CHARRIERE
Numéro
Prénom
Naissance
Décès
1. État-civil
Nous nous bornons à résumer sommairement certains des renseignements fournis dans les différents tomes des Oeuvres complètes, publiées sous la direction de Simone Dubois et de Jean-Daniel Candaux (Eléments de chronologie ; notices biographiques ; introductions et établissement du texte dans le tome X).
Iabelle Agneta Elisabeth (Belle de Zuylen) est née le 20 octobre 1740 au château de Zuylen, près d'Utrecht, de Diederick Jacob van Tuyll van Serooskerken (1707-1776 ; fils de Reinout Gerard, seigneur de Zuylen et de Westbroek, et d'Isabelle Agneta Hoeufft de Fontaine-Peureuse, d'Amsterdam), et d'Helena Jacoba de Vicq (1724-1768 ; fille de maître René, échevin d'Amsterdam, administrateur de la Compagnie des Indes orientales, et de Maria Jacoba van Goor).
Elle a eu quatre frères et deux soeurs : Reinout Gerard (1741- 1759) ; Willem René (1743-1839), qui devint notamment seigneur de Zuylen et de Westbroek, Président du Corps des Nobles d'Utrecht, membre de la première Chambre des Etats généraux ; Diederick Jacob (Ditie) (1744-1773), commandant de la marine, qui de santé fragile mourut à Naples, où il avait représenté les Pays-Bas au mariage du roi de Sardaigne ; Vincent Maximiliaan (1747-1794) qui, colonel dans la cavalerie, fut blessé près de Charleroi et mourut prisonnier des Français ; Johanna Maria (Mitie) (1746-1803), qui épousa Cornelis de Perponcher Seldnitsky, conseiller à la Cour de justice de Hollande, de Zélande et de la Frise occidentale, eut de lui sept enfants, et devenue veuve, fut notamment la grande maîtresse de la princesse Louise d'Orange ; enfin Gertruda Jacoba, décédée à trois mois en septembre 1749.
Entre 1763 et 1770, elle eut une dizaine de soupirants, dont James Boswell, mais elle épousa le plus discret, l'ancien gouverneur de ses frères, Charles Emmanuel de Charrière de Penthaz (1735-1808), né de François Marc André, originaire du pays de Vaud, et de Marguerite de Muralt, fille de l'auteur des Lettres sur les Anglais et les Français. Le mariage fut célébré à Zuylen le 17 janvier 1771. Isabelle de Charrière semble avoir souffert de ne pas avoir d'enfants. Elle mourut au manoir du Pontet, à Colombier, près de Neuchâtel, le 26 décembre 1805.
2. Formation
Sur la passion qu'Isabelle de C. a mise à étudier, à s'initier à la musique et au dessin, les rencontres qu'elle a faites, la fécondité des relations qu'elle a nouées, voir sa correspondance (Oeuvres complètes, t. I-VI), les deux remarquables biographies parues en 1993 et les Actes du Colloque de Neuchâtel (novembre 1993) : Une européenne : Isabelle de Charrière en son siècle, éd.G. Attinger, Hauterive-Neuchâtel, 1994.
3. Carrière
Avant son mariage C. séjourna assez souvent, pour quelques semaines ou quelques jours, à La Haye, Amsterdam, Nimègue, Rozendael ou en Hollande du Nord ; mais deux voyages ont compté dans sa vie : ceux qu'elle a faits, pendant de longs mois en 1750, en Suisse et en France, avec sa gouvernante genevoise, Jeanne Louise Prévost, puis en Angleterre, de janvier à mai 1767. Avant de s'installer au Pontet, les Charrière s'arrêtèrent deux mois à Paris en juillet-août 1771. En Suisse, au cours des quinze ans qui suivirent, ils séjournèrent à Lausanne, Berne, Genève (plusieurs mois chaque année, de 1777 à 1781), Vevey, Loëche-les-Bains, dans le Valais. Pendant la même période, ils se rendirent à Spa, Utrecht et Zuylen (juil.-oct. 1773), Zuylen et La Haye (été 1774), Plombières (juin-sept. 1781). Isabelle séjourna deux fois seule à Chexbres, au-dessus de Vevey (été 1783 et mai 1784), fit un voyage à Strasbourg au printemps de 1783, puis résida dix-huit mois (janv. 1786-août 1787) à Paris, où son mari vint la rejoindre. De l'automne de 1787 jusqu'à sa mort, elle ne quitta pratiquement plus le Pontet.
6. Activités journalistiques
La première oeuvre d'I. de Charrière, Le Noble, parut d'abord dans la livraison d'«août 1762» du Journal étranger combiné avec l'Année littéraire (Amsterdam, 1763). Mais son activité journalistique ne commença vraiment qu'en 1787 quand, profondément affectée par les nouvelles de son pays, elle se mit à écrire sur l'actualité politique néerlandaise et française.
Bien que n'ait pas été prévue pour eux une périodicité régulière, on peut en effet considérer comme des journaux les Observations et conjectures politiques et deux autres publications du même type qui ont suivi. A ce propos, I. de C. a écrit, en janvier ou février 1804, à son ami Taets von Amerongen : «Après mon retour de Paris [sept. ou oct. 1787], fâchée contre la princesse d'Orange, j'écrivis la première feuille des Observations et conjectures politiques [«Considérations sur l'affaire des canoniers français attirés en Hollande par quelques Hollandais, et sur le rappel du duc Louis de Brunswick»]. Pour la faire remarquer et lire, j'en écrivis une seconde [«Lettre d'un négociant d'Amsterdam d'origine française à son ami à Paris», 24 novembre 1787], dont l'intérêt devait être un peu plus général [...]. Puis vinrent les autres. Une indignation, disons mieux, un zèle patriotique en dicta plusieurs [...]. Je voulais qu'on les envoyât et les vendît à Paris, comme on aurait pu faire tout ouvrage périodique, et ne doutais pas que cela ne se fît».
Les Observations et conjectures politiques comportent plusieurs feuilles, datées ou non, publiées séparément entre l'automne de 1787 et le début du printemps de 1788. Les sept premières, pourvues d'une page de titre imprimée après coup («chez Witel, aux Verrières-Suisses 1788») forment un petit recueil factice in-8° à pagination irrégulière (1-8, 8-23, 28-35). Jérémie Witel publia la même année une édition complète, 80 p. in-8°, où les deux premiers numéros ont été intervertis, et le texte des sept premières feuilles, légèrement révisé. Dans cette sorte de «correspondance internationale» (P. Godet) où elle se donne des porte-parole très différents («un Milanais», «un Anglais», «un savetier du faubourg Saint-Marceau»), I. de C. se prononce sur les dissensions politiques des Pays-Bas en proposant des réformes constitutionnelles ; elle intervient aussi vigoureusement en ce qui concerne les affaires de la France, puisqu'elle prévoit d'heureux effets de l'«édit sur les protestants», s'en prend violemment aux lettres de cachet, déplore que «la loi [...] semble faite», non pas pour «les malheureux», mais «contre eux», espère qu'un prince «gros mangeur et grand chasseur» comme Bien-né (Louis XVI) se décidera à mettre à leur place ses courtisans et à faire enfin le bien de son peuple.
Un choix de feuilles concernant la France a été publié à deux reprises à Paris, sans nom de libraire, en 1788, sous le titre Bien-Né/ Nouvelles et Anecdotes/ Apologie de la flatterie, 38 p. et 22 p. in-8°. Le 10 avril, le libraire Philippe Denné fut incarcéré à la Bastille pour avoir débité cette réimpression. D'après la Correspondance littéraire secrète (éd. Lescure, Plon, 1886, II, 279), à la date du 16 août 1788, Louis XVI, «ayant lu» Bien-Né, se serait imposé la loi «de ne plus boire que de l'eau». L'auteur des Observations fut pris à partie dans une Lettre d'un voyageur français, écrite de Zurich, à M. Bergasse, datée du 28 septembre et publiée à «Cologne» (Paris?) en 1788 et 1789. Enfin, le 25 septembre 1793, Benjamin Constant écrivit à I. de Charrière qu'un libraire lausannois vendait ses «petites feuilles politiques» sous le nom de Mirabeau.
Les Lettres d'un évêque français à la nation, publiées à compte d'auteur, parurent à Neuchâtel, imprimerie de Fauche-Borel, sous la forme de six feuilles in-8°, paginées séparément (1-14, 1-16, 1-16, 3-14, 1-16, 3-30) et datées respectivment des 11 et 30 avril, 8, 12, 18 et 22 mai 1789. A la veille de l'ouverture des Etats généraux, I. de Charrière prend pour porte-parole un évêque «patriote», c'est-à-dire partisan de la liberté et de l'égalité des droits ; convaincu que la «fermentation générale» du royaume est «à tout prendre, très heureuse», il prend la plume parce que «les gens les mieux intentionnés ne prévoient pas assez le danger des remèdes». Proche des physiocrates dans ses conceptions socio-économiques, il prévoit une redistribution progressive des revenus de l'Eglise et des richesses de la France, s'en prend à la raison d'Etat, critique la position de l'Eglise au sujet des comédiens, du suicide ou des incroyants ; admirateur de Beccaria, il se prononce pour l'abolition des punitions corporelles et de la peine de mort.
On a pris l'habitude d'appeler Lettres trouvées dans la neige la série de feuilles où I. de Charrière envisage les problèmes politiques posés à la principauté de Neuchâtel par la propagande révolutionnaire. Elles ont été publiées en quatre livraisons (mi-févr. 1793, 5 ou 6 mars, 28 ou 29 mars, 3 mai), sous les titres suivants : Lettre d'un François/ et/ Réponse d'un Suisse ; Suite/ de la/ Correspondance/ d'un François et d'un Suisse ; Seconde Suite/ de la/ Correspondance/ d'un Suisse et d'un François ; Troisième Suite (etc.), 15, 15, 15 et 30 p. in-8°, imprimées, sans identification du lieu, par Barthélemy Spineux à Neuchâtel. Au total dix lettres, dont la première est datée du 31 janvier, et la dernière du 17 avril 1793. Rédaction sollicitée par le chancelier Charles Godefroy de Tribolet. La première livraison, composée aussitôt en quarante-huit heures, fut imprimée dans les mêmes délais. Sa page de titre indiquait : «Ces lettres ont été trouvées dans la neige, à quelque distance du Locle, le dernier jour de la foire de Neuchâtel».
7. Publications diverses
Oeuvres complètes d'Isabelle de Charrière, Belle de Zuylen, Amsterdam, éd. G.A. von Orschot, 1979-1984, 10 vol. Les journaux, édités par C.P. Courtney et A. Schnegg, figurent dans le tome X, Essais, vers, musique, 1981.
8. Bibliographie
Dubois P.H. et S., Zonder Vaandel Belle van Zuylen. 1740-1805. Een biografie, Amsterdam, G.A. van Orschot, 1993. – Courtney C.P., Isabelle de Charrière (Belle de Zuylen), a biography, Voltaire Foundation, Oxford, 1993. – Articles et renseignements bibliographiques dans la revue annuelle, Lettre de Zuylen et du Pontet, Rozendaal et Neuchâtel (n° 18, sept. 1993).
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