SAINT-JULIEN

Numéro

731

Naissance

?

Décès

?

On ne sait rien de Saint-Julien. Le peu que l'on croyait savoir (Moreau, t. I, p. 21) semble résulter d'une lecture rapide de l'Avis très-salutaire au lecteur, en tête du Courrier burlesque de la guerre de Paris, 1650 : «Le Courrier bien que venant des Païs-Bas, est natif de Paris, sur les fonds de Sainct-Paul ». Cette phrase s'applique au Courrier, non à son auteur. La dédicace du même Courrier est signée A.B.C.D.E.

4. Situation de fortune

Le Courrier burlesque de la guerre de Paris est dédié au marquis d'Alluye, sans que l'on puisse exactement en déduire que S. était «attaché» à celui-ci.

5. Opinions

Les prises de position de S. semblent assez fluctuantes : dans son premier Courrier français, 1649, il s'en prend violem­ment à Mazarin, mais il donne en 1650 une seconde édition de cette œuvre remaniée sous le titre de Courrier burlesque de la guerre de Paris d'où ont disparu les attaques contre Mazarin.

6. Activités journalistiques

S. qui se veut «historiographe burlesque» (Moreau, t. I, p. 76) a traduit en vers burlesques différents écrits du temps, c'est ainsi qu'il publia :

Le Courrier français traduit fidèlement en vers burlesques, Paris, Claude Boudeville, 1649, in-40, 12 livraisons, relatant les événements du 6 janvier 1649 au 1er avril 1649, traductions du Courrier français en prose, qui n'est peut-être pas, comme on l'a cru (D.P.1 300), des fils Renaudot (Grand-Mesnil, p. 52-59).

Le Courrier burlesque de la guerre de Paris, envoyé à Monseigneur le prince de Condé, pour divertir son Altesse durant sa prison, Ensemble tout ce qui se passa jusques au retour de Leurs Majestez, Paris, 1650, in-40 ; autre éd. in-12. Réimpression de l'ouvrage précédent, avec atténuations pour tout ce qui concerne Mazarin.

Le Courrier burlesque envoyé à Monseigneur le Prince de Condé. Pour divertir son Altesse durant sa prison, luy racontant tout ce qui se passa à Paris en 1648, au sujet de L’Arrest d'Union, Seconde partie, Paris, 1650. Dans cette seconde partie qui relate des événements antérieurs (13 mai - 24 oct. 1648), S. s'inspire de l'Histoire du temps (s.l., 1649) et du Journal du Parlement (Paris, Alliot et Langlois, 1649).

Les trois Courriers en vers burlesques par S., ont été réédités et annotés par C. Moreau, sous le titre de Courriers de la Fronde en vers burlesques (D.P.1 272). Moreau, dans cette réédition, a rétabli l'ordre chronologique : il publie en premier la Seconde partie, puis la première version du Courrier français (1649) qu'il compare en notes avec l'édition remaniée de 1650.

7. Publications diverses

Avis au lecteur, par S., en tête de l'Elite des bouts-rimés, 1649, signalé par Antoine Adam (Tallemant des Réaux, Historiettes, Paris, Pléiade, i960, t. II, p. 1431). – Vers burlesques envoyés à M. Scarron sur l'arrivée du convoi à Paris,

Paris, Cl. Boudeville, 1649, que Moreau «croit» de S. (t. I, p. 30). C'est peut-être le même Saint-Julien qui succède à Scarron comme rédacteur de la Gazette burlesque (voir art. «Scarron»).

8. Bibliographie

D.L.F. (XVIIe s., p. 313, 922). – Préface de C. Moreau aux Courriers de la Fronde en vers burlesque, Paris, P. Jannet, 1857, 2 vol. – Grand-Mesnil M.N., Mazarin, la Fronde et la presse, 1647-1649, Paris, A. Colin, 1967, p. 182-183. – Voir aussi : Naudé G., Mascurat ou Jugement de tout ce qui a esté imprimé contre le cardinal Mazarin depuis le 6 janvier jusqu'au premier avril 1649, Paris, 1650, p. 218.

MEISTER

Numéro

565

Prénom

Jakob

Naissance

1744

Décès

1826

Jacques Henri (Jakob Heinrich) Meister est né le 6 août 1744 à Bùckeburg (Westphalie), de Johann Heinrich Meister, pasteur, descendant d'une vieille famille zurichoise, et de sa seconde femme, Marie Malherbe, née à Loudun (Vienne), fille de protestants français réfugiés. Son père fut prédicateur de la cour à Bùckeburg, puis pasteur à Erlangen (Bavière) en 1747 et à Kûssnach près de Zurich en 1757. Sans l'épouser, Meister fut longtemps le compagnon de Mme de Vermenoux (environ 1769-1783).

2. Formation

Enfant doué (à quatre ans il parlait français avec sa mère, allemand avec les domestiques et latin avec son père), il fut très suivi dans ses études par ce dernier, à Erlangen, puis au Carolinum de Zurich où il fut admis le 16 décembre 1760 (A.D.B.). Il y fit des études de théologie et suivit les cours de Johann Jakob Bodmer, grand ami de son père. Il fut ordonné pasteur le 26 avril 1763 (A.D.B.).

3. Carrière

Ayant terminé ses études, il aurait fait un voyage à Berlin et à Leipzig (Grubenmann, p. 31). Il prêche à Genève et rend visite à Jean Jacques Rousseau et à Voltaire (A.D.B.). Engagé comme précepteur du fils de Mme de Vermenoux chez qui il prend la succession de Suzanne Curchod devenue Mme Necker, il arrive à Paris au mois de mai 1766 (Callatay). Il se rend à Zurich en 1767 avec son élève, et doit écourter son voyage. De retour à Paris en 1769, il demeure chez Mme de Vermenoux, tantôt à Sèvres (Diderot, Correspondance, t. XV, p. 190), tantôt à Paris, rue Neuve-Luxembourg puis rue Neuve des Petits Champs (id., t. XV, p. 199). En 1783, il accompagne Mme de Vermenoux à Montpellier où elle meurt (Bessire, p. 22). Il vit à Paris, passe quelques semaines en Angleterre durant l'été de 1789 et revient dans la capitale qu'il ne quittera qu'en septembre 1792 pour se réfugier à Londres. A la fin de 1793 il se retrouve à Zurich où il demeurera jusqu'à la fin de ses jours. Il fera cependant quelques voyages à Paris en 1795, 1801, 1804, 1806. II se rendra en Italie en 1810.

4. Situation de fortune

Fils de pasteur, M. ne semble pas avoir joui d'une fortune personnelle. Aussi est-ce en qualité de précepteur qu'il vient à Paris. En mars 1773, Grimm lui confie la Correspondance littéraire. L'entreprise était fructueuse alors, puisqu'en 1772 elle rapportait à Grimm environ 9000 £ par an (voir art. «Grimm»). Necker lui avait constitué une rente viagère de mille francs (Staël, p. 26). A la Révolution il perdit la plus grande partie de sa fortune et c'est bien pour des raisons économiques qu'il continua la CL. aussi longtemps que possible. La vente de son manuscrit de la CL. à Buisson lui rapporta 6000 francs (de Booy, p. 241). Tout au long de sa vie il publia plus de trente volumes d'essais, de poésies, de traductions, et un roman: bien qu'il se soit dit paresseux, c'est bien de sa plume qu'il vécut.

5. Opinions

Etant très lié avec les Necker, il subit l'influence de ceux qui fréquentaient leur salon. Lors de son séjour à Zurich, il publie De l'origine des principes religieux, dont l'examen par le Grand Conseil de la ville l'incite à s'éloigner rapidement: le 21 juin 1769 il est suspendu de ses fonctions de pasteur et condamné à l'exil. En 1772 il obtient sa réhabilitation. Les débuts de la Révolution ne le font pas fuir de Paris et ce n'est qu'en septembre 1792 qu'il émigré en Angleterre. De retour en Suisse il est révolté par l'occupation des révolutionnaires français, mais bientôt met tous ses espoirs dans Bonaparte. Celui-ci le nomme en avril 1803 président de la commission chargée d'appliquer à Zurich l'Acte de Médiation. Après cinq ou six semaines, il revient à ses occupations habituelles.

Déçu par Napoléon, il ne cache pas son admiration pour Alexandre 1er , à qui il dédiera en 1816 ses Heures et méditations religieuses, avec des vœux pour que celui-ci ne se laisse pas égarer par les «ivresses du pouvoir».

Il avait connu Mme d'Epinay, Diderot, Barthe, Thomas et combien d'autres. Il resta en contact amical avec Grimm jusqu'à la mort de celui-ci en 1807. Il fut l'ami de Suard, de Lavater, de Gessner, de Fùssli, de Foscolo. Pendant trente ans il entretint des correspondances avec Mme de Staël et avec la fille de Diderot, Angélique de Vandeul. La fidélité semble une de ses caractéristiques. Il eut cependant avec son amie Mlle Clairon une escarmouche : elle l'accusait d'avoir fait publier en Allemagne des écrits qu'elle lui avait confiés sous le sceau du secret. Elle lui rendit cependant justice quand elle publia elle-même ses Mémoires à Paris (an VII, 1799).

M. connut une autre affaire. Jean de Booy a retracé comment la publication de la CL. (jusque-là secrète) avait décidé M. à fournir lui-même à Buisson au plus vite sa propre copie de cette correspondance, afin de devancer ses concurrents. Il pourrait ainsi écarter des allusions gênantes pour ceux qui vivaient encore ; il regrettait en particulier les attaques contre Morellet.

Bien qu'ayant côtoyé longtemps les encyclopédistes, il semble avoir toujours gardé vis-à-vis d'eux un certain sens critique, et, après la Révolution, il se reproche d'avoir subi leur influence qui - ils ne pouvaient le prévoir - a été néfaste à ses yeux.

6. Activités journalistiques

Retraçant lui-même sa carrière de journaliste, il dit avoir publié ses premières lignes dans le Journal helvétique quand il avait quatorze ans (env. 1758). C'est en 1773 qu'il commence à diriger la CL., que Grimm lui confie d'abord à titre temporaire (pour deux ans) et définitivement en 1775. Contre vents et marées, il continuera à expédier ses feuilles, de Paris jusqu'en 1792, de Londres en 1793, de Zurich enfin, de janvier 1794 à décembre 1813. Il a donc été journaliste pendant quarante ans. Après la Révolution, il a été le « correspondant en Suisse » du Publiciste et son ami Suard lui faisait en échange parvenir des « Nouvelles de Paris » pour la CL. Force était bien, en effet, à M. d'utiliser des sources parisiennes pour informer, de son canton, les cours allemandes sur la vie de la capitale. Aussi ne se cachait-il pas pour emprunter énormément, à la Décade philosophique entre autres les comptes rendus dramatiques de La Chabeaussière (Carriat, p. XXIV-XXV et passim). Ces emprunts étaient cependant remaniés par lui, car il continua jusqu'à la fin à être critique littéraire et essayiste. Tourneux, le premier, a mis en évidence l'importance de la collaboration de M. à la CL. On ne sait si c'est pour des raisons économiques ou pour cause d'incompatibilité d'humeur avec M. qu'il a cependant éliminé de son édition les vingt dernières années de la CL. (1794-1813) dont il avait le manuscrit. C'est bien dommage, car cette partie concernant la génération un peu négligée qui chevauche la fin de l'Ancien Régime et le début du XIXe siècle est tout aussi intéressante que la partie, due à M., retenue dans l'édition (1773-1793).

7. Publications diverses

Voir A.D.B., Bessire et surtout Grubenmann, et Cior 18, n° 44214-44249. Cependant, à propos du n° 44249: Traité sur la physionomie, par le sophiste Adamantius, ou extrait des philosophes anciens et modernes; suivi d'un Eloge de Lavater comparé avec Diderot par M. Meister, Paris, Cussac, s.d., noter que M. n'est l'auteur que de la seconde partie, Eloge de Lavater, publié dans la CL. (1801, n° II), et qu'il désavoue formellement cette édition peu soignée (1806, n° XIII). Ajouter aussi aux œuvres de M.: Esquisses européennes commencées en 1798 et finies en 1815, pour servir de suite à la Correspondance du baron de Grimm et de Diderot, Paris et Genève, Paschoud, 1818. – Une promenade au-delà des Alpes, Berne, Bourgdorfer, 1819. – Derniers loisirs d'un malade octogénaire, Zurich, 1825. – Il convient également de restituer à M. : Les Voyages et les Essais de Montaigne, extraits de la «Correspondance littéraire», année 1774, publiés par M. Cohen, Cahors, Delperier, 1883, in-8°, 23 p.

8. Bibliographie

Zentralbibliothek Zurich, ms. M 54, S 707-711, S 717. – B.N., n.a.fr. 24942-29443. – Gotha, Forschungsbibliothek, Schloss Friedenstein, copie la plus complète de la CL.; Chart. B 1138 A-Z (25 vol.). – La Correspondance littéraire de Grimm et Meister (1754-1813), Actes du Colloque de Sarrebruck, éd. B. Bray, J. Schlobach et J. Varloot, Paris, Klincksieck, 1976. – Grubenmann Y. de Athayde, Un cosmopolite suisse: Jacques-Henri Meister (1774­1826), Genève, Droz, 1954. – Bessire P.O., Jacob-Henri Meister, sa vie et ses œuvres, Berne, Delémont, 1912. – de Booy J.T., «Henri Meister et la première édition de la Correspondance littéraire (1812-1813)», S.V.E.C. 23, 1963, p. 215-269. – Id., «La fille de Diderot et les premières éditions posthumes du philosophe», R.H.L.F., n° 2, 1963, p. 238-271. – (A.D.B.) Allgemeine Deutsche Biographie, réimpr. Berlin, Duncker et Humblot, 1970. – Callatay E. de, Madame de Vermenoux: une enchanteresse au XVIIIe siècle, Paris, Genève, La Palatine, 1956. – Carriat J., L'Année 1802 dans la Correspondance littéraire de Jacques Henri Meister: établissement du texte, introduction et notes, Paris, 1978, thèse dact. – Kölving U. et Carriat J., Inventaire de la « Correspondance littéraire » de Grimm et Meister, S.V.E.C. 225­227, 1984. – Lavater-Sloman M., Henri Meister, roman biographique, trad. de l'allemand par M. Gagnebin, Neuchâtel, La Baconnière. – Massiet Du Biest J., La Fille de Diderot Mme Vandeul, Tours, chez l'auteur, 1949. – Id., Angélique Diderot : témoignages nouveaux, principalement d'après les lettres inédites adressées à celle-ci par J.H. Meister de Zurich, Paris, chez l'auteur, i960. – Id., Henri Meister, ouvrage annoncé dans Angélique Diderot, non paru. – Moog-Grûnewald M., «La Critique des œuvres de Madame de Staël dans la <Correspondance littéraire> de Meister», Annales Benjamin Constant, t. XV-XVI, 1994, p. 137-145. – Moureau F., « Esprit philosophique et révolution : le voyage de Meister à Paris ( 1795) », dans Voyage et révolution, t. II, Viaggi di uomini e di idée al tempo délia Rivoluzione, éd. E. Kanceff, Turin, CIRVI, 1995' P- 291-311. – Muraro-Ganz G., Frankreichs Weg zur Revolution: Gedanken Jacques Henri Meisters zum Niedergang der französischen Monarchie, Berne, Lang, 1977. – Diderot, Correspondance, éd. Roth-Varloot. – Staël, G. Necker Mme de, Lettres inédites, éd. P. Usteri et E. Ritter, Paris, Hachette, 1903 (dont 73 p. consacrées à une notice sur M.); 2e éd. 1904.

LORET

Numéro

528

Prénom

Jean

Naissance

1600?

Décès

1665

Jean Loret naquit vers 1600 à Carentan de parents vraisemblablement fort modestes, et sur lesquels il restera discret. II ne s'est pas marié (M.H., t. II, p. 241 ; t. IV, p. 244) et n'a pas eu d'enfants (M.H., t. III, p. 351, 505). Il est mort à Paris vers le 18 mai 1665 s'il faut en croire La Gravette de Mayolas (lettre du 25 mai 1665, dans Rothschild, t.1, p. 5).

2. Formation

Sa formation fut sans doute celle d'un autodidacte ; la poésie semble chez lui un don naturel et il répète souvent qu'il n'entend ni grec ni latin. Il fut, dit-il, caporal en sa jeunesse (M.H., t. III, p. 235).

3. Carrière

De Carentan il serait venu à la Cour, au service d'Henriette Marie de France «dès qu'elle n'avait que douze ans», donc vers 1617 (M.H., t. III, p. 506), mais il n'est pas dans Griselle, Etat de la Maison, Paris, 1912. Une imprudence l'aurait contraint à s'enfuir et nous le retrouvons en 1622 à Rebetz–en-Vexin (Oise), où l'a recueilli Philippe de Pellevé {Le Tableau poétique de Rebais, p. 2). C'est peut-être alors qu'il se serait engagé dans l'armée d'où le tirera le duc d'Epernon (M.H., t. III, p. 350), chez qui il ne restera que «trois lunes». Nous perdons sa trace et ne la retrouvons qu'en 1646, au faubourg Saint-Germain où il est le protégé de Marie de Hautefort et de sa sœur Charlotte d'Escars {Poésies burlesques, 1647). Quand Marie de Hautefort épouse le maréchal de Schömberg, il la suit à l'hôtel de Schömberg, faubourg Saint-Honoré. C'est de là qu'il écrit, à partir de 1650, ses premières Lettres en vers qui allaient devenir La Muse historique, dédiée à Mlle de Longueville. Il vient s'installer, en octobre 1656, rue du Chantre (M.H., t. IL p. 244), et en mai 1660, rue de l'Arbre–sec(M.H., t. III, p. 207).

4. Situation de fortune

Sans fortune personnelle et de plus, grand joueur, L. fut contraint de vivre de sa plume, ce qui permit à Tallemant de le traiter d'auteur vénal. Vénale, sa gazette le fut, et il ne s'en cacha pas. Il vanta aussi bien les créations théâtrales que les livres nouveaux ; il célébra l'exposition de la baleine, l'huître, les carrosses à cinq sols, les poêles d'Allemagne, aussi bien qu'une prise de voile ; il annonça même l'apparition de concurrents comme le Journal des savants (M.H., t. IV, p. 322) et le Mercure français la semaine suivante (p. 323). La publicité ne représentait pourtant qu'une partie de ses revenus, car il fut pensionné jusqu'à la fin de sa vie par Marie de Longueville (1000 £ par an) et par Mazarin (600 £ par an, qui lui furent continuées par le duc de Mazarin semble-t-il). Il reçut aussi des sommes plus ou moins importantes de Mlle de Montpensier, d'Anne d'Autriche, de Philippe d'Orléans, de Fouquet, du cardinal Barberini et de beaucoup d'autres. Néanmoins, à la fin de sa vie, il semble harcelé par ses créanciers et ses derniers vers sont un pitoyable appel au lecteur.

5. Opinions

S'il fut en rapports avec les jansénistes par l'intermédiaire de sa protectrice Marie de Hautefort (il n'a pas caché son admiration pour les Liancourt), il ne prit pas, par la suite, franchement position. Il fut pieux sans être bigot et se félicita d'avoir toujours été du «bon parti» (M.H., t. II, p. 473). On peut s'interroger sur son attitude au moment de l'arrestation de Fouquet (M.H., t. III, p. 401, 406, 409) ; son silence est remarqué par Ballesdens qui écrit au chancelier Séguier : « Il paraît que le poète normand n'a plus de chénevis, puisqu'il est muet» (20 sept. 1661, f.fr. 17398, pièce 107). Quand Fouquet lui fit parvenir secrètement 1500 £ (Menagiana, Amsterdam, 1693, p. 195-196 ; Bibliothèque française, t. XVII, p. 120), il remercia le donateur anonyme (M.H., t. IV, p. 141) mais ne commenta la condamnation de son ancien protecteur que par ces mots : «Je ne sais pas bien son histoire » (t. IV, p. 287).

Il eut une querelle avec d'Assoucy, qu'il enterra, paraît-il, prématurément en 1654 ; celui-ci répondit ; Saint-Germain, en 1659, prend la défense de L. (M.H., t. II, pièce liminaire) ; d'Assoucy l'injurie plus tard (1677, éd. Colombey, Paris, Delahays, 1858, p. 236-238). Mlle de Scudéry l'a avantageusement mis en scène sous la nom de Télore dans Célinte (Paris, Courbé, 1661, p. 385-388 ; cf. M.H., t. III, p. 324).

6. Activités journalistiques

La Muse historique fut publiée sous la forme de lettres manuscrites à Mlle de Longueville, puis en partie imprimée sous le titre de Gazette du temps (D.P.1 557), sans l'aveu de l'auteur, du 25 août au 19 octobre 1652. L. n'obtint le privilège que le 19 mars 1665 ; ce privilège lui assurait l'exclusivité des nouvelles en vers. Alors que la Gazette du temps avait été un véritable périodique imprimé, La Muse historique publiée par Chenault de 1656 à 1665 fut une réédition de nouvelles à la main. La réédition donnée par Ravenel et La Pelouze offre la totalité de cette correspondance du 12 mai 1650 au 28 mars 1665.

Ed. anciennes : La Muse historique, année 1650, Paris, C. Chenault, 1656, in-4°, 311p., frontispice et portraits de L. et de Mlle de Longueville. La Muse historique, Paris, C. Chenault, 1658-1665, 16 livres en 3 vol. in-folio. – La Muse historique, lettre 37, 16 sept. 1656, in-folio, Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Ile-de-France, 1905. – Ed. de référence : (M.H.) La Muze historique, éd. J. Ravenel et E.V. de La Pelouze, Paris, P. Jannet (P. Daddis), 1857-1878, 4 vol. in-8°. – L'index alphabétique de la M.H. a été publié en 1891 par Crèvecœur.

7. Publications diverses

Autres ouvrages de L. : Le Tableau poétique de Rebais, Paris, C. Hulpeau, 1622, 50 p. in-folio. – Les Poésies naturelles du Sieur Loret, 1re part., Paris, Dugast, 1633, in-8°, VII-191 p. (un exemp. à la B.L.). – Poésies burlesques, Paris, Sommaville, 1647, in-4°, XX-212 p. – Estrenes pour la Cour, s.l.n.d., in-folio, 3 p. – Responce du Sieur Loret, «écrite à l'infante Nanon, la Merveille des Provinciales», Paris, C. Chenault, 1656, in-folio, 4 p.(Seconde, Troisième, Quatrième Responce, id.). La Paix triomphante et la Guerre en déroute, Paris, C. Chenault, 1660, in-40, 12 p. – L'Entrée de la Reyne, 26 août 1660, Paris, C. Chenault, 1660, in-4°, 8 p. – Adieu aux filles de ma connaissance du quartier Saint-Honoré, s.l.n.d. [1660?], in-4°, 2 p.

8. Bibliographie

Cior 17, n° 43675, 43676, 43680, 43689, etc. – Tallemant Des Réaux, Historiettes, Paris, 1960, t. I, p. 411. – Goujet C.P., Bibliothèque française, Paris, 1741-1756, t. XVII, p. 117-123. – Sabatier de Castres, Les Trois siècles de la littérature française, t. II, p. 456-457. – Blegny N. de, Livre commode, Paris, Bibl. elzévirienne, 1878 ; introd. par E. Fournier, p. XXVIII-XXXIII. – Les Continuateurs de Loret, éd. N.J.E. de Rothschild, Paris,' 1881-1889. – Leblond V., «Quelques notes sur le château de Rebetz-en-Vexin et son poète J. Loret», Mémoires Soc. Oise, t. XVIII, 1901-1903, 151-157. – Lachèvre, Bibliographie des recueils collectifs, Paris, 1901-1905, t. II, p. 345-347 ; t. III, p. 427-428. – Herval R., «Un grand journaliste au XVIIe siècle, Jean Loret», Revue de l'Université Laval, Québec, t. XX, n° 10, juin 1966, p. 934-953. – Adam A., Histoire de la littérature française au XVIIesiècle, Paris, 1948-1956, passim. – Carrier H., La Presse de la Fronde (1648-1653) : les mazarinades, Genève, 1991, t. II, p. 115-117.

BARBEU DU BOURG

Numéro

029

Prénom

Jacques

Naissance

1709

Décès

1779

Jacques Barbeu du Bourg (ou Dubourg) est né à Mayenne le 12 février 1709 et fut baptisé le même jour en l'église Saint-Martin. Son père, Claude Barbeu du Bourg, sieur des Cheminées, marchand toilier de Mayenne, était né en 1655 de Mathurin Barbeu, sieur du Bourg, avocat en Parlement, et de Jacqueline Triguel ; sa mère, Françoise Gournay, était fille de Simon, sieur de Fougerolles et de Marie Leudière. Jacques Barbeu du Bourg aurait eu deux frères ecclésiastiques (selon Vicq d'Azyr) et une soeur, qui eut pour fils Jean Lair de Lamotte, secrétaire de Franklin.

2. Formation

Il acheva sa philosophie dès l'âge de quinze ans (Delaunay) et envisagea une carrière ecclésiastique ; il apprit les langues classiques et l'hébreu, le droit et les mathématiques. Vers 1735, il a renoncé au sacerdoce, s'est inscrit à la Faculté de Droit et est employé comme précepteur chez les Matignon (B.N., T18 121-239) ; c'est là qu'il fait la connaissance de Bolingbroke. Il entreprend ensuite des études de médecine à l'Université de Paris, soutient sa thèse cardinale le 27 avril 1747, sa troisième thèse le 8 février 1748, est intronisé docteur régent le 18 décembre. Il a été membre associé de la Société Royale des Sciences de Montpellier, de l'Académie des Sciences de Stockholm, de la Société Royale de Médecine de Londres et fut élu, en janvier 1771, membre de la Société Philosophique de Philadelphie (Delaunay, p. 67) ; il fut élu associé ordinaire de la Société Royale de Médecine de Paris le 18 mai 1779.

3. Carrière

Il s'installe comme médecin à Paris d'abord rue de l'Eperon (1748), puis rue Saint-Dominique, rue Saint-Benoît (1753), rue des Rosiers (1755), rue du Cimetière Saint-André (1758), rue Copeau, faubourg Saint-Victor (1762 ou 1763) et enfin à Saint-Germain-des-Prés (A .R. 1780, p. 455). Il enseigna à la Faculté de Médecine : la pharmacie vers 1752-1753 (page de titre de sa Chronographie), la chirurgie en 1758 (A .R. de 1759, p. 342) puis en 1769 (Delaunay, p. 49). En 1762 il était devenu médecin-régent de la Faculté de Médecine (Gazette de médecine, 1762, t. IV, p. 294). A la fin de sa vie, il ne soigne plus que les pauvres et ses amis, parmi lesquels Diderot et Thérèse Levasseur.

4. Situation de fortune

L'inventaire après décès (A.N., Z2 3627) montre que, s'il avait modestement débuté comme précepteur, il est parvenu à mener une vie relativement confortable. En même temps qu'un médecin, professeur, journaliste, c'était un homme d'affaires qui empruntait et prêtait d'importantes sommes d'argent (cf. lettre de Mme Diderot à sa fille Angélique du 26 juin 1773, fonds Vandeul, Chaumont, II E 8, 26). Dès 1761, il était en correspondance avec Franklin, puis avec Deane et Lee. Le 31 mai 1776, il crée une société avec différents commerçants pour le commerce avec les Insurgents. En 1777, il fonde une autre société à laquelle participe Hugues Tarraval, peintre du Roi, et s'engage à fournir une somme de trois cent mille livres (M.C. 827, n° 9). Il est en rapport d'affaires avec le banquier Grand pour équiper 1300 soldats (M.C. 827, n° 10). Il a des correspondants à Rouen et à Bordeaux, et, tout comme Beaumarchais, il affrète un navire, la «Reine Blanche», qui quitte La Rochelle le 13 août 1777, et sera capturé par les Anglais en avril 1778. Sans se décourager, en septembre 1778, Dubourg fonde une nouvelle société dont le capital sera employé «en une pacotille de drogues de médecine pour les Etats-Unis d'Amérique à frais et bénéfices communs» (A.N. Z2 3627). Les oppositions à la levée des scellés après sa mort montrent qu'il laissait quelques dettes qui ont sans doute été compensées par la vente de sa bibliothèque (Journal de Paris, n° 102, 11 avril 1780, Aldridge, p. 361), sans que l'on puisse affirmer qu'il ait été ruiné par les affaires d'Amérique. Il avait, dans les années 70, entrepris de coûteuses expériences sur les fours à poulets et sur l'influence de la composition des sols sur les grains ; P. Delaunay ajoute que, sur la page de titre de l'exemplaire de la Lettre d'un médecin de la Faculté de Paris à un de ses confrères au sujet de la Société Royale de Médecine (février 1779), conservé à la B.N., un lecteur de l'époque a écrit : «par M. Barbeu du Bourg, qui ensuite s'est fait sociétaire, ayant perdu sa femme, sa tête et son argent» (p. 81). B. qui figurait alors dans la liste des «banquiers pour les traites et remises de place en place» demanda à être rayé de la liste des «docteurs-régents» dans le courant de 1777 (Almanach royal de 1778, p. 511).

5. Opinions

B. fut un pamphlétaire malicieux et mordant qui s'illustra par de nombreuses polémiques. Dès 1743, dans sa Lettre d'un garçon barbier, il demandait l'accès à la maîtrise ès-arts pour les professions paramédicales. A partir de 1754, il s'éleva contre les interventions intempestives des chirurgiens et contre la saignée ; il publia deux Lettres d'un médecin à une dame au sujet d'une expérience de chirurgie faite à l'Hôpital de la Charité (1754), la Lettre d'un garçon chirurgien... (1757), la Lettre à M. Ch. doyen de la Faculté de Médecine... (juil. 1765) et fit publier un avis signalant qu'il continuait de soigner «les fluxions de poitrine et autres maladies inflammatoires sans la saignée» (B.N., T18 121-239). Il soutint la légitimité des naissances tardives dans ses Recherches sur la durée de la grossesse et le terme de l'accouchement et couvrit de sarcasmes Astruc, Louis et Bouvart (C.L., éd. Tourneux, t. VIII, p. 405). A partir de 1768, il prit nettement parti pour les inoculationistes, donna deux Mémoires à consulter pour M. Jacques Barbeu du Bourg et consorts (M.S., 4 et 7 août, 18 sept. 1768 : t. XIX, p. 11 ; IV, p. 75 et 107-109) suivis en 1769 de l'Opinion d'un médecin de la Faculté de Paris sur l'inoculation de la petite vérole. Enfin, après avoir participé avec ardeur à la rénovation de la Faculté de Médecine face à la concurrence de la Société Royale, il tenta dans sa Lettre d'un médecin de Paris de réconcilier les deux corps ; son entrée à la Société Royale passa pour une trahison (M.S., t. XIV, p. 315).

Il collabora à l'Encyclopédie à partir du t. III en 1753 (J. Proust, L'Encyclopédie, 1965, p. 86 ; H. Zeiler, Les Collaborateurs médicaux de l'Encyclopédie, Paris, 1934 ; M. Laignel-Lavastine, «Les médecins collaborateurs de l'Encyclopédie», Revue d'histoire des sciences, juil .-déc. 1951). Il fut un grand ami de Franklin avec qui il entretint une correspondance dès 1767 (voir les Oeuvres de M. Franklin, Quillau, 1773 et la Correspondance inédite et secrète du docteur Franklin..., Paris, 1817, t. I ; P. Delaunay, p. 63-67). Enfin il fut le rival de Beaumarchais auprès des envoyés du Congrès américain, rivalité diplomatique mais aussi commerciale (v. & 4).

6. Activités journalistiques

Du 1er avril 1761 au 19 janvier 1763, B. rédigea la Gazette de médecine, y compris le tome de 1762-1763 qui porte le titre de Gazette d'Epidaure. Ce journal eut assez de succès pour être contrefait à l'étranger dès juillet 1761 et pour amener Dumoncheau, médecin de l'Hôpital militaire à signer «Barbeu du B.» ses Anecdotes de médecine (M.S., 25 mai 1762 ; Delaunay, p. 34). B. a publié dans le Journal de médecine (t. XIV, janv. 1762, p. 46 et suiv.) son Examen des eaux de Briquebec, dans le Mercure de France de décembre 1768, son «Code de l'humanité, ou Loix immuables qui servent de base aux devoirs, aux droits et au bonheur de l'homme». Il collabora aux Ephémérides du Citoyen par ses traductions du London Chronicle (1767-1769) ou de prétendues traductions de la Pensylvania Chronicle (1771), qui n'existent pas dans l'original (Aldridge). Sous le pseudonyme de Samuel Jones, il collabora au Journal anglais (15 nov., 30 nov., 30 déc. 1775). En 1774, il avait tenté de créer le premier journal franco-américain, Le Correspondant de Philadelphie, mais n'obtint pas l'approbation.

7. Publications diverses

Cior 18, n° 9433-9451. Y ajouter les Eléments de médecine en forme d'aphorismes, 1780, in-12 de 104 p. (trad. all., Strasbourg, 1783) ; en retirer les Anecdotes de médecine de Du Monchau.

8. Bibliographie

B.Un., D.B.F.- M.S., C.L.Diderot, Correspondance, éd. Roth-Varloot). – A.N., Z2 3627 et M.C., 827. – Angot A., Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, Laval, Goupil, 1903, p. 155-156.Delaunay P., «Vieux médecins mayennais, Barbeu du Bourg», dans le Bulletin de la commission historique et archéologique de la Mayenne, 2e série, t. XIX, 1903, p. 15-89 ; cette étude cite à plusieurs reprises l'«Eloge de M. Dubourg» publié par Vicq d'Azyr dans les Eloges historiques, t. II, Paris, 1805, p. 181-186. – Aldridge A.O., «Barbeu du Bourg» dans The American Philosophical Society proceedings, Philadelphie, 1951, p. 331-392.