BILLARDON DE SAUVIGNY
Numéro
Prénom
Naissance
Décès
1. État-civil
Edme Louis Billardon de Sauvigny serait né «vers 1730, dans le diocèse d'Auxerre», d'après la B.Un., en 1734, à Paris, d'après B.N.C. Contrairement à ce que disent Tourneux (C.L.), Ravenel (M.S., t. I, p. 71), Brenner et Cior 18, il ne semble pas être né en 1736 à La Rochelle, car son nom ne figure pas dans les tables chronologiques des cinq paroisses de cette ville, conservées à la B.L. Il mourut à Paris en 1812 (le 19 avril, d'après la B.N.C. ; le 19 août, d'après la B.Un.). Il était le frère d'Etienne-Louis Billardon, abbé de Sauvigny (1734?-1809), qui publia plusieurs ouvrages avant la Révolution, adhéra à la Constitution civile du clergé et rédigea le Journal du concile national (août-nov. 1797).
3. Carrière
D'après la B.Un., il aurait obtenu à 20 ans une lieutenance dans la cavalerie, et s'étant fait connaître par «quelques pièces de société», il aurait ensuite été admis dans la garde du roi Stanislas. Effectivement, en 1756 il se nomme lui-même «gendarme» (titre d'une de ses premières oeuvres) et en juin 1762 Bachaumont le qualifie d'«ancien garde du corps du roi de Pologne». Serait-ce lui, ou un de ses parents, qui, assumant des fonctions dans la police de la région parisienne, figure, sous le nom de M. de Sauvigny, dans la correspondance de Maurepas (A.N., 01 400-403) entre 1758 et 1762? On ne saurait le dire. Ce qui est sûr, c'est que, chevalier de Saint-Louis avant 1779 (date de la publication de la Lettre à M. de S *** chevalier de Saint Louis par M. l'abbé de S ***), il succéda à Crébillon comme censeur de la police en 1776 (Almanach royal de 1777, p. 454 ; de 1778, etc.). En 1788 il fut exilé à trente lieues de Paris pour avoir approuvé l'Almanach des honnêtes gens de Sylvain Maréchal, et sa place fut supprimée ; mais en 1789 il devint adjudant-général à l'état-major de la cavalerie parisienne. Le 4 novembre 1792, comme «commandant provisoire de la cavalerie nationale à l'Ecole militaire», il écrivit à la Commune pour rendre compte - avec beaucoup de sympathie - de l'attitude de ses hommes qui, après avoir planté un arbre de la Liberté, s'étaient répandus dans les rues de Paris en chantant des «chansons patriotiques [...] où il était question de Marat à la guillotine» : on s'embrassait sur leur passage en criant Vive la Nation! «le patriotisme avait donné à la fête une gaîté franche, mais inconsidérée» (La Gazette nationale, n° 312, 7 nov.). En 1795, il était chef d'état-major de la 6e division de l'armée des Pyrénées occidentales (Discours et Pétition cités dans la rubrique 7). Il prononça le serment des «vétérans militaires» auprès du Conseil des Anciens, comme «chef de bataillon commandant les Compagnies près le Corps législatif» (voir rubrique 7), et, d'après B.Un., «il se fit recevoir au Lycée républicain», où il lut, en 1799, diverses oeuvres restées inédites.
Domiciles connus : vers 1776, «quai des Célestins, chez la baronne d'Andelot» (A.R. de 1777, p. 452) ; vers 1777, «rue de Vaugirard, chez la marquise d'Escars» (A.R. de 1778, p. 454) ; vers 1784, «rue de Bellechasse» (A.R. de 1785, p. 490, 1786, 1787, 1788) ; en 1785, «rue Saint-Guillaume, vis-à-vis l'hôtel Mortemart» (Annonce de souscription aux Essais historiques, dans la Gazette de France du 15 juil. 1785).
4. Situation de fortune
Il fut subventionné en 1792 par le ministère de l'Intérieur, à la suite d'un rapport fait par Lasson-Ladebat, «au nom du Comité de l'extraordinaire des finances», sur la «souscription prise par le roi de [son] ouvrage [...] intitulé Essai sur les moeurs des Français» (La Gazette nationale, n° 58, 27 fév.). Comme le dit Brenner (p. 56, note 1), Louis XVI, auquel Sauvigny avait présenté son travail en 1785 (Gazette de France du 15 juillet), y avait d'ailleurs probablement déjà souscrit, en d'autres temps.
5. Opinions
Vivement hostile aux «philosophes» au tout début de sa carrière, B. resta toujours l'ennemi de Voltaire. En 1763, les Comédiens Français préférèrent au Socrate du «patriarche» sa Mort de Socrate ; B. y évoquait les «persécutions subies par Rousseau après l'Emile» (M.S., 21 juin 1762) et y attaquait Palissot («Aristophane» ; M.S., 23 mars 1763). Cette affaire déclencha une vive controverse (C.L., V, 118-119, 284-286 ; Collé, Journal et mémoires, éd. 1868, II, 304-305 ; M.S., 1777-1789, I, 57, 95-96, 171, 193, 216-217, 279, 300 ; Affiches, annonces et avis divers, 1er juin 1763, p. 88 ; Oeuvres de Voltaire, 1877-1882, XLII, 143, 146, 483, 490, 500-516 ; G. Desnoireterres, La Comédie satirique en France au XVIIIe siècle, 1885, p. 139-140 ; F. Gaiffe, Le Drame en France, 1910, p. 164 ; J.O. Wade, The «Philosophes» in the French drama of the eighteenth century, Princeton, 1926, p. 110, 119-126 ; réf. fournies par Brenner, p. 48). En 1767 une nouvelle querelle s'engagea, sur une question de plagiat entre sa tragédie d'Hirza et Les Scythes (Brenner, ibid.). En revanche, il fut l'ami de Rousseau qui, dans une lettre de 1763, l'appelait «son protégé» (Brenner, ibid.) et qui prit plaisir à lire l'Histoire amoureuse de Pierre Le Long avec quelques-uns de ses amis suisses (F. Berthoud, Jean-Jacques Rousseau au Val de Travers, Paris, 1881, p. 188). Bien que son insouciance à l'égard de la chronologie puisse rendre son témoignage suspect, Mme de Genlis raconte aussi qu'au moment de son retour à Paris, en 1770-1771, J.J. Rousseau qui «paraissait aimer beaucoup M. de Sauvigny» (Mémoires, éd. F. Barrière, p. 96-105) aurait été assez lié avec celui-ci pour consentir de bon coeur à assister avec elle à la première représentation du Persifleur (8 fév. 1771). Après 1765, l'auteur de l'Histoire amoureuse de Pierre Le Long ne s'est pas contenté d'être à l'origine du «genre troubadour», mais s'est fait l'apôtre de la «sensibilité», de la «vie simple «et de la «nature», qu'il invitait à ne «point chercher dans le coeur des gens du monde» (Essai sur les progrès de la langue française), ou dans des cités marquées par «le vice tyrannique et les abus barbares de leurs gouvernements». Il croyait avoir trouvé à Ouessant le modèle d'une communauté où «la cause des vices et des malheurs des hommes, le tien et le mien, le maître et l'esclave [étaient encore] des noms absolument inconnus». Profondément influencé par Morelly, il méditait d'écrire Les Hautponnois, ou les Habitants des Isles flottantes, description sociologique d'un village d'Auvergne, et il alla jusqu'à demander, dans le Mercure de France et l'Année littéraire, aux lecteurs ayant connaissance d'autres établissements communistes de lui faire part de leur information : un lecteur de l'Année littéraire (t. VI, p. 248 et suiv.) lui répondit longuement, tout en lui signalant que le village en question s'appelait Hautpont (Brenner, p. 55). Par ailleurs, la B.Un. nous apprend qu'il dut sa place de censeur royal à la protection de la duchesse de Chartres et qu'il écrivit Le véritable Figaro, opéra comique dont la représentation fut interdite «à cause des personnalités qu'il s'était permises contre Beaumarchais», probablement indigné de ce que celui-ci s'était emparé du nom de Bazile, un des plus charmants héros de ses poèmes en prose. Enfin, il vécut longtemps dans l'intimité de Mme de Genlis : celle-ci attribue sa formation littéraire aux «conversations» et aux «conseils» de S. ; toute jeune mariée (1763), elle trouvait en lui un «guide» et elle lui lut ses premières oeuvres (Mémoires, éd. Barrière, p. 48-51, 54, 68, 77). Elle figure dans la 3e éd. de l'Histoire de Pierre Le Long (1778) sous le nom de marquise de Lisois. Sous la Révolution, B. se rangea parmi les «patriotes». Au début de 1797, il consacra sa tragédie de Scipion l'Africain «à la louange de Bonaparte, nommé généralissime de l'armée d'Angleterre» (B.Un.).
6. Activités journalistiques
B. a été l'un des principaux initiateurs des publications destinées aux femmes. Il a participé à la rédaction du Journal des dames, au moins pendant quelques mois à partir de l'automne de 1764 ; Bachaumont écrivait en effet le 25 novembre : «Le Journal des dames, après avoir passé par quantité de mains différentes avec aussi peu de succès, vient de tomber entre les mains de MM. de Sauvigny et de Saint-Péravi». Puis, après avoir publié quelques pièces dans l'Almanach des Muses (deux en 1782), il fit paraître, tous les dix jours, chez F. Buisson, le Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises, du 20 novembre 1786 au 21 décembre 1789 (Hatin, B.H.C., p. 598). Voir les notices «Maisonneuve» et «Buisson». Ses Essais historiques sur les moeurs des Français parurent par souscription, sous la forme de 75 cahiers, mensuels, du 15 juillet 1785 au 14 juillet 1789 (Brenner, p. 56), mais ne peuvent évidemment pas être considérés comme un journal.
7. Publications diverses
Réflexions en vers sur l'héroïsme, Berlin, 1756, in-8° de 16 p. – Lettres philosophiques, par M. Sauvigny, gendarme, A Bristol, chez les frères rimeurs, 1756, in-12 de 26 p. – L'Une et l'autre, ou la Noblesse commerçante et militaire, avec des réflexions sur le commerce et les moyens de l'encourager, Mahon, Impr. française, aux dépens de W. Blakeney, 1756, in-8° de 134 p. – La France vengée, poème, Paris, 1757, in-8° (d'après la B.Un.). – La Prussiade, poëme nouveau en quatre chants, en vers comi-héroiques, A Cassel, aux dépens de l'auteur, 1758, in-8° de 70 p. – La Religion révélée, poëme en réponse à celui de la Religion naturelle, avec un poëme sur la cabale anti-anciclopédique, au sujet du dessein qu'ont eu les Encyclopédistes de discontinuer leurs travaux, par M. de S*******, A Genève, 1758, in-16, de 64 p. – Le Masque enchanté, farce en un acte et en vers, Genève, 1759, in-8°. – Voyage de Madame et de Mme Victoire, Lunéville, Messuy, s.d. (1761), in-8° de ii-28 p. – Odes anacréontiques par M. de Sauvigny, Paris, Jorry, 1762, in-16 de 44 p. – La Mort de Socrate, tragédie en trois actes et en vers Paris, Prault le jeune, 1763. – Apologues orientaux dédiés à Mgr. Ie Dauphin, Paris, Duchesne, 1764. – Histoire amoureuse de Pierre Le Long et de sa très honorée dame Blanche Bazu, écrite par iceluy, Londres, 1765, in-12 de 142 p. (nouv. éd., «avec la musique de M. Philidor», Londres, 1765 ; précédée d'un Discours sur la langue française, Londres, 1768 ; Paris, Ducauroy, an IV ; Werdet et Lequien fils, 1819 ; et sous le titre de L'Innocence du premier âge en France, Paris, Delalain, 1768, avec un second volume contenant La Rose ou la Fête de Salency et L'lsle d'Ouessant, musique de Monsigny ; nouv. éd. précédée de l'Essai sur les progrès de la langue française, Paris, Prault, 1778. – Hirza, tragédie par M. de Sauvigny (T.F., 27 mai 1767), Paris, veuve Duchesne, 1767 (rééd. Genève, impr. de P. Pellet et fils, 1768). – La Rose, ou la Feste de Salency, avec un supplément sur l'origine de cette feste, Paris, Gauguery, 1770, in-8° de XV1-120 p. – Le Persifleur, comédie en trois actes et en vers par M. de Sauvigny (T.F., 8 fév. 1771), Paris, Delalain, 1771. – Gabrielle d'Estrées, tragédie en cinq actes, (Versailles, 28 janv. 1778), Paris, Robustel, 1778 (rééd. Veuve Duchesne, 1783). – A trompeur trompeur et demi, ou les Torts du sentiment, comédie en un acte mêlé d'ariettes, 1780 (d'après la B.Un.). – Les Après soupés de la société, petit théâtre lyrique et moral sur les aventures de la société, A Sybaris et Paris, L'auteur, 1782-1783, 24 cahiers en 6 vol. in-8°. – Péronne sauvée, opéra en quatre actes (musique de Dezède ; Ac. roy. de mus., 17 mai 1783), Paris, impr. de P. de Lormel, 1783 (rééd. Péronne, 1879). – Essais historiques sur les moeurs des Français, ou Traduction abrégée des chroniques ou autres ouvrages des auteurs contemporains depuis Clovis jusqu'à Saint Louis , 2 vol. in-4°, avec grav. colorées, ou in-8°, Paris, Impr. polytype, chez Clousier, et au Bureau des Essais historiques, rue du Bacq, 1785 (ces deux volumes contenaient la Vie de Grégoire de Tours, par lui-même, et «L'Histoire de France de Grégoire de Tours et sa continuation par Fredegarius» ; en 1787, avec la date de 1786, un 3e vol. parut chez Clousier, sous le titre de Recueil de lettres écrites sous la première race de nos rois par des personnages considérables, rois, reines, grands de l'Etat, papes, évêques, etc. (extraites et traduites du Recueil des historiens de Gaules et de la France de Dom Martin Bouquet, 8 vol. in-f°, 1738-1752) ; ces trois volumes, pourvus de nouvelles feuilles de titre, furent remis en vente en 1792, chez Maillard d'Oriville, avec deux nouveaux tomes, contenant la traduction d'une douzaine de chroniques anciennes, dont la Chronique de Saint Denis, et l'analyse chronologique et comparée de 53 autres chroniques et de 255 vies de Saints). – Abdir, drame en quatre actes (sur la Révolution américaine), 1785 (d'après la B.Un.). – Du théâtre sous les rapports de la nouvelle constitution, discours présenté à l'Assemblée nationale par M. de Sauvigny, Paris, impr. de Cussac, 1790, in-8° de 40 p. – Washington, ou la Liberté du nouveau monde, tragédie en quatre actes par M. de Sauvigny (Th. de la Nation, 13 juil. 1791), Paris, Maillard d'Oriville, 1791. – Adresse lue à la Convention nationale par L.E. Billardon de Sauvigny en lui présentant le corps de la cavalerie nationale, (Paris), impr. de Pougin, s.d., in-8° de 7 p. – Constitutions des rois de France, pour servir de suite aux Essais historiques sur les moeurs des Français par Edme-Louis Billardon-Sauvigny, Paris, Maillard d'Oriville, in-8° de 279 p. – Convention nationale. Adresse prononcée le 26 octobre 1792 [...] par le citoyen Edme Billardon-Sauvigny, au nom du corps de la cavalerie parisienne, (Paris), Impr. nationale, s.d., in-8° de 4 p. – Discours prononcé par le citoyen Billardon-Sauvigny [...] à la Société populaire de Pau, le 18 pluviôse l'an III, Pau, impr. de Daumon et Foumin, s.d., in-8° de 4 p. – Pétition de L.E. Billardon-Sauvigny [...], pour la levée de la suspension de ses deux drames d'Aratus et de M. Pitt, 25 pluviôse an III, s.l.n.d., in-8° de 4 p. – Prestation du serment des vétérans militaires près le Conseil des Anciens. Billardon-Sauvigni [...] à ses frères d'armes, Paris, impr. de la citoyenne Balleu, s.d., in-4° de 4 p. – Recueil d'apologues et de faits historiques mis en vers, et relatifs aux Révolutions française, américaine ..., Paris, Laran, an V-1797, in-8° de VIII-201 p. – Moralités historiques et allégoriques en vers, sur les événements les plus intéressans pour la nation française, Paris, impr. de Prault, an VIII, in-8° de 52 p. – Encyclopédie des dames, ouvrage destiné à l'instruction du beau sexe, Paris, Guyon, Maison et Gervais, 1806, 3 vol. in-12, «avec figures».
D'autre part, B. a publié une traduction en deux volumes des Oeuvres de Sidoine Apollinaire, Paris, 1792, ainsi que Le Parnasse des dames, ou Choix de poésies des femmes de toutes les nations, Paris, Ruault, 1773, 10 vol. in-8° (les cinq premiers volumes contiennent des poèmes, à commencer par ceux de Sapho, publiés séparément en 1781 et 1792 ; les cinq suivants, des pièces de théâtre, dont plusieurs comédies de Mme de Genlis). Il a laissé un bon nombre de textes inédits, telle sa tragédie d'Aratus, ou les fables dont il donna lecture au Lycée.
8. Bibliographie
B.Un., B.N.C. – M.S., 21 juin 1762, 27 janv., 23 mars, 25 sept. et 19 nov. 1763, 31 mars 1765 (et notes de l'éd. J. Ravenel, Paris, Brissot–Thivars, A. Sautelet, Mame et Delaunay, 1830).– C.L., 15 mai 1763. – La Gazette nationale ou le Moniteur universel. – Mémoires de Mme de Genlis, éd. F. Barrière, Paris, Firmin Didot frères, fils et Cie, 1857.– Brenner C.D., «A neglected preromantic : Billardon de Sauvigny», Romanic Review, XXIX (1938), p. 48-58. – Moureau F., «Des guerres d’Amériques à la revolution française : le theatre de Billardon de Sauvigny», Revue d’histoire du théâtre, t. XLI , n° 3, 1989.
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