COUSIN,

Numéro

203

Prénom

Louis

Naissance

1627

Décès

1707

1. État-civil

Louis Cousin naquit d'une famille bourgeoise ˆ Paris, le 12 aot 1627 ; il mourut dans la mme ville, le 27 fvrier 1707 et fut inhum ˆ Saint-Andr-des-Arts. Selon le Livre commode de Blgny, il habitait rue Gungaud en 1692. La strilit de son mariage lui valut des piques de Mnage, avec lequel il se brouilla.

2. Formation

Aprs ses humanits, C. poursuivit le cursus des tudes en thologie, soutint sa tentative et fut reu bachelier en thologie de la facult de Paris. Il abandonna alors cette voie au profit d'tudes de droit ; changement d selon d'Alembert ˆ l'volution de la fortune familiale. Il participa aux runions acadmiques accueillies, de janvier ˆ aot 1692, par l'abb de Choisy, le mardi, ˆ son domicile du Luxembourg. Les douze membres, dont Perrault, Fontenelle, Guillart, les abbs de Dangeau et Renaudot, devaient y prsenter mmoires et comptes rendus de livres. On y lut aussi des articles du Journal des savants (J.S.) fourni par C. sur l'injonction de ses confrres. Appuy par Franois de Clermont-Tonnerre, vque de Noyon, et par le chancelier Boucherat, il fut lu ˆ l'Acadmie franaise o Andr Dacier, lui aussi traducteur des Anciens, l'accueillit le 15 juin 1697.

3. Carrière

Reu avocat au barreau de Paris, en 1646, C. plaida jusqu'en 1657. Il acquit alors l'une des six charges de prsident de la Cour des monnaies, cour souveraine d'un rang secondaire charge de juger le contentieux montaire, devant laquelle il prta serment le 19 octobre 1657. Ses traductions du latin et du grec et ses relations dans les cercles rudits lui valurent en 1687 la rdaction du J.S. et la fonction de censeur royal d'abord occasionnellement (pour des impressions franaises, 1695 et 1697-1698, ou des livres venant de l'tranger, 1698) puis en titre ˆ partir de 1699 pour l'histoire, la pdagogie et la numismatique. C. abandonna en 1701 la rdaction du J.S., puis sa charge de censeur en 1704 et il consacra les dernires annes de sa vie ˆ l'tude de l'hbreu.

4. Situation de fortune

Pourvu par le Chancelier d'une pension annuelle de 200 £, aprs 1687, au titre du J.S., C. signa en janvier 1692 un contrat par lequel l'imprimeur Cusson promettait de lui payer son ouvrage. Mais les 1200 £ d'arrrages enregistres par son inventaire aprs dcs de 1704 prouvent que ce dernier ne respecta pas ses engagements. Par son testament C. fonda six bourses rserves ˆ des tudiants se destinant ˆ la prtrise ; refuse par le collge de Beauvais, cette fondation fut transporte au collge de Laon. Il donna aussi sa bibliothque, compte parmi les plus notables de son poque, ˆ l'abbaye de Saint-Victor, avec un capital de 20 000 £ dont le revenu devait servir ˆ l'augmenter. Scularise pendant la Rvolution, cette bibliothque chut ˆ la Mazarine dans le fonds de laquelle on retrouve quelques volumes portant la mention d'hommages ˆ Cousin.

5. Opinions

Outre les runions de l'abb de Choisy, C. frquenta des commensaux de l'abbaye de Saint-Germain des Prs, et le cercle de Mnage, avec lequel il se brouilla sur une pique intime. Il prit partie pour une orthographe modernise et l'afficha au titre du Journal - savans et non savants - ce qui lui valut des critiques au nom de l'tymologie, fondement de l'orthographe pour l'Acadmie dans son Dictionnaire de 1694. En dlicatesse avec les Jsuites et spcialement le Pre Hardouin, il publia des extraits assez critiques d'ouvrages de membres de la Compagnie auxquels l'abb Fraguier rpliqua par des posies satiriques. Ces disputes eurent sans doute leur part dans la cration des Mmoires de Trvoux. A la diffrence de ses prdcesseurs, C. ne semble pas avoir entretenu une correspondance mais sa participation aux assembles savantes de la capitale lui fournissait des informations ; ainsi, en 1697, il put rencontrer les fils du libraire Bulifon, barcelonnettain tabli ˆ Naples, que recevait Mabillon. Faute de relations directes, les savants utilisrent des intermdiaires pour obtenir de lui la publication de mmoires. La correspondance de Leibniz trace ainsi des itinraires complexes, rvlateurs de toute une stratgie de la sollicitation. De son c™t, C. utilisa l'entremise du mauriste Michel Germain pour correspondre avec Antonio Magliabechi, lui-mme intermdiaire en 1692 auprs des Pres Bacchini et Roberti, rdacteurs du Giornale de'letterati auxquels C. adressait un paquet de sa revue. Ces correspondances rvlent mme l'envoi d'informations de Bayle ˆ Cousin par la voie de Claude Nicaise.

6. Activités journalistiques

A la fin de 1686, le chancelier Louis Boucherat dcida de rformer le J.S. en formant autour de l'abb Jean-Paul de La Roque, dtenteur du privilge et rdacteur, un bureau ditorial dont chaque membre s'occuperait d'un domaine spcialis. A l'origine, l'abb de Saint-Ussans, le prsident Cousin et l'abb Gallois devaient tre adjoints ˆ La Roque, mais celui-ci craignant de perdre la direction de sa revue au profit de son prdcesseur dfendit le droit que lui confrait son privilge et l'affaire tournant ˆ l'impasse, la publication du J.S. s'interrompit pendant les dix premiers mois de 1687. Aprs des tractations le priodique reparut en novembre 1687 sous la direction de quatre rdacteurs : C., Guillart, Rgis et La Roque. Ce dernier demeurait titulaire du privilge mais il abandonna assez vite la rdaction, puis Guillart et Rgis s'effacrent peu aprs 1690. Rest seul rdacteur en titre, C. ne reut pourtant pas le privilge du J.S. aprs la mort de Jean-Paul de La Roque en septembre 1691, car le Chancelier prfra l'attribuer le 4 mai 1692 ˆ l'imprimeur Jean Cusson sur lequel il disposait de moyens de persuasion plus puissants qu'envers un lettr.

Le J.S. de C. diffre de celui de La Roque par le volume : avec 43 livraisons annuelles et une augmentation du nombre de caractres par page de l'ordre de 20% les lecteurs disposrent de plus de matire. Mais le contenu changea aussi, les gravures se rarfirent, le dlai entre la publication des livres et leur prsentation augmenta et le J.S. se dtourna de la province et de l'tranger (entre 1697 et 1701, 70% des extraits prsentrent des livres parisiens). Enfin les intrts de C. transparaissent dans un certain dclin des livres de sciences et arts au profit des belles-lettres, du droit et surtout des ouvrages religieux, comme dans la publication de mmoires le plus souvent scientifiques, signs d'acadmiciens ou de savants connus. Repli sur la France, priorit accorde aux oeuvres rudites valides du sceau acadmique aux dpens des curiosits provinciales, le J.S. devint avec C. une revue officielle, aux ordres mme, si l'on considre les sujets carts par le rdacteur. Appliquant les directives du Chancelier, C. renvoyait ˆ son autorisation la publication de tout mmoire mettant en cause l'Acadmie des sciences ; en matire religieuse, bien qu'en froid avec les Jsuites, il vita de plus en plus de parler du jansnisme et de ses tenants et ds que la rponse de Bossuet eut ouvert la controverse quitiste, C. ignora tous les ouvrages de Fnelon et refusa un mmoire de Leibniz sur l'amour dsintress. Cette situation de journaliste officiel ne l'empcha pourtant pas de cder ˆ ses animosits : envers les Jsuites qui se plaignirent souvent des critiques de leurs ouvrages, et envers Mnage gratign dans l'loge funbre de 1692 et l'extrait du Mnagiana de 1693. Cette faon de conduire le J.S. lui valut des critiques : certains se plaignirent qu'il ddaign‰t les productions provinciales, d'autres condamnrent le contenu du priodique, ainsi le marquis de L'Hospital qui le trouvait trop peu scientifique et ne lisait que les Acta eruditorum ou Christian Huygens irrit par son ton cagot. Jointe ˆ la multiplication des concurrents trangers et ˆ la parution des Mmoires de Trvoux, cette dsaffection des lecteurs pesa dans la dcision de Bignon d'accepter la retraite de C. en 1701 au profit d'un vritable comit de rdaction.

7. Publications diverses

On conna”t deux manuscrits de C. : un recueil de penses morales grecques (B.N., Supp. grec 183), et un recueil de pices touchant l'enseignement de l'histoire (Ste G., ms. 781). Ses oeuvres imprimes figurent toutes au Cat.B.N. Si l'on excepte d'une part l'Histoire de plusieurs saints des Maisons des Comtes de Tonnerre et de Clermont de 1698 - compose pour remercier l'vque de Noyon de son appui ˆ l'Acadmie et accompagne d'une prface Çoutre pour la flatterieÈ contre laquelle circula une satire manuscrite - et d'autre part la traduction des Principes et rgles du cardinal Bona, C. ne donna que des traductions d'historiens byzantins et mdivaux. Cette spcialisation rvle les intrts profonds de C. D'abord la volont de retourner aux sources partage avec les grands rudits contemporains, qui lui faisait suggrer ˆ l'abb de Choisy d'aller Çdterrer les vieux manuscritsÈ pour parfaire sa traduction de l'Imitation. Joint ˆ cela le dsir de clbrer le souverain qui transpara”t dans le choix de traduire des histoires de Constantin, de Justinien ou de Charlemagne, et l'aspiration ˆ servir l'Eglise en fournissant des aliments ˆ la controverse savante avec les protestants. Enfin, le souci de raliser des traductions lgantes et fidles qui pourraient Çpasser pour un originalÈ (L.E. Dupin). Par lˆ il rpondait aux souhaits de ses diteurs : Pierre Rocollet, important libraire du Palais, protg du chancelier Sguier et spcialiste d'ditions luxueuses de livres religieux et d'histoire ; son gendre Damien Foucault ; Claude Barbin, l'diteur des principales oeuvres littraires du sicle ; enfin Guillaume de Luynes, l'diteur de Corneille, qui fournissait les gens de got. Voltaire tmoigne de l'importance des traductions de C. dans le dveloppement de l'histoire rudite en France lorsqu'il crit : ÇPersonne n'a plus que lui ouvert les sources de l'histoireÈ.

8. B.Un.; – Mercure galant, octobre 1687. – A.N., M 75813 : Recueil de notes historiques et critiques (par le Pre Lonard de Sainte-Catherine). – A.N., M 7671 -3 : Recueil de nouvelles journalires de la Rpublique des lettres (du mme auteur) 1698 1706. – A.N., M.C., XLIX, 430, 29 oct. 1704 : inventaire aprs dcs de Jean Cusson. – B.N., f.fr. 9359 : Correspondance de l'Abb Nicaise. – B.N., f.fr. 22581 : Recueil de plusieurs auteurs qui ont donn des ouvrages au public, par le Pre Lonard de Sainte-Catherine (1696-1698). – B.N., f.fr. 24471-24472 : Recueil de quelques nouvelles journalires de la Rpublique des lettres (1691-1697) [par le Pre Lonard]. – Ars., ms. 3186 : Ouvrages de M. de Choisy qui n'ont pas t imprims, t. I, f¡ 175-212, Journal de l'Assemble du Luxembourg. – B.R. Copenhague, Thott, 1208 b-c 4¡ : Lettre de Franois ˆ Bayle, Paris, 27 dcembre [1686]. – Alembert J.Le Rond d', Histoire des membres de l'Acadmie franaise depuis 1700 jusqu'en 1771 , d. d'Amsterdam, 1787, t. II, p. 347-365. – Bernoulli J., Briefwechsel, t. I, d. O. Spiess, B‰le, 1955, t.I. – Camusat D. F., Histoire critique des journaux, Amsterdam, 1734. – Du Pin L.E., Bibliothque des auteurs ecclsiastiques du dix-septime sicle, Partie quatrime, Paris, 1708. – Huygens C., Oeuvres compltes, La Haye, 1888-1950, 22 volumes. – Leibniz G.W., SŠmtliche Schriften und Briefe, Reihe I , Allgemeiner politischer und historischer Briefwechsel, Darmstadt, 1923- – Magliabechi A., Lettere dal Regno a Antonio Magliabechi, d. A. Quondam et M. Rak, Napoli, 1978, 2 vol. – Martin H.J., Livre, pouvoirs et socit ˆ Paris au XVIIe sicle, Genve, 1969, 2 vol. – Vittu J.P., ÇDiffusion et rception du Journal des savants (1665-1714)È, dans La Diffusion et la lecture des journaux de langue franaise sous l'Ancien Rgime , d. H. Bots, Amsterdam-Maarsen, 1988, p. 167-175. – Idem, ÇDe la Res publica literaria ˆ la Rpublique des lettres, les correspondances scientifiques autour du Journal des savantsÈ, dans Le Travail scientifique dans les correspondances scientifiques entre savants au tournant des 17e et 18e sicles, Colloque international, Paris, 10-13 juin 1992. – Voir galement les articles ÇBignonÈ, ÇGalloysÈ, ÇGuillartÈ, ÇLa RoqueÈ et ÇRgisÈ.