CARANOVE

Numéro

140

Prénom

Nicolas

Naissance

1702

Décès

?

1. État-civil

Nicolas Caranove est né à Toulouse vraisemblablement en 1702, l'Etat de la librairie et de l'imprimerie de 1743 signalant qu'il est alors âgé de 41 ans. Il était le fils de Jean François Caranove, libraire éditeur, prieur de la bourse en 1719, ayant exercé la charge de capitoul en 1714-1715, titre qui conférait la noblesse. Son grand-père paternel, honorablement connu comme aubergiste de la «Taverne du Bas d'argent» rue du Pré Montardy, avait déjà amassé une solide fortune. Sa mère, demoiselle Françoise de Boude, appartenait à l'une des principales familles d'imprimeurs toulousains exerçant depuis plus d'un siècle.

2. Formation

Le même Etat précise que C. a poursuivi ses études «jusqu'à la Rhétorique», qu'il est «assez entendu et capable», et aussi «incapable de publier des livres défendus». Il fut en effet l'un des rares libraires-imprimeurs de la ville à n'encourir aucun rappel à l'ordre si l'on se réfère au «Livre de la Communauté de Messieurs les Imprimeurs et Libraires toulousains» (tenu entre 1733 et la Révolution) et aux divers dossiers d'archives. Demeuré «célibataire et sans postérité», il donnera sa démission en 1769 (le 4 octobre).

3. Carrière

«Reçu et installé dans le corps des Imprimeurs et Libraires le 28 août 1722 selon l'arrêt du Conseil d'Etat du Roi» du 20 janvier de la même année. Il ne fit pas, comme son père, carrière dans la Communauté, celui-ci ayant laissé quelque désordre dans la comptabilité (Livre de la Communauté, 1735), mais, s'installe, comme lui, au 30 bis de la rue Saint-Rome, en plein quartier des imprimeurs et libraires, à l'enseigne de «La Bible d'Or» : une plaque apposée dans la cour de l'hôtel à la tour découronnée construit deux cents ans plus tôt pour le capitoul Jean Roguier, en conserve en cinq lignes le souvenir (la tour était l'un des privilèges capitulaires) : M. / CARANOVE / ANCIEN / CAPITOUL / 1721. L'ancien capitoul eut un autre insigne mérite : il fut en province le premier éditeur des œuvres complètes de Molière imprimées chez l'excellent typographe Desclassan, très joliment illustrées. Ainsi reçut-il, en même temps qu'une «large aisance», d'excellents exemples. Il ne changera pas d'adresse, ajoutant seulement sur certaines de ses œuvres la mention «près les Grands Augustins». Nous n'avons rien pu découvrir jusqu'ici sur la vie de l'imprimeur après sa démission en 1764.

4. Situation de fortune

La «large aisance» dont il jouit est indiquée encore par le rapport de 1743 signé par le subdélégué de l'intendant de Toulouse, Comynhian, et détaille : «une belle maison à Toulouse, des biens fonds assez considérables, à la campagne, et un fonds de librairie» suffisamment important qui constitue «l'essentiel de son commerce». Il fait bien entendu également usage de son titre d'imprimeur pour lequel il dispose des deux presses règlementaires, et d'une série de caractères : «petit canon de Cicero neuf, Parangon, gros Romain, Saint-Augustin, Philosophes, petits textes avec italiques, Mignones presque neufs». Ajoutons qu'il confiera souvent des travaux à d'autres imprimeurs toulousains bien sûr, notamment à Desclassan.

5. Opinions

De ses opinions rien ne filtre dans les textes ; il abandonnera trop tôt le journalisme pour qu'il puisse en être autrement. Il paraît avoir été très conformiste et avoir profité sans grand effort de sa qualité de «fils de famille» qui revient souvent à propos de lui dans les textes actuellement connus.

6. Activités journalistiques

En 1759, C. obtint de Le Bas de Courmont qui en détenait alors le privilège général, la permission «d'imprimer, vendre et débiter [...] dans la ville de Toulouse une feuille d'affiches, annonces et avis divers [...] qui paraissent toutes les semaines à l'instar de celles de Lion, de Bordeaux et Paris et autres villes où la permission a été donée pour la somme de 300 livres qui sera payée annuellement et d'avance au propriétaire par ledit sieur Caranove et à condition d'envoyer audit sieur propriétaire toutes les semaines ladite feuille d'affiches franche de port». Il y est précisé le contenu de ces feuilles : «livres, maisons biens offices et effets à vendre ou à louer, le départ ou l'arrivée des vaisseaux [ceci ne pouvant signifier à Toulouse que la circulation sur le canal du Midi], enfin tout ce qui vulgarise les arts, les sciences, l'agriculture, la navigation et le commerce». Ce privilège est acquis «pour le terme et espace de six années à partir du 1er juillet dernier». L'ensemble est «contrôlé à Toulouse le 19 septembre 1759» et «enregistré sur le registre des imprimeurs et libraires de cette ville en conformité des règlements». Le syndic a signé : Hénault. C. a également obtenu de faire «imprimer, vendre et débiter» ses Affiches, «par qui bon lui semble dans la ville de Toulouse» et a installé le «Bureau d'Avis chez Bernard Moulas, libraire près l'église Saint-Rome» ainsi que le porte l'adresse bibliographique du premier numéro daté du 1er juin 1759. Il sera par la suite confié à la veuve Robert, puis à Dalles entre les mains duquel il semble qu'aurait dû passer le journal en 1764 au moment même où C. lui cède son atelier. Seule, la B.N. conserve la collection de ces premières Affiches toulousaines, qui, présentées sur deux feuillets recto-verso, au moins pour les premiers numéros, dans le format et avec la sécheresse habituelle, simplement ornées à la première page d'un bandeau composite non signé. Dès le 9 juillet 1759, une lettre arrive de l'Intendance de Montpellier au subdélégué Amblart : «Souvenez-vous de m'envoyer la feuille hebdomadaire chaque Mercredy et de m'envoyer pour le moins un procès verbal chaque semaine pour donner ici mon avis ; relisez-le avant de le faire mettre au net». Ceci évidemment en dit assez sur la surveillance constante exercée sur les journaux de l'époque. On ne s'étonnera donc pas de lire sous la signature du même subdélégué le 20 août 1761 : «Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour vous adresser des bulletins de tout ce qui se passera dans mon département qui peut intéresser la curiosité publique ou l'intérêt général, mais la stérilité de notre Gazette de Toulouse vous prévient d'avance que je n'auray vraisemblablement pas de matière pour remplir les bulletins» (A.D.H.G., C 147). Est-ce là la raison de l'abandon des Affiches par C. en 1764, presqu'au moment où expirait le privilège de six années accordé par Le Bas de Courmont? Le 4 octobre 1769, cinq années plus tard, C., toujours célibataire, et «sans postérité», donna sa démission. Joseph Dalles, libraire à qui il céda son atelier, ne semble pas avoir repris ce privilège.

7. Publications diverses

L'imprimerie de C. travaillait essentiellement pour les fermes du Roi ; il jouissait également d'un privilège pour les arrêts du Parlement. Les autres textes publiés par lui, tout à fait dans le droit fil de l'époque à Toulouse, touchent essentiellement aux sciences juridiques et, à un degré moindre, à la religion ; la majorité consiste en rééditions, comme chez la plupart de ses confrères : les trois Traités des curés primitifs, dus au célèbre Jean Baptiste Furgole, les Arrêts remarquables, recueillis par Jean de Catelan, autre toulousain bien connu ou ceux de Cambolas, non moins souvent cités, etc. Les statuts synodaux de Lodève ou de Comminges ne dépassent pas le cadre de la région. Au reste, ainsi que le signale encore une fois le Rapport Comynhian, hors la clientèle du Parlement, l'essentiel du commerce est pour C. constitué par la librairie dont le «fonds est d'une assez grande valeur». Deux publications le soulignent : le catalogue de célèbres bibliothèques, Catalogus librorum bibliothecae (1741) de Mgr Legoux de La Berchère, qui fut archevêque d'Albi avant d'accéder au siège de Narbonne, deux volumes en latin, mentionnant le prix des ouvrages ; il s'était rendu acquéreur des volumes réunis par un autre prélat grand bibliophile : l'ensemble de la collection de Mgr Colbert de Croissy, évêque de Montpellier. Signalons enfin un exemple de réalisation plus courante mais très soignée : deux éditions successives des vers que Laurès, poète toulousain, composa en 1745 sur «La Bataille de Fontenoy». Signalons encore le «Calendrier astronomique» du Père Emmanuel de Viviers dès 1736.

8. Bibliographie

8. Livre de la Communauté de Messieurs les Imprimeurs et Libraires de Toulouse, t. I, II et III, B.M. Toulouse., Rés. 1010 et 1011. Le tome III appartient aux A.D. de la Haute-Garonne, Série E, 1315. – Correspondance de l'intendant et du subdélégué, A.D. de la Haute-Garonne, Série C, 146-147. – Etat de l'Imprimerie et de la Librairie à Toulouse en 1743, A.D. de la Haute-Garonne, C 146-147. – B.N., Affiches 1759. – Chalande J., Histoire des rues de Toulouse, monuments, institutions, habitants. Index et tables par C. Cau, 1981. – Sentou J., Fortunes et groupes sociaux à Toulouse sous la Révolution, 1969. – Taillefer M., Une académie interprète des Lumières, l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse au XVIIIe siècle, 1984. – Blanc-Rouquette M.T., La Presse et l'information à Toulouse des origines à 1789, Publications de la Faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse, série A.T. 6, 1967.