OLIVEYRA

Auteurs

Numéro

608

Prénom

François Xavier d'

Naissance

1702

Décès

1783

Né le 21 mai 1702 à Lisbonne. Son père, José de Oliveira e Sousa, était fonctionnaire d'Etat et fut pendant 25 années secrétaire d'ambassade en Hollande et à Vienne. Sa mère était Dona Isabel da Silva Neves (Rivara, Noticia).

2. Formation

Le père de O., homme de grande érudition qui avait réuni une bibliothèque célèbre de livres d'histoire, lui donna une éducation soignée. De 1712 à 1717 il fit des études avec le Père Lourenço Pinto. Il commença à composer des poèmes à un âge tendre, et fréquentait des cercles artistiques et libertins de Lisbonne. Selon son propre témoignage, il fut proposé comme membre de l'Académie royale de Lisbonne, mais son élection fut suspendue par le comte d'Eirceira (Cartas familiares). A l'âge de seize ans O. fut admis à la Cour des comptes (Contos do Reino e Casa), où il servit pendant dix-sept ans. En récompense des services rendus, mais surtout grâce au mérite de son père, O. reçut en décembre 1729 les titres de gentilhomme de la Maison du roi du Portugal (Cavalleyro Fidalgo da Caza de Sua Magestade) et de chevalier de l'ordre du Christ. Il perdit ses titres et tous ses biens au Portugal après sa condamnation par l'Inquisition à Lisbonne le 20 septembre 1762 (Le Chevalier brulé).

3. Carrière

En 1732 O. se rendit à Madrid, où son oncle, le Père Mansel Ribeyro, qui était chargé d'affaires de l'ambassadeur de Portugal, le présenta à la cour d'Espagne. A la mort de son père le 19 avril 1734 (et non 1732 comme le veut B.Un.), il lui succéda comme secrétaire d'ambassade auprès de la cour de Vienne, à la demande du comte de Tarouca, ministre plénipotentiaire et grand ami de feu son père. Mais le chevalier abusa de la bienveillance du comte de Tarouca en menant une vie de scandale ; le comte demanda son licenciement. Avant l'expulsion, Tarouca mourut et en 1740 le Chevalier s'enfuit de Vienne emportant avec lui toute la correspondance diplomatique, qu'il vendit ensuite aux enchères à Amsterdam, à La Haye et à Londres (Grande Encyclopédia). Il resta quatre ans en Hollande, fuyant sa mauvaise fortune et ses créanciers puis passa en Angleterre, où il vécut de 1744 jusqu'à sa mort en 1783. Il y passa dix-huit mois en prison pour dettes (à Fleet Street), ayant été arrêté le 1er décembre 1746. En 1753 il se retira dans une petite maison à Kentish Town (Londres), où il partagea son temps entre son bureau et un petit jardin. A partir de 1762 il habita Knightsbridge, où il était plus près de ses amis, et finalement, en 1775, il s'installa à Hackney, où il passa les huit dernières années de sa vie, écrivant le matin, et passant ses soirées à lire (G.M.).

4. Situation de fortune

Ayant abandonné le service diplomatique, O.fut forcé de vivre de sa plume. Comme il le dit dans la dédicace de Cartas familiares, datée de La Haye, le 19 février 1742, il n'avait jamais eu l'intention de publier ces lettres, qu'il avait écrites pour son amusement, «mais la faim et les privations me forcèrent d'exercer ma plume pour payer mon pain». Arrivant en Angleterre en 1744, O. chercha le secours et la protection de l'envoyé du Portugal à Londres, Don José de Carvalho (mieux connu sous le titre de marquis de Pombal) ; celui-ci lui réserva un accueil favorable, mais avec sa conversion au protestantisme le chevalier se priva de tout secours de la part du ministre et de son pays natal. Cependant, un mariage avantageux avec une huguenote l'introduisit dans des milieux élevés du refuge français à Londres, parmi lesquels il trouva bientôt des protecteurs, le docteur J.J. Majendie lui procurant une pension royale du Prince de Galles, dont il jouit jusqu'à sa mort. «Cette adorable providence», écrit O. dans l'introduction du Chevalier brulé, «daigna aussi venir à mon secours, et elle se servit de ce même Mr Majendie, qui m'avoit aidé à renoncer à l'erreur, pour me procurer des secours efficaces en me suscitant des Protecteurs et des Amis par ses bons offices. Je ne commençai à être connu dans Londres qu'après avoir recouvré ma liberté, et bientôt après je me vis honoré de la bénéfice Royale du feu Prince de Galles, et de Madame la Princesse Royale, son Auguste Epouse, à qui je dois la meilleure partie de ma substance».

5. Opinions

C'est pendant son séjour à Vienne, que O. commença à avoir des doutes sur sa religion ; on en trouve des traces dans le premier volume de Cartas familiares, écrites en 1736. Mais il est difficile de dire à quel point il était sérieux car le ton de cette publication est invariablement badin. Il y expose cependant quelques-unes des absurdités de l'Eglise catholique en ce temps, notamment l'Inquisition, et il y parle de «papisme» et de «superstition». Ces remarques ont certainement contribué à sa rupture avec le comte de Tarouca, mais il est exagéré de dire «qu'il sacrifia une position brillante et une carrière plus brillante encore à la voix de conscience» comme le dit J.H. Da Cunha Rivara (Noticia, vol. III, iv). Le fait est que O., après son mariage en février 1746, fut baptisé et reçu dans l'église protestante par J.J. Majendie, le 22 juin 1746, dans la chapelle Les Grecs (la Savoye) à Londres. Par l'abjuration publique de la foi catholique, O. rompit tout lien avec le Portugal. D'autre part, sa conversion lui procura «des liaisons d'amitié avec la plupart des Théologiens, des Ministres, et des Principaux des Eglises Françoises, de même qu'avec plusieurs autres Personnes distinguées par leur naissance, leur savoir, et leurs vertus. J'ai eu la gloire de compter parmi elles, My Lord Grantham, My Lord Townshend, Madame la Duchesse Douaire de Somerset, l'illustre Archevêque de Cantorbery d'à Présent, et son prédécesseur l'Archevêque Thomas Herring» (Le Chevalier brulé, p. 8). Parmi les hommes de lettres à Londres, O. se lia avec Matthieu Maty et Jean Des Champs. Le premier annonça les écrits de O. dans son Journal britannique, et Des Champs corrigeait son français «qu'il ne possédoit pas bien» : «Je m'engageai à préparer chacune de ses Brochures [Amusements périodiques] quant au style et à corriger même les Feuilles à mesure qu'elles s'imprimeroient. Je n'entrepris cet Ouvrage pénible et peu agréable, uniquement que pour rendre service à cet homme de mérite qui n'avoit presque d'autre ressource pour vivre» (Mémoires secrets, 1750, p. 901). En 1755, à l'occasion du fameux tremblement de terre de Lisbonne le 1er novembre, O. adressa un Discours pathétique à ses compatriotes et au roi José I de Portugal, dans lequel il déclara que le tremblement avait été une punition de Dieu pour tous leurs péchés et surtout pour ceux de l'Inquisition, qu'il accusa de terrorisme et de la persécution des juifs. Il y ajouta la demande que le roi et tout son peuple se convertissent au Protestantisme afin d'échapper à la colère de Dieu. Cette brochure, qui parut en portugais, en français et en anglais, eut plusieurs éditions en quelques semaines et fut très populaire. L'Inquisition à Lisbonne s'en saisit et le condamna le 12 octobre 1756, comme hérétique ; son procès eut lieu par contumace et traîna à cause de la suspension de tous les Autodafés par le marquis de Pombal ; l'Inquisition réussit à le faire condamner comme ennemi de l'Etat, à le déposséder de tous ses titres et de ses biens au Portugal et à le brûler en effigie à Lisbonne le 20 septembre 1762 (Le Chevalier brulé). O. fut le premier portugais à rompre publiquement avec l'Eglise catholique et à attaquer la foi. Cet acte le met dans l'avant-garde des Lumières au Portugal, où il est considéré comme une incarnation de la victoire de la libre-pensée par des écrivains comme Camilo et Oliveira Martins (Grande Encyclopédia).

6. Activités journalistiques

Amusement périodique, mensuel, janv.-dec. 1751, imprimé à Londres. Réimprimé sous le titre : Oeuvres mêlées, ou Discours historiques, politiques, moraux, littéraires et critiques, Londres, 1751, 3 vol. (D.P.1 1094) non retrouvé. Réédité en traduction portugaise sous le titre : Recreaçâo Periodica, Lisbonne, 1922, par Aquilino Ribeiro.

7. Publications diverses

Il n'y a pas de bibliographie complète des oeuvres de François-Xavier d'Oliveyra. Selon des sources diverses il publia : Cartas Familiares, Historicas, Politicas, et Criticas ; Ciscursos Sérios et Jocosos, t. I, Amsterdam, 1741, in 12 ; t. II et III, La Haye, 1742 (t. IV-IX en ms.). – Memorias das Viagens de Francisco Xavier de Oliveira, t. I, Amsterdam, 1741 (t. III et IV en ms.). – Colon signale des Mémoires de Protugal publiées en deux volumes en 1741 et réedités en 1743 sous le titre : Mémoires historiques, politiques et littéraires concernant le Portugal (41 : 685). – Mille et Une Observations sur divers sujets de Morale, de Politique, d'Histoire et de Critique, t. I et II, Amsterdam, 1741 (t. III-V en ms.). – Réponse à la lettre de Mr C.D.M.M., Amsterdam, 1741, in 8°. – Carta ao Senhor Isaac de Sousa Brito... (trad. de l'italien), La Haye, 1741, in-4°. –Discours pathétique au sujet des Calamités Présentes arrivées en Portugal, Londres, 1756, 52 p., 4°. – Suite du Discours pathétique, Londres, 1756, 4°. – Le Chevalier d'Oliveyra brulé en effigie comme Hérétique Comment et Pourquoi?, «Anecdotes & Réflexions sur ce sujet, données au public par lui-même», Londres, 1762.

Outre ces oeuvres imprimées O. a laissé 27 volumes in 4° de manuscrits conservés au B.L. Ils contiennent le fruit de ses lectures et observations pendant 25, sous le titre Oliveyriana, ou Mémoires historiques, littéraires, etc. Selon Rivara ces volumes contiennent entre autres deux volumes d'un Dictionnaire français, portugais, et latin, une Description de la ville de Vienne sous l'empereur Charles VI, plusieurs volumes d'une Bibliothèque Lusitane et les volumes manuscrits mentionnés ci-dessus («Noticia»).

8. Bibliographie

F.L., 1769 ; B.Un. – Grande Enciclopédia Portugesa e Brasileira, Lisboa & Rio de Janeiro, 1945, t. XIX. – B.L., add. ms. 35398, f° 41, Mémoires secrets par Jean Des Champs, Chamier papers, B.U. Nottingham (éd. par U. Jannssens-Knorsch, The Life and «Mémoires secrets» of Jean Des Champs (1707-1767), APA-Holland U.P., Amsterdam, Maarssen, 1990). – O., Le Chevalier d'Oliveyra brulé en effigie comme Hérétique. Comment & Pourquoi?, Londres, 1762. (G.M.) Gentleman's Magazine, London, mai 1784, p. 338-341. – J.H. da Cunha Rivara «Noticia de Francisco Xavier de Oliveira», dans O., Cartas.

DES CHAMPS

Auteurs

Numéro

222

Prénom

Jean

Naissance

1707

Décès

1767

Le nom de famille doit s'écrire en deux mots ; l'auteur signait toujours J.D.C., et insistait sur la noblesse de sa famille: «Mr. Des Champs et non Deschamps» (Nouvelle Bibliothèque germanique, IV, 1748, p. 222, n.); «il te donne un air bourgeois par la manière dont ton nom est écrit» (lettre de Jacques Des Champs à son frère Jean, mss. Chamier, CA. 17, 19 août 1750). Les armes de la famille sont reproduites dans Courthope (p. 101).

2. Formation

Jusqu'à l'âge de quinze ans, D. fut confié à des précepteurs. En 1723, son père l'envoya avec son frère Jacques à Genève pour y faire des études. Pendant quatre ans, les deux frères étudièrent la littérature, la philosophie, les mathématiques sous la direction de Crommelin, Gallatin, de La Rive, Calandrini et Cramer. En 1727, leur père ayant appris qu'ils ne s'appliquaient pas suffisamment à leurs études, les envoya à Marbourg (Hesse), où ils logèrent chez le professeur Santoroc. Ils y commencèrent leurs études de théologie et continuèrent celles de philosophie avec Christian Wolff. La nouvelle philosophie de Wolff et sa façon d'enseigner fascinaient Jean qui, en collaboration avec son frère, se mit à traduire la Logique de Wolff. Leurs études furent brusquement interrompues en 1729 par la maladie grave de leur père, qui les rappela à Bützow. Pendant six mois, ils prirent tour à tour la relève de leur père à la chaire de l'église de Bützow. Rétabli, le père fut nommé en 1730 pasteur à l'église de Bucholz, dans la banlieue de Berlin, mais il ne devait jamais exercer. Il mourut subitement et la fonction passa à son fils Jacques. Jean abandonna le projet de continuer ses études en Hollande et chercha à faire carrière à Berlin. Il s'inscrivit comme «Candidat en Théologie», prêcha de temps en temps, révisa sa traduction de Wolff et écrivit des poèmes (recueil ms. dans les mss Chamier). Mais comme pendant six ans, on ne lui accorda aucun appointement à Berlin, il se fit ordonner secrètement à Cassel, où il avait des amis. Il y reçut l'imposition des mains de la part des pasteurs de Martel, Couderc et de Rochemont le 20 janvier 1737.

3. Carrière

A son retour, le prince royal ayant vu la traduction de la Logique de Wolff (imprimée à Berlin en 1736), invita D. à se joindre à la cour de Rheinsberg en qualité de chapelain. Là, il prêcha pour la princesse royale et son entourage. En 1740, lors de l'accession au trône de Frédéric II, D. fut nommé précepteur de philosophie des princes Henri et Ferdinand, jeunes frères du roi. Il quitta cet emploi le 7 juin 1746, plein d'amertume contre Frédéric qui n'avait plus d'égard pour lui et qui ne le payait pas. D'abord D. se rendit à Hambourg; après deux mois, il passa à Cassel, où il séjourna deux semaines et, de là, il se rendit en Hollande où il devait rester de septembre 1746 jusqu'en mars 1747, visitant Amsterdam, La Haye et Rotterdam. Lorsque ses espérances d'être nommé successeur d'Armand de La Chapelle à La Haye furent détruites par des intrigues du clergé local, il s'embarqua pour l'Angleterre où il arriva le 28 mars 1747. Il n'y trouva un poste que deux ans plus tard, au moment où, ayant fait appel au prince Guillaume de Hesse-Cassel, il venait d'obtenir sa nomination à une chaire de philosophie à Cassel. Préférant rester en Angleterre, D. remercia alors le prince et accepta une nomination pour l'église de la Savoye qu'il venait de recevoir. En juin 1749, il fut ordonné prêtre de l'Eglise anglicane par l'évêque de Llandaff dans la chapelle de Duke Street, Westminster. Le 6 juillet, il prononça son sermon inaugural à Spring Garden, une des chapelles qui faisaient partie de l'église française de la Savoye. Du début de l'année 1756 jusqu'au 5 avril 1758, il desservit aussi comme auxiliaire la chapelle royale de Saint James, assistant le vieil Antoine Aufrère. Egalement en 1756, le chevalier Abraham Janssen, ami d'Antoine Chamier, le beau-frère de D., lui conféra le petit bénéfice de Pillsdon dans le Dorset, diocèse de Bristol. D. en prit possession le 14 août 1756; il y prêcha en anglais et, de retour à Londres, il y installa un vicaire nommé Joseph Paul. Le 10 mars 1760, D. fut nommé un des quatre directeurs ecclésiastiques du Bénéfice Royal en Faveur des Réfugiés Français (Royal Bounty), fonction honorifique qu'il exerça en compagnie de J.J. Majendie, Samuel Coderc, et Thomas Du Bisson (Minutes of the Eccl. Committee, 1757-1814, ms. 48, pt. I, Huguenot Library, London).

Dès son arrivée à Londres, D. s'appliqua à apprendre l'anglais. Pendant son premier été, il se rendit à la campagne, où il logea chez un Quaker nommé Samuel Scott, qui tenait école à Hertford. Là D. traduisit The Conversion of St. Paul de lord Lyttelton, pour s'introduire auprès de ce mécène des arts après son retour à Londres. Dans la capitale, D. habita d'abord Dean Street (Soho), puis Thrift Street (Soho), et après son mariage, Broad Street (paroisse de Saint James), où il acheta une petite maison avec un joli jardin (Mémoires secrets).

4. Situation de fortune

Dans ses Mémoires secrets, D. mentionne que son père «passait pour avoir du bien» (p. 1). Ce renseignement doit être juste, car pendant de longues années, D. ne gagnait rien, ou très peu, et vivait sur sa fortune personnelle. Dans une lettre à son ami Samuel Formey, il avait écrit: «A propos de ce Monarque [Frédéric II], permettez-moi de vous dire qu'il est réellement cause de ma ruine, en ce que j'ai été forcé de manger tout mon capital à son service pendant les 10 ans environ que j'ai été retenu, sans toucher ni pension suffisante, ni même sans être payé jusqu'à ce jour de la chétive qu'il me faisait à Rheinsberg. Quant à l'établissement que je me suis procuré dans ce pays, j'ai été deux ans entiers à Londres à mes propres dépens; et mes revenus actuels suffisent à peine à m'entretenir moi et ma nombreuse Famille dans le pays le plus cher de l'Europe» (Nachlass Formey, 24 juillet 1764). Après son départ de Berlin jusqu'à sa mort, D. ne cessa de réclamer ses arrérages, qui s'élevaient à 800 Reichtaler, au trésorier du roi de Prusse, mais ce fut en vain. En 1749 il commença à gagner 100 £ par an comme ministre de l'Eglise de la Savoye; à partir de 1756 le bénéfice de Pillsdon lui apporta 60 £ (moins 20 £ pour le vicaire); de 1756 à 1758 il reçut en plus 40 £ par an comme ministre auxiliaire. En même temps il était sous contrat avec le libraire Elie Luzac pour fournir des «nouvelles littéraires» et des «Extraits» de livres anglais pour la Bibliothèque impartiale, ce qu'il fit pendant deux ans. En janvier 1759, Pierre Rousseau lui offrit 30 guinées par an pour le même genre de travail au profit du Journal encyclopédique; Rousseau avait d'abord demandé à Maty de collaborer, mais celui-ci avait demandé 40 guinées; D. accepta les 30 «à la sollicitation de Mr. Formey et de Mr. Maty» (Mémoires secrets). Il cessa d'écrire pour le Journal encyclopédique le 9 octobre 1761, parce que Rousseau modifiait ses articles et négligeait ses paiements. En janvier 1765, D. fut contacté par les libraires Davis et Becket pour l'édition d'une Gazette britannique à raison de 100 £ par an, mais le projet échoua après trois mois, sans que D. fut payé.

A partir de l'année 1757, D. trouva une source de revenus: chaque année il prenait en pension deux jeunes gens, appartenant à la noblesse ou à la haute bourgoisie, pour leur apprendre le français et le latin à raison de 100 £ par an chacun. En plus, il donnait sa table et des leçons de conversation de français ou d'anglais à plusieurs étrangers attachés à l'ambassade de Prusse ou à la Cour, et cela également pour 100 £ par an et par personne (Mémoires secrets). Pourtant, à sa mort, D. n'était pas riche (voir son testament, P.R.O.B. II-932, 25 sept. 1767).

5. Opinions

Pendant toute sa vie, D. défendit et propagea les idées du philosophe éclairé Christian Wolff (1679-1751), tout en restant ferme dans ses convictions religieuses et en défendant le christianisme contre les attaques des philosophes. Comme presque tous les Huguenots, il n'aimait pas Voltaire. «Cet Impie, disait-il en 1764, serait-il donc immortel à tous égards, et ni l'opprobre, ni l'âge ne peuvent-ils en délivrer le Monde? Je ne connais pas assez Mr. Toussaint [...] mais certainement il est de la secte des Beaux-Esprits, tous Disciples de Voltaire, et par conséquent tous Ennemis de la Religion et de la Saine Philosophie» (Nachlass Formey, 30 août 1764).

Tous les dictionnaires biographiques disent que la cause de la rupture entre Frédéric II et D. fut Voltaire. Mais Voltaire en fut seulement l'occasion; la vraie cause était une cabale contre lui dont les instigateurs principaux avaient été C.E. Jordan et le marquis d'Argens, tous deux favoris du roi. En 1742, lors de la parution du Cours Abrégé de la Philosophie Wolffienne par D., qui contenait quelques remarques sévères contre Voltaire, ils composèrent une pièce satirique (Le Singe de la mode), dans laquelle on raillait publiquement D. et son nouvel ouvrage. D. protesta chez le roi contre la représentation de la pièce à Berlin, mais le roi n'intervint point: il était lui-même co-auteur de la pièce. Cette affaire mortifia D. à un tel point qu'il décida de quitter le Cour et Berlin pour toujours. Son Cours Abrégé fut aussi la cause de sa rupture provisoire avec Formey, qui venait de publier La Belle Wolffienne. A l'instigation du marquis d'Argens et de la coterie voltairienne de l'Académie de Berlin, Formey avait publié un compte rendu négatif du livre de D. dans la Nouvelle Bibliothèque (La Haye, t. V, 1743) ce dont il se repentit quelques mois après, et les deux auteurs se réconcilièrent. Après son départ pour l'Angleterre, D. correspondit régulièrement avec Formey. Ces lettres se trouvent à Berlin (Nachlass Formey), outre sept autres qui datent des années 1730, époque à laquelle D. fonda un petit groupe littéraire à Berlin qui se nommait la «Société Amusante», dont Formey fut l'un des premiers membres. La Société avait des statuts, un président et un secrétaire qui dressait le procès-verbal des réunions. Dans une lettre à Formey du 2 décembre 1731, D. mentionne comme autres membres: Beausobre, de Campagne, de Milsoneau, Gobin, de Félix, d'Esparon, Peloux, Pinault et le résident de France, de Sauveterre. On trouve une description de cette société dans la Bibliothèque germanique (1731), t. XXIV, p. 213-215. En 1736, D. se lia avec le comte de Manteuffel, mécène et ami de Frédéric II, et avec le théologien Reinbeck pour fonder une société secrète qui avait pour but de propager la philosophie wolffienne. Les membres s'appelaient «Alétophiles» (amis de la Vérité) et se donnèrent des noms fantaisistes. Cette Société connut une vie florissante à Berlin jusqu'au départ du comte de Manteuffel en 1740 pour Leipzig, où la société continua d'exister dans le cercle de Gottsched, avec des annexes à Stettin et à Weissenfels (Zedler, «Wahrheitsliebende Gesellschaft» et Mémoires secrets). Pendant les sept mois qu'il passa en Hollande, D. continua son activité d'Alétophile à Amsterdam, s'y «étant fait une petite Société Littéraire» (Nachlass Formey, 26 déc. 1747); il y créa «plusieurs Prosélites à Mr. Wolff en peu de temps, convertissant des gens de lettres extrêmement prévenus contre sa Philosophie» (Mémoires secrets). La liste de ses amis hollandais se trouve dans Haag.

A Londres, D. se qualifia de «Bureau d'adresse de tous les étrangers d'un certain ordre» (Nachlass Formey, 5 sept. 1756). Il y avait des contacts étroits avec Matthieu Maty, éditeur du Journal britannique, Pierre Clément, son ancien ami d'études de Genève, Mme Le Prince de Beaumont et le chevalier F.X. d'Oliveyra, dont il traduisait et corrigeait tous les écrits. Ses divers travaux de traducteur et de correcteur de manuscrits lui procurèrent maints contacts parmi les auteurs et libraires de Londres; comme il dit lui-même, «la plupart des ouvrages qui s'impriment ici en français me passent par les mains» (Nachlass Formey, 5 sept. 1756, et Mémoires secrets).

6. Activités journalistiques

Bibliothèque germanique, Berlin 1720-1741, 50 vol. (D.P.1 163), t. XXIV (1731): «Lettre adressée aux Auteurs», p. 213-215; t. 42, (1738), «Extrait des Thèses de Mr. Hoffman», p. l90-208; t. XLV (1739): «Le Philosophe Roi & le Roi Philosophe par Mr. Chrétien Wolff [...] traduite du Latin par Mr. Jean Des Champs», p 1-64.

L'Observateur hollandois, Berlin, 1745, 2 vol. Part. I, n° 7: «Lettre de Jean Aléthophile sur la dernière Campagne de Bohème»; n° 9: «Extrait de la Logique de Régnault» (D.P.1 1077).

Le Papillon, La Haye, 1746-1747, 2 vol., t. I: «Lettre adressée à l'Auteur» (D.P.1 1104), p. 319-320.

Nouvelle Bibliothèque Germanique, Berlin, 1746-1759 (D.P.1 163), 26 vol. t. III (1747): «Essai de Théologie Dogmatique», p. 112-144; t. V (1749) «Lettre à Messieurs les Auteurs», p. 414-422; t. IX (1752): «La Théologie Polémique de Stapfer», p. 202-214.

(Nouveau) Magazin François, Londres, 1750-1752 (D.P.1 985). t. I (juin 1750): «Lettre à l'Auteur», p. 215-220.

Journal britannique, La Haye (1750-1755, 18 vol.; D.P.1 625). Pour sa collaboration à ce journal voir U. Janssens, Matthieu Maty et le «Journal britannique», Amsterdam, 1975.

Bibliothèque impartiale, Leyde, 1750-1758, 18 vol. (D.P.1 164). Du t. XIII, 2e partie (mars/avril 1756) jusqu'au t. XVII, 1e partie (janv./fév. 1758), toutes les «Nouvelles Littéraires de l'Angleterre» sont de D.; t. XIII (1756): «Le Droit Naturel», p. 385-398; t. XllI (1756): «Harmonie des quatre Evangiles», p. 398-410; t. XIV (1756): «Harmonie des quatre Evangiles» (suite), p. 20-34; t. XVI (1757): «Les Ruines de Balbec», p. 242-255; t. XVI (1757): «Desseins des Edifices des Chinois», p. 343-358.

Journal encyclopédique, Liège, 1756-1793, 306 vol. (D.P.1 730). Toutes les «Nouvelles Littéraires de l'Angleterre» de janvier 1759 à décembre 1761, t. X (août 1765): «Lettre critique sur le plagiarisme moderne». D. écrit à Formey en juillet 1761: «Je travaille constamment pour le Journal encyclopédique et j'y fournis beaucoup d'articles tous les quinze jours» (Nachlass Formey).

Journal de jurisprudence, Bouillon, 1763-1764 (D.P.1 648): «Lettre sur les Tribunaux d'Angleterre» (déc. 1763).

Gazette britannique, ou Journal littéraire et amusant de Londres, Londres, 1765, 11 feuilles in-4° + 1 vol. in-12° (D.P.1 537). En collaboration avec Bonnel Thornton, D. composait ou traduisait tous les articles pour ce journal, qui disparut dès que D. se retira: «Notre journal français, comme je l'avais prévu, n'a pu se soutenir à Londres où il y a si peu d'Anglais qui lisent des livres français et qui aiment notre langue qu'ils ne parlent que malgré eux. D'ailleurs comme toute la peine et la composition tombaient sur moi, sans me rien rapporter surtout, je me suis retiré et le journal est d'abord tombé» (lettre de D. à Formey, 1765, Staatsbibliothek Berlin, Nachlass Formey).

7. Publications diverses

Outre les œuvres dont la liste est donnée par Haag, D. composa un grand nombre de poèmes de circonstance, dont le recueil manuscrit se trouve parmi les Chamier Mss. (Poésies diverses par un anonyme, in-12, 133 + 33 p., Ca. 12).

8. Bibliographie

F.L. 1769; Haag. – Nottingham University Library, Chamier Mss: Mémoires Secrets du Révérend Jean Des Champs, 2 vol. in-4°, 900 p. – Nachlass Formey, Deutsche Staatsbibliothek, Berlin. – Public Record Office, London, P.R.O.B. II 932, 25 sept. 1767. – B.U. Leyde, March. 2. – Minutes of the Ecclesiastical Commitee, ms. 48, Pt. I, Huguenot Library, London. – Barbier A., Examen critique et complément des dictionnaires historiques, Paris, 1820, t. I, p. 248-249 (avec bibliographie). – Agnew D., Protestant Exiles from France, Edinburgh, 1886, 3e ed. – Courthope W., Memoir of Daniel Chamier with Notices of his Descendants, London, 1852. – Lart C.E., Huguenot Pedrigrees, London, 1924, t. I. – Götten G.W., Das Jetztlebende Europa, Zelle, 1736-l740, t. III. – Zedler J.H., Universal Lexicon, Halle, 1732-1750. – Denina C., La Prusse littéraire, 1790-1791. – Hamilton A., Rheinsberg, London, 1880. – Bielfeld J.F. von, Lettres familières, 2e éd., Leyde, 1767. – Le Livre du Recteur de l'Académie de Genève, éd. Stelling-Michaud, t. III, Genève, 1972, p. 89. – Janssens-Knorsch U., The Life and "Mémoires secrets" of Jean Des Champs (1707-1767), Huguenot Society of Great Britain and Ireland, New Series, n° 1, 1990.