme, en 1666 selon une tradition ancienne, mais plus probablement en 1673 si l'on s'en réfère au seul document biographique ancien (note ms. au ms. B.L. 4289, f° 336, citée par D, p. 41). Louis Desmaizeaux (1623?-1701), originaire de Bourbon-Lancy, fut successivement pasteur à Vallon, Chomérac, Saint-Vincent de Barres, Genève (1658-1660), Paillat, Issoire et Chirac (A, p. 1); accusé de «sédition» en octobre 1685 en raison d'un sermon injurieux à l'égard de Louis XIV (A., p. 2), il se réfugie en Suisse à la Révocation et finit sa vie à Avenches (D, p. 42; S.-M., n° 3095). D., établi en Angleterre en 1699, fut naturalisé anglais en 1708 (l'acte de naturalisation sur parchemin, rédigé en anglais et signé du secrétaire des Communes était en vente à Munich en août 1979: renseignement fourni par F. Moureau). Il épouse Ann Brown à Saint-Paul's de Londres, le 2 février 1740 (registre), et a un fils dont il annonce la naissance à Collins dans une lettre du 8 août 1729 (D.N.B.); il obtient en 1742 une extension de pension pour sa femme Annie D. (ibid.); sa femme et son fils vivent encore avec lui vers 1743 (D, p. 45). Il meurt le 11 juillet 1745 (annonce du Gentleman's magazine, D. p. 46).
2. Formation
Il commence ses études à Bâle, où il s'inscrit le 24 septembre 1688 (S.-M., n° 4796; A, p. E). Inscrit en théologie à Genève le 19 mai 1695, il obtient un témoignage honorable le 31 mars 1699 (ibid.). Il se rend alors en Hollande avec une recommandation de Minutoli auprès de Bayle; celui-ci recommande à son tour D. à Silvestre, qui l'introduira auprès de Saint-Evremond, et de Shaftesbury (voir E. Labrousse: «Bayle et l'établissement de Desmaizeaux en Angleterre», tandis que Jean Leclerc l'introduit auprès de John Locke (lettre du 18 juin 1699, citée par A., p. 4). Le séjour de D. en Hollande (juin 1699?) est très bref ; après avoir rendu visite à Jacques Bernard, à Charles de La Motte et à quelques libraires, il se rend en Angleterre, à Shoreham (comme précepteur chez d'Aranda: A, p. 4), puis à Londres où il s'établit comme précepteur. Il eut plusieurs élèves de haut rang dont George Parker, qui devint Earl of Macclesfield en 1732 à la mort de son père. C'est cet ancien élève qui fit une collecte pour D. en 1743 alors qu'il était malade et sans ressources (Agnew, p. 222). Grâce aux recommandations de Bayle, il trouve appui auprès de Shaftesbury, Halifax, Saint-Evremond et peut entreprendre, dès 1700, une carrière littéraire. Ses parents qui espéraient le voir poursuivre ses études de théologie, lui écrivent de décembre 1699 à septembre 1703 pour l'encourager, mais il avait sans doute, dès son départ de Suisse, renoncé à une carrière ecclésiastique (voir E. Carayol, «Père et fils: deux lettres de Louis Desmaizeaux à son fils Pierre», B.S.H.P.F., t. CIV, 1958, p. 186-193).
D. fut élu F.R.S. (Fellow of the Royal Society) en 1720 (A, p. 6). Sur la recommandation de Lord Chamberlain, il fut élevé à la dignité de Gentleman of His Majesty's Most Honourable Privy Chamber, le 18 juillet 1722 (Agnew, p. 222; A, p. 6).
3. Carrière
Dès janvier 1700, il est sollicité par J. Bernard en vue d'une collaboration suivie aux Nouvelles de la République des Lettres (G. Masson, «Desmaizeaux et ses correspondants», B.S.H.P.F., t. XIX-XX, 1870-1871, p. 78-79; A, p. 79 et suiv.). Grâce au docteur Silvestre, il rencontre Saint-Evremond à qui il sert d'intermédiaire auprès des libraires à la fin de 1700. Il l'a connu en fait beaucoup moins qu'il ne l'a dit et n'est couché dans son testament que pour une dette de 20 £ (voir R. Ternois, introd. aux Œuvres en prose de Saint-Evremond, Paris, Didier, 1962, p. XLVII-LIII). L'édition des Œuvres mêlées, donnée par Silvestre en collaboration avec D. en 1705, se fait à l'insu de Saint-Evremond, et D. en tirera l'essentiel de la «Vie de Saint-Evremond» pour le Mélange des meilleures pièces (Mortier, 1706). Après la mort de Bayle, en décembre 1706, D. obtient du libraire Leers l'accès à ses manuscrits et travaille à une «Vie de Bayle» qui ne paraîtra qu'en 1730 (voir Broome, «Bayle's biographer: Pierre Des Maizeaux»). A cette époque, il est devenu, grâce à la protection de Shaftesbury, Halifax, Addison, un personnage influent à qui s'adressent les réfugiés français ; il les accueille à la taverne de l'Arc-en-Ciel (Rainbow). Malade des yeux en 1709-1710, il doit solliciter du gouvernement anglais une pension; il défend alors la politique officielle dans une Lettre d'un gentilhomme de la Cour de Saint-Germain (Cologne, 1710; voir D, p. 44-45). Pensionné du gouvernement, membre de la Royal Society en 1720, «Gentleman of H.M. Privy Chamber» comme commissaire de la loterie en 1722, il acquiert un statut officiel. Après la mort de Shaftesbury (1713) et de Halifax (1715), il bénéficie de l'aide de Collins, qu'il fréquente depuis 1705 et chez qui il réside, pour de longs séjours, de 1715 à 1729 (Broome, «Anthony Collins et Des Maizeaux»). A partir de 1730, il perd ses appuis et traverse des périodes difficiles; il exerce des fonctions de bibliothécaire, négocie sans autorisation des manuscrits de Collins (D.N.B.), vit médiocrement de sa collaboration à la Bibliothèque raisonnée (B, p. 202-203). Infirme, chargé de famille, pauvre, il sollicite du secours (D, p. 45); il est recueilli par une famille anglaise qui l'avait employé en 1699 (B, p. 204). Il ne semble pas qu'il ait quitté l'Angleterre depuis son établissement en 1699 ; voir la liste de ses adresses successives dans A, p. 161.
4. Situation de fortune
Grâce à l'appui d'Addison, il obtient du gouvernement, par acte du 28 avril 1710, une pension de 3 s., 6 d. par jour; cette pension, peu à peu réduite à 42 £ sterling par an et payée irrégulièrement, sera son seul revenu fixe jusqu'a sa mort (D.N.B.). Ayant hérité des manuscrits de Collins en 1729, il fut contraint de les vendre et s'efforça vainement, par la suite, de les retrouver (A, p. 7). Ses travaux d'édition lui ont fourni un appoint précieux: pour les Œuvres mêlées de Saint-Evremond, D. et P. Silvestre reçoivent 50% des bénéfices, une fois couverts les frais d'édition (évalués à 281 £, D.N.B.). La «Vie de Bayle» lui sera payée 36 guinées (Broome, «Bayle's biographer», p. 10). Comme traducteur, il est payé 1 franc la page (D, p. 47). Les nouvelles littéraires adressées à la Bibliothèque raisonnée ne lui sont payées que 3 guinées par trimestre (D, p. 47). Malgré un labeur inlassable, D. n'a connu la prospérité que grâce à d'illustres protecteurs ; réduit à ses revenus d'homme de lettres à partir de 1730, il tombe progressivement dans la misère.
5. Opinions
Dès 1699, D. semble gagné au déisme (Labrousse, p. 253). Shaftesbury l'introduit dans les milieux libertins de Londres (D, p. 42-43); il rencontre Toland, Collins, Gordon: en 1700, ses audaces de plume effraient J. Bernard, qui censure ses comptes rendus dans les Nouvelles de la République des Lettres (voir la correspondance D.-Bernard éditée par G. Masson, B.S.H.P.F., t. XIX-XX, p. 78-190). Cependant, D. ménage le clergé et le gouvernement; il doit ménager aussi les différents publics auxquels il s'adresse à travers les périodiques français ou hollandais, catholiques ou protestants, dans lesquels il écrit. A certaines époques, il lui arrive de donner cinq versions du même compte rendu, non sans défendre, subtilement, le point de vue des déistes anglais, Collins, Shaftesbury, Chubb, Toland (voir les comparaisons de textes dans B, p. 196-198). Il a surtout été l'ami de Collins et son collaborateur pendant quinze ans; il lui a fourni des matériaux, traduit les sources françaises; il a aidé la publication et la diffusion de ses oeuvres et a contribué ainsi à la connaissance du déisme anglais en France (voir Broome, «Anthony Collins et Desmaizeaux», et A, p. 4-5). Tour à tour écrivain, journaliste, correcteur, courtier en librairie, il a été en correspondance avec d'innombrables écrivains, catholiques ou protestants: Basnage, Beausobre, Barbeyrac, Bayle, Hume, La Chapelle, Coste, Bignon, La Martinière, Leibniz, Marais, Newton, etc. Sa correspondance, réunie au B.L. (coll. Birch, add. mss. 4281-4289) constitue le fonds le plus important du XVIIIe siècle, concernant la presse et la librairie; elle regroupe toutes les lettres qu'il a reçues; l'inventaire en a été dressé par J. Almagor, (part. III). Les lettres de D. sont dispersées dans les bibliothèques d'Europe (B.U. de Leyde, B.R. de Copenhague, B.P U. de Genève, B.H.P., B.N., etc.).
6. Activités journalistiques
D. s'est spécialisé, dès son arrivée en Angleterre, dans la diffusion des nouvelles anglaises ; à ce titre, il a collaboré à un grand nombre de périodiques et a joué un rôle essentiel dans les relations entre les réfugiés et le continent. Broome a donné un premier inventaire détaillé de ces contributions, pour la plupart anonymes (B); Almagor l'a précisé en ce qui concerne les grands périodiques français de Hollande (A).
Nouvelles de la République des Lettres (DP1 1016): la collaboration de D. commence au début de 1700 et s'étend sur une dizaine d'années; en plus des nouvelles littéraires, D. donne des comptes rendus des ouvrages de Tillotson, Burnet, Sherlock, des déistes anglais (B, p. 186). Voir la liste de ces contributions dans A, p. 19-20, et p. 70-72. Publiée dans ce journal, l'importante Lettre qui contient diverses remarques de Littérature (août-sept. 1701) définit sa conception du journalisme (A, p. 20 et suiv.).
Histoire des ouvrages des savants (DP1 605): D. entretient avec Basnage une correspondance suivie (éditée en partie par G. Masson, dans B.S.H.P.F., t. XXV). Des nouvelles d'Angleterre paraissent dans ce journal à partir de 1705 (B, p. 188).
Journal des savants (DP1 710): en 1705, D. entre en correspondance avec Claude-François Fraguier (add. mss 4283), puis en 1708, avec Bignon (add. mss 4281); des nouvelles littéraires d'Angleterre paraissent dans ce journal jusque vers 1720 (B, p. 189-190).
Mémoires de Trévoux (DP1 889): D. est en relations avec Le Tellier et Tournemine dès 1702; en 1712, Ganeau, imprimeur du journal, lui rend visite; des comptes rendus des ouvrages de Toland ou de Collier vaudront au journal jésuite quelques polémiques (B, p. 191-192).
Histoire critique de la République des Lettres (DP1 600): D. collabore avec Samuel Masson de 1714 environ à 1717, notamment par des articles sur la publication des oeuvres de Leibniz (A, p. 101 et suiv.); il eut avec Prosper Marchand une longue querelle à propos de l'édition des oeuvres de Bayle; voir C. Berkvens, Prosper Marchand, la vie et l'œuvre (1678-1756), Leiden, E.J. Brill, 1987, p. 165; A, p. 84 et suiv. Voir la liste des contributions de D. à l'Histoire critique dans A, p. 80-81.
Nouvelles littéraires de Du Sauzet (DP1 1039): D. est en correspondance très suivie avec Du Sauzet (une centaine de lettres de D.S. dans add. mss. 4287) de 1714 à 1718 (B, p. 194; A, p. 118-119). Il lui fournit la plus grande partie de ses nouvelles d'Angleterre et de nombreux comptes rendus (voir A, part II).
Journal littéraire de La Haye (DP1 759): D. collabore avec Johnson entre 1715 et 1719 (B, p. 195), sans doute en lui fournissant des nouvelles littéraires: voir Almagor, «Pierre Des Maizeaux (1673-1745): the English Correspondant of the Journal littéraire between 1713 and 1722?» dans Dokumentatieblad Werkgroep Achttiende Eeuw, XVIII/n° 2, 1986, p. 168-173.
Bibliothèque anglaise (DP1 146): D. collabore sans doute au périodique de Michel de La Roche vers 1720 (B, p. 199-200).
Mercure de France (DP1 923, 924): D. est très probablement l'auteur des 9 articles consacrés par ce journal au théâtre anglais en juin 1722, mai et août 1723, décembre 1724, juillet 1725, juin 1727, janvier 1728, juin 1731 (B, p. 200-201).
Histoire littéraire de l'Europe (DP1 613): collaboration épisodique de D. au journal de Guiot de Merville vers 1725 (B, p. 202).
Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savants (DP1 169): D. est très lié à l'équipe fondatrice (Barbeyrac, La Chapelle) et publie dans ce journal, de 1728 à 1744, les nouvelles littéraires d'Angleterre (B, p. 202-203).
Bibliothèque britannique (DP1 149): D. est sans doute membre de l'équipe fondatrice dont il énumère les dirigeants, Stehelin, Le Moine, Cantier, Bernard, Beaufort, de Missy, dans une lettre à La Motte (B.H.P., ms. 295, f° 40; B, p. 203).
7. Publications diverses
D. est surtout connu par les vies qu'il a données de Boileau, de Saint-Evremond, de Bayle, de Hales, de Chillingworth, et par ses éditions: il a réuni et publié de nombreux textes peu connus, de Saint-Evremond (Œuvres mêlées, 1705), de Bayle (Lettres choisies, 1714, en collab. avec P. Marchand), de Leibniz, Clarke et Newton (Recueil de diverses pièces, 1720). Voir la liste de ses oeuvres dans Beckwith, Broome, Cior 18.
8. Bibliographie
F.L. 1769; Haag 2; D.B.F.; D.N.B.; – Agnew C.A., Protestant Exiles from France, private printing, 3e éd., Edinbourg, 1866. – Masson G., «Des Maizeaux et ses correspondants», Bulletin historique et littéraire de la Société d'Histoire du Protestantisme français (B.S.H.P.F.), II (1854), p. 78-80; XV (1866), p. 237-247, 284-292, 332-339; t. XIX-XX (1870-1871), p. 76-84, 181-190; XXV (1876), p. 325-332. – (D) Daniels W.M., «Des Maizeaux en Angleterre», Revue germanique, t. IV, 1908, p. 40-49(B). – Broome J.H., An Agent in Anglo-French Relationships: Pierre Des Maizeaux (1673-1745), thèse dact., U. de Londres, 1949. – (B) Id., «Pierre Desmaizeaux journaliste. Les nouvelles littéraires de France entre 1700 et 1740», R.L.C., t. XXIX, 1955, p. 184-204. – Id., «Bayle's biographer: Pierre Des Maizeaux», French studies, t. IX, janv. 1955, p. 1-17. – Id., «Anthony Collins et Desmaizeaux», R.L.C., 1956, t. XXX, p. 161-179. – Beckwith F., Peter Des Maizeaux (1673?-1745): life and works, thèse dact., U. de Leeds, 1936. – Labrousse E., «Bayle et l'établissement de Desmaizeaux en Angleterre», R.L.C., t. XXIX, 1955, p. 251-257. – Id., Inventaire critique de la correspondance de Bayle, Paris, Vrin, 1961, p. 351. – Ternois R., (éd.), Œuvres en prose de Saint-Evremond, t. I, Paris, Didier, 1962, introduction. – (S.-M.) Le Livre du Recteur de l'Académie de Genève (1559-1878), éd. S. Stelling-Michaud, t. III, Genève, Droz, 1972, p. 94-95. – (A) Almagor J., Pierre Des Maizeaux (1673-1745) Journalist and English correspondent for Franco-Dutch periodicals. 1700-1720 , APA-Holland University Press, Amsterdam & Maarssen, 1989.
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