TOURNAL

Numéro

774

Prénom

Sabin

Naissance

1754

Décès

1795

Sabin Tournai est né à Grenoble (par. Saint-Louis), le 18 décembre 1754,fils de Jean Tournai, receveur des domaines du roi et de Marie Mingau. Epouse en décembre 1784, Julie Marie Catherine Ville. Mort à Entraigues (Vaucluse) le 21 octobre 1795.

3. Carrière

En 1783, il était depuis six ans secrétaire de Leblanc, propriétaire du privilège du Courrier d'Avignon qui réside habituellement à Paris. Premier secrétaire de la chancellerie du comte d'Artois, il vient s'installer à Avignon en novembre 1783 comme fondé de pouvoirs de la veuve Leblanc, directrice des postes et, à partir de mars 1784, il devient rédacteur du Courrier jusqu'à la Révolution. Sa mère et sa sœur habitent Nîmes.

4. Situation de fortune

T. possède une fortune personnelle non négligeable : son contrat de mariage indique un don à son épouse d'une valeur de 15 000 £ à prendre après son décès, plus 12 000 £ en bijoux à titre de présent de noces. Son traitement comme rédacteur du Courrier est de 2000 £ par an.

5. Opinions

Dès le début de la Révolution, T. prend vigoureusement parti pour la faction la plus avancée des patriotes avignonnais qui réclament la réunion à la France. Les opinions exprimées dans son journal et son attitude militante lui valent des haines féroces et plusieurs séjours en prison selon les vicissitudes des événements politiques. Il est arrêté, en particulier, avec les responsables des massacres de la Glacière dans la nuit du 9 au 10 novembre 1791. Il s'évade quand sa prison est prise d'assaut par ses amis le 4 avril 1792. Réfugié à Arles, il en revient en triomphateur avec les commissaires Rebecquy et Bertin le 29 avril. Arrêté de nouveau lors de l'insurrection fédéraliste et de l'occupation d'Avignon par les troupes marseillaises le 24 juillet 1793. Il est emmené à Marseille par les fédéralistes dans leur repli, mais il est libéré par l'entrée des troupes de Carteaux à Marseille le 25 août. Rentré à Avignon, il renonce, pour raison de santé à reprendre la rédaction du Courrier. Il est de nouveau inquiété par le comité de sûreté générale du département du Vaucluse en octobre 1793. On ne sait ce qu'il devient ensuite.

6. Activités journalistiques

Pendant son séjour à Paris comme secrétaire de Leblanc, T. dirige la correspondance parisienne du Courrier et rédige lui-même un ouvrage périodique (titre inconnu). Cette activité de journaliste lui vaut quelques ennuis lorsque la reine se plaint d'écrits injurieux parus sur son compte à Londres sur des informations venues de Paris. La police fait des perquisitions chez tous les correspondants des gazettes et tous ceux qui s'occupent de la publication des nouvelles afin de découvrir l'origine de ces informations malveillantes. T. est du nombre des nouvellistes suspects et il est enfermé quelque temps à la Bastille mais il est élargi après dix-huit jours de détention seulement.

Il arrive à Avignon en novembre 178 3 et succède à Artaud comme rédacteur du Courrier en mars 1784. La propriétaire du privilège, la veuve Leblanc, l'accuse d'être responsable de la baisse du nombre d'abonnés et cherche à l'évincer mais elle est tenue par le contrat signé pour la même durée que le bail du Courrier et ne peut parvenir à ses fins. T. reste rédacteur et c'est lui qui évince la veuve Leblanc en obtenant, le 27 novembre 1790, un arrêté de la municipalité d'Avignon qui interdit à J.F. Bérard, à qui la veuve Leblanc avait cédé l'exploitation de son privilège, l'utilisation de ce titre pour aucun écrit, en raison des sentiments hostiles à la cause avignonnaise qu'il avait fait paraître dans une autre feuille périodique qu'il dirigeait : le Journal général de commerce, de politique et de littérature, imprimé à Paris.

Le 30 novembre 1790, la municipalité d'Avignon autorise T. à publier une feuille périodique sous le titre de Courrier d'Avignon. Cette publication est interrompue par l'arrestation de T. le 10 novembre 1791. Le 9 mai 1791, la municipalité d'Avignon avait révoqué la permission obtenue par T. le 30 novembre précédent et rendu ses droits à la veuve Leblanc : pendant cette période, il existe deux Courrier d'Avignon concurrents, l'un rédigé et imprimé par T., l'autre publié par les soins de la veuve Leblanc et imprimé chez Aubanel, du 24 mai 1791 jusqu'au 18 août 1792.

T. reprend la publication de sa feuille le 10 septembre 1792. Elle est suspendue par arrêté des représentants Bayle et Boisset du 12 avril 1793 mais elle est continuée sous le même titre par une « société de gens de lettres » jusqu'au 2 juin 1793 ; T. en reprend alors la rédaction après avoir obtenu de la Convention l'annulation de l'arrêté qui le frappait. La publication est interrompue à nouveau le 14 juillet 1793 à cause de l'occupation d'Avignon par les fédéralistes marseillais. Elle reprend le 4 septembre 1793 mais elle est alors dirigée par une «société de gens de lettres amis de la constitution», car T., malade, a renoncé à son rôle de journaliste.

8. Bibliographie

A.D. Vaucluse, état civil d'Entraigues, acte du 29 vendémiaire an IV. –Journal de Marseille, 28 oct. 1795. – Barjavel CF., Dictionnaire historique, biographique et bibliographique du département de Vaucluse, Carpentras, 1841. – Rouvière F., Lundis révolutionnaires : études sur l'histoire de la Révolution dans le Gard, Nîmes, 1891 (voir p. 145-238 : «Un journaliste de province sous la Révolution : Sabin Tournai rédacteur du Courrier d'Avignon»). – Charpenne P., Les Grands épisodes de l'histoire de la Révolution et du Comtat-Venaissin, Avignon, 1901, t. II, p. 512. – Gérard R., Un journal de province sous la Révolution, le « Journal de Marseille » de Ferréol Beaugeard (1781-1797), Paris, 1964, p. 212. – Moulinas R., L'Imprimerie, la librairie et la presse à Avignon au XVIIIe siècle, P.U. de Grenoble, 1974.

MORÉNAS

Numéro

593

Prénom

François

Naissance

1702

Décès

1774

François Morénas est né à Avignon le 7 novembre 1702, fils de Etienne Morénas, perruquier, et Esprite Reverdite. Famille originaire du Dauphiné. Le père décède le 12 février 1725, à Avignon, âgé de cinquante-cinq ans, la mère est morte à Avignon le 30 septembre 1709 à trente-six ans. François Morénas se marie le 19 avril 1727 à Avignon avec une veuve de trois ans son aînée, Agathe Blanchard. Mariage forcé : un enfant, Marie Jeanne Agathe naît deux mois après le mariage, le 19 juin 1727. Mort de la première épouse le 13 novembre 1727.

2. Formation

Etudes probablement chez les Jésuites d'Avignon. Il fut pendant trois ans le condisciple du futur évêque de Béziers, Joseph de Beausset de Roquefort. Mis en apprentissage chez un notaire en 1719, M. se serait engagé ensuite dans un régiment d'infanterie. En 1721 il est religieux dans le couvent des Cordeliers d'Avignon. Quitte l'habit au début de 1723 au plus tard.

3. Carrière

Activités inconnues entre 1721 et 1733. En 1729, son frère Benezet Ignace, prêtre, doit intervenir pour sauver son aîné d'une contrainte par corps pour une dette de 200 £ envers un marchand cartier d'Avignon pour fourniture de «marchandises de draperie, papier et autres». M. fonde en 1733 le Courrier connu sous le nom de Courrier d'Avignon, qu'il rédige jusqu'en novembre 1742. Il quitte alors Avignon pendant six mois pour voyager on ne sait où. De retour à Avignon en mars 1743, il y séjourne jusqu'en 1768 ; y publie les Entretiens sur les affaires présentes de l'Europe, imprimés à Avignon de juillet 1743 à novembre 1748 puis à Arles jusqu'au 15 juin 1748. Il publie à Arles le Courrier d'Arles de février à juin 1748, redevient rédacteur du Courrier d'Avignon au début de 1750. Cette feuille est interdite en juillet 1768 après l'occupation d'Avignon par les troupes françaises. M. lance alors une feuille hebdomadaire d'« Affiches Annonces et Avis divers» à partir du 21 novembre 1768. Il se transporte ensuite à Monaco, à partir de janvier 1769 pour devenir rédacteur du Courrier de Monaco qui paraît à partir du 8 février 1769. Il exerce ces fonctions jusqu'à son décès le 3 novembre 1774.

4. Situation de fortune

La fortune de M. était très médiocre et ses entreprises commerciales ont été malheureuses. C'est pour se procurer de l'argent qu'il crée le Courrier. Il partage les bénéfices par moitié avec l'imprimeur de la feuille, Girard en 1733, puis Giroud, mais son départ précipité d'Avignon en 1742 rompt la convention signée en 1733 avec Giroud (Musée Calvet, ms. 2944, f° 337 et suiv.) qui, grâce à un procès gagné en 1744, devient le seul propriétaire de la feuille. A partir de 1750, M. dont les autres entreprises de presse ont échoué, redevient rédacteur du Courrier mais comme salarié et non plus comme associé de Giroud. Ses émoluments ne sont que de 600 à 800 £ par an. Un engagement daté du 29 août 1768 lui assure, pour la rédaction du Courrier de Monaco, 1600 £ payées d'avance, le logement, la nourriture et les frais de voyage (Archives du Palais de Monaco, Di). Sa plume féconde lui assure cependant quelques autres ressources ; il peut acheter quelques terres à Vedène près d'Avignon et sa troisième femme Hélène Olieu hérite de ses parents quelques biens ruraux à Mondragon. Sa situation financière est cependant toujours restée difficile.

5. Opinions

M. ne paraît pas avoir appartenu à aucun clan ou coterie. Hatin accusait le Courrier d'être une feuille entièrement à la dévotion des Jésuites (B.H.C., p. 58) ; en réalité le rédacteur du Courrier est obligé de rester extrêmement prudent pour ne pas déplaire, ni aux autorités pontificales sans l'autorisation desquelles sa feuille ne pourrait pas paraître, ni au gouvernement royal, sans la permission duquel le Courrier ne pourrait pas être diffusé en France où habitent presque tous ses lecteurs. Le Courrier n'est pas un journal d'opinion, mais uniquement d'informations, données la plupart du temps sous forme de dépêches sans commentaires.

6. Activités journalistiques

M. rédige successivement ou simultanément :

Le Courrier, depuis le premier numéro paru le 2 janvier 1733 jusqu'au numéro du 20 novembre 1742, puis de nouveau depuis janvier 1750 jusqu'à l'interdiction de la feuille en juillet 1768 (D.P.1 261). Publication d'abord hebdomadaire, puis, à partir du 7 novembre 1733, bi-hebdomadaire, imprimée chez F. Girard au début puis chez C. Giroud à partir de décembre 1733.

Nouvelles de l'Ordre de la Boisson : 2 numéros parus en janvier et février 1734 (D.P.1 1014), résurrection éphémère d'une feuille qui avait paru sous le même titre avec une périodicité très irrégulière dans les premières années du XVIIIe siècle (1703-1704).

Lettres historiques et politiques, mensuelles, consacrées à l'analyse des événements internationaux, imprimées à Avignon chez Paul Offray. Quérard donne à cet ouvrage la date de 1739, mais M. dit lui-même qu'elles commencèrent à paraître en janvier 1741 (D.P. 1 824). L'entreprise fut rapidement abandonnée sur l'intervention de C. Giroud, l'associé de M. pour le Courrier, qui reprochait à M. de violer la convention signée entre eux en 1733.

Entretiens historiques sur les affaires présentes de l'Europe : premier numéro paru en juillet 1743 (D.P.1 369). Petits opuscules d'une soixantaine de pages consacrés à l'analyse des événements politiques. Un numéro toutes les trois semai­nes, puis, à partir de novembre 1744, tous les quinze jours. Imprimé à Avignon chez Paul Offray, sous la fausse adresse de La Haye jusqu'en juin 1744, puis, chez ses héritiers, Antoine Georges et Angélique Offray, puis, à partir de novembre 1744, chez François Girard et Dominique Seguin, enfin, à partir de novembre 1747, chez Gaspard Mesnier, à Arles, jusqu'au dernier numéro du 15 juin 1748. Journal des affaires de l'Europe (D.P. 1 693) : quelques numéros publiés à la fin de l'année 1746, comme suite aux Entretiens historiques et toujours pour faire pièce au libraire Giroud. Le Courrier, publié à Arles, chez Gaspard Mesnier, pour essayer de rivaliser avec le Courrier d'Avignon, du 10 février 1748 à juin 1748 (D.P.1 260). Interdit sur ordre de l'intendant de Provence.

Lettres historiques sur la réunion de la ville d'Avignon et du Comtat Venaissin au domaine de la Couronne et Comté de Provence en 1663, 1688 et 1768 : 24 lettres formant un volume in-16 de 395 p., imprimées chez Jouve et Chaillot à Avignon en 1768 (D.P.1 825). Affiches, Annonces et Avis divers, dites Affiches d'Avignon (D.P.1 12) : journal fondé en association avec la veuve Payen ; premier numéro paru le 21 novembre 1768, imprimé chez J. Garrigan, puis, à partir du numéro 5, chez Delorme et Guibert à Avignon. Le Courrier de Monaco : depuis la création de la feuille dont le premier numéro paraît le 8 février 1769 jusqu'au décès de M. Imprimé à Monaco dans une imprimerie achetée spécialement pour cela par Mossy (D.P.1 262). On attribue également à M. un ouvrage dont le titre seul, Le Solitaire, est connu et qui aurait été un périodique publié à Arles en 1745 (F.L.).

7. Publications diverses

M. fut un écrivain infatigable et d'une prodigieuse fécondité. Parmi ses œuvres, on peut citer : Parallèle du ministère du cardinal de Richelieu et de celui du cardinal de Fleury, Avignon, 1743. – Histoire de la présente guerre, Avignon, 1744-1745, 3 vol. – Abrégé de l'histoire ecclésiastique de M. Fleury continuée jusqu'en 1750, Avignon, 1750, 10 vol. Dissertation sur le commerce, trad. de l'italien de Belloni, Avignon, 1753 et 1756. – Dictionnaire historique portatif de la géographie sacrée ancienne et moderne, Paris, 1759. – Idée de l'alliance de la maison de Bourbon et de la maison d'Autriche, 1759. – Dictionnaire portatif comprenant la géographie, l'histoire universelle, la chronologie, la mythologie, la physique, l'histoire naturelle, etc., Avignon, 1760-1762, 8 vol. – Dictionnaire portatif des cas de conscience, Avignon et Lyon, 1759, 1761 et 1768, 2 vol. ; nouvelle édition augmentée par une société de théologiens, Avignon et Lyon, 1770, 3 vol. Précis du résultat des conférences ecclésiastiques d'Angers, Avignon, 1764, 4 vol. – Histoire de la vie, des miracles et du culte du B.P. de Luxembourg, Luxeuil, 1766. – II avait été nommé en 1750 historiographe de la ville d'Avignon, et pour justifier son titre, il écrivit une histoire d'Avignon en 3 volumes, qui resta manuscrite faute de souscripteurs. Un prospectus imprimé en annonçait la parution en 1751 mais seul le premier chapitre fut publié sous la forme d'une Dissertation historique sur la fondation de la ville d'Avignon et sur ce qui s'y est passé de plus remarquable jusqu'à l'établissement du christianisme. – En outre, il est l'auteur de très nombreuses brochures de circonstance telles que : Abrégé de l'histoire généalogique de la maison d'Acquaviva royale d'Aragon, Avignon, 1744 (à l'occasion de l'arrivée d'un vice-légat membre de cette famille). – Relation de ce qui s'est passé dans la ville d'Avignon à l'arrivée et pendant le séjour du sérénissime infant Don Philippe de Bourbon, gendre du Roy de France au mois de février 1744, Avignon, 1745. – Relation des réjouissances faites dans Avignon pour la convalescence du Roi, Avignon, 1745. – Histoire de ce qui s'est passé en Provence depuis l'entrée des Autrichiens jusqu'à leur retraite, 1747. – Relation des fêtes données à Avignon pour la naissance de M. le Duc de Bourgogne, 1751. – Relation de l'inondation arrivée dans Avignon en 1755, Avignon, 1756. – Relation des fêtes données par la ville d'Avignon pour l'exaltation de N.S. Père le Pape Clément XIII les 27, 28 et 29 août 1758. Relation du service fait à Avignon pour Mgr le Dauphin, 1766. – Relation de l'horrible meurtre de trois personnes égorgées dans Avignon par Jean Dominique Langlade, 1768. – Exécution du jugement rendu contre Jean Dominique Langlade rompu vif dans Avignon le 13 avril 1768, et bien d'autres encore. Il aurait, paraît-il, prêté volontiers sa plume facile aux prédicateurs débutants pour leur composer leurs sermons.

8. Bibliographie

8. F.L. 1769 ; B.Un. – Barjavel CF.M., Dictionnaire historique, biographique et bibliographique du département de Vaucluse, Carpentras, 1841. – Mouzin H., «François Morénas», Mémoires de l'Académie de Vaucluse, 1909, p. 301-312. – Moulinas R., L'Imprimerie, la librairie et la presse à Avignon au XVIIIe siècle, P.U. de Grenoble, 1974.