DUFRENOY

Numéro

263

Prénom

Adélaïde

Naissance

1765

Décès

1825

1. État-civil

Adélaïde Gillette Billet est née à Paris, rue de Harlay, le 3 décembre 1765. Son père, Jacques Billet, est un très riche joaillier de la couronne de Pologne et de plusieurs grandes familles de France, érudit, aimant les lettres et les arts. Elle épouse à 15 (ou 16) ans M. Petit Dufrénoy, procureur au Châtelet de Paris, qui avait été l'homme de confiance de Voltaire (N.B.G.). Un fils, Pierre Armand, naît le 5 septembre 1792 ; celui-ci deviendra un savant connu, géologue et minéralogiste. Mme Dufrénoy a eu aussi très probablement une fille (A. Jay, son biographe, est son gendre).

Elle meurt le 7 mars 1825 à Paris d'une maladie de poitrine, à soixante ans. Tissor prononce sur sa tombe l'éloge funéraire ; Pongerville lit un éloge composé par Ségur. Son mari est mort en 1812.

2. Formation

Une tante religieuse, la mère supérieure Saint-Félix de la maison des Sœurs hospitalières de la Roquette, se charge de son éducation dans cet établissement. D. manifeste très tôt un goût prononcé pour la poésie. Le 5 avril 1815, elle remporte le prix de poésie donné par l'Institut impérial pour «Les dernières paroles du Chevalier Bayard». L'abbé Sicard, présidant la séance, dit à cette occasion : « On peut rappeler que dans le premier concours ouvert par l'Académie Française, en 1671, une femme remporta le prix : Mlle de Scudéry ; après 140 ans, Mme Dufrénoy est la seule femme qui ait obtenu cette distinction par un ouvrage dont le mérite ne sera pas contesté par les gens des siècles suivants » (Marquiset, p. 85). Elle remporte également d'autres prix, celui de l'Académie des Jeux Floraux, celui de Cambray.

3. Carrière

A la Révolution, le couple D. se réfugie dans sa propriété de La Fossée, située à Servan en Seine-et-Oise et donne asile à des amis proscrits : Marcellin de Fontanes, Félix Faulcon, le baron de Gérando, Camille Jordan. Des amis obtiennent pour M. Dufrénoy, ruiné et presque aveugle, une place de greffier au tribunal d'Alexandrie, en Italie. Puis le couple regagne la France dans les années 1805 et vit à Paris.

En 1813, D. est une des dames qui accompagnent l'impératrice Marie-Louise à Cherbourg.

En janvier 1787, lorsque D. devient propriétaire et rédactrice du Courrier lyrique et amusant, elle habite, avec son mari, quai de l'Ecole. Veuve à partir de 1812, elle vit avec sa sœur et sa mère, Mme Duchauffour.

4. Situation de fortune

Pendant la Révolution, son mari étant ruiné et atteint de cécité, D. fait des copies jour et nuit pour des avocats, des avoués, des hommes d'affaires. Puis durant leur séjour à Alexandrie, la cécité de son mari augmentant, elle lui tient lieu de secrétaire et rédige livres et rôles. De retour en France, son mari à la retraite, D. n'a plus aucune ressource. Elle essaie de vivre de ses travaux littéraires jusqu'au jour où, par l'entremise d'Arnault et de son protecteur et confident le comte de Ségur, elle reçoit des secours du gouvernement impérial. Elle reçoit du ministre de la police une récompense de 1200 F. avec Lebailly, Murville, Chazet et Hurtaut-Delorme comme auteur de vers à l'occasion de la naissance du Roi de Rome. En juillet 1812, le comte de Montalivet lui envoie 300 F. pour la remercier d'une allégorie. Avec la chute de l'Empire, elle perd les ressources dont elle bénéficiait et ne vit que de sa plume.

5. Opinions

Lorsqu'elle épouse Dufrénoy, elle fréquente une société brillante de gens de lettres tels que La Harpe, Thomas, Condorcet et Chamfort. Elle rédige le Courrier lyrique et amusant avec la collaboration de M. de Murville (Pierre-Nicolas-André, dit Murville). La Harpe se moque de cette collaboration en parlant de deux comédies de M. de Murville, Lanval et Viviane, ou les frères et les chevaliers (1788) et L'Amour exilé des deux (1788) : «C'est de la mauvaise mythologie sans aucune apparence de plan scénique. Il y a quelques vers bien tournés comme dans l'autre pièce, toutes deux sont de la même plume quoique la dernière ait paru sous le nom d'une Mme Dufrénoy qui rédige avec M. de Murville Le Courrier lyrique et amusant, lequel amuse fort peu les lecteurs. M. de Murville a dédié sa pièce à cette Mme Dufrénoy qu'il appelle son <écolière> ; son écolière vaut bien le maître» (Correspondances littéraire, t. V, p. 310).

D. connaît une longue amitié amoureuse pour Marcellin de Fontanes qui publie des essais poétiques dans le Mercure de France et L’Almanach des Muses ; il est également rédacteur en chef du Journal de la ville ou le Modérateur (1789). Sous l'Empire, Fontanes la délaisse pour Maria Anna Bonaparte, dite Elisa. A l'âge de cinquante-cinq ans, elle connaît un second amour avec J.J. Coulmann, maître des requêtes au Conseil d'Etat (Marquiset). Après la Révolution, elle fréquente mesdames Babois, Joliveau de Segrais, Desroches, de Gérando. Cette dernière écrit d'elle en 1802, s'adressant à la baronne de Stein : «Tu seras sans doute bien aise d'avoir quelques détails sur une des dames dont les noms t'auront plus d'une fois frappée dans nos Almanachs des Muses et recueil de poésies, comme Mmes de Bourdic-Viot, Pipelet, Dufrénoy, de Montolieu, etc. [...]. Je connais plus particulièrement Mme Dufrénoy qui est liée avec mon mari et Camille Jordan ; elle me témoigne de l'amitié et ses amitiés sont des passions. Elle a fait autrefois des chansons pour animer les républicains, et elle allait les chanter dans les rues au milieu des Parisiens, à une époque où il a fallu les exciter à de périlleuses entreprises. Depuis les excès révolutionnaires elle est devenue aristocrate aussi ardente qu'elle avait été patriote exaltée. Ses paroles n'expriment que l'énergie mais quoi qu'elle soit sur le retour de l'âge et enlaidie par des maladies, son cœur respire encore l'amour. Ses souffrances physiques lui ont beaucoup fait perdre de son talent littéraire» (Gérando, p. 184).

6. Activités journalistiques

D. est directrice et rédactrice du Courrier lyrique et amusant de janvier 1787 à janvier 1789 (le Courrier lyrique et amusant ou passe-temps des toilettes existe depuis juin 1785 et paraît tous les 15 jours, à Paris, chez Knapen et fils : voir D.P. 1 311).

Après la Révolution, elle rédige beaucoup d'articles pour les journaux, surtout des comptes rendus de romans : elle collabore au Petit Magasin des dames avec Mmes de Montan-clos, de Beauharnais (1804-1807), à la Gazette de France, à L'Abeille, au journal Les Dimanches, petit journal récréatif à l'usage de la jeunesse des deux sexes (1815-1816), avec Mme de Genlis : de plus, elle dirige la Minerve littéraire. Son nom est au frontispice de L’Almanach des dames, de l'Hommage aux demoiselles en 1825 et 1826.

7. Publications diverses

«Boutade à un ami», dans L’Almanach des Muses, 1787.

L'Amour exilé des deux, pièce de théâtre représentée au Théâtre-Français, 1788. – Armand ou les Bienfaits des perruques, pièce anecdotique, 1799. – Santa Maria, ou la Grotte mystérieuse par Fox, 1800, 2 vol. in-12. – Le Jeune héritier ou l'Appartement défendu, par Will Henley, 2 vol. in-12, deux romans traduits de l'anglais. – Elégies, 1er éd., 1807. – La Femme auteur ou les Inconvénients de la célébrité, Paris, 1812, 2 vol. in-12. – Tour du monde ou Tableau géographique de tous les peuples, 1813,6 vol. in-i 8. – Etrennes à ma fille ou Soirées amusantes de la jeunesse (recueil de contes), 1814, 2 vol. in-12. – La Petite ménagère, ou l'Education maternelle, 1815, 4 vol. in-18. – Biographie des jeunes demoiselles, 1816, 4 vol. in-12. – Les Conversations maternelles, 1817, 2 vol. in-12.

Petite Encyclopédie de l'enfance, 1817, 2 vol. in-18. – Elle commence la Bibliothèque choisie des dames, en 6 séries, 1818.

Les Françaises, Nouvelles, Par Mme Dufrénoy, Paris, A. Emery. 1820, 2 vol. – Contes, nouvelles et historiettes, par Mme la Comtesse de Genlis, Mme la Comtesse de Beaufort d'Hautpoul, Mme Dufrénoy, Paris, Bertrand, 1820, 2 vol. in-12. – Le Livre des femmes, choix de morceaux extraits des meilleurs écrivains français, sur le caractère, les mœurs et l'esprit des femmes, par Mmes Dufrénoy et A. Rastu, Gand, 1823, 2 t. en 1 vol. in-12. – Beautés de l'histoire de la Grèce moderne, depuis 1770, 1825, 2 vol. in-12. – Œuvres poétiques, Paris, 1827.

8. Bibliographie

B.Un. ; N.B.G. ; D.B.F. ; CL. –La Harpe J.F. de, Correspondance littéraire, Paris, Migneret, 1801-1807, t. V, p. 310. – Rivarol A., Le Petit Almanach de nos grandes femmes, s.l.n.d. [Londres, 1789]. – Le Tableau de nos poètes vivants, Paris, 1790. – Marquiset A., Les Bas-bleus du Ier Empire, Paris, Champion, 1813. – Gérinal, Derniers vers de Mme Dufrénoy, précédés et suivis de pièces intéressantes sur sa vie, et ses ouvrages, Paris, Mongrie, 1825. – Pongerville et Chauvet, «Notice nécrologique sur Mme Dufrénoy, et élégie sur sa mort», La Revue encyclopédique, mars 1825, p. 889-894. – Dufrénoy A., Œuvres poétiques précédées d'observations sur sa vie et ses ouvrages (par A. Jay), Paris, Moutardier, 1827, p. 5-37 (portrait). – Dupin A., La France illustrée par ses femmes, Paris, Maumus, 1833, p. 213-223. – Sainte-Beuve C.A., Portraits de femmes, Paris, Didier, 1844. – Drohojowska comtesse de, Les Femmes illustres de la France, Paris, 1850. – Coulmann J.J., Réminiscences, Paris, M. Lévy, 1862, t. I, p. 71-75. – Quitard P.M., Anthologie de l'amour, Paris, 1862. – Gérando Mme de, Lettres de la baronne de Gérando, Paris, Didier, 1880, p. 184.