COURET DE VILLENEUVE

Numéro

200

Prénom

Louis

Naissance

1749

Décès

1806

1. État-civil

«L'an mil sept cents quarante neuf, ce vingt neuf juin, a été par moi prêtre bachelier et vicaire soussigné baptisé Louis Pierre, né le même jour du légitime mariage de Monsieur Martin Couret de Villeneuve, imprimeur du Roi et de dame Marthe Marie Marteau, ses père et mère ; le parrain, Monsieur Jean Ravau, marchand bourgeois de cette ville ; la marraine, Madame Louise Françoise Couret de Villeneuve, épouse de Monsieur Pierre Antoine Sestier, inspecteur des actes des notaires» (A.M. d'Orléans, reg. par. Sainte-Catherine). Louis Pierre Couret de Villeneuve est né dans une famille d'imprimeurs établis à Orléans depuis le début du siècle. Son grand-père, Louis François Couret de Villeneuve, procureur du roi du Grenier à sel, avait acquis, le 30 janvier 1735, le bail de la Gazette pour Orléans (Feyel, p. 23). De son mariage avec Marie Madeleine Borde, fille de l'imprimeur Jean Borde (30 juil. 1712) était né Martin Couret de Villeneuve (1717-1780), qui succéda à son père à la fin de 1747 ou au début de 1748, et en faveur de qui fut reconduit le bail de la Gazette en 1749 (Feyel, p. 21). On ne sait à peu près rien de la descendance de Martin C. et de Marthe Marie Marteau. Ils eurent au moins un fils, Louis Pierre, et une fille, Thérèse, qui épousa Charles Joseph Panckoucke le 7 août 1766. Louis Pierre eut avec son beau-frère des relations étroites, qui jouèrent sans doute un grand rôle dans sa carrière. Il se maria lui-même à une date inconnue, avec Marie Julie Ver-neert (vers 1773 selon M.S.A., p. 125). Il mourut accidentellement à Gand le 20 janvier 1806: il tomba dans la Lys et son corps ne fut pas retrouvé (Pataud; M.S.A.).

2. Formation

Selon Pataud, C. aurait fait à Orléans des études «plus brillantes que solides », ce qui laisse entendre un goût délibéré pour les idées nouvelles; il suivit, «comme imprimeur et comme homme de lettres», les traces de son père (ibid.). On notera que Martin C. avait publié en 1748 YEcole des francs-maçons, recueil de poésies maçonniques (F.L.). Associé très tôt à son père, C. se consacra d'abord à l'édition de textes poétiques (Trésor du Parnasse en 1770, Lyriques sacrés en 1774) et laissa lui-même des œuvres poétiques manuscrites (voir le catalogue de Pataud), ou recueillies plus tard dans Mes matinées d'été (1789). A partir de 1780, son goût s'oriente de plus en plus vers les sciences : histoire naturelle, commerce, démographie.

3. Carrière

De 1770 à 1780, il est difficile de distinguer les travaux du père et du fils. Jusqu'en 1776 au moins, Martin C. reste imprimeur-libraire du Roi, dans une ville où l'on n'en comptait que quatre ; son fils n'est mentionné que comme libraire. Il est possible qu'après 1766, C. ait travaillé avec Panckoucke ; selon S. Tucoo-Chala, il aurait partagé avec lui le privilège de Y Avant-Coureur (p. 98), mais il s'agit peut-être encore de Martin C. A dater de la mort de celui-ci (21 oct. 1780), C. devient à son tour imprimeur du Roi. A ce titre, il édite toutes les publications administratives de la Généralité et travaille pour les services de l'Intendance (A.D. Loiret, coll. Jarry, 2 J 343); il gardera ses fonctions jusqu'en 1792 (ibid., 2 J 1893). D'après le catalogue dressé par Pataud, qui fut son collaborateur à plusieurs reprises, Couret a édité personnellement, c'est-à-dire préparé, préfacé, annoté et parfois traduit une quarantaine d'ouvrages. Dès 1780, il se charge en outre d'entreprises importantes comme l'édition partielle du Cours d'agriculture de Rozier ou de Y Encyclopédie méthodique de Panckoucke (volumes consacrés à la littérature, la géographie et la théologie). Cette activité débordante dut susciter des jalousies : en 1781, il est dénoncé pour avoir imprimé sans l'autorisation du Lieutenant de Police une annonce de vente de livres; un arrêt du 25 mai 1781 le suspend de ses fonctions d'imprimeur-libraire (B.N., f.fr. 22128, f° 164). Panckoucke intervint auprès de M. de Neville et parvint à faire annuler l'arrêt (Tucoo-Chala, p. 177). Selon Pataud, « de fausses spéculations et la Révolution renversèrent l'imprimerie de Couret». Il semble que C. ait gardé à Orléans après 1789 quelques publications périodiques comme le Journal de l'Orléanais ou Y Etat actuel ecclésiastique, qui ne demandaient pas sa présence assidue; l'essentiel de son activité se situe à Paris. «Son caractère vif et plaisant lui fit craindre, plus qu'à tout autre, les orages révolutionnaires. Il s'en garantit en surveillant les intérêts et les calculs de l'imprimerie parisienne dans l'un des bureaux du Ministère» (Pataud). Il fit quelques tentatives pour reprendre ses activités d'éditeur; une lettre sur les Ecoles primaires «par Couret-Villeneuve» est imprimée en 1796 chez Couret Villeneuve et Cérioux (an V, in-8°, 15 p.) ; une édition du Répertoire des arts et métiers de Buchoz est annoncée l'année suivante, mais ces tentatives semblent être restées sans lendemain. Au moment de la création des écoles centrales, il se hâte de demander un poste; il obtient une chaire de grammaire générale à Gand en 1798. Il se consacre en même temps à l'enrichissement du jardin botanique de Gand (Hortus gandavensis, L.P. Couret-Villeneuve, an X-1801). L'année même de sa mort, en 1806, il venait de lancer un nouveau périodique annuel, L'Indicateur gantois (s.l., in-8°, 56p.).

4. Situation de fortune

C. avait hérité de l'imprimerie de son père, mais la fortune de Martin C. semble avoir été médiocre ; S. Tucoo-Chala note que Thérèse C. apporta à C.J. Panckoucke la dot minime de 680 £ (p. 94 et 113). C. donna à la petite entreprise familiale un essor considérable ; Martin C. avait édité, outre ses périodiques, trois ou quatre titres ; C. en publia une quarantaine, pour la plupart entre 1780 et 1789. En 1789, ses activités d'éditeur deviennent sporadiques; en 1792, il abandonne ses fonctions d'imprimeur officiel; en 1793, il est obligé de liquider son fond de librairie et Panckoucke vient une dernière fois à son secours (Tucoo-Chala, p. 498 et 503), mais sa ruine était devenue sans remède.

5. Opinions

Martin C. avait probablement été franc-maçon : YEcole des francs-maçons et le Recueil de poésies maçonnes publiés en 1748 témoignent d'une connaissance approfondie des milieux maçonniques. C. fut reçu maçon le 12 mai 1774 à la loge «Jeanne d'Arc de la Parfaite Union» d'Orléans; il y devint orateur le 25 juin suivant; le 8 décembre 1777, il signait la demande en Constitutions de la Parfaite Union. Pataud lui attribue deux œuvres maçonniques: le Discours de l'Ane du F. Naboth « pour servir de suite aux Francs Maçons plaideurs » (s.l, de l'imprimerie de l'auteur, 1787), et un mémoire «sur la population » inséré dans le Recueil des Neuf Sœurs ; mais le premier de ces ouvrages est en fait de François Billiemaz, dit Billemaz ( 17 5 o ?-179 3 ) et concerne la maçonnerie lyonnaise (renseignements transmis par André Doré). C'est à la Société d'Agriculture d'Orléans que C. consacra le meilleur de son activité intellectuelle. Il fit partie des fondateurs de la Société le 23 avril 1781 (M.S.A., p. 125). Quand la Société devient Académie Royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres en octobre 1786, il fait partie des «académiciens titulaires nommés par le Roi» (A.D. Loiret, répertoire de la série D, n° 712). Il fut bibliothécaire de la Société de mai à novembre 1781 (M.S.A., p. 125). Pataud mentionne dans la liste de ses œuvres 7 mémoires présentés à l'Académie, sur le commerce, la population, l'imprimerie, etc., ainsi que des poèmes et des fables «lues à l'Académie d'Orléans» en 1787. A l'Académie, il eut l'occasion de fréquenter des physiocrates en renom comme Baudeau, Quesnay, Le Trosne. Il dut également y rencontrer Condillac, qui séjournait souvent à Flux, près de Beaugency, depuis 1773, et qui fit peut-être imprimer à Orléans son essai sur le Commerce (cf. Corpus Condillac, 1714-1780, Genève, Slatkine, 1981, p. 100). C. subit sans doute son influence; on trouve dans la liste de ses œuvres des Eléments raisonnes de grammaire générale (s.l.n.d.), et l'on peut penser que son enseignement de grammaire générale à Gand devait beaucoup au philosophe. L'intérêt de C. pour la Révolution fut évident et semble avoir choqué ses concitoyens (M.S.A., p. 126). La majeure partie de ses travaux après 1789 porte sur les écoles, l'imprimerie, le commerce, et se trouve résumée dans un Manuel social de morale et de politique («Par Couret-Villeneuve», Paris, Piqueret, an VII).

6. Activités journalistiques

C. a été surtout l'éditeur des affiches orléanaises ; Annonces, affiches et avis divers de l'Orléanais contenant généralement tout ce qui peut intéresser cette province, à Orléans, chez Couret de Villeneuve, imprimeur du Roi, rue Royale (D.P.1 46). Ce journal avait été fondé par son père en 1764, sous le titre un peu différent d'Annonces, affiches, nouvelles et avis divers de l'Orléanais. Il semble, d'après Pataud, que C. en ait pris l'entière direction dès 1771. En 1783, le journal change de titre et devient: Journal de l'Orléanais ou Annonces, affiches et avis divers (1783-1790).

En 1789, C. tenta, sans succès, de lancer un journal politique : Le Courrier Orléanais, par Couret de Villeneuve, imprimeur du Roi et de S.A. le duc d'Orléans, volontaire orléanois, Orléans, 1789, 3 numéros, 15 p., in-8°.

Il a en outre publié quelques périodiques annuels: un Journal de la religion, 3 vol. in-12, 1791 ; Etat actuel ecclésiastique, civil et militaire du département du Loiret, étrennes orléanaises et patriotiques pour l'année 1791, Orléans, L.P. Couret, in-16 ; l'Indicateur gantois, avec un extrait de l'annuaire administratif du département de l'Escaut, s.L, 1806, in-8°.

7. Publications diverses

L'œuvre de C. est difficile à recenser car son travail d'éditeur est étroitement mêlé à son œuvre personnelle. Le chanoine Pataud donne dans son catalogue 53 titres d'éditions, d'œuvres imprimées ou manuscrites ; le Cat.B.N. (repris par Cior 18) en donne 15 dont il faut retirer au moins 5 éditions. On peut par contre ajouter, au titre des œuvres personnelles: Mes matinées d'été «ou opuscules en vers et en prose, par M. Couret imprimeur du Roi à Orléans et membre de plusieurs académies, auxquels on a ajouté Soirées d'hiver d'une femme retirée à la campagne par Mme de S..., et les Sentiments de reconnaissance d'une mère, adressés à l'ombre de J.J. Rousseau par Mme [Thérèse Panckoucke] », à Orléans, de l'imprimerie de l'auteur, 1789, in-18, 309 p. – Manuel élémentaire et économique, Bruxelles [Paris], Vve Panckoucke, an VIII. Mais il resterait a identifier une bonne partie des titres mentionnés par Pataud.

8. Bibliographie

F.L.; B.Un.; D.B.F.; Tucoo-Chala. – (Pataud) Cuissard C, Biohihliographie du Loiret, ms. établi vers 1905, A.D. Loiret ; la notice de C. est accompagnée de la note suivante : « Nous devons cette notice à l'abbé Pataud, qui avait connu Couret d'une façon particulière, et l'avait aidé dans plusieurs des éditions sorties de ses presses. C'est lui encore qui nous a fourni la liste des ouvrages qui va suivre». – (M.S.A.) Mémoires de la Société d'Agriculture d'Orléans, 5e série, 1927, t. XII, p. 125-126, notice rédigée très probablement par le Dr Fauchon, historiographe de la Société. – Feyel G., La Gazette en province à travers ses réimpressions, 1631-1752, Amsterdam, Maarssen, APA-Holland U.P., 1982. – Id., L'Annonce et la Nouvelle: la presse d'information et son évolution sous l'Ancien Régime (1630-1788), thèse, U. de Paris IV, 1994, t. IV, p. 1401-1408.

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