ROYOU

Numéro

719

Prénom

Thomas Marie

Naissance

1743

Décès

1792

Thomas Marie, connu sous le nom d'abbé Royou, est né à Quimper, le 25 janvier 1743 (D.L.F. ; B.Un. donne 1741 mais la notice contient beaucoup d'erreurs) ; il était fils d'un procureur fiscal de Pont-l'Abbé. Il eut au moins deux frères, tous les deux hommes de loi ; le cadet, Jacques Corentin (1749-1828) fut son proche associé dans la lutte contre-révolutionnaire que mena L'Ami du Roi, et il poursuivit la lutte, après la mort de R., dans divers périodiques et ouvrages de son cru.

2. Formation

Il professa pendant plus de vingt ans la philosophie au collège Louis-le-Grand (Feller-Weiss). Il fut, jusqu'en 1789, dénommé «docteur en théologie, chapelain de l'ordre de Saint-Lazare, professeur de philosophie au collège Louis-le-Grand».

3. Carrière

R. semble avoir passé toute sa jeunesse en Bretagne, et le reste de sa vie à Paris.

4. Situation de fortune

Indépendamment de son salaire d'enseignant, R. ne semble avoir eu d'autre source de revenus que ses écrits. Par un contrat dressé le 26 février 1784 avec sa sœur, Mme Fréron, R. lui céda le privilège du Journal de Monsieur et promit de travailler pendant deux ans, à dater du 1er janvier 1784, soit au Journal de Monsieur, soit à L'Année littéraire. Il devait être payé 600 £ par an, qu'il travaillât ou non à ces journaux, pourvu qu'il ne s'engageât avec aucun autre (A.N., T 54161). Le journal de R., L'Ami du Roi, fondé le 1er septembre 1790 pour lutter contre la Révolution, fut immédiatement un succès commercial et le resta jusqu'à son interdiction. La sincérité de R. peut difficilement être mise en doute, mais il fut également poussé par l'intérêt. Accusé d'avarice par ses ennemis, Desmoulins déclara en 1790 qu'il saluait la chute du Journal de Monsieur, avec la réserve suivante : «sacrée b... de religion, voilà plus de mille écus qu'il m'en coûte pour te défendre» (Révolution de France et de Brabant, n° 65, p. 620).

5. Opinions

Associé par les liens familiaux à Fréron (il était déjà son beau-frère quand son frère Corentin épousa l'une des filles du premier lit de Fréron), il subit l'influence de ses idées. Cependant, ses violentes attaques contre les philosophes ne devinrent vraiment furieuses qu'à partir de la Révolution. R. fut un catholique intégriste, autoritaire et intolérant : il considérait la liberté de conscience, la raison et l'innovation comme les monstres du temps. Il poursuivit la campagne anti-philosophique de Fréron dans tous ses écrits. Intolérant par nature comme par principe, il eut la réputation d'être détesté de ses élèves au collège Louis-le-Grand ; ses intempérances de langage eurent pour effet de faire retirer ses articles de L'Année littéraire, par crainte que le journal ne perdît son privilège : ces critiques ont été formulées par La Harpe, ennemi déclaré de R. dans le Mercure de France, 20 février 1790, p. 112-113, en réponse aux attaques de L'Année littéraire. Cependant il eut le soutien fidèle de son collègue Geoffroi, de sa sœur Mme Fréron et de son frère Corentin, à la fois avant la Révolution et lors de la querelle d'août 1790, quand, opposé à Montjoie, Crapart et Briand, il quitta leur journal pour fonder le sien, L'Ami du Roi. Il ne se réconcilia jamais avec Montjoie.

6. Activités journalistiques

La réputation de R. comme journaliste est surtout née de son opposition à la Révolution dans L'Ami du Roi, entre 1790 et 1792. Auparavant, il avait cependant acquis une longue expérience du journalisme.

L'Année littéraire : R. a presque certainement collaboré à ce journal durant la vie de Fréron. Grosier, qui le reprit à la mort de Fréron, en qualité d'éditeur principal, a affirmé que R. et Geoffroy, ses collaborateurs, «étaient à cette époque peu exercés dans l'art d'écrire, peu façonnés aux formes du genre polémique et à la tactique des journaux» (lettre au Journal de Paris, 10 avril 1817, citée dans l'art. «Grosier», B.Un.). Grosier ne resta que peu de temps éditeur de L'Année littéraire, et R. y joua progressivement un rôle de plus en plus important avec l'appui de sa femme, sœur de Fréron, et en s'alliant provisoirement à Stanislas Fréron. Linguet a noté dans ses Annales, peu de temps après la mort de Fréron : «M. Grosier a, en effet, travaillé quelque tempsà L'Année littéraire. C'est aujourd'hui l'abbé Royou qui le remplace» (H.P.L.P., t. II, p. 33). En mars 1780, commentant la réfutation par R. des Epoques de la nature de Buffon, Meister appelait R. le «digne successeur de l'illustre Fréron, plus savant que lui peut-être, tout aussi impartial, mais un peu moins plaisant » (CL., t. XII, p. 380). R. est resté à la tête du journal de la fin de 1778 au milieu de 1781. Evincé par Stanislas Fréron, il réussit à s'emparer à son tour du privilège et restera désormais le seul directeur du journal (sur la succession de Fréron en 1778, voir Balcou, p. 460-463). Le rôle de R. dans L'Année littéraire n'a pas été établi définitivement. Il n'y écrivit probablement pas tant qu'il eut son propre Journal de Monsieur ; après la chute de ce dernier, il passe pour avoir écrit exclusivement dans L'Année littéraire. Il y joua dès lors et jusqu'à mars 1790, un rôle déterminant. Il est certain qu'il ne travaillait plus à L'Année littéraire quand il publia le premier Ami du Roi le 1er juin 1790.

Journal de Monsieur : R. et Geoffroy achetèrent le privilège de ce journal pour 4000 £ en 1781, à un moment où le nombre des souscripteurs était tombé à moins de 100 (D.P. 1 674). Il tomba en 1783 «faute de souscripteurs», selon l'avis de La Harpe, l'un de ses adversaires (Correspondance, t. I, p. 418), peut-être aussi sur l'ordre de Monsieur, à l'instigation de l'Académie (H.P.L.P., t. II, p. 211).

L'Ami du Roi : entre le 13 juin et le 6 août 1790, R. assura la rédaction des articles de fond du premier Ami du Roi, après quoi il en fit son propre journal.

L'Ami du Roi : fondé par R., il parut entre le 1er septembre 1790 et le 4 mai 1792, avec une première interruption en juin et une seconde en juillet-août 1791.

7. Publications diverses

Le Monde de verre réduit en poudre, ou analyse et réfutation des «Epoques de la nature» de M. le comte de Buffon, par M. l'abbé Royou, Paris, s.d., in-12. Plusieurs articles de R. ont été réimprimés comme pamphlets.

8. Bibliographie

H.P.L.P. – A.N., T 54161. – Trévedy T., Fréron et sa famille, Saint-Brieuc, L. et R. Prud'homme, 1889. – Balcou J., Fréron contre les philosophes, Genève, Paris, Droz, 1974. – Popkin J.D., The Right-Wing Press in France 1792-1800, Durham, U. of North Carolina Press, 1980. – Id., Revolutio­nary News, the Press in France, Durham N.C., Londres, Duke Press, 1990. – Bertaud J.P., «L'Ami du Roi de l'abbé Royou», S.V.E.C. 287, 1991.P. 221-227. – Chisick H., The Ami du Roi of the Abbé Royou: The Production, Distribution and Readership of a Conservative Journal of the Early French Revolution, Philadelphia, American Philosophical Society, 1992.

RIVAROL

Numéro

691

Prénom

Antoine de

Naissance

1753

Décès

1801

Antoine dit comte de Rivarol est né à Bagnols le 20 juin 1753. Son père, Jean (1727-1807), était issu d'une famille piémontaise, les Rivaroli ; sa mère s'appelait Catherine Avon (1731-1815). R. était l'aîné de seize enfants (Lescure, p. 34 ; L, p. 329-343), dont deux seulement sont connus : sa sœur, Françoise (1754-1824), fut la maîtresse du général Dumouriez (L, p. 329-331) ; son frère, Claude François, «chevalier» ou «vicomte» de Rivarol (1758-1848), fut, après 1789, un violent contre-révolutionnaire (L, p. 333-336) : il mania la plume et l'épée avec plus d'enthousiasme que de talent. R.

2. Formation

Le premier maître de R. fut son père, qui lui enseigna le latin et le grec. Il pratiqua largement les classiques latins et grecs ainsi que les grands auteurs du XVIIe siècle français, particulièrement Pascal. Il fit ses études « chez les Joséphites de Bagnols, chez les Sulpiciens de Bourg-Saint-Andéol, enfin à Sainte-Garde d'Avignon» (L, p. 18). Il demeura dans ce dernier séminaire jusqu'à l'âge de vingt-deux ou vingt-trois ans (L, p. 17, n° 2). Il ne s'accommoda jamais de la vie religieuse ; il était par nature agnostique et ne crut ni en Dieu, son allié, ni à rien.

3. Carrière

Bien que sa carrière ait été souvent décrite, la plus grande partie de sa jeunesse reste mal connue. Il monta à Paris vers 1777 et se fit rapidement connaître dans les salons de l'époque. Il rencontra Voltaire. Il acquit une notoriété européenne avec son Discours sur l'universalité de la langue française (rééd., Paris, 1991), qui lui valut le prix de l'Académie de Berlin en 1784. Sa seconde œuvre importante fut la traduction de L’Enfer de Dante, qui parut en 1784. Durant la Révolution, il se fit plus d'ennemis que ne lui en avait valu le Petit Almanach de nos grands hommes (1788) ; il attaqua les chefs politiques de la Révolution dans son Journal politique national, et dans la suite du Petit Almanach : le Petit Dictionnaire des grands hommes de la Révolution (rééd., Paris, 1987). Le 10 juin 1792, il gagna l'Angleterre, juste à temps pour se mettre à couvert de la vengeance des révolutionnaires (voir les lettres à son père dans L, p. 338). D'Angleterre, il passa à Bruxelles puis à Hambourg où il demeura cinq ans (1795-1800) et à Berlin, où il mourut.

4. Situation de fortune

Il eut une réputation d'extravagance et de prodigalité envers ses amis. Son père avait de maigres revenus, n'ayant hérité de sa famille que peu d'argent et «quelques terres» (L, p. 6). R. reçut, en 1779, 50 écus par mois de Panckoucke pour la critique des ouvrages nouveaux dans le Mercure (L, p. 46) ; mais comme il ne fournit que quelques articles. Panckoucke dut recourir à un autre mode de rétribution. R. reçut une petite pension royale pour son Discours (L, p. 64) et quelques dons en argent pour ses autres ouvrages. Ce n'est que sous la Révolution, pourtant, qu'il dut à sa plume des revenus substantiels : il quitta la France en 1792 avec, dit-on, 80 000 £ (L, p. 62, n° 1). Il mourut pauvre ; moins paresseux ou plus vénal, il eût fait fortune (L, p. 61-70).

5. Opinions

R. fut un cynique, indifférent à la vérité ou à la fausseté de la religion aussi bien qu'à son utilité sociale. Conservateur, il haïssait la nouveauté. Il fut l'un des premiers à s'opposer à la Révolution ; il avouait néanmoins une admiration de principe pour la forme anglaise de gouvernement. Avant la Révolution, il ne s'occupa que de littérature et de morale : la Révolution mit en lumière ses dons d'analyste en politique : mais ses intuitions furent souvent obscurcies par un préjugé invétéré à l'encontre du peuple, et par des haines personnelles.

6. Activités journalistiques

Sa réputation de journaliste se fonde sur son opposition à la Révolution. Avant 1789, il n'a fourni que quelques articles au Mercure de France : le premier article qu'on puisse lui attribuer dans ce journal est consacré au «Théâtre de M. Louis de Boissy», le 25 février 1779. Jusqu'en mars 1782, il écrivit probablement douze articles (voir la liste donnée par L, p. 355-356) ; il fournit également trois articles anonymes en 1786-1787 (L, p. 359).

Journal politique national, Versailles, 1789, 23 numéros, rédigé par Sabatier de Castres puis par R. (L, p. 360-363).

Les Actes des Apôtres, nov. 1789-oct. 1791, 311 numéros (voir la liste des articles probablement dus à R., dans L, p. 364-365). – La Chronique scandaleuse, 1791, 33 numéros, par Champcenetz et Tilly ; il est possible mais non certain que R. ait aidé ses amis (voir B.H.C., p. 1791). – Le Spectateur du Nord, «Journal politique, littéraire et moral», Hambourg, janv. 1797-déc. 1802, 24 vol. : R. passe pour avoir collaboré à ce périodique en 1797. P. Hazard dans l'article qu'il a consacré au Spectateur du Nord (R.H.L.F., 1906, p. 26-50), mentionne cette collaboration sans tenter de la préciser. Elle fut probablement très réduite. Cior 18 attribue à R. le Journal-pie (n° 53269) ; il s'agit en fait de son frère, Claude François.

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 53235-53302 ; liste critique des œuvres de R. ou attribuées à R. dans L. p. 355-384.

8. Bibliographie

La plupart des ouvrages consacrés à R. peuvent se classer en trois catégories : les éloges, les attaques, les morceaux choisis. Aucune biographie de premier plan. Des deux études les plus substantielles, celle de M. de Lescure et celle de Le Breton, la seconde est de loin la meilleure et reste l'ouvrage de base pour la vie et les œuvres de R. : (L) Le Breton A., Rivarol, sa vie, ses idées, son talent, Paris, 1895. – Lescure M. de, Rivarol et la société française pendant la Révolution et l'émigration, 1753-1801, Paris, 1883. – Popkin J.D., The Right-wing press in France 1792-1800, Durham, U. of North Carolina Press, 1980. – Lessay J., Antoine de Rivarol, le Français par excellence, Paris, 1989. – Francotte A., « Rivarol et la Révolution française», Ecrits de Paris, oct. 1989, p. 88-96­, et nov. 1990, p. 89-96. – Matyaszewski P., «Le conservatisme éclairé de Rivarol», R.H.L.F., juil.-oct. 1990, p. 622-630. – Menant S., « Rivarol au travail », dans Langue, littérature du XVIIe et du XVIIIe siècle : mélanges offerts à Frédéric Deloffre, Paris, 1990.

PANCKOUCKE

Numéro

616

Prénom

Charles

Naissance

1736

Décès

1798

Charles Joseph Panckoucke, second fils de l'imprimeur libraire André Joseph Panckoucke (voir ce nom), est né à Paris le 26 novembre 1736. Quoique son père fût déjà solidement établi, c'est Charles Joseph qui lia le nom des Panckoucke à la plus grande maison d'édition du XVIIIe siècle. Son fils, Charles Louis Fleury (1780-1844) se distingua dans la même profession, et sa fille, Mme Agasse, l'exerça également. L'une des soeurs de C.J.P., Amélie (1750-1830) se maria à Suard en 1766.

2. Formation

Le père de P. est un janséniste qui «a inoculé le goût et la passion pour l'étude à toute sa famille» (Lettre de M. Panckoucke, p. 17). Après la mort de son père, il s'engage, par goût personnel, dans la voie des mathématiques et espère devenir ingénieur. Il ne peut cependant atteindre ce but n'ayant pas eu le courage d'affronter l'examen après s'être entendu dire par l'examinateur : «Vous n'avez ni fortune ni naissance, vous ne parviendrez point ; jetez-vous dans le commerce!» (Ibid., p. 23-24). Sa mère lui lègue alors l'importante librairie paternelle qu'elle dirigeait depuis quatre ans, place Rihour à Lille. De 1757 à 1761. Mais, de 1761 à 1762, une expérience journalistique décevante – les Annonces, Affiches et Avis divers pour les Pays Bas français n'ont pas assez d'abonnés et son Courrier du Commerce a été courcircuité par les Affiches de Paris –, l'impossibilité d'éditer à Lille même, face aux tracasseries de la censure et de la surveillance, l'échec de la Société littéraire qu'il a essayé de créer et qui le conduit en prison, toutes ces causes l'amènent à partir de Lille pour Paris en 1762.

3. Carrière

A la mort de son père en 1753, il avait pris en main l'affaire familiale. En 1758, il crée à Lille une académie (Lettre de M. Panckoucke, p. 25), et rédige des articles scientifiques dont plusieurs pour l'Académie des sciences. En 1761, il acquiert l'estime de J.J. Rousseau pour avoir pris sa défense dans une lettre publique. Ce fut le début d'une amitié qui dura environ dix ans (Watts, « jean Jacques Rousseau et Charles Joseph Panckoucke »). En 1761, il défendit Buffon dans un ouvrage imprimé et se lia à lui (Watts, «Buffon and Panckoucke»). La même année, il publia son premier journal, les Annonces, Affiches et Avis divers pour les Pays Bas français. A la suite de démêlés avec la censure en raison d'éloges accordés à l'Emile, P. doit quitter Lille. Il se rend à Paris avec ses deux soeurs en 1762 (Kulstein, p. 304-319 ; Trénard, p. 105 ; Watts donne la date de 1760). La recommandation de Clairaut à Malesherbes, alors Directeur de la Librairie, évite à P. «un apprentissage et un examen ridicules». Après avoir signé un contrat avec Le Breton, il est reçu libraire huit jours plus tard, le 2 septembre 1762, moyennant 1400 £. P. achète alors le fonds de la boutique de Michel Lambert (déc. 1762) à l'enseigne du Parnasse, rue des Fossés St-Germain dite de la Comédie française. En 1764, il achète le fonds Durand et le fonds Anisson-Duperron. En 1768, il devient propriétaire de l'Hôtel de Thou, rue des Poitevins, en fait le centre de ses activités commerciales et sa maison. De bonnes relations avec le lieutenant général de police, le Directeur de la librairie, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, une amitié régulièrement cultivée avec J.J. Rousseau, des relations suivies avec Voltaire qu'il va voir à Ferney en 1767 et avec Buffon qu'il visite à Montbard en 1764, ses relations familiales avec J.B. Suard qui épouse sa soeur Amélie (janv. 1766) font du libraire C.J. Panckoucke un commerçant parisien bien intégré dans sa corporation et la république des Lettres. A ce moment, il complète la série de l'Histoire naturelle déjà connue et acquiert du Directeur de l'Imprimerie royale le fonds des Mémoires et de l'Histoire des Académies qu'il met à jour. L'activité de libraire est, de loin, la plus importante et, sur le plan journalistique, il ne fait que liquider les journaux trouvés dans le fonds Lambert (Journal des Savants, Journal Chrétien, Avant-Coureur). L'acquisition de L'Année littéraire l'amène, en 1764, à tenter une réconciliation entre Voltaire et Fréron. En 1766, P. fit le voyage de Ferney avec sa femme et fut accueilli cordialement par Voltaire : Panckoucke se fit son «dépositaire» et «l'un de ses commissionnaires à Paris» (Caussy, p. 84). P. rendit plusieurs autres visites à Voltaire qui, en 1775, fut charmé par sa soeur, Mme Suard. A sa mort, Voltaire laissait à P. le soin de réaliser une édition spéciale de ses oeuvres. Pour aider au financement de ce projet, P. écrivit à Catherine de Russie en lui offrant la dédicace de l'ouvrage. Après avoir attendu vainement sa réponse pendant sept mois et croyant à un refus, P. vendit les manuscrits de Voltaire à Beaumarchais. A peine avait-il procédé à cette vente qu'il reçut l'accord de Catherine pour la dédicace et l'offre de prise en charge des frais d'édition (Watts, «The Kehl Edition of Voltaire's Oeuvres»). P. s'était, à cette époque, consacré à l'édition des périodiques, avec le Journal politique de Bruxelles et le Journal de Genève ; il obtint en 1778 la direction du Mercure de France et en 1787, celle de la Gazette de France. En 1782, il s'était lancé dans sa plus grande entreprise d'édition, la révision de l'Encyclopédie sous la forme de l'Encyclopédie méthodique par ordre des matières, dont le prospectus fut publié en décembre 1781 ; sa fille l'acheva cinquante ans plus tard (Watts, «The Encyclopédie méthodique»).

Pendant cette période, il s'entoure d'un véritable «brain trust» qui lui permet de créer le «premier empire journalistique» et de devenir un puissant vulgarisateur des Lumières. Si J.J. Rousseau n'a finalement pas répondu aux démarches de P., si Voltaire n'a que fort peu participé à ses publications, Buffon est demeuré en liaison avec lui depuis 1764 (acte de mai 1779, MC, XCIV-438 ; Paris, 11 mai 1779 ; ses visites à Montbard en 1770-1779-1780) et Arnaud, Berquin, Chamfort, Condorcet, Framery, La Harpe, Mallet du Pan, Peuchet, l'abbé Rémy, Suard et, plus tard, Garat ont fait partie de cet atelier auquel plus de 200 personnes ont participé, réalisant une oeuvre considérable : journaux, traductions, abrégés, oeuvres originales soit collectives, soit individuelles, au double service de la diffusion des Lumières et des intérêts économiques du libraire. En ce qui concerne les journaux, d'une part P. lance l'offensive contre les journaux de langue française imprimés à l'étranger en créant le Journal de Genève en 1772 (il devient propriétaire du Journal historique et politique de Genève dont le gouvernement lui cède le privilège : MC, XCIV 440) et le Journal de Bruxelles en 1774 (ce Journal de politique et de littérature, «sous l'aveu de Bruxelles», résultait de la fusion de l'Avant-Coureur et du Journal ou Gazette de littérature, des Sciences et des arts : J.B., 25 oct. 1774), tous deux imprimés à Paris. D'autre part, P. rajeunit les journaux français : c'est le cas pour le Mercure de France dont il devient propriétaire en mai 1778 et dont la partie politique devient semblable à celle du Journal de Bruxelles (MC, LXXXIII, 590), mais il conserve telle quelle la Gazette de France dont il acquiert le privilège à la fin de 1786. Déjà, en 1778, P. distribue 7500 exemplaires de journaux ; en 1780, 13 000 ; en 1785, 26 000, et en 1789 il en diffuse encore 24 000. C'est également pendant cette période que le libraire de l'Hôtel de Thou domine la Communauté des libraires. De 1769 à 1778, son activité est intense et multiple : il publie les éditions : Buffon, les Mémoires et Histoire de l'Académie royale des sciences, des inscriptions et belles-lettres, le Grand Vocabulaire français, l'Histoire générale des voyages de l'abbé Prévost, l'Histoire naturelle des glacières de la Suisse, le Voyage de M.M. Banks et de Solander (traduit de l'anglais par Suard), le Répertoire universel et raisonné de Jurisprudence civile, criminelle, économique et bénéficiale (BN, Ms. fr. 21-967). Pour le compte de Cramer à Genève, il vend les Oeuvres de Voltaire et, clandestinement, l'édition dite encadrée du même auteur et les Commentaires historiques sur les oeuvres de l'auteur de la Henriade (1776). De 1778 à 1789, après l'abandon des grandes collections de l'Imprimerie royale, P. privilégie journaux et Encyclopédies. Déjà de 1768 à 1776, il a réimprimé, avec l'aide de Cramer (à Genève) et celle de J.B. Robinet (à Bouillon), l'Encyclopédie in-f° de Diderot ainsi que des Suppléments. Songeant à une Encyclopédie totalement renouvelée, il charge Suard, d'Alembert et Condorcet (1776) de préparer cette édition nouvelle. Mais, deux éditions concurrentes de sa réédition in-folio l'obligent à capituler ; tout en s'associant à l'une d'elle, il lui ajoute une Table analytique (1777-1782). A partir de 1778, P. réalise enfin ses projets en éditant une Encyclopédie méthodique par ordre de matières dont il est responsable jusqu'en 1794.

Devenu, à l'aube de la Révolution, un géant de l'édition, P. augmenta encore son «empire» par l'acquisition du titre de la Gazette nationale, in folio, connue sous le nom de Moniteur universel. Cependant la Révolution lui valut, du moins sur le plan du commerce, plus de déboires que de satisfactions. En 1792, il avait remis la Gazette de France au gouvernement ; le Mercure de France tombait ; il s'endettait avec l'Encyclopédie. Il connut enfin un échec complet aux élections à l'Assemblée législative en septembre 1791. Il ne survécut à la Révolution que par l'appui qu'il donna aux Jacobins en 1793 1794. En fait, dès juillet 1788, la presse française était libre. Pour sauver ses journaux d'Ancien Régime, P. a opéré un agiornamento en essayant de renouveler les équipes de rédaction, d'accélérer le rythme des publications, d'atténuer leurs tendances conservatrices par la création de deux journaux parallèles distribués avec la Gazette de France et le Mercure de France : le Gazettin (4 juin 1790) pour le premier, l'Aviseur national (23 déc. 1792) pour le second. En 1791, le gouvernement reprend la direction de la Gazette de France et le Mercure de France devient le Mercure français (sept. 1792). Au début de 1793, ce journal passe du format in 12° au format in 8° et devient quotidien jusqu'au 13 mars où il redevient hebdomadaire, puis décadaire à partir du 10 Ventôse an IV. En fait, c'est une nouvelle création, celle du Moniteur Universel (ou Gazette nationale), le 26 novembre 1789, qui lui assure le succès jusqu'à ce qu'il abandonne librairie, imprimerie et journaux à son gendre Agasse en 1794. Mais, c'est encore comme directeur de journal qu'avec la Clef du Cabinet des Souverains il subvient à sa vie quotidienne une fois retiré des affaires et ce, jusqu'à sa mort en décembre 1798.

4. Situation de fortune

Difficultés et réussites financières se succèdent pour C.J. Panckoucke dont Cramer pouvait dire qu'il était «perpétuellement embarrassé, tout riche qu'il était» (B.P.U. de Genève, Dossier Panckoucke, f° 26-29. Genève, 21 août 1772). En 1762, d'après ses propres déclarations, il vint à Paris «avec cinq cents louis de dettes, sans amis, sans crédit». (Lettre de M. Panckoucke, p. 26). En 1766, au moment de son mariage, ses biens sont estimés à 500 000 £ (MC, LXXXIII- 519, 7 août 1766) ; sa femme n'apporte que 600 £ de dot. En 1768, il achète l'Hôtel de Thou pour 60 000 £ et y fait faire pour 40 000 £ de réparations ; la même année, il achète à Le Breton les cuivres de l'Encyclopédie de Diderot pour 20 000 £. Dans la période 1772-1788, les journaux qu'il contrôle lui rapportent en moyenne plus de 200 000 £ annuelles et les Encyclopédies plus de 100 000 £. Cependant, trois moments ont été particulièrement difficiles : 1770, année pendant laquelle 300 000 £ étaient immobilisées par l'obligation de dépôt à la Bastille des trois premiers volumes de la réédition de l'Encyclopédie de Diderot ; 1777-1779, période pendant laquelle le libraire avoue un découvert de 340 000 £ (faillites de ses débiteurs) ; 1782 où une «faillite» équivalente ralentit ses affaires. La période révolutionnaire a été sans doute plus difficile : dépréciation de l'assignat, grèves des ouvriers de l'imprimerie, raréfaction et renchérissement du papier, difficultés de l'E.M. dès 1785, suppression pour P. du monopole des nouvelles. Toutes ces raisons font qu'il avoue 2 000 000 £ de pertes de 1789 à 1794 (B.P.U., D.P., f° 157-158, 24 floréal an VI). Mais, en 1792, il achète l'église des Prémontrés à la Commune de Paris (MC, LXXXIII, 673), en 1794 il rachète à son gendre la maison de Boulogne (MC, IX, 854 et XIII, 482). Cette année là, son actif est de 2 422 000 £ (dont 375 000 représentent des immeubles) et son passif de 1 600 000 £ (acte de vente à Agasse, 26 janv. 1794, MC, LXXXIII, 673). En 1798, l'inventaire après décès fait apparaître le solde de ses biens immobiliers, de sa bibliothèque et de son imprimerie pour un montant de 46 710 £.

En 1792, ses ennuis lui vinrent du fait qu'il vendait des journaux considérés comme hostiles à la Révolution, et de ses compromissions avec plusieurs périodiques de l'ancien régime. Outre cela, il était tenu, de par le privilège exclusif d'impression des nouvelles politiques, de verser des pensions. En particulier, il avait accepté, en reprenant le Mercure, de continuer les pensions versées aux hommes de lettres qui y avaient travaillé (voir Azam, «Le ministère des Affaires étrangères et la presse de l'Ancien régime», et le contrat de reprise du Mercure, reproduit dans H.G.P., p. 214-216). A la Révolution, il perdit son droit exclusif. Il mena alors de vaines batailles pour se débarrasser des paiements de pension, protestant de ce que, n'ayant plus de monopole, il n'était plus tenu de les verser ; elles s'élevaient alors à 1 000 000 £ (voir le Mercure du 31 octobre 1789, p. 97-100, section littéraire, et celui du 30 janvier 1790, p. 225-226 ; Mémoire en faveur de M. Panckoucke relatif aux journaux dont il est propriétaire, novembre 1790, 9 p.). Il surmonte partiellement ces difficultés en payant certains des «pensionnés» pour le contrôle de la section littéraire du Mercure, mais en décembre 1791, pour mettre fin à leurs clameurs, il renonça à ses obligations et rendit le brevet du Mercure au ministère de l'Intérieur. Il abandonna alors le titre du Mercure, qui cessait ainsi d'exister légalement et qui reparut sous le titre de Mercure français politique et littéraire (17 déc. 1791). Le 1er novembre 1791, il avait arrêté les frais de la Gazette de France en la rendant au ministère des Affaires étrangères (cf. l'Avis de M. Panckoucke sur le Mercure de France, 8 p., in 12, début de décembre 1791). P. avait soin de ne pas mentionner le Moniteur parmi les déficits cités ; ce journal lui assura certainement de grands profits. Cependant les problèmes continuels que lui posait l'Encyclopédie contribuèrent, en 1792, à ruiner sa santé (Watts, The Encyclopédie méthodique, p. 358).

5. Opinions

P. est un adhérent enthousiaste des Lumières et sur le plan religieux, ce qui domine chez lui c'est l'anticléricalisme. En 1761, il écrit une Défense à l'Histoire nationale des animaux publiée par M. Buffon (in 12°, 284 p. sans nom d'auteur, chez Lambert à Paris) et défend La Nouvelle Héloïse violemment critiquée par Charles Bordes dans une «Contre prédiction au sujet de la Nouvelle Héloïse, roman de Monsieur Rousseau de Genève» (Journal Encyclopédique 1761, t. IV). Au départ de sa carrière parisienne et grâce à son beau-frère Suard, il est introduit dans les salons de la bourgeoisie parisienne très favorable aux Lumières. Ce combat il le soutiendra malgré les échecs et les difficultés jusqu'à sa mort. Mais ce penchant naturel qui le porte à s'associer et à promouvoir le mouvement des Lumières ne l'empêche pas, pour les nécessités de diffusion commerciale, d'avoir d'excellents rapports avec le gouvernement, surtout après 1770 (Maupeou, Sartine, Montmorin, Vergennes, Maurepas). Au point de vue socio-économique, P. est un réformiste qui veut transformer les chambres syndicales : il les conçoit comme des sortes de clubs et d'associations de secours mutuel qui doivent défendre les auteurs et les imprimeurs pour les protéger des contrefaçons ; il se préoccupe de formation professionnelle, participe aux discussions sur la liberté de la presse à laquelle il est favorable en 1788 et 1789.

Au point de vue politique, P. a accueilli favorablement la Révolution tout en recherchant l'évolution plutôt que le changement brutal. De 1789 à 1791, il publie des brochures sur les Etats généraux, la situation financière, tout en conservant au Roi son entière confiance ; il se risque même à poser sa candidature à l'Assemblée législative mais échoue. En fait, de 1791 à 1795, il demeure silencieux (et malade). D'accord avec l'Assemblée constituante, il fit un bout de chemin avec les Girondins, mais ne put continuer au-delà : il est favorable à un pouvoir exécutif fort (il évoque avec espoir le général Bonaparte «ce jeune et vaillant héros» en 1792), à une organisation financière et à une monnaie saine ainsi qu'à la fusion sociale (il croit tout à fait possible la fusion de la noblesse et de la bourgeoisie). Sur ses convictions à la veille de l'avènement de Napoléon, voir l'article de Kulstein.

6. Activités journalistiques

P. a publié des articles dans le Journal encyclopédique et une lettre dans le Magasin encyclopédique dès 1761 (B.Un.) ; il a fourni des articles dans ses propres périodiques, surtout sur des matières techniques, mais son apport principal au journalisme fut l'aide qu'il apporta à d'autres écrivains dans les périodiques qu'il avait fondés ou qu'il contrôlait.

Annonces, Affiches et Avis divers pour les Pays-Bas français (D.P.1 51) : en 1760, P. obtint une permission pour la région de Lille. Le journal parut chaque semaine du 7 janvier 1761 au 28 décembre 1762. Dans sa dernière année, il fut dirigé par Jean Baptiste Panckoucke, P. ayant quitté Lille pour Paris en 1762. A la même époque, il renonça à un projet de Courrier du commerce (H.G.P., p. 378-383). En 1762, P. imprimait l'Avant-Coureur, le Journal des savants et l'Année littéraire, qu'il garda jusqu'en 1769.

Journal historique et politique (D.P.1 754) : fondé par P. en 1772, publié sous rubrique de Genève mais imprimé en fait à Paris, ce journal est surtout connu sous le titre de Journal de Genève, qu'il prit en 1789.

Journal de politique et de littérature (D.P.1 684) : connu sous le titre de Journal de Bruxelles, fondé par P. en 1774 : P. prit comme éditeur Linguet mais en juin 1776, le remplaça par son vieil ennemi, La Harpe. On s’est demandé pourquoi P. avait lancé a deux ans distance deux journaux apparemment en compétition, le Journal historique et politique et le journal de Bruxelles ; G. Feyel à montrer récemment comment P. avait, dès juillet 1773, revendu le premier à Lacombe pour fonder le deuxième (t. III, p. 930-937).

Mercure de France (D.P.1 925) : P. l'acheta à Lacombe en mai 1778 avec l'aide du ministre des Affaires étrangères, Vergennes, qui lui avait préalablement garanti le monopole des nouvelles politiques. Parti de 1764 souscripteurs et de 40 000 £ de dettes en 1778, P. avait réussi, à la veille de la Révolution, à atteindre le nombre de 12 000 souscripteurs au moins : un prospectus de 1786 cite le nombre de 15 000 souscripteurs (H.P.L.P., t. I, p. 429-430). Le Mercure était à cette époque l'un des journaux français les plus répandus. En reprenant le Mercure, P. y incorpore son Journal de Bruxelles, créant ainsi une division originale entre la section littéraire et la section politique ; il en fit en même temps une publication hebdomadaire. Le succès du Mercure était dû surtout au choix de ses auteurs, particulièrement avec l'engagement de Mallet du Pan comme chroniqueur et éditeur politique en 1784, mais aussi à l'habileté de P. vis-à-vis de ses rivaux. Les principaux périodiques absorbés par le Mercure, outre le Journal de Bruxelles, sont : le Journal français, le Journal des dames, le Journal des spectacles, la Gazette littéraire, les Affaires d'Angleterre et d'Amérique, le Journal de la librairie, la Gazette des tribunaux (voir le prospectus de 1786 et l'article de D. Azam).

Gazette de France : P. en prit le contrôle en 1787 ; le nombre des souscripteurs était alors tombé de 12 260 (en 1781) à 6930 (en 1785 ; cf. Azam, p. 430-431). P. Ie rendit au Ministère le ler novembre 1791.

Gazette nationale ou Moniteur universel : fondée par P. Ie 27 novembre 1789.

Clef du cabinet des souverains : fondé par P. peu de temps avant sa mort.

7. Publications diverses

voir Cior 18, n° 48947-48963 et dans S. Tucoo-Chala, p. 28-30.

8. Bibliographie

B.Un. – P., Lettre de M. Panckoucke à MM. le Président et électeurs de 1791, Paris, 1791. – Caussy F., «Lettres inédites de Voltaire à Panckoucke», Mercure de France, t. LXXXIV, 1910, p. 83-94. – Raphaël P., «Panckoucke et son programme de journal officiel», La Révolution française, t. LXIV, 1913, p. 216-220. – Azam D.A., «Le ministère des Affaires étrangères et la presse à la fin de l'ancien régime», Cahiers de la Presse, juillet 1938, p. 428-438. – Watts J.B., «Voltaire et Charles Joseph Panckoucke», Kentucky foreign language quarterly, t. I, 1954, n° 4, p. 179-197. – Id., «The Supplement and the Table analytique et raisonnée of the Encyclopédie», French review, t. XXVIII, n° 1, 1954, p. 4-19. – Id., «Catherine II, Charles-Joseph Panckoucke and the Kehl edition of Voltaire's Oeuvres, Modern language quarterly, t. XVIII, mars 1957, p. 59-62. – Id., «The Comte de Buffon and his friend and publisher Charles-Joseph Panckoucke», Modern language quarterly, t. XVIII, décembre 1957, p. 313-322. – Id., «The Encyclopédie méthodique», .P.M.L.A., t. LXXIII, septembre 1958, p. 348-366. – Id., «Panckoucke's saving of academic memoires», Kentucky foreign language quarterly, t. V, 1958, p. 212-216. – Id., «Voltaire, Christin and Panckoucke», French Review, t. XXXII, décembre 1958, p. 138 143. – Id., «Jean-Jacques Rousseau and Charles-Joseph Panckoucke», Philological quarterly, 1959, p. 480-487. – Id., «Panckoucke, Beaumarchais and Voltaire's first complete edition», Tennessee studies in litterature, t. IV, 1959, p. 81-97. – Kulstein D.I., «The ideas of Charles-Joseph Panckoucke, publisher of the Moniteur universel, on the French Revolution», French historical studies, t. IV, 1966, p. 304-319. – Trénard L., «La presse périodique en France au XVIIIe siècle», Dix-huitième siècle, n° 1, 1969, p. 89-105. – Tucoo-Chala S., Charles-Joseph Panckoucke et la librairie française (1736-1779), Pau et Paris, Marrimpouey et J. Touzot, 1977. – Darnton R., «L'imprimerie de Panckoucke et l'An II», Revue française d'histoire du livre, n° 24, juil. - sept. 1979, p. 359-369. – Feyel G., L’Annonce et la Nouvelle : la presse d’information et son évolution sous l’Ancien Régime (1630-1788), thèse, U. de Paris IV, 1994 ; Oxford, Voltaire Foundation, 1999.

GARAT

Numéro

329

Prénom

Dominique

Naissance

1749

Décès

1833

Dominique Joseph Garât est né à Bayonne (Ustaritz) le 8 septembre 1749 (Mathiez ; B.Un.). Son père (mort vers 1764) était un docteur basque qui exerçait à la fois en Espagne et en France (G., Mémoires, p. 465) ; son frère aîné, Dominique (1735-1799) fut élu avec lui représentant du Tiers-Etat pour le «bailliage de Labour» aux Etats Généraux. Il avait un autre frère, Léon, et une sœur qui fut « supérieure du couvent de la Visitation à Bayonne» (B.Un.).

2. Formation

L'un des premiers maîtres de G. fut un «abbé Duronéa, curé de Saint Pé et parent de son père». Il poursuivit ses études au collège de Guyenne à Bordeaux. Il demeura quelque temps au séminaire de Larressone (B.Un.). Cependant, il n'aimait pas les études formelles et se prétendait un autodidacte, errant parmi les champs de son village, Ustaritz, avec un Virgile dans une poche, un Locke ou un Montesquieu dans l'autre (Mémoires, p. 465-466). Il fit son apprentissage d'homme de loi avec son frère et «fut reçu avocat au parlement de Bordeaux» (B.Un.). Il abandonna le droit et vint à Paris pour faire sa carrière dans les lettres. Il y rencontra beaucoup de « philosophes » et fut particulièrement influencé par Condorcet dont il devint l'ami.

3. Carrière

G. arriva à Paris en 1777. Il y rencontra Suard et Panckoucke et fut aussitôt employé au Mercure de France, où il donna des articles dans la section littéraire. Il acquit presque immédiatement la célébrité ; après un Eloge de Michel de l'Hospital imprimé en 1778, il gagna le prix de l'Académie française en 1779 pour son Eloge de Suger, et de nouveau en 1781 pour son Eloge de Charles de Sainte-Maure, duc de Montausier, et en 1784, pour son Eloge de Bernard de Fontenelle. A la même époque, il écrivit de nombreux articles pour le Mercure de France et le Journal de Paris, ainsi que pour l'Encyclopédie méthodique de Panckoucke. En 1786, il fut nommé professeur d'histoire au Lycée où il enseigna l'histoire ancienne, avec quelques interruptions, pendant de nombreu ses années. Déjà célèbre en 1789, il connut un succès encore plus grand sous la Révolution et l'Empire. Elu député à l'Assemblée Constituante le 22 avril 1789 (D.C.), chargé de la section politique du Journal de Paris, il se retira provisoire ment de l'activité politique à la fin de la Constituante. En avril 1792, il suivit l'ambassadeur de France en Grande-Bretagne ; il y revint en juin pour défendre la Révolution qu'il jugeait travestie (Mémoires, p. 295). Le 9 octobre 1792, il remplaça Danton comme ministre de la Justice, et devint ministre de l'Intérieur le 14 mars 1793. Il démissionna le 20 août. Arrêté en septembre 1793 (Mathiez), il fut relâché et mis en résidence surveillée, mais se retrouva en prison en 1794 et fut condamné à la guillotine le 2 thermidor. La mort de Robespierre ne le tira pas immédiatement du danger et Billaud réclama son exécution ; mais plusieurs des nouveaux membres de la Convention souhaitaient le nommer «commissaire de l'Instruction publique» (Mémoires, p. 458) ; il fut désigné comme «professeur de philosophie à l'école normale». En 1796, il fut élu au Conseil des Anciens par le département de la Seine-et-Oise ; nommé ambassadeur à Naples en 1798, il fut nommé sénateur sous Napoléon, puis comte d'Empire et commandeur de la Légion d'honneur. Sous la Restauration, G. fit partie de la Chambre des Cent jours (D.C.), puis se retira de la vie publique et continua d'écrire. Il fut membre de l'Institut de 1803 à 1816.

4. Situation de fortune

G. prétendait qu'il était né sans fortune et qu'il était arrivé à Paris en 1777 avec 36 louis. Pendant quelque temps, «il se procura une correspondance littéraire qui lui valut 50 louis par an » ; en même temps, il était appointé au Mercure de France pour une somme de 4 à 6000 £ par an. A partir de 178 5 environ, il eut une rente de 360 £ sur un « placement fait [...] sur les fonds de l'état» (Mathiez). Il acquit ainsi une sécurité financière suffisante pour lui permettre de refuser deux pensions en 1785 : l'une de 1200 £ payées auparavant à l'abbé Raynal, qui venait d'être obligé de quitter la France Garât déclara qu'il «ne savait pas s'enrichir des dépouilles des vivants» - ; l'autre était une «gratification» de 300 £ que lui offrait le baron de Breteuil pour son travail au Mercure ; Garât la refusa car il n'en était pas «à cet état d'humiliation et détresse qui peut réduire un homme de lettres à accepter une gratification de cent écus» (H.P.L.P., t. II, p. 416-418 ; CL., t. XIV, p. 173-174). Comme professeur d'histoire au Lycée, il gagnait 5000 £ par an (Mathiez).

La publication du Journal de Paris de 1789 à 1791 lui valut environ 32 000 £ (Mémoires, p. 467) : interrogé par le comité révolutionnaire «Mont-Blanc» en septembre 1793, G. dit avoir reçu 2000 écus la première année, 12 000 £ la seconde année, et 15 000 £ pour la troisième (Mathiez). Il fut également rétribué pour ses fonctions politiques, ce qui lui permit, avec son activité d'écrivain et d'enseignant qu'il sut toujours mener de pair, de s'assurer une vie confortable pour le restant de ses jours.

5. Opinions

Bien que très attaché à sa sœur religieuse, et bien qu'il soit devenu catholique pratiquant dans ses dernières années, il fut athée sans l'avouer, au moins durant la Révolution. Il crut pouvoir concilier son rationalisme et les croyances de l'Eglise. Dans ses Mémoires, et dans le Journal de Paris, il apparaît comme un philosophe convaincu de la vertu du « laissez-faire » en économie et de la possibilité du progrès dans le domaine social. Il fut favorable à la Révolution et compta parmi ses amis Brissot, Condorcet et Rabaud de Saint-Etienne. Napoléon le considérait comme un «idéologue». Si les idées de G. étaient radicales, il était d'une nature timide ; son jugement était compromis par un optimisme naïf, par la crainte de susciter la polémique et par le souci obsédant de flatter les maîtres du jour.

6. Activités journalistiques

Mercure de France : il en fut l'un des principaux rédacteurs dès 1777. En septembre 1784, Meister notait le «grand nombre d'articles intéressants dont il a enrichi depuis quelques années le Mercure de France» (t. XIV, p. 29) ; en juin 1785, il le disait «l'un des coopérateurs les plus laborieux et les plus distingués» de ce journal (t. XIV, p. 173).

Journal de Paris : G. y donne des articles à partir de 1781. De mai 1789 à septembre 1791, il assura la section politique du journal et rédigea l'article «Assemblée nationale» (D.C.). A dater d'octobre 1792, il fut présenté comme l'un des éditeurs du journal, mais il est peu probable qu'à cette époque, il y ait joué un grand rôle.

Gazette nationale ; il écrivit sous la rubrique « Convention » les comptes rendus consacrés aux premières et rares sessions de cette assemblée (Mémoires, p. 296).

Journal politique et philosophique «ou considérations périodiques sur les rapports des événements du temps, avec les principes de l'art social», an III. Seul parut le «Discours préliminaire».

Le Conservateur «journal politique, philosophique et littéraire», an V-VI, en collaboration avec Daunou et Chénier.

La Clé du Cabinet des souverains, an V-XIII, en collaboration avec plusieurs écrivains.

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 30248-30279.

8. B.Un. ; D.B.F. – Garât D.J., Mémoires sur la Révolution, ou Exposé de ma conduite dans les affaires et dans les fonctions publiques, Paris, 1795 ; rééd. par Bûchez et Roux dans Histoire parlementaire de la Révolution française, t. XVIII. Nos références renvoient à cette édition. – Mathiez A., «L'arrestation du ministre Garât», Annales historiques de la Révolution française, t. IX, 1932, p. 156-162. Cet article reprend le procès-verbal de la section du Mont-Blanc, comité révolutionnaire, à la suite de l'arrestation de G. en septembre 1793. – Gusdorf G., La Conscience révolutionnaire : les idéologues, Paris, 1978. Correspondance inédite de Condorcet avec Suard, Garât, éd. E. Badinter, Paris, 1988. – Soboul A., Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, 1989. – (D.C.) Lemay E., Dictionnaire des Constituants, Paris, 1991.