SEIGNEUX DE CORREVON

Numéro

745

Prénom

Gabriel

Naissance

1695

Décès

1775

1. État-civil

Gabriel Seigneux est né à Lausanne, a été baptisé le 26 octobre 1695 (registres d'état civil, Arch. cantonales vaudoises, Lausanne) ; il était le fils de l'assesseur baillival de Lausanne, Jean Louis (1660-1731) et de Sausanne de Saussure (1665-1743) ; il se maria en 1735 avec Julie Bénigne de Loys, fille du seigneur de Correvon (il ajouta dès lors «de Correvon» à son nom) ; aucun enfant n'est né de ce mariage ; il est mort le jour de Noël 1775 (N).

2. Formation

II a suivi les cours de philosophie de J.P. de Crousaz et a étudié les mathématiques. En 1713, il fait ses études de théologie et de morale, et subit l'influence de J.A. Turrettini ; en 1714 et 1715, il étudie le droit naturel et subit l'influence de J. Barbeyrac (Commercium literarium cum amicis Lausannensibus) ; à partir de 1716, il fait des études de droit civil, canonique, féodal et criminel ; il se lie avec le pasteur P. Roques, avec lequel il est resté en correspondance jusqu'en 1748 ; en 1717, licence en droit ; en 1718 : succession à la présidence de la «Cour du jadis Chapitre» de Lausanne (N, p. 13). Entre autres charges, S. est élu en 1723 membre du Conseil des Deux-Cents ; en 1726, premier secrétaire et, à partir de 1731, président de l'Association pour les Ecoles de charité, d'après les Mémoires sur l'éducation, la vie, les ouvrages et le caractère de feu Monsieur Gabriel de Seigneux de Correvon [...] ou Eloge funèbre et historique (l'attribution de ce texte à Mallet Du Pan a été contrôlée par P. Meylan et par N, p. 18, n° 36). S. a été correspondant étranger de la Société anglaise pour la propagation de la foi et de l'Académie des sciences, de la Société économique de Berne, président de celle de Lausanne (A. de Montet, Dictionnaire biographique des Genevois et des Vaudois, Lausanne, 1878).

3. Carrière

En 1719, il voyage dans les provinces méridionales de France. En 1723-1724 : voyage aux Pays-Bas et à Paris en compagnie de C.G. Loys de Bochat ; relations, entre autres, avec F.D. Camusat (voir Crucitti, 1975), P.F. Le Courayer, J. Vernet, J. de Vèze, A. Bruzen de La Martinière, J.B. Rousseau, B. de Montfaucon, J. de Tournemine. S. peut profiter des expériences des rédacteurs de la Bibliothèque française, d'autant plus qu'on travaille à un projet de Bibliothèque italique et qu'il y participe. De 1740 à 1744, il est «boursier» de Lausanne. En 1766, candidature sans succès pour être élu maire de Lausanne. En 1772, il devient «Banneret» des Pont-Quartiers (N). Il meurt en 1775. Pour les nombreux correspondants de S. et ses amis savants, voir liste, chronologie et autres renseignements dans Nordmann.

5. Opinions

«Liberté littéraire et helvétique», voilà une formule de sa pensée qui se classe dans le cadre traditionnel de l'helvétisme du XVIIIe siècle avec ses mythes historiques et avec son idéologie de la liberté ancienne. On notera certains éléments caractérisant un modéré des Lumières : un fort engagement pédagogique, des intérêts vifs pour l'économie (voir ses publications concernant l'agriculture, et sa collaboration à la Société économique de Berne), une sensibilité à l'égard des nouvelles doctrines juridiques italiennes (trad. des Animadversiones ad criminalem jurisprudentiam pertinentes de P. Risi et Dei delitti e delle pene de C. Beccaria) ; voir M. Mirri, «La cultura svizzera, Rousseau e Beccaria : variazoni settecentesche sul tema della virtù », Memorie dell' Accademia delle Scienze di Torino, Classe di scienze morali, storiche e filologiche, 4e série, n° 9, Turin, 1966, p. 133-239) ; il a affirmé son opposition à la torture (Essai sur l'usage, l'abus et les inconvénients de la torture dans la procédure criminelle), sa position en faveur de la tolérance dans le cadre d'un conservatisme fondamental quoique « éclairé » en matière de religion.

Le cosmopolitisme et la liberté, des valeurs étroitement liées avec l'helvétisme, constituent le trait d'union entre cette idéologie et les idées de S. sur la fonction du journaliste et du critique. C'est en vertu de sa qualité de «Suisse», «philosophe», «homme libre», qu'il peut s'acquitter de ses devoirs à l'égard de la République des Lettres et du public. En collaborant à la diffusion des résultats des recherches de ses contemporains, il s'inspire de 1'«amour des lettres», et vise à une équitable distinction entre vérités et erreur, mérites littéraires et démérites.

La fonction du journal selon S. est «presque uniquement d'instruire en dévoilant des utilités cachées, des beautés inconnues [...]. Ce plaisir doit y naître continuellement du goût et le goût ne doit naître que de l'utilité qu'en retire le lecteur. Je regarde le journaliste comme un relateur». Selon S., la physionomie professionnelle du «journaliste» s'éloigne de plus en plus de celle de l'auteur et possède désormais ses propres traits ; elle se définit par la satisfaction des exigences culturelles du public. S. participe aussi à une tendance générale de l'évolution du journalisme (voir H. Mattauch, Die literarische Kritik der frühen französischen Zeitschriften (1665-1748), München, 1968, p. 37). S. renverse les termes traditionnels de la question de la préséance ou de la dignité littéraire des diverses langues, anciennes et modernes : il n'accorde aucune préséance à une langue plutôt qu'à une autre et refuse les Paradoxes nationaux «que produit l'amour excessif de la patrie». Le nouveau critère que S. introduit dans la discussion est le suivant : c'est l'apport d'une langue à la littérature qui définit la supériorité de cette langue (dans quelle mesure se ressent-il des théories de J.P. de Crousaz?).

6. Activités journalistiques

Sous différentes formes, S. a contribué aux périodiques suivantes : Bibliothèque italique ; Mercure de Neufchâtel (Mercure Suisse, Journal Helvétique, Nouveau Journal Helvétique) ; Museum Helveticum ; Choix littéraire ; Sammlungen der schwei­zerischen Gesellschaft in Bern, [...] Abhandlungen und Beobachtungen durch die Oekonomische Gesellschaft ; Gazette littéraire et universelle de l'Europe ; Relations des Ecoles de charité fondées à Lausanne ; Mercure de France ; Continuation des Mémoires de littérature et d'histoire ; Bibliothèque française ; Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savants de l'Europe ; Bibliothèque germanique ; Recueil des pièces d'éloquence présentées à l'Académie des belles-lettres de Marseille. Pour des détails concernant les articles de ces périodiques, les nombreuses traductions et toute l'œuvre de S. voir N, p. 131 et suiv.

8. Bibliographie

B.P.U., fonds Seigneux. – (N) Nordmann P., Gabriel Seigneux de Correvon : ein Schweizerischer Kosmopolit (1695­1775). Florence, 1947. – CandauxJ.D., «Les Gazettes helvétiques. Inventaire provisoire des périodiques littéraires et scientifiques de langue française publiés en Suisse de 1693 à 1795» dans L'Etude des périodiques anciens, colloque d'Utrecht, éd. M. Couperus, Paris, Nizet, 1973. – Cavadini-Canonica T., Le Lettere di Scipione Maffei e la «Bibliothèque Italique», Lugano-Fribourg, mai 1970. – Crucitti-Ullrich F.B., La « Bibliothèque italique » : cultura « italianisante » e giornalismo letterario, Milan, Naples, Ricciardi, 1974. – Id., «Erudition, engagement, exil : six lettres inédites de François-Denis Camusat», Studi francesi, t. XIX, 1975, p. 48-62.