CAUX de CAPPEVAL

Numéro

152

Prénom

N.

Naissance

1712?

Décès

1774

1. État-civil

Selon la N.B.G. et la F.L., N. Caux de Cappeval serait né «au commencement du XVllle siècle» en Normandie (d'Aquin) et plus précisément dans le «diocèse» de Rouen (F.L. 1769, I, 210-211). Selon sa fiche de police, rédigée par l'inspecteur d'Hémery, C. aurait eu 40 ans le 1er avril 1752: il serait donc né en 1712 (n.a.fr. 10781, f° 82). Léris précise que C. est le neveu de Gilles de Caux de Montlebert, contrôleur des Fermes du Roi et poète (1682-1733), qui descendait de Pierre Corneille par sa mère; mais selon d'Hémery, il serait non pas le neveu du poète Gilles de Caux, mais son fils. Enfin, le Mercure de France (avril 1753, p. 208) fait mention d'une certaine Françoise Madeleine de Caux (1719-1753) qui doit appartenir à la famille du journaliste. C. était «très grand, brun et d'une belle figure» (n.a.fr. 10781, f° 82). Il est mort à Mannheim en 1774 (N.B.G.).

2. Formation

La page de titre du livre de d'Aquin cité dans la bibliographie indique que C. est un «ex-oratorien».

3. Carrière

C. a d'abord été régent de collège (d'Aquin). Il a «vu» les «campagnes mémorables» de Louis XV: pendant la Guerre de Succession d'Autriche, on le retrouve à Bruxelles (A.G.F., p. l9). C. essaie de se faire remarquer par divers poèmes, notamment par une ode au Roi, La Prise de Bergopzoom (1747): «Toi dont les fastes héroïques,/ Effacent ceux des plus grands Rois, [...]/ Louis, des vainqueurs le modèle,/ C'est à ta gloire que mon zèle/ Consacre ma lyre et mes vœux» (p. 1). Dans Le Parnasse ou Essais sur les campagnes du Roi (1752), il renouvelle ses éloges : «le Parnasse n' est rempli que de la France: Louis XV en est le héros, le génie tutélaire en est l'âme et la gloire de la nation en est l'objet» (p. 6). Mais ces deux ouvrages n'ont pas réussi à faire sortir C. de l'obscurité. Fin 1756 il propose, dans un prospectus, de publier une «édition corrigée» de La Pucelle de Chapelain: «la réforme ne tombera que sur le style» (C.L., III, p. 349).Le projet est fort bien reçu par L'Année littéraire pour qui «M. de C. a beaucoup de talent et [...] a donné des preuves de son génie poétique» (1756, t. VIII, p. 281), mais la C.L. est plus critique (t. III, p. 349). Il ne semble pas que l'ouvrage ait paru. Plus tard en février 1759, C. publie La Simiade ou l'Histoire d'un Singe, une imitation de Vert-Vert de Gresset: «c'est bien maladroit de choisir des modèles charmants pour mieux faire sentir sa pauvreté», commente la C.L. (t. IV, p. 79).

Désespérant de trouver succès, emploi et pension en France, C. résolut de s'exiler à Mannheim, auprès de l'électeur palatin Charles Théodore chez qui il reçut, semble-t-il, bon accueil. Il est probablement arrivé à Mannheim peu avant l760: il est alors «homme de lettres au service de S.A.S.E.P.» (p. de titre des Odes héroïques) ou plus simplement «au service de la Cour palatine» (La Henriade, page de titre). A la Cour, C. se lie avec le comte de Couturelle, grand chambellan. Il y jouit d'une position assurée, «bien qu'il y eût de puissants ennemis» (O.H., p. 109, n. et 110). En 1768, C. publie les Odes héroïques à Mannheim. De nombreux poèmes sont dédiés à l'électeur palatin: il y chante «tous les beaux-arts florissants et les établissements les plus heureux [qui] caractérisent le règne pacifique de Charles Théodore, le véritable Titus du Palatinat, par le bonheur qu'il procure à ses peuples» (p. 15, n.). Il marque sa reconnaissance dans cette ode de 1762: «C'est le Palatinat qui fixe la fortune/ De ma course importune;/ France épargne à mon cœur des regrets superflus;/ Je trouve un Empire où règne l'harmonie/ Où les fruits du génie/ Seront récompensés et lus» (p. 108).

Quatre ans plus tard, C. s'avise de traduire La Henriade de Voltaire en latin, ouvrage dédié également à Charles Théodore, le «meilleur des maîtres», le «souverain le plus digne de tous les hommages des Muses, par tant d'heureux établissements qu'il a fait pour elles et qui doivent l'immortaliser» (Dédicace, p. VI). L'objectif du traducteur est de «rendre service aux étrangers qui n'entendent pas le français, en essayant d'en faire passer les beautés dans la langue de Virgile» (Préface, p. X). Bref, il s'agit d'un «livre classique» (p. XI). On critiqua beaucoup cette traduction de La Henriade (C.L. t. III, p. 350). Dans une lettre à Voltaire, Cideville écrit que C. «a travesti votre Iliade en vers latins pour la faire lire aux pédants de l'Université qui n'entendent pas le français» (D 7203). «Je crois, conclut Meister, que l'on continuera de lire La Henriade en français» (C.L., t. X, p. 60).

4. Situation de fortune

C., à Mannheim, obtint une pension de la Cour palatine avec l'appui du prince de Gallean, Grand Maître, et du comte de Couturelle, chambellan (O.H., p. 10). Plus tard, le baron de Bergh, brigadier des armées du Roi, lui obtint «un accroissement de pension» (p. 112, n.).

5. Opinions

C. était l'ami «très intime» de Titon du Tillet, «de plus de vingt ans, malgré la différence des âges» (O.H., p. 58, n. et 64, n.). Il l'avait connu par Fontenelle, «ami et compatriote de l'auteur» (ibid.; voir aussi A.G.F., p. 35, n.). Fréron, qu'il a dû bien connaître quand il collaborait aux Lettres sur quelques écrits de ce temps, est pour lui un «grand connaisseur» et un «zélé citoyen» (ibid.). C. s'est résolument opposé aux encyclopédistes et notamment à Rousseau: «Le manteau de la Philosophie couvre souvent bien des vices, quoiqu'il ne soit fait que pour servir d'enseigne au ridicule». Pendant la Querelle des Bouffons, il écrit que «jamais [les Philosophes] n'ont injurié la France avec tant de force et de courage: ce qui fait croire que la Philosophie est à son plus haut degré de perfection, je veux dire d'extravagance» (ibid., p. 8 et 9). Toutefois, en 1764, il reprochera au P. Desbillons de s’être imprudemment rangé du côté de Fréron (R. Desné, «Treize lettres inédites de Fréron au P. Desbillons», D.H.S., n° 11, 1979, p. 305-306).

Dans les Lettres sur quelques écrits de ce temps (1754, t. XIII, p. 218), C. avait condamné Le Siècle littéraire de Louis XV en ces termes: «il faut bien peser les principes qu'on établit [...]. Il ne suffit pas de répandre quelques parallèles parsemés d'antithèses, quelques descriptions fleuries, quelques passages plus éblouissants que lumineux [pour obtenir un bon livre]». D'Aquin répliqua fort vivement dans ses Observations sur les œuvres poétiques de M. C. (1754). Celui-ci y est traité de «rimailleur» (p. 8) et d'Aquin s'amuse même à faire des vers: «O bienheureux de Caux dont la fertile plume/ Peut tous les mois sans peine enfanter un volume» (p. l5, n.). Il semble que peu après d'Aquin et C. se soient réconciliés, puisqu'ils ont collaboré plus tard à divers périodiques. L'occasion de cette réconciliation fut la Querelle des Bouffons: ils étaient tous les deux partisans de la musique française. Dans l'A.G.F., il écrit à propos de d'Aquin: «Caractère doux, sociable et citoyen: je ne parle pas de son génie; il est au-dessus de toute expression: mais n'a-t-il pas le cœur français?»

C. était lui-même musicien; il était flûtiste (d'Aquin, p. 21). Il prit part activement à la Querelle des Bouffons. Il s'était rangé du côté des partisans de la musique française. Il a beaucoup critiqué Rousseau et sa Lettre sur la musique, «un des libelles extravagants qui ne paraissent que pour passer du mépris universel dans l'oubli le plus humiliant» (A.G.F., p. 2). C. fit même une épigramme contre lui qui fut mise en musique dans le style italien: elle fit le tour de Paris et les musiciens de l'Opéra la chantèrent tous les jours au foyer et dans les cafés (lettre de Fréron à d'Hémery, 30 déc. 1753, dans Balcou, p. 133). Dans l'A.G.F., il attaque le Devin de Village, «amas de sornettes» (p. 50). L'A.G.F. fut bien accueillie par les Lettres sur quelques écrits de ce temps (1754, t. XIII, p. 149, 151).

6. Activités journalistiques

C. a collaboré aux périodiques suivants:

Lettres sur quelques écrits de ce temps, 1754, t. XIII, 155-180 («Siècle littéraire de Louis XV»); t. XIII, 217-230 («Suite du Siècle littéraire de Louis XV»).

L'Année littéraire, 1757, t. VII, p. 311-314 («Vers à Le Vachon»).

La Semaine littéraire (avec d'Aquin), 1759, 4 vol., in-12 (voir D.P.1 1204).

Journal des Journaux ou Précis de plusieurs ouvrages périodiques de l'Europe, «par une société de gens de lettres», Mannheim, janvier-avril 1760, 2 vol., in-8°. C. a rédigé ce journal avec Portelance (voir ce nom) et l'abbé Regley (voir ce nom).

Il faut signaler que, vers la fin de 1744, l'abbé Desfontaines, que C. avait consulté sur sa traduction de La Henriade, proposa de l'associer à [ses] travaux périodiques». «Je crus devoir refuser ce dangereux honneur, écrit C. de .C, et mon refus ne diminua rien de son estime» (Mercure de France, juin 1747, 2e partie, p. 32).

7. Publications diverses

C. est l'auteur des ouvrages suivants: Adieux aux Bouffons, 1754 (F.L.). – L'Anti-Scurra ou Préservatif contre les Bouffons italiens, 1753 (Richebourg, p. 111). – (A.G.F.) Apologie du goût français relativement à l'Opéra, 1754. – Critique du Siècle littéraire de M. d'Aquin, 1753 (Pasquier). – Epître aux Bouffonistes, 1753 (Richebourg). – Essai sur les goûts anciens et modernes de la musique française relativement aux paroles de l'Opéra, 1754 (peut-être de F. Colin de Blamont). – La France vengée par la Pucelle d'Orléans (Pasquier). – La Henriade, nouvelle édition en vers latins, Deux-Ponts, 1772. – Ode à M. Fratel, Mannheim, 1770 (B.M. Rouen, Hédou, p. 9). – (O.H.) Odes héroïques, Mannheim, 1768. – Le Parnasse ou Essais sur les campagnes du Roi, 1752. – La Prise de Bergopzoom, ode au Roi, 1747.– Réflexions lyriques, 1753 (Richebourg). – La Réforme de l'Opéra, 1753 (ibid.). – La Simiade ou Histoire d'un singe, 1759 (v. C.L., t. IV, p. 79). – Les O.H. faisaient partie d'un ensemble, Les Muses palatines, recueil de poésies de toute espèce, relatives au Palatinat; «Ce recueil formera plusieurs volumes». Ce projet n'a pas abouti (O.H., p. 118). C. a eu aussi l'intention de publier un recueil de «trente mille vers», «prêts à paraître», Les Campagnes, qui devait s'imprimer par souscription avec de magnifiques estampes, vignettes, culs de lampe et le portrait [de l'auteur]» (d'Aquin, p. 20). Enfin, il avait écrit une pièce de théâtre intitulée Achille, non publiée, que «Messieurs les comédiens ont écouté avec transport et reçu avec empressement» (ibid. ; Léris).

8. Bibliographie

B.Un., Cior 18 n° 16226-16232, D.B.F., D.L.F., F.L. 1769. B.H.C., N.B.G. – B.N., n.a.fr. 10781. – C.L., t. III, p. 350; t. IV, p. 79; t. X, p. 60. – La Harpe J.F. de, Correspondance littéraire, 1801-1807, t. V, p. 345-346. – Frère E., Manuel du bibliographe normand, 1858, t. I, p. 203. – Lebreton Th.E., Biographie normande, Rouen, 1857-1861, t. I, p. 280. – Léris A. de, Dictionnaire portatif des Théâtres, 2e éd., Paris, 1763. – Oursel N.N., Nouvelle Biographie normande, 1886. – Pasquier A., Biographies normandes, 9 vol. – L'Année littéraire, 1754, t. I, p. 350-353; 1756, t. V, p. 349-356; t. VIII, p. 279-284; 1757, t. VII, p. 311-314. – Lettres sur quelques écrits de ce temps, t. XIII, 1754, p. 145-152. – Mercure de France, juin 1746, 2e partie, p. 28-41; avril 1753, p. 208. – La Semaine littéraire, 1759, t. II, p. 6. – Voltaire's Correspondence, éd. Th. Besterman, D 7103, D 7467, D 8865, D 8884, D 17954. – Aquin de Château-Lyon P.L. d', Observations sur les Œuvres poétiques de M. Caux de Cappeval, La Haye, 1754. – Richebourg L., Contribution à l'histoire de la Querelle des Bouffons, 1937. – Ambri-Berselli P., «Le Journal des Journaux», Rivista di Letterature moderne, t. VIII, 1955, 30-42. – Balcou J., Le Dossier Fréron, Genève, 1975.

Auteurs