BOUGEANT

Numéro

097

Prénom

Guillaume

Naissance

1690

Décès

1743

1. État-civil

Guillaume Hyacinthe Bougeant est né à Quimper le 4 novembre 1690 d'un père avocat ; il est mort le 7 janvier 1743 à Paris (Sommervogel).

2. Formation

Il entre au noviciat des Jésuites le 16 octobre 1706 (profession solennelle le 2 février 1723). Il suit le cursus habituel des Jésuites : trois ans de philosophie (1708-1711) et quatre ans de théologie (1717-1721). Comme régent, il enseigne les humanités à Caen (1711-1716), puis la rhétorique à Nevers (1716-1717). A partir de 1722, il est «scriptor» au Collège Louis-le-Grand. Il écrivait des vers grecs et latins, composait et jouait de la musique : dès 1712, il publie Anacréon et Sapho «dialogues en vers grecs» (Caen, 1712).

3. Carrière

De retour à Paris en 1722, il demeure à Louis-le-Grand jusqu'à sa mort, sauf lors d'un bref exil au collège de La Flèche en 1739 après la publication des Amusements philosophiques (Sommervogel).

5. Opinions

Cet érudit s'est engagé dans trois polémiques badines : contre les jansénistes, contre la mode des romans et sur le langage des bêtes. Dans sa Réfutation de la Dissertation du R.P. Le Brun (1727), il critique méthodiquement l'Explication littérale, historique et dogmatique des prières et cérémonies de la messe (4 vol., 1716-1726) de l'oratorien Le Brun ; cette discussion se situe en marge de celle qu'entreprend plus rapidement le Journal de Trévoux (Sommervogel, t. I, col. 1874-1875). Mais dans les cinq comédies qu'il écrit contre les jansénistes mondains et contre les convulsionnaires (1730-1732), il manifeste un talent de polémiste qui lui vaut un franc succès : La Femme docteur (1730) connut jusqu'à 25 éditions, toutes clandestines, sans compter les copies manuscrites ; un janséniste anonyme réplique en 1735 par une comédie contre Bougeant et les Jésuites (Arlequin esprit follet).

Le Voyage merveilleux du prince Fan-Férédin dans la Romancie (1735) est une critique fantaisiste du traité de Lenglet-Dufresnoy, De l'usage des romans, paru l'année précédente, mais la polémique engagée contre Prévost, Crébillon et les romanciers modernes devait trouver un certain retentissement avec le discours du P. Porée, De libris qui vulgo dicuntur romanenses (1736) et la proscription des romans en 1737 (V.M, p. 9-10).

Dans ses Amusements philosophiques sur le langage des bêtes, il vulgarise avec élégance les problèmes du langage tels que pouvait les poser un esprit éclairé de l'époque ; il suscite réactions et réfutations jusqu'en Angleterre (John Hildrop, Free thoughts upon the brute creation or an examination of Fr. Bougeant's Philosophical Amusement..., 1742) sans compter les plagiats, qui lui sont souvent attribués. Il dut rétracter cette oeuvre diffusée imprudemment : «Il ne m'est pas venu dans l'esprit qu'elle dût paraître condamnable ; et ce qui le prouve bien sensiblement, c'est le peu de précaution que j'ai pris pour laisser ignorer que j'en fusse l'auteur ; c'est la franchise avec laquelle je l'ai avoué à diverses personnes avant qu'il commençât à faire du bruit ; c'est la bonne foi avec laquelle j'ai donné mon Manuscrit à quelques amis, qui ne m'en ont fait qu'une critique fort légère» («Lettre du P.B. à M. l'abbé Savalette», dans D. Adams (éd.), Lettre à Madame la Comtesse D***, University of Exeter, p. XXVIII ; V.M, p. 18, note 20).

6. Activités journalistiques

Il entre dans l'équipe des Mémoires de Trévoux vers 1721 («Anecdotes des Mémoires de Trévoux», publiées par J. Sgard et F. Weil dans D.H.S., n° 8, 1976, p. 195) ; il y est maintenu en 1734, malgré la «paresse» qu'on lui attribue, et les «2 ou 3 mois de vacances tous les ans» auxquels on l'autorise (ibid., p. 200). Il restera associé au comité directeur de 1734 jusqu'à sa mort. Il publie de nombreux articles et Sommervogel lui attribue : «Dissertation sur la musique des Grecs et des Latins» (oct. 1725, p. 1772-1812) ; «Réflexions sur le poème épique par rapport aux Anciens et aux Modernes» (août 1730, p. 1458-1470) ; c.r. De L'Usage des romans de Lenglet-Dufresnoy (août 1734) ; art. CXIII, sur une controverse au sujet de la généalogie de Saint-Dominique (déc. 1734,p. 2143-2155) ; «Dissertation sur la récitation ou le chant des anciennes tragédies des Grecs et des Romains» (févr. 1735, p. 2248-279) ; c.r. de L'Histoire ecclésiastique de Fleury, Fabre et Goujet (juil. 1735, oct. 1735, janv. 1736, fév. 1736) ; c.r. des Mémoires pour servir à l'histoire des insectes de Réaumur (nov. 1736, janv. 1737, oct. 1737).

Observations curieuses sur toutes les parties de la physique, « extraites et recueillies des meilleures mémoires », Paris, 1719, 1726, 1730 et 1771, avec 3 vol. (cous le même titre) du P. Grozelier, oratorien ; trad. allemande en 1753 et 1755 : voir le c.r. du Journal des savants (mai 1719, déc. 1726 et févr. 1731). Quoique constitué d’extraits de journeaux, cet ouvrage n’es pas périodique (D.P.1 1086)

7. Publications diverses

B. s'est illustré dans tous les domaines : belles-lettres, histoire, théologie, science.

I (Belles-Lettres) : Anacréon et Sapho «dialogues en vers grecs»,Caen, 1712. Le Monde démasqué, comédie en vers (pour le collège) écrite vers 1712-1715, inédite, (B.M. Château-Thierry, ms. 5). Ad regem consecratum elegia, Paris, 1722, 3 p. Poésies inédites du P. Bougeant, Jésuite, Paris, 1839 : publication tardive et sujette à caution. La Femme docteur, ou la Théologie tombée en quenouille, 1730, comédie en prose, premières éditions supposées à La Haye et Liège, en fait de Lyon et Amiens (ou Paris), 25 éditions en deux ans, traduction italienne (1731), espagnole (1755), polonaise (s.d.), etc. (voir Sommervogel, t. I, col. 1876), éd. moderne par A. Vulliod, Lyon, 1912. – Suite de la Femme docteur ou la Théologie vengée, ou le Théologien logé à Bicêtre, 1732, comédie en prose. – Critique de la Femme docteur ou de la Théologie tombée en quenouille 1731., comédie en prose, rééd. en 1732 sous le titre : Arlequin janséniste ou la Critique de la Femme docteur ; traduction hollandaise en 1732. – Le Saint déniché, ou la banqueroute des marchands de miracles, 1732, comédie en prose ; 6 rééd., la dernière en 1826. – Les Quakres françois, ou les nouveaux trembleurs, 1732, comédie en prose. – Exposition de la doctrine de l'Eglise jansénienne, 1739, dialogue parfois attribué à B. – La Relation des Miracles de Saint-Paris (1731), les Miracles futurs de M. I'Evêque d'Utrecht (s.d., 1731? ) et le Recueil de poésies faites au sujet de la Constitution Unigenitus (1730), courts pamphlets anti-jansénistes, ont parfois été attribués à B. sans fondement précis. – Voyage merveilleux du Prince Fan-Férédin dans la Romancie, Paris, Le Mercier, 1735 ; rééd. 1735, 1738, 1787 ; trad. anglaise, Northampton, s.d. ; éd. moderne par J. Sgard et G. Sheridan, «Lire le XVIIIe siècle», Université de Saint-Etienne, 1992 (V.M) : l'attribution à B. est confirmée par une lettre de Brumoy à Caumont : «Le Prince Fan-férédin n'est point l'ouvrage du P. Rouillé, ni de ceux à qui on l'a attribué, si ce n'est du P. Bougeant. Je puis vous le dire à l'oreille, quoiqu'il s'en défende tout haut» (V.M, p. 10).– Amusement philosophique sur le langage des bêtes, Paris, Gissey,1739 ; 9 rééd. jusqu'en 1783, traduction anglaise (1739),italienne (1752) ; éd. moderne par H. Hastings, Droz, 1954.– On lui a attribué à tort des Réflexions sur le langage des bêtes, en forme d'amusement philosophique (s.d., 1740? ), maladroit plagiat du précédent – Lettres philosophiques sur les physionomies (1746), attribuées souvent à Jacques Pernetti (cf. S. Formey, Souvenirs d'un citoyen, t. I, p. 155) ; mais Thiébault rapporte que B., «ne voulant pas renoncer au plaisir de voir ce que le public dirait de ce petit ouvrage» en avait confié le manuscrit à Pernetti, alors gouverneur de M. de Boulogne ; selon Moreri (Grand dictionnaire, t. II, P. 125), B. avait lu dans plusieurs assemblées un «Traité sur la sympathie» ; or l'une des lettres porte sur «les sympathies et les antipathies» et rappelle bien le style de B. (V.M, p. 19, note 23 de G. Sheridan).

D'après la C.L., il écrivit la «moitié» de la Bibliothèque bleue : «Il publiait régulièrement tous les quinze jours sa petite historiette et le prompt débit de cette espèce de marchandise payait ses confitures et son café» (mai 1777, t. XI, p. 465). Il ne s'agit probablement pas de la Bibliothèque bleue, dont la plupart des volumes sont antérieurs à cette date, mais de «canards», si l'on en croit Voisenon : «Quand il avait besoin d'argent pour acheter ou du café, ou du chocolat, ou du tabac, il disoit naïvement : Je vais faire un monstre qui me vaudra un louis ; c'étoit une petite feuille qui annonçoit la rencontre d'un monstre très-extraordinaire qu'on avoit vu dans un pays très-éloigné, & qui n'avoit jamais existé» D'après Grimm, il écrivit la «moitié» de la Bibliothèque bleue : «Il publiait régulièrement tous les quinze jours sa petite historiette et le prompt débit de cette espèce de marchandise payait ses confitures et son café» (C.L., mai 1777, t. XI, p. 465). Il ne s'agit probablement pas de la Bibliothèque bleue, dont la plupart des volumes sont antérieurs à cette date, mais de «canards», si l'on en croit Voisenon : «Quand il avait besoin d'argent pour acheter ou du café, ou du chocolat, ou du tabac, il disoit naïvement : Je vais faire un monstre qui me vaudra un louis ; c'étoit une petite feuille qui annonçoit la rencontre d'un monstre très-extraordinaire qu'on avoit vu dans un pays très-éloigné, & qui n'avoit jamais existé» (V.M., p.11).

II (Histoire) : édition des Mémoires de François de Paule de Clermont, marquis de Monglas, Amsterdam (Paris), 1727, 4 vol., reproduit dans la Collection des Mémoires pour servir à l'histoire de France, de Michaux et Poujoulat, 3e série, t. V, p. 1-365. – Histoire des guerres et des négociations qui précédèrent le Traité de Westphalie, Paris, 1744, 3 vol. in-4° ; rééd. en 1751,1767 ; traduction allemande en 1758-1768.

III (Théologie) : Réfutation de la Dissertation du R.P. Le Brun, prêtre de l'Oratoire sur la forme de la Consécration de l'Eucharistie, Paris, 1727.– Traité théologique sur la Consécration de l'Eucharistie, Paris, 1729, 2 vol .– Exposition de la doctrine chrétienne par demandes et par réponses, divisée en trois catéchismes ..., Paris, 1741, 4 vol. ; rééd.en 1746, 1844, 1853, 1860, 1875 ; traduction allemande (1751), italienne (1750, rééd. jusqu'en 1867).

IV (Science) : Observations curieuses sur toutes les parties de la physique, «extraites et recueillies des meilleurs mémoires», Paris, 1719, rééd. en 1726 et 1730, avec deux autres volumes (sous le même titre) du P. Grozelier, oratorien ; traduction allemande en 1753 et 1755 : voir les c.r. du Journal des savants en mai 1719, décembre 1726 et février 1731.

8. Bibliographie

Moreri, t. II, p. 124-125 ; B.Un. (notice peu sûre), Sommervogel (t. I, col. 1873-1886), Cior 18, n° 13190-13242. – Mémoires de Trévoux, notice nécrologique par le P. Brumoy, juin 1744, p. 972-979. – Paulian A.H., Dictionnaire de physique (1761), éd. 1789, p. 384-39l. – Gogué et Née de La Rochelle, «Précis sur la vie et les ouvrages du R.P. Bougeant», en tête de l'édition de l'Amusement philosophique, Pékin [Paris] 1783, p. 2-19. – Mably G., «De la manière d'écrire l'histoire» (1783) dans les Oeuvres (1818), t. VI, p. 311-314. – Kerviler J., Bibliographie bretonne, Rennes, 1891. – Vulliod A., La Femme docteur, Mme Gottsched et son modèle français Bougeant, ou Jansénisme et Piétisme, Lyon, 1912. – Dabezies A., Comédie et polémique, le P. Bougeant et les jansénistes autour de 1730, thèse dactylographiée, Paris, 1967. – Adams D.J., (ed.), Lettre à Madame la Comtesse de D*** pour servir de supplément à l'Amusement philosophique sur le langage des bêtes, University of Exeter, 1984. – (V.M.) Sgard J. et Sheridan G., éd. critique du Voyage merveilleux de Fan-férédin dans la Romancie, préface et bibliographie, «Lire le XVIIIe siècle», U. de Saint-Etienne, 1992.