BAUVIN

Numéro

045

Prénom

Jean

Naissance

1714

Décès

1779

1. État-civil

Jean Grégoire Bauvin ou Beauvin est né à Arras en 1714. Il est issu d'une «famille honorable mais très pauvre» (Cardevacque, p. 40). Il est mort le 7 janvier 1779 (ibid.; F.L.). Marmontel raconte que B. était «laid» et «bancal», mais qu'il était «homme de sens» et «homme de goût» (Mémoires, t. I, p. 65 et 66).

2. Formation

Après avoir fait d'«excellentes études», il est reçu avocat au Parlement de Paris (Cardevacque). C'est le 10 novembre 1742 que B. devient membre de l'Académie d'Arras (Van Drival, p. 25).

3. Carrière

Vers 1745, alors qu'il vient de faire la connaissance de Marmontel, B. loge chez une fruitière, près de l'Hôtel de Tours où habitait Vauvenargues, non loin de la rue de l'Ecole de Médecine (Mémoires, t. I, p. 66).

Ce n'est qu'assez tard, fin septembre 1772, que B. parvient à faire représenter à la Comédie française Les Chérusques. Il s'agit d'une version remaniée d'Arminius (1769), libre adaptation de Herrman de J.E. Schlégel (Brenner, n° 3313); B. s'était adjoint à cette occasion les services de Cappler, professeur d'allemand à l'Ecole militaire. Le cadre historique des Chérusques est la défaite de Varus, général des troupes d'Auguste, face au germain Arminius, prince chérusque (9 après J.C.). Le sujet avait déjà été traité par Scudéry et Campistron (Préface des Chérusques). B. eut toutes les peines du monde à faire représenter sa pièce: les comédiens se dérobaient. Il fut contraint de faire sa cour à Molé et «d'essuyer les hauteurs, les rebuffades et, qui pis est, la compassion des comédiens» (Collé, t. III, p. 365). C'est grâce à la Dauphine qu'il fait représenter sa pièce qui fut très «mal jouée» (C.L.,t. X, p. 68). Malgré tout, Les Chérusques réussissent fort bien: «l'auteur a été appelé à grands cris» (ibid.). La pièce fut reprise en juin 1773, non sans mal: les comédiens refusaient à nouveau de la jouer. Les Etats d'Artois, d'où est originaire B., eurent recours au Maréchal de Richelieu qui, «après avoir fouaillé les comédiens d'importance, les a obligés de jouer hier Les Chérusques» (M.S., 10 juin 1773). Instruit du conflit qui opposait Richelieu et les comédiens, le public se rend en foule à la représentation des Chérusques et «la pièce a été très applaudie» (ibid.). «La chaleur que le parterre a mise dans la querelle» s'explique par sa «haine pour les historiens», il a voulu ainsi «protéger» la pièce et «la faire aller» (ibid.).

La critique de l'époque est divisée au sujet des Chérusques. L'Année littéraire précise que cette tragédie «a obtenu les suffrages des connaisseurs» car «peu d'ouvrages dramatiques» sont «conduits avec plus de jugement et de sagesse»; il s'agit d'un ouvrage «plein de noblesse, d'éloquence, de chaleur, et l'on y trouve un grand nombre de beaux vers» (A.L., 1772, VIII, p. 264-265, 266). Le Mercure de France rapporte qu'on a remarqué dans cette tragédie «de beaux vers», «des sentiments patriotiques exprimés avec noblesse et énergie» (oct. 1772, 2e vol.,p. 151). En revanche, la C.L. affirme que «après avoir applaudi» la pièce, «on en dit beaucoup de mal dans le monde» (t. X, p. 69). Pour les Mémoires secrets, nul nerf, nulle énergie dans les caractères, nul intérêt, nulle chaleur, une froideur continue» (27 sept 1772). Voltaire lui-même dit avoir «fait les plus incroyables efforts pour lire Les Chérusques» (D 16908 et D 16974).

4. Situation de fortune

Alors qu'il habitait avec Marmontel, B. est très pauvre: c'est la bohême littéraire, ils vivent à crédit et vont chercher l'eau eux-mêmes pour faire des économies (M, t. I, p. 66). Cependant B. disposait d'«une centaine d'écus» vers 1745 (ibid., p. 65).

Bien que reçu avocat, B. ne plaidait pas parce que, dit-on, il était trop «timide». Il finit par occuper une chaire de professeur à l'Ecole militaire, «place peu rétribuée qu'il remplit avec honneur pendant plus de 30 ans» (Cardevacque). Et en effet, en 1772, B. est encore pauvre: ce «vieux bonhomme de 60 ans» est «pauvre comme un rat d'église ou comme un poète, ce qui est synonyme» (C.L., t. X, p. 68). Mais le succès des Chérusques attire l'attention des Etats d'Artois qui lui allouent une pension de 600 £ (Cardevacque).

5. Opinions

Après l'arrivée de Marmontel à Paris en 1745, B. devient «l'ami intime de celui-ci» (lettre de Marmontel à Harduin, 15 mai 1758, Correspondance, t. I, p. 39). Ils vont ensemble au théâtre, se donnent rendez-vous au Café Procope. A cette époque, ils sont de l'entourage du marquis de Vauvenargues (ibid.).

B. semble avoir aussi bien connu Cappler, professeur d'allemand à l'Ecole militaire.

6. Activités journalistiques

L'idée de L'Observateur littéraire revient à B. qui y associe Marmontel (ibid., D.P.1 1080) Mais les rédacteurs refusent de payer le tribut exigé par le Journal des Savants: L'Observateur est donc poursuivi. Entre-temps, Voltaire avait, lors de son élection à l'Académie française (25 avril 1746), demandé la saisie d'un pamphlet contre lui attribué à P. Ch. Roy, membre de l'Académie des Inscriptions, Discours prononcé à la porte de l'Académie française par M. le Directeur à M***. Lors d'une perquisition chez le libraire Clousier, le Commissaire du Châtelet chargé de l'affaire découvre par hasard 2000 feuilles imprimées de L'Observateur littéraire; Clousier révèle à la justice que les rédacteurs de cette feuille sont Boivin (sic) et «l'Abbé» Marmontel; Balland fils s'était chargé de l'impression (A.N., Y 17351, 29 avril 1746; lettre de Dadvenel à Marville, 30 avril 1746, Ravaisson, t. XII, p. 273-274). Voltaire, se rendant compte de l'énormité de la bévue, dans une lettre à Vauvenargues, charge celui-ci, «héros de l'amitié», de «faire passer jusqu'à eux le chagrin que lui cause la petite tribulation arrivée à leurs feuilles et l'empressement qu' [il aura] de les servir» (D 3062, 30 avril 1746). Il semble d'ailleurs que Voltaire ait usé de son crédit pour que L'Observateur littéraire puisse reparaître. Dans une lettre à Vauvenargues, datée du 1er juin 1746 (D 3094), il écrit: «Nos amis, monsieur, peuvent continuer leurs feuilles. M. de Boze fermera les yeux, mais il faut les fermer aussi avec lui et ignorer qu'il veut ignorer cette contrebande de journal». Cependant l'entreprise de L'Observateur littéraire fut finalement un échec, l'ouvrage «eut peu de débit» dit Marmontel. Il l'explique ainsi: «nous n'avions ni fiel ni venin», «cette feuille [n'était] ni la critique infidèle et injuste des bons ouvrages, ni la satire amère et mordante des bons auteurs» (M, t. I, p. 66).

B. a travaillé par ailleurs au Mercure de France et au Journal encyclopédique (F.L., 1769, t. I, p. 178).

7. Publications diverses

7. Arminius, tragédie, 1769. – Les Chérusques, tragédie tirée du théâtre allemand, 1772, 2e éd.,1773. – Sentences de Publius Syrus, traduites du latin. – Ode chrétienne, 1774. – Ode sur le rétablissement de la santé du Roi, 1744 (Van Drival, p. 25-26). – Projet d'histoire de la province d'Artois, Arras.

8. Bibliographie

Q. ; F.L., 1769 ; B.Un. ; N.B.G.C.L., t. X, p. 67-69. – A.N., Y 13751, 29 avril 1746. – Archive de la Bastille, Ars., ms. 11576, f° 101-106. – Ravaisson, t. XII, p. 273-274, rapport du 30 avril 1746. M.S., 3 sept. 1772; 25, 27 sept. 1772; 7, 10 oct. 1772, 10 juin 1773. – Voltaire, Correspondence, éd. Bestermann, D 3062, 3071, 3094, 16908, 16974, Appendix, n° 47, XV, 257. Id., Oeuvres complètes, éd. L. Moland, 1880, t. XXXVI, p. 439. – L'Année littéraire, 1772, t. VIII, p. 217-267. – Journal des Beaux-Arts et des Sciences, août 1769, p. 356-357. – Mercure de France, octobre 1772, p. 149-154. – Collé C., Journal et Mémoires, éd. H. Bonhomme, 1868, t. III, p. 364-365. – Van Drival, E. F., Histoire de l'Académie d'Arras depuis sa fondation en 1737 jusqu'à nos jours, Arras, 1872. – Cardevacque A. de, Dictionnaire biographique du département du Pas de Calais, Arras, 1879, in-4°, p. 40. – Lenel S., Un homme de lettres au XVIIIe siècle. Marmontel, 1902, rééd. 1970, p. 59 et p. 69. – Marmontel J.F., Correspondance, éd. J. Renwick, Clermont-Ferrand, 1974, t. I, p. 39 et II, p. 174-175. Id., Mémoires, éd. J. Renwick, Clermont-Ferrand, 1972.

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