BURETTE

Numéro

134

Prénom

Pierre

Naissance

1665

Décès

1747

1. État-civil

Pierre Jean Burette naquit à Paris le 21 septembre 1664 d'une famille d'origine bourguignonne. Son père Claude, lui-même fils d'un chirurgien, avait abandonné ses études de médecine au profit de la musique : harpiste et claveciniste réputé, il composa pour ces deux instruments et joua devant le Roi. Frappé d'une attaque de paralysie en 1731, il renonça à sa pratique et à ses activités. Il mourut à Paris le 19 mai 1747.

2. Formation

De santé délicate, B. reçut une éducation domestique sous la direction de deux ecclésiastiques pour les rudiments et le latin, et de son père pour l'épinette et la harpe. Très doué il se produisit à la cour, à peine âgé de neuf ans, avec son père et peu après sa dixième année, il commença à enseigner le clavecin à de jeunes enfants : une carrière de musicien prodige semblait alors s'ouvrir à lui. Son acharnement à s'instruire l'en détourna. Outre le latin étudié avec ses précepteurs, il apprit seul le grec en s'aidant d'une méthode et déjà jeune homme, il choisit de devenir médecin. Pour cela il fallut prendre des grades universitaires : élève à dix-huit ans au collège de La Marche où il lia des amitiés, maître ès-arts après deux ans de philosophie, il entra à la Faculté de Médecine et fut reçu bachelier vers vingt-deux ou vingt-trois ans. Son goût pour les langues anciennes le conduisait en même temps au Collège Royal où il acquit une connaissance passable de l'hébreu, du syriaque et de l'arabe ; il apprit assez d'italien, d'espagnol, d'anglais et d'allemand pour lire ces langues, à défaut de pouvoir les écrire, où même les parler. Ce trait laisse supposer une étude autodidacte, commeB. l'avait fait pour le grec et ses choix témoignent d'un intérêt nouveau à son époque pour des langues autres que latines. En 1690, il fut reçu licencié et docteur régent en deuxième place ce qui, en un temps où le premier payait son rang, désignait le meilleur de sa promotion.

Son érudition et ses protections lui valurent des distinctions officielles : choisi comme élève de l'helléniste André Dacier à l'Académie royale des Inscriptions en 1705, il devint associé en 1711 et succéda à De Tilladet comme pensionnaire.

3. Carrière

Après ces brillantes études,B. se vit confier, dès 1692, plusieurs des charités qui dans les paroisses de Paris soignaient à domicile les malades pauvres, et bientôt la Charité des hommes, rue des Saints-Pères, dont il resta trente-quatre ans médecin. Ces fonctions qui l'empêchèrent de se constituer une clientèle en ville plus rémunératrice, établirent sa réputation auprès de ses confrères et le menèrent à l'enseignement. Professeur de matières médicinales à la Faculté de Médecine de Paris pour l'année 1698, il traduisit en latin et réduisit en tables pour les besoins de son cours les Eléments de botanique de Tournefort qui utilisa ensuite ce travail. En 1703, nommé professeur de chirurgie latine, il fit un cours d'opérations. La carrière de ce médecin érudit prit une autre voie lorsqu'en 1704 Jean Baptiste Couture membre de l'Académie Royale des Inscriptions, avec lequel il s'était lié d'amitié au collège de La Marche, lui fit connaître l'abbé Bignon auquel Tournefort, son médecin, vanta les mérites de son confrère. Bignon utilisa l'érudition de B. dans plusieurs emplois dépendant de la direction du livre : après lui avoir fait examiner quelques ouvrages pour mesurer ses capacités, il le fit nommer censeur royal en 1704 (manière de lui attribuer une pension puisque ses examens, épisodiques, pour la médecine, le jardinage, la littérature, ne commencèrent qu'en décembre 1705), puis en 1706 il lui confia une place de rédacteur du Journal des savants. Enfin lorsque, responsable de la Bibliothèque du Roi après 1718, Jean Paul Bignon créa des rechercheurs de livres chargés de retrouver les ouvrages ayant échappé au dépôt légal, l'expérience acquise parB. en matière de librairie le désigna pour s'occuper de l'histoire naturelle et de la médecine.

Protégé de Bignon,B. reçut la chaire de médecine du Collège royal après la mort d'Enguehard en 1710, et il donna des cours reflétant les deux aspects de sa carrière : l'érudition («Nature et usage des sources thermales gauloises», «Maladies rares ou oubliées») et la pratique hospitalière («Médecine opératoire», «Examen soigneux des médicaments simples et comment ils guérissent» ; liste de ces cours dans Enseignement et diffusion des sciences, p. 280). Bignon attacha aussiB. à sa maison en le choisissant comme médecin à la mort de Tournefort en 1709 et il eut même l'honneur d'être appelé par Fagon au chevet du roi en 1715.

6. Activités journalistiques

Le patronage de l'abbé Bignon conduisit B. au Journal des savants pour lequel les fonctions de censeur (1704) et un fauteuil à l'Académie royale des Inscriptions (1705) lui servirent d'antichambre, comme à plusieurs de ses collègues journalistes. En 1706, il entra au comité de rédaction de cette revue que Jean Paul Bignon étoffait pour alléger la tâche des membres anciens et permettre la publication d'un supplément mensuel qui commença en 1707 et dura trois ans. Dans ce comité élargi, la spécialisation de chacun fut moins stricte qu'auparavant et B. partagea avec d'autres rédacteurs l'examen des livres de physique, d'humanité et d'histoire ; à sa mort, on estimait que ses contributions pourraient remplir au moins huit gros volumes in-4°, preuve d'une activité soutenue. A l'Académie des Inscriptions cette expérience du journalisme et de l'édition fut mise à profit, en 1714, au comité de librairie chargé de préparer l'édition des Mémoires académiques.

Faute de pouvoir identifier l'apport de B. parmi des extraits anonymes, on retiendra seulement son éloge de Madame Dacier, l'épouse de son collègue aux Inscriptions dont il avait été l'élève de 1705 à 1711 (J.S. du 9 décembre 1720) et sa controverse avec le Père Antoine Du Cerceau qui s'étendit de 1727 à 1730. Cette dispute commença avec la publication dans les Mémoires de Trévoux de janvier 1727 des remarques du P. Du Cerceau sur une traduction d'Horace par Antoine Dacier, parmi lesquelles il exposait ses théories sur la musique des anciens Grecs.B. qui travaillait sur ce sujet depuis 1716 répliqua à Du Cerceau en présentant la traduction des poésies d'Horace du P. Sanadon dans le J.S. de mai 1728. Puis d'addition en objection et de réponse en nouvelle réplique, élargissant le débat à de nouveaux points, les deux adversaires développèrent pendant trois ans leur controverse par le canal des Mémoires de Trévoux et du Journal des savants (liste de ces articles dans Catalogue [... ] Burette p. XXII et suiv. et dans G. Dumas, p. 90-91). Demeuré au comité de rédaction après la réforme du J.S. de 1724, chargé des livres de chimie, d'anatomie et (avec Desfontaines) de belles-lettres,B., diminué par son attaque de paralysie, l'abandonna le 23 décembre 1739 avec l'accord du Chancelier d'Aguesseau.

7. Publications diverses

A part la réunion en 1695 des compositions de son père pour clavecin et pour harpe en deux volumes manuscrits, B. laissa plusieurs ouvrages dans les deux domaines de son activité : la médecine et l'étude de l'Antiquité. La B.Un. lui attribue deux manuscrits concernant la médecine, qui sont probablement le texte des cours qu'il professa plusieurs années au Collège Royal sur les maladies (1718, 1727-1728, 1731, 1740-1742 et 1744-1746) et sur les sources thermales gauloises (1712, 1723-1724, 1730, 1732-1733, 1737-1738 et 1743-1744). Les autres ouvrages médicaux deB., imprimés cette fois, mentionnés par la B.Un. ne figurent pas au catalogue de la B.N. ; ce pourraient être des disputes académiques ou des thèses qu'il présida.

Pendant ses dix premières années à l'Académie royale des Inscriptions, B. donna pour ses dissertations académiques une quinzaine de mémoires sur les sports et les athlètes de l'Antiquité, sujets où convergeaient la pratique de sa profession et sa culture grecque et latine ; puis après un débat avec l'abbé Fraguier qui en 1716 prétendit «que les Grecs avaient connu la musique à plusieurs parties», il consacra une dizaine de mémoires à la musique de la Grèce antique qui, comme les précédents, furent publiés dans les volumes I à XVII des Mémoires de littérature de l'Académie des Inscriptions.

Sa traduction du dialogue de Plutarque sur la musique, d'abord donnée à cette Académie qui la publia aussi dans ses Mémoires, fut ensuite éditée à Paris (1735) ; il fit aussi imprimer à douze exemplaires un recueil de ses autres dissertations sur l'ancienne musique qu'il distribua à quelques amis choisis ; enfin peu après sa mort, trois de ses mémoires parurent en italien chez Groppo à Venise. S'appuyant sur des sources littéraires,B. décrivit le système musical des Grecs et montra contre Fraguier et Du Cerceau qu'ils ignoraient le contrepoint et la polyphonie. Mettant à profit son érudition et ses connaissances musicales, il tenta aussi la transcription de trois hymnes grecques reconstituées d'après des manuscrits d'Oxford et de la Bibliothèque du Roi, transcriptions qui furent interprétées par l'abbé Jourdan le 16 juillet 1720 à la séance ordinaire de l'Académie Royale des Inscriptions, puis à la séance publique du 12 novembre suivant comme illustration de la Dissertation sur la mélopée de l'ancienne musique. Sources de polémiques de son vivant, les études deB., qui n'offraient pas une théorie d'ensemble de la musique grecque, demeurèrent une référence jusqu'au début du XIXe siècle. Le journalisme ne fut pour lui qu'un prolongement de ses activités et une étape vers d'autres fonctions ; en cela il appartient à un type de journaliste né de l'institutionnalisation du Journal des savants. Choisi par le responsable de cette revue pour sa spécialité, membre d'un comité de rédaction, ce journaliste n'a plus rien d'un entrepreneur de presse ou d'un polygraphe soucieux de placer sa copie ; il ajoute la presse à d'autres charges officielles qui lui valent renom et pensions.

8. Bibliographie

B.Un. The New Grove dictionary of music and musicians, London, Washington, 1980, art. «Burette» (donne une liste des mémoires musicaux de B.). – Archives de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres : A 93, Comité de librairie pour l'impression des Mémoires de l'Académie ; Z 201 Registre journal des assemblées et des délibérations pendant l'année 1720 (p. 317, 331, 351 et 431). – Archives du Collège de France : affiches 1724-1729 ; dossiers personnels, CXII, «Burette» ; G II 2, Registre des délibérations. 1732-1779. – B.N., f.fr. 15278, Journal d'Antoine Galland ; f.fr. 21940, Registre des ouvrages manuscrits ou imprimés présentés à M. le Chancelier. – Catalogue de la bibliothèque de feu M. Burette... (Par Gabriel Martin), Paris, G. Martin. 1748, 3 vol., in-12. – Encyclopédie, Supplément, VI, p. 72a. – Gacon F., Suite du Secrétaire du Parnasse par le poète sans fard, Paris, 1724 (Gacon y railleB. d'avoir mentionné sa fonction au J.S. sur l'affiche des cours du Collège Royal). – Histoire de l'Académie Royale des Inscriptions et Belles-lettres, avec les Mémoires de littérature, tome VI, Paris, 1729. – Journal des savants, 9 déc. 1720, p. 593-607, «Eloge de Madame Dacier» (la B.N. conserve sous la cote LN 27 5282, une autre édition de cet éloge, provenant d'un recueil, ou plus probablement d'un autre périodique que le J.S.), avril 1728, p. 203-310, et mai 1728, p. 280-291, c.r. de la trad. des poésies d'Horace par le P. Sanadon S.J. – Mémoires de Trévoux, janv., fév., avril et août 1727, nov. et déc. 1728, janv. et févr. 1729, juin et juil. 1730. – Nouvelles littéraires, janv. 1724, p. 154-155 (présentation du J.S. du même mois). – Goujet C.P., Mémoires sur le Collège Royal, Paris, 1758, tome III, p. 221-225. – Laborde J.-B. de, Essai sur la musique ancienne et moderne, Paris, 1780, 4 vol. – Dumas G., Histoire du Journal de Trévoux depuis 1701 jusqu'en 1762. Paris, 1936. – Laboulbène A. L'Hôpital de la Charité de Paris, Paris, 1878. – Lallemand L., L'Assistance médicale au XVIIIe siècle, Paris, 1895, 22 p. – Enseignement et diffusion des sciences en France au XVIIIe siècle, Paris, 1964. – Balayé S., La Bibliothèque Nationale des origines à 1800, Genève, 1986.