D. passe son enfance à Nîmes, puis dans la principauté d'Orange où les époux Saporta se réfugient en 1672 à la suite de revers de fortune (Mém., 1.1, p. 25, 34-35). Après la mort de M. Saporta, en 1678, sa femme et sa nièce reviennent habiter à Nîmes, qu'elles quitteront en décembre 1685, fuyant les persécutions des dragons venus occuper la ville à la suite de la révocation de l'Edit de Nantes (Mém., t. I, p. 201). Elles réussissent à gagner Lyon où elles se séparent : Mme Saporta va se cacher à Paris, chez son frère ; D., déguisée en jeune garçon, passe la frontière, et par Genève, Berne, Francfort, se rend à La Haye où elle arrive en mai 1686 (ibid., 1.1, p. 214 et suiv., 306). Elle y reste six mois, hébergée par un oncle paternel, M. Petit (ibid., 1.1, p. 335). En octobre, désireuse de rejoindre sa tante Saporta, D. s'embarque pour l'Angleterre d'où elle réussit à gagner la France, arrivant à Paris le 22 décembre 1686 après un séjour de près de six semaines à Londres (ibid., t. I, p. 386). Son oncle Cotton, chez qui elle loge, à l'Hôtel de Mantoue, rue Montmartre, la pousse alors à se convertir au catholicisme, et D. essaie de nouveau de quitter la France au cours de l'été 1687 (ibid., t. II, p. 50 et suiv.). Rattrapée à Dieppe alors qu'elle est sur le point de s'embarquer pour l'Angleterre, elle est ramenée à Paris et mise en pension à l'Institut des Nouvelles Catholiques puis au couvent de l'Union Chrétienne, rue Saint-Denis (ibid., t. II, p. 60 et suiv., 125). Elle n'en sort que pour épouser, le 18 mai 1688, en l'église Saint-Laurent, Guillaume Dunoyer, renonçant de ce fait à la foi protestante (ibid., t. II, p. 113). Les deux époux partent à l'automne pour Nîmes afin de rentrer en possession de biens confisqués à D. lors de sa fuite, biens que le roi a accepté de lui restituer à la suite d'une intervention du maréchal de Noailles (ibid., t. II, p. 131-132). Ils résident à Nîmes, puis un temps à Villeneuve-les-Avignon, où M. Dunoyer a obtenu une commission royale. Revenu ensuite à Nîmes, Guillaume Dunoyer est élu premier consul de la ville en décembre 1691. En mai 1693, il sera nommé syndic du diocèse par Mgr Fléchier, puis, en janvier de l'année suivante, il est choisi comme député par « l'Assemblée des Etats [du Languedoc] pour aller porter au roi le cahier de la Province» (ibid., t. II, p. 146-151). Au début de 1694, Guillaume Dunoyer acquiert la charge de grand maître des eaux et forêts du Haut et Bas Languedoc, charge qui l'oblige à résidence à Toulouse, où les deux époux s'installent pendant l'été (ibid., t. II, p. 160). Au bout de quatre ans la charge est revendue avec bénéfice, et les Dunoyer viennent habiter à Paris, rue des Deux-Ecus. Les relations des deux époux se dégradent alors rapidement. A l'origine de querelles de plus en plus fréquentes, la question de l'éducation religieuse à donner aux enfants, mais aussi les mauvaises affaires et les pertes au jeu du mari, et des dépenses et des infidélités que l'un et l'autre se reprocheront dans leurs Mémoires respectifs (ibid., t. II, p. 221, 239-240 ; Mém. de M. D., p. 61 et suiv. ; A, p. 70-79 ; Fabre, p. 10-11).
A la fin du mois d'avril 1701, prétextant la nécessité d'un voyage à Aix pour prendre les eaux, D. quitte Paris en compagnie de ses deux filles, Anne, 12 ans, et Olympe, 9 ans. Elle a en fait décidé de se séparer de son mari et de se réfugier en Hollande, qu'elle gagne en passant par la Savoie, la Suisse et l'Allemagne (Mém., t. II, p. 267 et suiv.). Après avoir un temps songé à immigrer en Angleterre, où elle se rend en 1702, D. revient s'installer en Hollande, à Delft d'abord, où elle se trouve au printemps 1703, puis à La Haye (ibid., t. II, p. 422 ; III, p. 163, 259, 318). Aux difficultés matérielles auxquelles elle doit faire face, à l'hostilité aussi qu'elle rencontre dans certains milieux réfugiés, s'ajoute pour D. le souci d'assurer l'éducation et l'établissement de ses deux filles, une source de nombreux conflits et de nouveaux revers. Anne se marie en 1703, à 15 ans, avec un lieutenant de cavalerie de 44 ans, Jacob Constantin, qui est surtout intéressé par la dot promise, au point même que, celle-ci ne se matérialisant pas, il engage une procédure judiciaire contre D. qui se retrouve détenue trois semaines à La Castelnie (ibid., t. III, p. 195, 247, 404-409). Ce mariage, bientôt brisé, sera à l'origine de nombreuses querelles entre la mère et la fille, et Anne, finalement, au début de 1708, s'enfuit et se réfugie à Paris auprès de son père. Elle retournera par la suite au catholicisme (ibid., t. IV, p. 191, 274, 280). Olympe, la cadette, ne sera guère plus heureuse. A l'automne 1707, D. avait fait la connaissance de Cavalier, le chef camisard exilé, qui venait d'arriver à La Haye. Ce dernier s'éprend d'Olympe, alors âgée de 15 ans, et une promesse de mariage est signée au mois de janvier de l'année suivante (ibid., t. IV, p. 210, 247, 255). La date du mariage est cependant plusieurs fois repoussée, et les rapports s'enveniment bientôt entre D. et son futur gendre qui, sans argent, vit à ses dépens. Celui-ci aurait même, si l'on en croit D., essayé à plusieurs reprises de la faire assassiner pour mieux s'approprier ses biens (ibid., t. IV, p. 340 ; t. V, p. 165, 346, 394). Poursuivi en Hollande comme en Angleterre par ses créanciers, Cavalier est finalement emprisonné pour dettes à La Haye. Il est libéré grâce à l'intervention d'une riche Hollandaise qui l'épouse à sa sortie de prison, en août 1709 (ibid., t. IV, p. 344 et suiv.). Laissée pour compte, Olympe fait la connaissance, quelques mois plus tard, d'un certain «baron de Winterfeld» qu'elle épouse à son tour en octobre 1709, à Delft. C'est à Bruxelles, où elle a suivi les deux époux, que D. découvre la véritable identité de son gendre : il s'agit d'un chevalier d'industrie bruxellois sans fortune ni naissance, Jean Charles de Bavons, intéressé, comme Cavalier, à la dot de la fille et à l'argent de la mère. Après leur avoir soutiré tout ce qu'il peut, il abandonne Olympe, enceinte. Revenue à La Haye en mars 1710, celle-ci accouchera quelques mois plus tard d'une fille (ibid., t. V, p. 125, 277, 315, 393, 421). Par la suite, les amours d'Olympe avec le jeune Voltaire, arrivé à La Haye en juillet 1713, puis avec Guyot de Merville, seront la cause de nouveaux soucis pour D. Dans une vie qui semble n'avoir été qu'une «longue et continuelle adversité» (Q.N., 1er juin 1719), D. avait cependant trouvé un moyen de faire face, et de retourner la situation à son avantage, l'écriture. C'est le «Refuge», elle l'a reconnu, qui la pousse d'abord à «[s']érig[er] en Auteur» (L.H.G., t. V, p. 414), entreprenant dès la fin de 1703, à 40 ans, la rédaction de ses Mémoires, «par vérité, non par vanité, [...] [pour] donner une juste idée [d'elle-même] », et notamment combattre « l'Hidre à plusieurs têtes» de la «calomnie réfugiée» (Mém., t. I, p. 21-22 ; t. III, p. 281, 318 ; t. IV, p. 4, 13). Les controverses, les attaques personnelles continueront malgré tout, renouvelées à la suite de la publication par M. Dunoyer de ses propres Mémoires, et attisées par tous ceux qui ne sont pas épargnés dans les Lettres historiques et galantes et La Quintessence ; certains chercheront même à se venger en faisant représenter en 1713, à Utrecht, par les Comédiens italiens, Le Mariage précipité, une «misérable comédie» (Notice, t. II, p. 693) dans laquelle Olympe apparaît sous les traits d'Etepnip, Cavalier sous ceux de Mitronet, et D. dans le rôle, interprété par Arlequin, de la rédactrice de La Pasquinade, Mme Kurkila, anagramme d'«Alikru[i]k» (bigorneau en hollandais), une référence à sa petite taille qui lui avait valu, parmi d'autres, ce surnom (Entretiens, p. 372-373, 407 ; Fabre, p. 6, 13). Mais, le succès des Lettres historiques et galantes, que D. commence à publier en 1707, celui de ses Mémoires, celui de La Quintessence dont elle reprend la rédaction en 1711, lui apportent aussi aisance, statut et renommée.