FONTAINE DE LA ROCHE

Numéro

307

Prénom

Jacques

Naissance

1688

Décès

1761

1. État-civil

«M. Jacques Fontaine, prêtre, licencié en droit et ancien curé de Mantelan, diocèse de Tours, naquit le 5 mai 1688 à Fontenai-le-Comte en Poitou, de Francois Fontaine, receveur des tailles, et de Marie-Anne Chevredans» (E., p. 49). Les registres paroissiaux de Fontenai (Vendée) manquent pour cette période ; l'Eloge (E.) nous donne pour l'ensemble de la vie de Fontaine des indications précises sur lesquelles s'appuient toutes les notices biographiques. F. est mort à Paris, dans la paroisse de Saint-Etienne-du-Mont, le 26 mai 1761 (E. et Supplément au Nécrologe des plus célèbres défenseurs et confesseurs de la vérité).

2. Formation

F. commença ses études au collège des Jésuites de Fontenai, mais passa rapidement dans le diocèse de Tours, où il reçut la tonsure dès 1701, à l'âge de treize ans ; protégé par l'évêque Ysoré d'Hervault, il est nommé chapelain de la Magdeleine de la Ripaudière à la cathédrale de Tours ; sous-diacre puis diacre de la cathédrale, il commence à y prêcher. Il reçoit la prêtrise à Paris en 1712. «Il prit la même année des degrés en Droit ; et il se trouvait à sa mort le doyen des licenciés de cette Faculté» (E., p. 49). Nommé d'abord chapelain-aumônier de l'Hôpital de la Charité à Tours, il est pourvu de la cure de Mantelan en 1713, au moment même où est promulguée la Bulle Unigenitus. Devenu bientôt le porte-parole des chanoines et curés jansénistes du diocèse de Tours, il se heurte au nouvel évêque, Mgr. Chapt de Rastignac (nommé en 1723), contre qui il publie le 10 juin 1727 la Lettre d'un ecclésiastique à M. de Rastignac (E). Menacé de lettre de cachet, il s'enfuit en août-septembre 1728.

3. Carrière

Sa carrière se confond désormais avec celle des Nouvelles ecclésiastiques (N.E.). Il trouve asile chez les frères J.B. et A. Desessarts qui, dès 1727, avaient entrepris de constituer un réseau d'informations janséniste et qui furent, au début de 1728, les administrateurs des N.E. imprimées. Après avoir mis F. à l'essai, ils le font entrer dans la rédaction en février 1729 ; il y restera jusqu'à sa mort.

4. Situation de fortune

Comme la plupart des journalistes permanents des N.E., F. semble avoir été abrité pendant toute sa carrière par les communautés jansénistes du quartier latin, et notamment de la paroisse Saint-Etienne-du-Mont. La duchesse de Rochechouart «l'honora d'une bienveillance toute particulière» (E., p. 52).

5. Opinions

Esprit juridique et théologien rigoureux, F. parvint à concilier les diverses tendances qui partageaient le mouvement janséniste. Il sut se ménager les autorités spirituelles du parti, J.J. Duguet d'abord, puis l'abbé d'Etemare, et se démarquer progressivement des «convulsionnaires», en particulier de Carré de Montgeron. A partir des années 1740, persuadé que les discussions interminables sur la Constitution Unigenitus font le jeu des philosophes déistes et matérialistes, il oriente les N.E. vers la critique des encyclopédistes. Il publie dans les N.E. du 9 et du 16 octobre 1749 une Critique de l'Esprit des Lois très violente, qui oblige Montesquieu à publier l'année suivante sa Défense de l'Esprit des Lois (voir R. Shackleton, Montesquieu, biographie critique, P.U.G., 1977, p. 281 et suiv.). A la fin de 1751, F. prend vigoureusement parti contre les thèses de l'abbé de Prades, condamne la négligence de la Sorbonne et lance une offensive en règle contre l'Encyclopédie. Le Supplément au Nécrologe rappellera qu'il fut le premier à lancer des traits «contre les Voltaire, les Montesquieu, les Buffon, les de Prades, les Helvétius et autres partisans du déisme et du matérialisme» (t. III, p. l78). Les Tables raisonnées des N.E. donnent effectivement sous ces noms de nombreuses références. D'Alembert crut bon de répondre à ces attaques dans l'article «Ecclésiastiques (Nouvelles)» (Encyclopédie, t. V paru en novembre 1755), et dans son pamphlet Sur la destruction des Jésuites en France (1765). Quoique polémiste redoutable, Fontaine n'avait rien d'un fanatique, et son rôle à la tête des N.E. fut aussi celui d'un modérateur -ce qui pourrait expliquer la clémence du pouvoir à son égard. Sa doctrine résume inlassablement l'orthodoxie janséniste après la promulgation de la Bulle ; solidaire des curés de paroisse, successeurs des soixante-douze disciples, F. rappelle sans cesse la mission des pasteurs ; il n'attaque pas directement le pouvoir et se montre souvent légaliste ; il s'efforce de donner aux N.E. une base doctrinale solide, et une acuité critique d'une réelle efficacité. Montesquieu et les encyclopédistes en ont senti les effets, mais surtout les Jésuites, à la suite des attentats du Portugal et de l'affaire Lavalette ; F. a sans doute contribué à la suppression des Jésuites qui survint, comme le rappelle son Eloge, un an après sa mort.

6. Activités journalistiques

Avec Philippe Boucher et Louis Troya d'Assigny, F. fit partie de la première équipe de rédaction des Nouvelles ecclésiastiques : «Nous voyons dans une de ses lettres que la 1re expédition qui soit sortie de son secrétariat est du 22 février 1729. Mais il ne fut proprement chargé de ce travail qu'un mois ou deux après...» (E., p. 49). Il prend alors conseil de J.J. Duguet qui «lui traça le plan et les règles qu'il devait suivre». Sa nièce, Mme Mol, semble avoir mal supporté qu'il fût concurrencé par un journaliste moins connu, Boursier. Après son retour de Hollande, fort de l'appui de Soanen, F. devient en fait le chef de la rédaction et le resta jusqu'à sa mort.

Les Nouvelles ecclésiastiques «ou Mémoires pour servir à l'histoire de la Constitution Unigenitus» (mais le titre des feuilles est : Suite des Nouvelles ecclésiastiques), publiées deux fois par semaine à Paris et dans plusieurs villes de la périphérie parisienne, puis, dans les dernières années du siècle, en Hollande, reproduisent pour une grande part des lettres de correspondants, mais comportent également des comptes rendus d'ouvrages théologiques, des commentaires de mandements épiscopaux et des réponses détaillées aux journaux d'inspiration jésuite. C'est cette partie théorique qu'il faut attribuer en majeure partie, de 1729 à 1761, à Fontaine de La Roche ; mais il lui arrive aussi de fournir des relations détaillées d'événements importants ou significatifs, comme l'arrestation de l'imprimeur Baudrier en février 1730 (E., p. 50).

7. Publications diverses

Discours sur les Nouvelles ecclésiastiques, s.l., 1748 ; rééd. en 1759 : ce recueil des discours préliminaires des tomes annuels des N.E. fut entrepris par l'abbé Le Gros en 1735 (F.L. 1769) et continué par F.– Critique de l'Esprit des Lois, Genève, 1753, réédition des fragments parus dans les N.E. d'octobre 1749.

8. Bibliographie

Feller-Weiss, , N.B.G., B.Un., D.B.F., F.L. 1769. – Chaudon I.M., Nouveau dictionnaire historique, Caen, 1779. – (E) «Eloge de J. Fontaine», Nouvelles ecclésiastiques, 27 mars 1771, p. 49-52. – Supplément au Nécrologe des plus célèbres défenseurs de la vérité, 1760, t. III. – Sevestre, leçons publiées dans Cours de l'Ecole des Hautes Etudes Sociales, 1923-1924, 1926-1927. – Préclin E., Les Jansénistes du XVllle siècle et la Constitution civile du clergé, Paris, Gamber, 1929, p. 135-138.

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