ARNAUD

Numéro

017

Prénom

François

Naissance

1721

Décès

1784

1. État-civil

François Arnaud, fils de Joseph Louis Arnaud et de Marguerite Rose Cattrier, naquit à Aubignan en Vaucluse le 27 juillet 1721. Son père, qui prit grand soin de son éducation, était musicien violoniste; il communiqua à son fils l'amour de la musique. La famille quitta bientôt Aubignan pour s'installer à Carpentras. Cette petite ville était un centre musical, on y fréquentait des compositeurs, des joueurs d'instruments qui jouissaient de l'hospitalité des prélats italiens attirés par l'importance des prébendes de ce comté (Bricqueville E., L'Abbé Arnaud et la réforme de l'Opéra au XVIIIe, p. 8). Il meurt à Paris le 2 décembre 1785.

2. Formation

Arnaud fit ses études au collège des Jésuites de cette ville. Il entra ensuite au petit séminaire de Viviers, près de Valence. Il décida alors d'embrasser l'état ecclésiastique, plutôt par goût des études que par vocation. Il se perfectionna dans la connaissance des langues anciennes, en particulier de la langue grecque qu'il admirait par dessus tout. Il cultiva aussi les langues vivantes. Ordonné prêtre, il revint à Carpentras où l'évêque l'honorait de sa protection et lui ouvrit sa bibliothèque qu'il venait d'enrichir de celle du savant Peiresc.

3. Carrière

En mai 1753, à l'âge de trente-deux ans, l'abbé Arnaud vint à Paris. Le dépaysement qu'il éprouva dans la capitale lui rendit les premiers temps de son séjour à Paris particulièrement pénibles; il songeait même à retourner dans sa province natale quand il se lia avec Jean Baptiste Suard d'une amitié qui devait durer vingt-trois ans.

Il obtint comme premier emploi celui de bibliothécaire auprès du duc Louis de Würtemberg, lieutenant-général des armées du roi. En 1754 il écrivit une Lettre sur la musique qu'il dédia au comte de Caylus. Elle lui fut inspirée par la lettre de J.J. Rousseau sur la musique. Ce petit essai établit sa réputation d'homme de lettres.

En 1760 il débuta dans le journalisme en assumant la direction du Journal étranger avec la collaboration de son ami Suard. Le 26 mars 1762, il fut élu membre de l'Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres. La même année, il obtint le poste de lecteur de la Bibliothèque de Monsieur et, à la même époque, il assuma les fonctions d'historiographe des chevaliers de Saint-Lazare et de Jérusalem. Cette année-là aussi, il cessa en septembre de faire paraître le Journal étranger pour fonder la Gazette littéraire de l'Europe sous la protection du duc de Praslin. Mais ce projet ne fut mis à exécution que le 1er mars 1764.

En 1766 il abandonna la rédaction de la Gazette littéraire pour prendre la direction de la Gazette de France, occupation qui lui demandait moins de travail que la rédaction du précédent périodique, puisqu'il s'agissait de fournir une demi-feuille par semaine dans les bureaux des Affaires Etrangères. Mais quand survint la disgrâce de Choiseul (1770), son successeur le duc d'Aiguillon s'empressa d'écarter les protégés de son prédécesseur.

L'abbé perdit sa place malgré l'intervention de Madame de Maupeou et du duc de Nivernais. Dépourvu de fortune personnelle, il dut se contenter d'une pension de 2500 £. L'avocat Gerbier, ami de longue date à qui Arnaud avait prêté le secours de sa plume, obtint pour lui le bénéfice de l'abbaye de Grandchamp.

En 1771 il fut élu à l'Académie française en remplacement de Monsieur de Mairan. Dans son discours d'inauguration, il traita du caractère des langues anciennes comparées avec la langue française.

En 1777l le Journal de Paris commence à paraître; l'abbé Arnaud lui fournira de nombreux articles. Cette année-là éclata la fameuse querelle entre les Gluckistes soutenus par l'abbé Arnaud et les Piccinistes défendus par Marmontel et La Harpe.

Au salon de 1769 fut exposé son portrait exécuté par son compatriote Duplessis. Ce portrait, le chef-d'oeuvre de cet artiste, est aujourd'hui au Musée de Carpentras; il fut gravé en 1785 par L. Valperga.

4. Situation de fortune

Il obtient en 1765 l'abbaye de Grandchamp (diocèse de Chartres) dont le revenu était estimé à 2600 £ (A.R.; voir par ex. A.R. de 1780, p. 73). La Gazette de France lui rapporte, selon Diderot, une «petite fortune» (lettre à S. Volland du 26 sept. 1762, éd. Roth, t. II, p. 183). Lorsque le privilège lui est retiré en 1771, il reçoit de substantiels dédommagements; Mme d'Epinay écrit à l'abbé Galiani, le 30 novembre 1771: «Je ne sais si je vous ai mandé que Suard et l'abbé Arnaud avaient chacun une pension de 2500 livres, une somme de 9000 livres à partager entre eux deux et des espérances pour l'avenir» (La Signora d'Epinay e l'abate Galiani, lettere inedite (1769 - 1772), éd. F. Nicolini, Bari, Laterza, 1929, p. 225). Avec une abbaye, une pension de 2500 £ et ses revenus de bibliothécaire de Monsieur puis d'historiographe de Saint-Lazare, A. connaît une véritable aisance.

5. Opinions

A. était un être d'une vive impressionnabilité, doué d'une grande imagination mais de tempérament indolent, «paresseux du meilleur goût qui existe» disait de lui La Harpe. Habituellement plein de douceur et de politesse dans la discussion littéraire, il pouvait sortir de sa modération; il devenait alors d'une intolérance excessive. Dévoué pour ses amis, brillant dans la conversation, d'une grande culture, musicologue et helléniste distingué, il jouissait de tous les appuis à la cour et dans les sphères les plus élevées de la société. Tous l'accueillaient, il était l'habitué des salons de Madame Geoffrin, de Madame Saurin, de Madame Necker et des réunions qui se tenaient chez l'abbé Morellet. Il était l'ami des philosophes, des artistes comme Van Loo, Grétry, Duni, le comte de Caylus. Il connut des étrangers distingués par l'esprit et le talent: Hume, Sterne, Garrick, Creutz, ambassadeur de Suède, le baron Gleischen, chargé d'affaires du Danemark en France. Alfieri recherchait ses critiques et ses conseils. On l'appréciait pour la diversité de ses connaissances et son ardeur à défendre ses idées.

6. Activités journalistiques

Malgré sa popularité, A. eut quelques démêlés retentissants. D'abord avec Malesherbes, Directeur de la librairie, à propos du Journal étranger. Ce périodique ayant cessé de paraître à la fin de 1758 par suite d'une mauvaise gestion des Associés au privilège, A. sollicita auprès de Malesherbes l'obtention d'un privilège exclusif; cette demande était contraire aux dispositions qui avaient été prises à la disparition du Journal étranger, à savoir que les journaux littéraires n'obtiendraient plus qu'une permission tacite et qu'ils seraient soumis au paiement d'une redevance au Journal des Savants. Malesherbes avait fait part de ces conditions à l'abbé Arnaud qui les avait acceptées. Néanmoins, à l'insu de Malesherbes, il avait sollicité la faveur de du Dauphin en le priant de lui accorder la permission de faire imprimer une dédicace en tête du premier journal à paraître. Le Dauphin, par l'intermédiaire du Chancelier, requit l'obtention du privilège exclusif avant d'accorder son autorisation. En apprenant cette tractation, Malesherbes s'indigna; il exposa dans plusieurs mémoires et lettres adressées au Chancelier Guillaume de Lamoignon, son père, les raisons pour lesquelles il s'opposait à cette dérogation pour un particulier «qu'il connaissait peu» et qui n'avait donné encore aucune preuve publique de ses talents; en outre cette mesure affaiblirait l'autorité de la Librairie. A. obtint cependant la grâce demandée; la dédicace parut avec quelque retard en tête du journal de février. Sur la page de titre figure la mention «Privilège du roi», autorisée alors même que la publication n'avait obtenu qu'une permission tacite (voir B.N., f.fr. 22133, f° 128-159).

L'abbé Morellet rapporte dans ses Mémoires un différend qui éclata entre les auteurs de la Gazette littéraire, A. et Suard, et l'archevêque de Paris, Monseigneur de Beaumont. Ce journal déplaisait aux dévots pour son approche trop philosophique. Des théologiens y décelèrent des propositions «répréhensibles» qu'ils dévoilèrent dans un écrit dénonciateur; quand ils en eurent connaissance, les auteurs de la Gazette littéraire chargèrent leur ami l'abbé Morellet de répondre aux attaques des théologiens. Morellet composa une petite brochure sans nom d'auteur (Observations sur une dénonciation de la Gazette littéraire faite à M. l'archevêque de Paris); il l'envoya à Damilaville, le fidèle correspondant de Voltaire. Ce dernier, qui prenait un grand intérêt à la publication du périodique et contribuait à de nombreux articles, envoya le manuscrit à l'imprimeur Cramer de Genève. Les conséquences auraient pu être très graves pour A. et Suard, cependant ils ne furent pas poursuivis par le pouvoir.

A. obtient le privilège de la Gazette de France en septembre 1762 (Diderot à S. Volland, 26 sept. 1762, éd. Roth, t. II, p. 183). En septembre 1771 (annonce de la Gazette du 14 sept.), le privilège est donné à Marin. A. mit toute son ardeur à prendre le parti du musicien allemand Gluck, le protégé de la reine Marie-Antoinette qui avait été son élève à Vienne. En 1774, Gluck fut invité à venir à Paris pour y préparer la musique de son opéra Iphigénie. Ce créateur de la musique dramatique souleva une violente hostilité de la part des partisans de Lulli, Rameau et de la musique italienne. A. que Garat surnommait «le Saint Paul du culte de Gluck» attaqua avec passion les adversaires de Gluck. Ceux-ci pour réhabiliter la musique italienne invitèrent Piccini qui arriva à Paris en décembre 1776. A. l'accabla de ses sarcasmes dans les feuilles du Journal de Paris. Marmontel, zélé partisan de Piccini, composa un petit poème qu'il intitula Polymnie et dans lequel il se gaussait d’A. Cette querelle qui agita la ville et la cour, dura cinq ans et dégénéra en guerre d'épigrammes entre gluckistes et piccinistes.

7. Publications diverses

Cior 18, n° 8447-8458

8. Bibliographie

D.B.F., Cio 18. – B.N., f.fr. 22133, f° 128-159. A., Oeuvres complètes de l'abbé Arnaud, éd. par Léonard Boudou, 1808. – La Harpe J.H., Correspondance littéraire, 1828. – Morellet A., Mémoires inédits, 1821, t. I. – Garat D.J., Mémoires historiques sur la vie de M. Suard, sur ses oeuvres et le XVIIIe siècle, 1820. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, (lettre de Voltaire à A., 29 juil. 1763, D 11321).