BAUDEAU

Numéro

041

Prénom

Nicolas

Naissance

1730

Décès

1792?

1. État-civil

Nicolas Baudeau est né à Amboise le 25 avril 1730 (D.B.F.) ; il était issu d'une famille de paysans pauvres (S) ; il s'est suicidé à Paris, probablement en 1792.

2. Formation

On ne sait rien de la jeunesse et de la formation de B., mais il a dû faire des études de théologie.

3. Carrière

Chanoine régulier de l'abbaye de Chancelade où il enseignait la théologie, B. aurait été appelé à Paris par l'archevêque Christophe de Beaumont (D) à une date non précisée, mais sans doute antérieure à 1760. Cette année-là, il présente trois mémoires sur les finances au contrôleur général Bertin (W.1, t. I, p. 103-104). Il fonde les Ephémérides du citoyen à la fin de 1765. Début 1768, le prince Ignace Massalski, évêque de Vilno, qui a apprécié ce qu'il a écrit sur la Pologne (notamment dans une suite d'articles sur l'éducation nationale, en 1765-1766), l'invite à le suivre dans son diocèse de Lituanie et le nomme prévôt mitré de Widzniszki (M.S., t. III, 25 fév. 1768). Cependant son départ est retardé par les troubles que connaît le pays et il est question que Choiseul lui fasse attribuer un bénéfice important ou une pension qui lui permettraient de rester en France (M.S., t. IV, 30 juin 1768). Il part finalement en octobre et effectue un premier séjour en Pologne de novembre 1768 à février 1769 : après avoir débarqué à Dantzig, il se rend en Lituanie puis à Varsovie (janvier 1769). Il gagne ensuite Saint-Pétersbourg (début mars) mais il est expulsé brusquement de Russie en juillet. Il effectue alors un second séjour en Pologne (juillet-août 1769), se rend à Dantzig, rencontre de nouveau Massalski, en Prusse, et s'embarque fin août pour la France (M). Le 18 septembre, Turgot apprend de Dupont son retour (T). Mécontent des projets élaborés par B. pour régler la question polonaise, Choiseul l'aurait alors exilé en province (M). B. est alors prieur commandataire des Augustins de Saint-Lô (F.L. 1769). En octobre 1770, Turgot signale son passage à Limoges, en compagnie du marquis de Mirabeau (T., t. III, p. 389). En septembre 1776, après la suppression des Nouvelles Ephémérides où il a notamment critiqué les expédients financiers utilisés par le pouvoir royal pendant la guerre de Sept Ans, il est exilé quelque temps à Riom (W2, p. 37-38). B. est un des fondateurs de la Société libre d'émulation de Paris (1776) et membre de l'Académie de Bordeaux (D).

4. Situation de fortune

Le bénéfice attribué à B. par l'évêque de Wilno aurait été d'environ 25 000 £. De mai à décembre 1768, il pouvait verser 50 écus par mois à Dupont pour la rédaction des Ephémérides, mais mal géré, le journal était alors très endetté.

5. Opinions

Jusqu'en 1766, B. est un mercantiliste modéré et libéral, qui développe également des idées populationnistes. Son «humanisme» (c'est le mot qu'il emploie), le conduit notamment à demander une éducation nationale pour tous et à combattre l'esclavage des nègres. La critique de ses idées économiques formulée par Le Trosne dans une lettre publiée par le Journal de l'agriculture (mars 1766), la discussion qui s'ensuit, notamment avec Du Pont, l'amènent à se rallier aux thèses physiocratiques au cours de cette même année. En 1766 également, il se prononce en faveur du programme de «civilisation» de la Russie annoncé par Catherine II. A cette époque, il est probablement en relation avec le prince Dimitri Alekseevitch Golitsyn, ministre plénipotentiaire de Russie, et peut-être avec Diderot (G). En 1767, il participe aux mardis économiques du marquis de Mirabeau, rue de Vaugirard. Il est également reçu, avec les autres «économistes», chez la duchesse de La Rochefoucauld d'Anville (W2, t. I, p. 135-136). Dès cette époque, il polémique volontiers contre Forbonnais, contre Graslin, mais il lui arrive de risquer des vues peu orthodoxes que rectifie Dupont (par exemple sur l'impôt et les rentes, W1, t. I, p. 159). Il s'attache surtout à défendre la liberté du commerce des grains établie par les édits de 1763 et 1764, et dénonce l'attitude de certains officiers de police en ce domaine. Ce faisant, il appuie la position des contrôleurs généraux libéraux, Laverdy puis Maynon d'Invau, mais il est particulièrement visé par les accusations formulées au Parlement contre les économistes par le président Le Pelletier de Saint-Fargeau (novembre 1768 ; W1, t. I, p. 183). A son retour de Pologne, il se montre hostile à l'expansionnisme russe et plaide pour les libertés polonaises. Mais il consacre l'essentiel de ses efforts à défendre les idées physiocratiques contre Linguet, Béardé de l'Abbaye et Galiani (1770). Dès le début du ministère de Turgot, il déploie une grande activité en faveur de la politique de réformes, notamment à propos de la liberté du commerce intérieur des blés, du projet de supprimer les corvées, etc. Voltaire, à qui il envoie les Nouvelles Ephémérides, lui adresse en mars ou avril 1775 une lettre qui est publiée en mai dans le Mercure (D19396). Il critique l'Eloge de Colbert, de Necker, et son ouvrage sur le commerce des grains (1775). Cependant son zèle indiscret gêne le contrôleur général qui l'écarte de son entourage. Selon Dupont, il s'en venge en remettant à Maurepas des mémoires contre lui au cours des derniers mois de son ministère (correspondance adressée par Dupont au prince Carl Ludwig von Baden, 15 janv. et 1er fév. 1783, K, t. II, p. 355 et 370). Les financiers de la Caisse de Poissy pour le commerce des viandes, abolie par Turgot, l'attaquent en réparation d'honneur parce qu'il les a taxés d'usure : bien qu'ils soient représentés par le célèbre avocat Gerbier, B. triomphe à son procès (M.S., t. IX, p. 188, 19 juillet 1776). Il s'attire au même moment la haine des fournisseurs des armées accusés de vol dans les Nouvelles Ephémérides. Après la chute de Turgot, l'école physiocratique se disloque mais B. reste fidèle aux idées de Quesnay. Il conserve un goût très vif pour les polémiques : il s'en prend à Bailly, en 1777, à propos des connaissances astronomiques des druides, puis en 1783, à propos de ses Lettres sur l'Atlantide ; à Linguet (1779-1780) et Mallet du Pan (1786, 1788) à propos des doctrines économiques. Ses Principes économiques de Louis XII (1785) sont un pamphlet contre Necker.

6. Activités journalistiques

B.H.C le nomme parmi les auteurs du Journal oeconomique d'Antoine Boudet (1751-1772) mais nous n'avons pu trouver trace de sa collaboration.

En novembre 1765, B. fonde les Ephémérides du citoyen ou Chroniques de l'esprit national dont il est le seul ou le principal rédacteur. Les premiers volumes (1765-1766) contiennent notamment des articles non signés sur «la dépopulation [des] campagnes» (t. I et III), «l'éducation nationale» (l'instruction des paysans, 1766, t. III ; l'éducation des filles, t. IV) ; le développement de la Russie («Du monde politique», 1766, t. II, III, VI) ; les colonies françaises d'Amérique (1766, t. III et V) ; l'esclavage des noirs (1766, t. VI) ; le luxe et le commerce (1766, t. III, IV, VI, etc.). A partir de janvier 1767, le sous-titre du journal devient Bibliothèque raisonnée des sciences morales et politiques et B. accueille des contributions de Quesnay et de ses disciples. Lui-même continue à fournir de nombreux articles signés L. ou L.B., notamment sur «la grande culture» (1767, t. I), la liberté du commerce des grains (1767, t. II et 1768, t. I, II, IV, etc.), l'affranchissement des serfs au Danemark, (1768, t. I). Il y publie son Explication du Tableau économique à Mme de ** (1767, t. XI-XII, etc.) : voir dans E. et P. la liste de ses principaux articles. En mai 1768, B. cède la direction du journal à Du Pont mais en conserve le privilège jusqu'au 1er janvier 1769. Il fournit de nombreuses contributions, notamment sur la question des blés, jusqu'à son départ pour la Pologne (oct. 1768), et reprend sa collaboration à son retour : Turgot presse Du Pont de la mettre à profit pour rattraper son retard, qui est alors de plusieurs mois (T., t. III, p. 68, 397). Les Ephémérides publient notamment ses Lettres à l'abbé G[aliani] sur ses dialogues anti-économistes (1769, t. XII, paru en mars 1770), une réfutation d'un ouvrage de Béardé de l'Abbaye (1720, t. VII), des Avis économiques aux Polonais (1770, t. XI ; 1771, t. I).

En décembre 1774, B. publie un volume «pour annonce» des Nouvelles éphémérides économiques dont la publication se poursuivra jusqu'en mai 1776. Il fournit l'essentiel de la rédaction et lui donne un tour souvent polémique (Eclaircissements demandés à M.N. [Necker] sur ses principes économiques, 1775, t. V, également publiés à part ; Observations économiques à M. L'abbé Condillac, 1776, t. IV et V).

En 1788, sous le ministère de Loménie de Brienne, B. relance les Nouvelles éphémérides économiques : il y publie souvent des morceaux anciens, de Quesnay ou de lui-même. Le journal cesse immédiatement quand il devient fou, en juillet 1778 (W3, qui mentionne les principaux textes publiés).

B. a également collaboré au Mercure de France, à partir de sa reprise par Panckoucke (juin 1778) : l'Avertissement placé en tête de cette nouvelle série indique qu'il fournira les articles d'économie politique. Il s'agit de comptes rendus signés, généralement de plusieurs pages, qui sont publiés de loin en loin. Par exemple : Charles Whitworth, Commerce de la Grande-Bretagne (15 juillet 1778) ; Fresnais de Beaumont, Essai pour concilier les avantages de l'exportation des grains avec la subsistance facile (25 novembre 1778) ; Parmentier, Traité de la châtaigne (juillet 1780) ; Réflexion sur l'état actuel de l'agriculture (décembre 1780). Le 8 décembre 1781, le journal donne le plan de l'Encyclopédie méthodique : la présentation des tomes XXI (Economie politique par l'abbé Baudeau) et XXII (Commerce, par les abbés Baudeau et Benoît) semble être de B.

Enfin B. a publié de nombreuses lettres dans le Journal de Paris (voir D.P.1, p. 625), notamment pour critiquer les Lettres sur l'Atlantide de Bailly (sept.-nov. 1783), mais surtout pour polémiquer avec Linguet (déc. 1779, 1780) et Mallet Du Pan (nov.-déc. 1786, 1788).

7. Publications diverses

B. a publié de nombreux ouvrages, à peu près exclusivement sur des questions d'économie politique. On en trouvera la liste dans E. et P. Beaucoup ont paru par ailleurs dans les Ephémérides. Citons, parmi les plus significatifs : Avis au peuple sur son premier besoin [par Baudeau et Du Pont], Amsterdam et Paris, 1768. – Explication du tableau économique à Madame de ***x, Paris, 1776. – Sully, Les Economies royales, nouvelle édition par M. l'abbé Baudeau [...] avec des discours préliminaires [...], des observations [...], Amsterdam et Paris, t. I, 1775 [édition inachevée]. – Idées d'un citoyen sur l'administration des finances du roi, Amsterdam, 1763. – Lettres d'un citoyen à un magistrat sur les vingtièmes et les autres impôts, Amsterdam, 1768. – Nouveaux éléments du commerce, dans Encyclopédie méthodique, commerce, Paris, 1783-1784, 3 vol. – Première introduction à la philosophie économique, Paris, 1771.

8. B.H.C. ; D.B.F. – (D) Daire E, «Notice sur la vie et les travaux de l'abbé Baudeau», dans Collection des principaux économiques, t. II, Physiocrates, Paris, 1846, p. 645-656. – (S) Schelle G., Du Pont de Nemours et l'école physiocratique, Paris, 1888. – (K) Carl Friedrich von Baden, Brieflicher verkehr mit Mirabeau und Du Pont, éd. Carl Knies, Heidelberg, 1892, 2 vol. – (W1) Weulersse G, Le Mouvement physiocratique en France (de 1756 à 1770), Paris, 1910. – (W2) Id., La Physiocratie sous les ministères de Turgot et de Necker (1774-1781), Paris, 1950– Id., La Physiocratie à la fin du règne de Louis XV, 1770-1774, Paris, 1959. – (W3). Id., La Physiocratie à l'aube de la Révolution, 1781-1792, Paris, 1985. – (T) Turgot, Oeuvres, éd. G. Schelle, Paris, 1913-1923, 5 vol. – (E. et P.) Economie et Population. Les Doctrines françaises avant 1800. Bibliographie générale commentée, Paris, 1956. – (M) Morellet A, Lettres d'André Morellet, éd. D. Medlin, J.C. David, P. Leclerc, t. I, Oxford, 1991. – (G) Goggi G., «Diderot et l'abbé Baudeau : les colonies de Saratov et la civilisation de la Russie», Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie n° XIV, 1993, p. 23-83.

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