PIDANSAT DE MAIROBERT

Numéro

639

Prénom

Mathieu

Naissance

1727

Décès

1779

Mathieu François Pidansat de Mairobert est né à Chaource (Aube) le 20 février 1727 ; nous savons peu de chose sur ses parents sauf que, aux dires de P. lui-même, il était né : « sans un nom ni une naissance dont [il] puisse [se] parer» (Bulletin du bibliophile, p. 17) et qu'ils voulaient qu'il devienne avocat ou financier (Ravaisson, t. XII, p. 315316 ; Funck-Brentano, p. 282). D'aucuns, se basant sur une supposition avancée dans la C.L. : « Bachaumont vivait depuis sa jeunesse dans la société de Mme Doublet, dont il avait été l'amant, si je ne me trompe » (t. IX, p.

2. Formation

Nous sommes peu renseignés sur la formation de P. Nous savons toutefois qu'il est devenu avocat (M.S., 4 juil. 1779, t. XIV, p. 121-123). Il est supposé avoir été élevé dans le salon parisien de Mme Doublet, dit «la Paroisse» (voir D.P.1 904 et l'art. «Petit de Bachaumont», ainsi que M.S., 3 avril 1779, t. XIV, p. 11-12). Au témoignage de son frère (lui aussi avocat) : «il ne voulait prendre aucun parti dans la robe ni dans la finance» (Ravaisson, t. XII, p. 315-316). Il a été commissaire de la Marine et censeur royal (Bulletin du bibliophile, p. 17), membre de l'Académie de Caen (F.L. 1778, supplément, t. III, p. 59 et 137). Il a tenu dès 1764 le titre honorifique de secrétaire du roi.

3. Carrière

P. est venu très tôt à Paris et y a passé le reste de sa vie, ne voulant avoir aucun contact avec sa famille. Pendant les années 40, il demeurait rue de Seine, rive gauche (Ravaisson, t. XII, p. 324-325) ; et il fréquentait le café Procope, en face de la Comédie-Française avec d'autres nouvellistes et auteurs. Le 27 juin 1749, il est censé avoir dit «qu'il commençait à s'ennuyer à Paris, mais qu'il ne pouvait pas prendre sur lui d'en sortir» (Venturi, p. 184-185). Le 2 juillet de la même année, au moment de la persécution des jansénistes frondeurs (ibid.), il a été arrêté pour avoir possédé et fait circuler des vers séditieux ; il a passé près d'un an à la Bastille et ne fut libéré qu'en juin 1750 (Ars., ms. 11683, f° 42-138 ; R, t. XII, p. 345-346 ; Tate, p. 144-146). Un inventaire de ses meubles, en date du 5 novembre 1758, montre qu'il occupait alors un appartement au deuxième étage d'une maison dans la rue de Richelieu (B.V. Troyes, ms. 2764,1 (2), 70).

4. Situation de fortune

Vers 1750, P. a travaillé pour le marquis de La Galissonnière, administrateur royal de la Nouvelle-France (1747-1749), sur les limites de l'Acadie et de l'Amérique septentrionale (A.N., O1 1919, III, f° 9 ; Bulletin du bibliophile, p. 16) ; ensuite, au moment de la guerre de Sept-Ans, il a fouillé les manuscrits du département de la Marine, ms. 19, p. 219-223, 224-227, imprimés selon la F.L. 1778 (2e part., p. 176) sous le titre de : Principes sur la Marine, tirés des dépêches & ordres du Roi, donnés sous les ministères de MM. Colbert, Seignelay, de Pontchartrain, &c, par M. de Mairobert, 1775, in-40. Il a dû être congédié par raisons d'économie, car dans une lettre du 24 janvier 1759 il demande au marquis de Marigny un emploi de confiance (Bulletin du bibliophile, p. 15-17). Il était censeur royal depuis 1759, au moins, jusqu'au 23 juillet 1761 date à laquelle il a été rayé du catalogue des censeurs à la suite de l'affaire du Passe-Tems des Mousquetaires, auquel il avait ajouté des épigrammes après que le manuscrit eût été paraphé déjà (B.N., f.fr. 22167, f° 38 v°), il a été rétabli dans ses fonctions en 1769 (F.L. 1769) ; il a joui de la protection de Malesherbes, Sartine, Albert, Lenoir, Le Camus de Neville. Il était secrétaire des commandements du duc de Chartres (plus tard Philippe-Egalité), l'un des princes du sang qui ont le plus résisté aux «réformes» judiciaires de Maupeou en 1771 (M.S., 2 avril 1779, t. XIV, p. 10). Mais il s'est surtout adonné à la rédaction et la distribution de nouvelles à la main, puisées dans les registres de la «Paroisse», dont il était un habitué (Maz., ms. 13722386, 2387-2399 ; Aubertin, p. 383 ; Funck-Brentano, p. 28, 289-295).

5. Opinions

P. avait des prétentions littéraires : il est censé être l'auteur d'une comédie restée inédite (Ravaisson, t. XII, p. 312). Selon les M.S. (3 avril 1779, t. XIV, p. 11-12), il ne manquait jamais de première représentation théâtrale et il est l'auteur supposé d'un projet d'une nouvelle salle pour la Comédie-Française (ibid., 10 juin 1772, t. XXIV, p. 145 ; Grimm, CL , t. X, p. 64-65). Comme son père spirituel Bachaumont, P. avait un goût prononcé pour les arts plastiques que reflètent les nombreux Salons insérés dans les M.S. P. a favorisé en peinture le naturel bourgeois de Greuze (voir la Revue universelle, t. XX, p. 227-286). En 1753, il a pris parti pour les «Lullistes» contre Grimm et les encyclopédistes dans la «querelle des bouffons» avec un pamphlet intitulé Les Prophéties du grand prophète Monet. Il était l'ami du duc de Caumont, de Moufle d'Angerville et de Rétif de La Bretonne, probablement de Baculard d'Arnaud (R, t. XII, p. 324-325). Une lettre de Voltaire du 28 février 1754 indique que P. est connu du philosophe (D5699) ; l'année précédente il avait réimprimé, sous le titre de La Querelle de MM. de Voltaire et de Maupertuis un examen des Œuvres de Maupertuis par Voltaire (Œuvres, éd. Moland, t. XXIII, p. 535). Mais P. s'est surtout distingué comme rédacteur de brochures et d'ouvrages en faveur du parti des «patriotes», qui, en 1770-1774 défendaient l'ancienne magistrature contre le «triumvirat» de Maupeou, l'abbé Terray et le duc d'Aiguillon (Mornet, p. 436-437). Comme tel, il est entré dans une polémique avec l'avocat Linguet, qui s'est attaqué aux principes de la monarchie tempérée, énoncés par Montesquieu (M.S., 6 juil. 1767, t. III, p. 233 ; 10 sept. 1770, t. X, p. 175-178 ; 21 oct. 1778, t. XII, p. 158-159 ; 4 juil. 1779, t. XIV, p. 121-123). Linguet traite son ennemi de «parvenu» (Annales, t. V, p. 416-418). Par son tempérament fougueux et frondeur, P. fait figure d'un Beaumarchais au petit pied (cf. Funck-Brentano, p. 284).

6. Activités journalistiques

Dès 1754, P. avait tenté d'obtenir le privilège et les rentes du Mercure (12 000 £) en faisant intervenir Louis de Beausobre auprès de d'Argenson après la mort de La Bruère (Staatsbibliothek zu Berlin, Nachlass 235, lettre de P. à Beausobre, 4 oct. 1754 : renseignement fourni par F. Moureau).

Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la République des lettres en France depuis 1762 jusqu'à nos jours, Londres, J. Adamson, 1777-1789, 36 vol. Cette chronique rétrospective qui s'étend du 1er janvier 1762 au 31 décembre 1787 a été assurée par P., du commencement du journal jusqu'à sa mort survenue le 27 mars 1779, et poursuivie ensuite par Moufle d'Angerville (D.P.1, 904).

L'Observateur anglais, ou correspondance secrète entre Milord All'Eye et Milord All'Ear, Londres, J. Adamson, 1777-1778, 4 vol. ; continué en 1783, à partir du t. V, sous le titre de L'Espion anglois ou correspondance secrète entre Milord All'Eye et Milord All'Ear, Londres, J. Adamson, 1783-1784, 6 vol. (D.P.1, 1072). Les quatre premiers volumes rassemblent des lettres datées du 15 janvier 1777 au 22 février 1779. Cet ouvrage sert de complément aux M.S. (Tate, p. 176-177), et constitue une suite du Journal historique (L'Observateur anglois, t. I, p. 59) tout en rassemblant beaucoup d'études originales. Le contexte en est la guerre entre la France et la Grande-Bretagne au moment de la Révolution américaine ; il semble refléter les travaux de P. à la Marine.

7. Publications diverses

Les Prophéties du grand prophète Monet, Paris, 1753. – La Querelle de MM. de Voltaire et de Maupertuis, s.L, 1753. – Réponse du coin du roi au coin de la reine, 2e éd., 25 janv. 1753 (Cat.B.N.). – Discussion sommaire sur les anciennes limites de l'Acadie et sur les stipulations du traité d'Utrecht qui y sont relatives, Bâle, S. Thourneisen, 1755 : propagande anti-anglaise au seuil de la guerre de Sept-Ans (c.r. dans Fréron, L'Année littéraire, 1755, t. VIII, p. 252-255). – Lettre de M. de M... à M. de ... sur les véritables limites des possessions angloises et françoises en Amérique, Paris, 8 août 1755 ; c.r., Année littéraire, 1775, t. VIII, p. 255-256 : «le premier écrit qui ait paru sur ce sujet». – Lettre de M. de M... au sujet des écrits anglois sur les limites de l'Amérique, Paris (?), 1755 ; c.r., L'Année littéraire, 1755, t. VIII, p. 256-257 : «nulle part la matière n'a été si bien discutée ni mieux éclaircie». – Lettre à Mme de *** sur les affaires du jour, ou réflexions politiques sur l'usage qu'on peut faire de la conquête de Minorque, suivies d'un état circonstancié des îles de Gersey et de Guernezey, Paris, 3 août 1756. – Correspondance secrète et familière de M. de Maupeou avec M. de Sor***, 3 part., 1771-1772 (voir M.S., 9 juil. 1771, t. V, p. 323-326 et 14 sept. 1771, p. 370-372 ; 19 févr. 1772, t. VI, p. 116-119 et 22 mars 1772, p. 134135 ; 28 déc. 1771, t. XXI, p. 127-128 et 17 févr. 1772, p. 136) ; version ms. à la B.L. (ms. 15, 657-15, 658) ; réimpr. sous le titre de Maupeouana, nouv. éd., «imprimée à la chancellerie», 1773, 2 vol. (voir M.S., 27 juin 1774, t. XXVII, p. 289-290) : fait partie de la propagande parlementaire, «ce qui fait soupçonner des magistrats du premier ordre, comme fabricateurs soit comme instigateurs de l'ouvrage» (M.S., 14 sept. 1771, t. V, p. 370-372).

Journal historique de la révolution opérée dans la constitution de la monarchie française par M. de Maupeou, chancelier de France, Londres (Amsterdam), 1774-1776, 7 vol. (voir M.S., 31 déc. 1775, t. VIII, p. 346). Dans la rédaction, P. a sûrement profité de la collaboration de Moufle d'Angerville ; mais il est plus probable qu'il n'a servi que d'éditeur, car l'ouvrage est dit « rédigé par des magistrats zélés et éclairés, qui côtoient journellement ce qui se passait sous leurs yeux» (Journal historique, t. I, p. II ; cf. Flammermont, p. 11-14 ; Tate, p. 189) ; c'est toujours la meilleure source sur l'histoire de la querelle entre Maupeou et les parlements ; beaucoup d'articles se retrouvent plus tard avec de légères variantes, dans les M.S. Signalons que le Journal historique, n'étant pas un périodique, ne fait pas l'objet d'une notice dans D.P.1.

Anecdotes sur Mme la comtesse Du Barry, s.l., 1775 : peut-être l'édition originale, rarissime ; Londres, 1775 ; Londres, John Adamson, 1776 ; A la Cour, 1777 ; Au Pont-aux-Dames, 1777 ; Londres, 1778 ; Paris, Quantin, 1890, éd. 0. Uzanne (voir M.S., 7 nov. 1775, t. VIII, p. 274-275 et 12 nov. 1775, p. 284-285, ainsi que les notices du 20 nov., p. 298 et du 2 déc. 1775, p. 317 ; CL., t. XI, p. 398-399) : fait partie de la propagande parlementaire (Tate, p. 190). Mémoires concernant l'administration des finances sous le ministère de M. l'abbé Terrai, Londres, 1776 ; Mémoires de l'abbé Terrai Controlleur-général des finances, avec une relation de l'émeute arrivée à Paris en 1775, et suivis de quatorze lettres d'un actionnaire de la Compagnie des Indes, Londres, 1776 ; Mémoires de M. L'Abbé Terrai Contrôleur général, contenant sa vie son administration, ses intrigues et sa chute, A la Chancellerie, 1777. En rendant compte de la mort d'un jeune avocat, nommé Coquereau, dans une notice en date du 12 février 1773, le rédacteur du Journal historique (t. IV, p. 58-59), observe : «On prétend qu'il travaillait à des Mémoires sur l'administration de M. l'abbé Terrai.» Et, en tête des Mémoires, l'éditeur confirme l'identité de l'auteur de la première partie de l'ouvrage en ces termes : «l'Auteur [...] est mort. C'était M. Coquereau, jeune avocat de la plus grande espérance, qui, enflammé d'un zèle patriotique, trop outré, sans doute, n'a pu survivre à la destruction du Parlement & du Barreau, & s'est brûlé la cervelle» (p. III-IV). Ces deux témoignages auraient sans doute suffi à établir d'une manière définitive la paternité de la première partie du livre si celui-ci ne renfermait des similitudes trop fréquentes avec d'autres ouvrages attribués à P., en l'occurrence, les Anecdotes de Mme Du Barry, le Journal historique, les M.S. et l'Observateur anglais pour que ne soit retenue la probabilité d'une participation de P. à la rédaction, sinon du volume entier, du moins de la seconde partie du livre où il est dit (p. 97) : «Il est fâcheux que la mort de l'Auteur ne lui ait pas permis de finir son ouvrage. Nous allons tâcher d'y suppléer, en nous conformant autant que nous pourrons à son style, à sa manière de voir, & surtout à sa véracité».

Les passages communs aux Mémoires de Terrai et aux M.S. sont nombreux et suscitent une question : à savoir, lequel des deux ouvrages s'est inspiré de l'autre. Car de même qu'il paraît improbable que le rédacteur des M.S. ait inséré, a posteriori, des faits consignés dans les Mémoires de l'abbé Terrai pour les redonner sous leur date exacte dans son journal rétrospectif tenu au jour le jour, il semble peu raisonnable que l'auteur des Mémoires de l'abbé Terrai ait puisé dans les M.S. vu que ceux-ci n'étaient pas encore parus en 1776. A moins que ce dernier n'ait eu entre les mains le manuscrit qui devait servir à la publication des M.S. P. possédait ce manuscrit (cf. D.P.1, 904) et on lui accorde la paternité des trois autres ouvrages qui renferment des passages identiques à ceux des Mémoires de l'abbé Terrai. Notre thèse est de plus corroborée par un contemporain de P. ; Linguet, qui déclare après avoir vilipendé son confrère : « Ces caractères-là trouvent toujours des protecteurs, Mairobert en avoit mérité par des libelles de toute espèce : c'est lui qui avoit fait les Mémoires de l'Abbé Terrai, & d'autres romans du même genre» (Annales, t. V, p. 316). – Lettres originales de Mme la comtesse du Barry avec celles des princes, seigneurs, ministres et autres qui lui ont écrit, Londres [Berlin?], 1779 (c.r. dans CL., t. XII, P- 338-341) : censées avoir été trouvées parmi les papiers de l'ancienne favorite ; propagande contre le «triumvirat», dont elle était l'alliée.

P., selon des renseignements transmis par F. Mars «est également l'auteur de < Apostille du *** et Préface > (signée <P.D.M. >) aux p. 3-4 de La Malédiction paternelle (1780), et il a été le collaborateur de Rétif [de La Bretonne] pour certaines des Contemporaines. [Il s'agit de 16 Nouvelles] sur les soixante-dix-neuf des deux premières séries : ce sont les n° 6, 17, 19, 33, 36, 39, 47. 49-54- 56, 58, 61, 63, 69 et 76 (voir Rétif de La Bretonne, Les Contemporaines, Introduction (1780) aux quarante-deux volumes de l'ouvrage)».

8. Bibliographie

B.Un. ; Ravaisson ; D.L.F. ; M.S. ; CL. Aubertin C, L'Esprit public au XVIIIe siècle, 2e éd., Paris, 1873. – Furcy-Raynaud M., «Deux lettres de P. de M. au marquis de Marigny», Bulletin du bibliophile, Paris, 1911, p. 15-19.

Flammermont J., Le Chancelier Maupeou et les parlements, 2e éd., Paris, 1885. – Funck-Brentano F., Figaro et ses devanciers, Paris, 1909. – Linguet S., Annales politiques, civiles et littéraires du XVIIIe siècle, t. V, Lausanne, 1779.

Mornet D., Les Origines intellectuelles de la Révolution française (1715-1787), 2e éd., Paris, 1934. – Pelisson M., Les Hommes de lettres au XVIIIe siècle, Paris, 1911. – Poulet-Malassis A., Les Conversations du jour de l'an chez Mme du Deffant il y a un siècle (extrait de L'Espion anglais de P., t. V), Paris, 1877. – Tate R.S., Petit de Bachaumont : his circle and the Mémoires secrets, S.V.E.C. 65, 1968. – Venturi F., Jeunesse de Diderot (1713-1753), Paris, 1939.

9. Additif

État civil : Naissance de Mathieu François le 20 février 1727 selon son acte de baptême (AD Aube, ED 08041, BMS Chaource 1721-1740): "fils de Me François Pierre Pidansat bailli de la duché-pairie d’Aumont, commissaire lieutenant juge subdélégué de Mrs les prévôts des marchands de Paris et Nicole Picardat de cette paroisse, baptisé le 21 en p[ré]s[en]ce de Mathieu Joly avocat en parlement et Louise Martial Pidansat fille dudit François Pierre" (Laurence CROQ).

Jeffrey Merrick a publié récemment le « Procès-verbal qui constate la mort violente du sieur Pidansat de Mairobert » conservé aux A.N. (Dix-Huitième siècle, n° 35, 2003, « Le suicide de Pidansat de Mairobert », p. 331-340). Ce témoignage très précis confirme ce qu’on savait du suicide de P. au bain Poitevin dans la nuit du 29 au 30 mars 1779, très exactement le 30 à cinq heures du matin. Il porte en outre sur la visite effectuée par le commissaire Le Seigneur au domicile de P. rue Saint-Pierre ; celui-ci interroge la veuve Fontaine, gouvernante de P, puis le neveu de P., Jean Nicolas Jacques Parisot, étudiant en droit, lequel reconnaît le corps de son oncle, « le sieur Mathieu François Pidansat de Mairobert, secrétaire du roi et de Son Altesse Sérénissime Monseigneur le duc de Chartres ». Est également nommé le domestique de P., Jean-François Cabirol, lequel avait été arrêté en mai 1773 lors d’une perquisition, « pour commerce clandestin de nouvelles à la main » (RNM, p. 361-362). Toutefois le procès-verbal de 1779 ne mentionne aucune perquisition et aucune pose de scellés. P. s’est suicidé en raison du blâme public que lui avait infligé le Parlement le 27 mars 1779 ; les créances qu’il avait sur les biens du marquis de Brunoy étaient peut-être très majorées, mais les créanciers étaient nombreux et le marquis très décrié. P., qui avait été depuis 1770 le défenseur du Parlement de Paris et l’avocat le plus acharné de la cause parlementaire, ne put supporter ce désaveu. On notera qu’en 1779, la cause des « patriotes » était perdue, et que le Parlement tenait peut-être à se démarquer de son trop zélé défenseur(Jean SGARD).

Activités journalistiques : "M. de Mairobert étoit un homme de lettres, auteur de quelques opuscules, mais surtout grand amateur: il ne manquoit aucune pièce de théâtre dans sa primeur et se faisoit entourer dans les foyers ; il avoit aussi toutes les nouveautés et sa bibliothèque étoit en ce genre une des plus curieuses de Paris. Elevé dès son enfance chez Madame Doublet, il y avoit puisé ce goût, ainsi que celui des nouvelles ; c'étoit un des rédacteurs ; il conservoit le journal qui se composoit chez cette Dame et le continuoit » (MS, t. XIV, p. 12). Ce témoignage de Mouffle d’Angerville à la mort de P. met en relief la personnalité de l’écrivain en tant qu’amateur de théâtre, collectionneur de nouveautés et surtout rédacteur des MS : il en est le rédacteur parmi d’autres, mais surtout le responsable principal ; dans ce journal qu’il « conservoit » et « continuoit », on peut reconnaître le registre de Mme Doublet, disparue en 1771. Dans une note substantielle de son édition de Monsieur Nicolas, Pierre Testud a évoqué les relations de Mairobert et de Rétif de La Bretonne de 1773 à la mort de Mairobert et rassemblé les commentaires de Rétif sur cette mort tragique (Monsieur Nicolas ou le coeur humain dévoilé, Bibliothèque de la Pléiade, 1989, t. II, p. 1165-1166).

Bernadette Fort a mis en lumière également son rôle dans la composition des « salons », publiés rétroactivement dans les MS ; voir Les ‘Salons’ des Mémoires secrets (1767-1787), éd. de l’E.N.S. des Beaux-Arts, Paris, 1999. Elle a en outre relevé le caractère politique de la critique des « Salons », en particulier dans l’analyse des portraits. Il resterait à évaluer la portée politique des notices musicales des MS, et notamment le rôle de P. comme « connoisseur » de l’Opéra : la défense de l’Opéra traditionnel de Lulli et de Rameau contre les partisans de Gluck et sa présence dans le « coin du Roi » pourraient compléter une esthétique « patriote » dont P. aurait été le plus ardent partisan. L’équipe « Mémoires secrets » de l’UMR LIRE, implantée à l’Université Stendhal de Grenoble, travaille à l’édition critique des MS, ainsi qu’à l’étude des principales questions littéraires, esthétiques, politiques, bibliologiques, posées par les 36 volumes imprimés des MS et leurs sources manuscrites.

P. a probablement fréquenté la Paroisse dès avant 1750 ; les nouvelles à la main du cercle Doublet suivent de près ses démêlés avec la justice. Bachaumont lui a prêté de nombreuses sommes d’argent, qui figurent dans son testament du 11 juillet 1764, avec plusieurs codicilles jusqu’à sa mort en mai 1771. P. fut assurément l’un des principaux créanciers de Bachaumont ; Boyer d’Eguilles, Boyer d’Argens, l’abbé Prévost viennent loin derrière lui. Dans son testament, Bachaumont fait de Mme Doublet sa légataire universelle et dispense ses créanciers du remboursement de leurs dettes (voir J. Sgard, Vie de Prévost, à paraître, chap. 9, note 14).

L’activité de P. comme producteur de nouvelles à la main a été mise en lumière par François Moureau dans son Répertoire des nouvelles à la main. Le recueil manuscrit n° 4 du fonds Doucet, portant l’ex-libris de P., représente une collection personnelle de nouvelles de 1762 et 1763 sous la forme d’une copie continue, d’une même écriture ; on trouverait là, selon F. Moureau la forme « primitive » du registre (RNM, p. 289). Le recueil Penthièvre de la Bibliothèque Mazarine 2387-2399 comporte une première série de nouvelles de 1762 à 1767, qui s’interrompt brusquement à la mort de P. en 1779 ; il s’agit vraisemblablement d’une copie établie sous sa direction en vue de l’édition des Mémoires secrets : le registre de la Paroisse aurait été exploité une première fois sous la forme de nouvelles à la main largement diffusées, puis sous la forme de volumes imprimés à partir de 1777, dans lesquels les nouvelles politiques ont été en grande partie supprimées (p. 292). De nombreuses séries, dans les mêmes fonds, émanent de la « nébuleuse Doublet-Pidansat de Mairobert » ; elles sont le fait de copistes de P. comme Aubry de Julie ou Raphaël Dubec ; une série conservée à la B.H.V.P. sous le titre de « Journal de l’année 1766 » (ms. 679) a été dirigée par Mouffle d’Angerville, chez qui l’on saisira, le 11 juin 1781, un ensemble de nouvelles allant de 1766 à 1781 . Cette suite, qui constituait peut-être une copie manuscrite des MS, lui fut rendue en 1782 et n’a pas été retrouvée ; le « Journal de 1766 » en serait le seul vestige ; il porte des annotations marginales qui rendent compte de la distribution du manuscrit original (p. 309).

P., qui appartenait depuis au moins 1750 au cercle Doublet, fut certainement au centre de cette « nébuleuse » ; à plusieurs reprises, des domestiques de Mme Doublet et de P. ont été interrogés, notamment Cabirol, le valet de pied de P. (RNM, p. 361). P. a joui de l’appui des d’Argental, mais aussi de personnages de la haute finance comme le contrôleur général Jean de Boullongne (p. 324). Il a surtout eu l’oreille de tous les lieutenants de police, et en particulier de Sartine, Albert, Lenoir ; on ne s’expliquerait pas, sinon, que les Mémoires secrets, ainsi que tous les pamphlets sortis de l’atelier Pidansat aient connu une telle fortune. Autant qu’un rédacteur, P. semble avoir joué le rôle d’un directeur de production ou d’un éditeur clandestin qui modulait l’utilisation du registre, tantôt sous forme de séries de nouvelles à la main, tantôt par toutes sortes de pamphlets qui reprenaient le même matériel documentaire, tantôt enfin par l’édition des MS, ; d’où les innombrables ressemblances qu’on peut relever entre les MS, les Anecdotes de Madame Du Barry, le Journal de la révolution, etc. (voir J. Sgard,, « Pidansat de Mairobert, journaliste à deux visages », dans Nouvelles, gazettes, mémoires secrets (1775-1800), Karlstad University Studies, n° 10, 2000, p. 15-25) (Jean SGARD).

Avant son suicide, Mairobert est brièvement engagé par Frédéric-Samuel Ostervald pour tenir une correspondance littéraire parisienne dans le Nouveau Journal helvétique. Voir Michel Schlup, "Le rêve impossible de la STN : un Journal helvétique et "parisien"", in Michel Schlup (dir.), L'édition neuchâteloise au siècle des Lumières. La Société typographique de Neuchâtel (1769-1789), Neuchâtel, Bibliothèque publique et universitaire, 2002, p. 143-155 (Thimothée LÉCHOT).

Bibliographie : Merrik J., « Le suicide de Pidansat de Mairobert », Dix-Huitième siècle, n° 35, 2003, p. 331-340 (J.S.).

PETIT DE BACHAUMONT

Numéro

631

Prénom

Louis

Naissance

1690

Décès

1771

Louis Petit de Bachaumont est né à Paris, le 2 juin 1690 (Lock, p. 335). Enfant unique, il perdit très tôt son père, Charles Antoine Petit de Bachaumont, un libertin consommé, devenu malgré lui auditeur à la Chambre des Comptes, mort à l'âge de quarante-quatre ans, le 11 mars 1691 (Lock, p. 164, 336) et fut séparé de sa mère, Charlotte de Billy, née vers 1672 (Lock, p. 164) pour être élevé par son grand-père paternel, Guillaume Petit, premier médecin du dauphin. B.

2. Formation

Elevé à Versailles où résidait son grand-père, B. a eu le bonheur d'être adopté par André Lenôtre, ami et voisin du vieux médecin. Fasciné à un âge tendre par la dextérité du vieil architecte et guidé par lui, B. fit ainsi ses premiers pas dans le monde de l'art. A la mort de Lenôtre, en 1700, l'éducation de B. a d'abord été confiée à un valet qui «dessinait un peu» (Lock, p. 322), pour être ensuite complétée par un précepteur, un jeune ecclésiastique qui «avait bien de l'esprit [et] beaucoup de sçavoir» (Van Bever, p. 286).

3. Carrière

B. a quitté Versailles, sûrement à la mort de son grand-père, pour aller s'installer au château de Breuillepont (ou Breuilpont), acquis avant sa naissance (Van Bever, p. 234-240). L'actuel château de Breuilpont a appartenu aux Doublet, comme le prouvent les titres (archives privées) : le «joly petit château» décrit par B. (Van Bever, p. 234) pourrait désigner une autre résidence dans le même village. Vers 1730 il alla rejoindre son amie Mme Doublet à Paris, au Couvent des Filles-Saint-Thomas, où il vécut jusqu'à sa mort. B. y a présidé, 40 ans durant, le salon de son amie : «La Paroisse».

4. Situation de fortune

B. a hérité de son grand-père une fortune considérable qui lui a permis de vivre sans emploi et même de refuser celui de premier président (Concourt, p. 62-63). La fortune de B. a cependant été ébranlée, en 1768, par des spéculations malheureuses.

5. Opinions

De son enfance passée à la cour de Versailles, B. rapporta un sentiment aigu des qualités dues à la naissance (Essai sur la peinture), mais aussi une certaine hostilité à l'égard des abus du despotisme et une défiance envers l'Eglise, dispositions qui seront de ton dans la société de Mme Doublet de Persan. Mme Doublet, au moment où B. alla la rejoindre, tenait un salon, où l'indolente bonhomie de B., son scepticisme sur les choses religieuses et son enthousiasme pour l'art furent chaleureusement accueillis. On lui décerna d'emblée le titre de maître des cérémonies. Auprès de la maîtresse de séans siégeait aussi son frère cadet, l'abbé Legendre, méchant poète et amateur, comme B., de bonne chère et de vins fins. A eux trois, ils formèrent la « Sainte trinité » qu'entouraient une trentaine de «paroissiens» ; une assemblée appelée à devenir la manufacture la plus prestigieuse de nouvelles à la main du XVIIIe siècle.

A leur arrivée au Couvent des Filles-Saint-Thomas, chacun des convives se dirigeait vers un bureau sur lequel étaient posés deux registres et inscrivait dans l'un les faits sûrs, et dans l'autre les informations douteuses du jour. De la paroisse, un indicateur de la police, le chevalier de Mouhy dira : « ce sont presque tous des frondeurs » (Funck-Brentano, p. 274) ; et Grimmde son côté (CL., t. IX, mai 1771, p. 317) : «On y était janséniste, ou du moins très-parlementaire, mais on n'y était pas chrétien».

B. apporta-t-il aussi sa contribution aux registres de la paroisse ? Cela est peu sûr, et même s'il l'eût fait, cela aurait été principalement dans le domaine de l'art, car les beaux-arts constituaient sans contredit l'occupation favorite de B. et la seule qui soit attestée. «J'ai beaucoup dessiné», écrit-il à Pierre, «j'ai voulu peindre, j'ai même peint ; mais une maladie dangereuse (la petite vérole) et une vue très-faible m'ont obligé de tout abandonner, il ne m'est resté que beaucoup d'amour pour les beaux-arts» (Goncourt, p. 69-70). B. a en effet gravé ; il nous reste deux gravures de lui conservées à la B.N. (02, p. 221), mais c'est avant tout en tant que critique d'art, urbaniste et connaisseur qu'il a marqué son époque. B. ne nous a laissé qu'un ouvrage attesté, son Essai sur la peinture, la sculpture et l'architecture, un précis didactique sur la manière de juger des qualités d'une œuvre d'art. Le livre obtint un accueil enthousiaste (O2, p. 235-236 ; T1, p. 66-68). Ce même Essai que l'auteur a augmenté en 1752 du Premier et du Second Mémoire sur le Louvre révèle en B. un urbaniste fervent et un défenseur du patrimoine. «Il s'était fait l'édile honoraire de la ville de Paris», disaient de lui les Goncourt (p. 63). En plus de se dépenser pour l'achèvement du Louvre et de payer de ses deniers l'observatoire de l'Hôtel de Soissons menacé de destruction, B. exerçait une fonction non moins importante mais moins connue : il était le connaisseur et le conseiller d'art attitré auquel faisaient appel aussi bien les artistes que les amateurs, soit pour solliciter un avis, un motif de tableau ou bien pour lui demander de rajuster un château (O2, p. 219-233).

B. a entretenu des relations épistolaires avec Berthier, Boucher, le marquis d'Eguilles (frère du marquis d'Argens). Gresset, Pierre, Prévost, Lacurne de Sainte-Palaye, etc. (T2, p. 234-273). Il était l'ami de l'abbé Prévost et de l'abbé Gédoyn et le protecteur du marquis d'Eguilles, qui le surnommait «mon cher papa» (T1, p. 41-58).

6. Activités journalistiques

Sa principale attention, on l'a vu, B. l'a accordée aux beaux-arts. Les larges efforts qu'il a déployés pour la défense et le développement de l'art en France, et les écrits par lesquels il a soutenu ses idées ne sont pourtant relevés que par quelques rares érudits alors que son nom restera peut-être à jamais associé aux Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la République des Lettres en France depuis MDCCLXII jusqu'à nos jours [...] par Feu M. de Bachaumont, Londres, John Adamson, 1777-1789, 36 vol., une des sources les plus abondantes et les plus précieuses pour l'étude de la seconde moitié du XVIIIe siècle, désignés aussi sous le titre de Mémoires de Bachaumont, mais auxquels B. n'a pas pris part. Le nom de B. porté sur la page de titre des huit premiers volumes de la première édition des M. S. et revendiqué par les rédacteurs des Mémoires comme étant l'auteur du journal de 1762 à 1770 (t. I, p. III-VI) a porté bien des chercheurs et jusqu'aux plus modernes à asseoir cette opinion. Disons, tout simplement, qu'aucun des arguments avancés en faveur d'une attribution des M.S. à B. ne soutient l'examen. Le prospectus du Gazetin distribué en 1740, trouvé parmi les papiers de B. et considéré par Goncourt (p. 60-61) comme l'ébauche des M.S., est de l'abbé Prévost (T1, p. 141-144 ; Weil, p. 474486). Le fameux journal de B. tiré des registres de la paroisse et qui aux dires des mêmes rédacteurs des M.S. (t. I, p. IVVI) aurait servi de base aux huit premiers volumes de la chronique n'a jamais été retrouvé. Or nous savons qu'un autre habitué du salon de Mme Doublet, Pidansat de Mairobert, « conservait le journal qui se composait chez cette Dame et le continuait» (M.S., t. XIV, 3 avril 1779, p. 12). Nous savons aussi que le manuscrit de Mairobert alimentait, non seulement des nouvelles à la main répandues à Paris, en province et même à l'étranger, mais aussi les M.S. (t. XIV, p. 12 ; Funck-Brentano, p. 281, 290-295 ; Linguet, t. V, p. 316-317 ; O1, p. 176). Ajoutons enfin qu'une collaboration de B., même limitée aux seules notices consacrées à l'art, et en particulier aux Salons de 1767 et 1769, demeure fort improbable, en raison des discordances existant entre les points de vue exposés dans les M.S. et les idées préconisées par B. dans ses écrits attestés. Citons à titre d'exemple ce passage de l'Essai sur la peinture où B. dénie aux seuls artistes le droit d'écrire sur les arts (p. IV et V) que l'on comparera avec la notice des M.S. en date du 11 novembre 1765 (t. II, p. 285-286), où le rédacteur dit, à propos de la Lettre à M*** sur les Peintures, les Sculptures par Mathon de La Cour : «L'ouvrage est bien écrit [...] mais des assertions aussi hardies ne conviennent point à un homme qui n'a aucun rang dans la Littérature ni dans les Arts ». Citons aussi le cas de Boucher, dont B., en plus des sentiments d'amitié qu'il lui portait, admirait les talents, au point de lui suggérer les motifs de dix tableaux sur la Psyché de La Fontaine (Van Bever, t. II, p. 315-317) et qui eut droit à une critique d'éreintement dans le Salon de 1769 (M.S., t. XIII, 20 sept. 1769, p. 39-40).

On peut évidemment se demander pourquoi les rédacteurs des M.S. ont tenu à se placer sous l'autorité de B. Une réponse possible serait qu'au nom de B. étaient attachés les attributs requis pour faire la réputation d'un journal. Il y avait d'abord la place prépondérante qu'il occupait dans la paroisse, foyer des nouvelles les plus accréditées de Paris. B. jouissait aussi, auprès de ses contemporains, d'une notoriété incontestée, pour ses connaissances, son bon goût et son engagement dans le domaine de l'art. De plus, il disposait d'une fortune considérable qui le mettait à l'abri du besoin et des protections, qualités précieuses pour un journal qui se voulait impartial et crédible. B. enfin était mort depuis quelques années quand parurent les premiers volumes des M.S., ce qui l'empêchait de protester de son innocence et sauvegardait, pour un temps, l'anonymat des rédacteurs réels. Pour plus de détails sur la participation de B. aux M.S., voir Olivier (O1) ainsi que D.P.1 904.

7. Publications diverses

7. Essai sur la peinture, la sculpture et l'architecture, Paris, 1751 (2e éd., 1752) ; voir Van Bever. – «Mémoire sur la vie de l'auteur», en tête des Œuvres diverses de N. Gédoyn, Paris, 1745. – Mémoire sur l'achèvement du Louvre. Avril 1749 (s.l.n.d.). – Mémoire sur le Louvre. Novembre 1749 (s.l.n.d.).

8. Bibliographie

CL. – Linguet S., Annales politiques, civiles et littéraires, Londres, t. V, 1779. – Lock F. (éd.), « La Jeunesse de Bachaumont», Le Magasin de la Librairie, Paris, Charpentier, 1859, t. III, p. 5-25, 161-186, 321-336. – Van Bever A., «La Jeunesse de Bachaumont», dans Mémoires secrets de Bachaumont, Paris, Michaud, 1912, t. II, p. 219-288. – Funck-Brentano F., Figaro et ses devanciers, Paris, Hachette, 1909. – Goncourt E. et J. de, Portraits intimes du dix-huitième siècle, Paris, Bibliothèque Charpentier, 1913. – (O1) Olivier L.A., «Bachaumont the chronicler : a questionable renown »,

S.V.E.C. 143, 1975, p. 161-179. – (02) Id., «The Other Bachaumont : connoisseur and citizen», S.V.E.C. 161, 1976,

p. 219-244. – (T1) Tate R.S., Petit de Bachaumont : his circle and the «Mémoires secrets», S.V.E.C. 65, 1968. – (T2) Id.,

« Bachaumont revisited : some unpublished papers and correspondence», S.V.E.C. 84, 1971, p. 233-273. – Weil F., «Prévost et le Gazetin de 1740», Studi francesi, n° 18, 1962, p. 474-486.

MOUFLE D'ANGERVILLE

Numéro

596

Prénom

Barthélémy

Naissance

1728

Décès

1795

Barthélémy François Joseph Moufle d'Angerville est né à Guéret (Creuse) le 25 juillet 1728, de Benjamin Anne Moufle d'Angerville, né le 4 juillet 1680, receveur des tailles de la Marche à Guéret, mort le 27 janvier 1736, et de Marie Josèphe Keingiaert. Benjamin Moufle d'Angerville et Marie Josèphe eurent deux garçons dont l'aîné, Louis Benjamin, né vers 1715, est mort à Guéret le 21 janvier 1742.

2. Formation

M. a sans doute commencé ses études au collège des Barnabites à Guéret (C, p. 5). C'est après la mort de son frère, survenue en 1742, que sa mère et lui s'installèrent à Paris où habitaient de nombreux parents du côté de son père, et en particulier, Louis Barthélémy Moufle de Georville, trésorier général de la Marine, qui allait rendre bien des services au jeune M. Ce que nous savons d'une manière certaine c'est qu'en 1745, M. était déjà installé à Paris (C, doc. XI, p. 16-19).

3. Carrière

En 1748, M. entre dans l'administration de la Marine où il est affecté au service de la comptabilité, sans doute grâce à l'intervention du trésorier général. M. aspire à devenir «écrivain de la marine» mais Maurepas l'oblige à se faire recevoir avocat auparavant, et à travailler chez un procureur de la Chambre des Comptes. M. se plia aux exigences du ministre (C, doc. VI et VII, p. 13-16). En 1750, un malencontreux incident faillit anéantir les rêves de M., qui, accusé d'avoir écrit, en collaboration avec Rochon de Chabannes, un livre licencieux, Les Cannevas de la Paris, est incarcéré à la Bastille du 27 août au 5 septembre. Moufle de Georville, qui a sans doute intercédé encore une fois en sa faveur, obtint qu'il fût rapidement élargi et nommé élève de la Marine à Rochefort (15 oct. 1751) ; le 20 octobre 1752, M. a été reçu écrivain ordinaire. A. Carriat signale qu'un état de 1752 du «Personnel civil des ports» porte sur lui cette appréciation : «Proche parent de M. de Georville, trésorier général. A de l'éducation, l'esprit orné, s'applique. C'est un sujet qui doit percer» (C, p. 6). Le 26 mai 1753, il embarque sur le « Caméléon » pour la campagne de Louisiane. Puis, le 1er novembre 1757, il est enfin nommé écrivain principal, toujours sur intervention de son parent (C, doc. VII et VIII, p. 15-16). La Porte (F.L. 1758, 2e part, p. 103) lui donne le titre de Commissaire de la Marine : notons qu'à la même époque, Mairobert, son futur collaborateur, travaillait dans la même administration et qu'il allait, quelques années plus tard, porter le même titre. Le 29 avril 1758, nous retrouvons M. à Brest où il embarque quelque temps plus tard sur le «Zéphyr». Un certain Hocquart nous rapporte, le 16 novembre 1759 que M. y a une altercation avec le commandant de bord (C, p. 6). Le 14 février 1760 M. quitte la Marine (C p. 7). Puis c'est le silence complet. Lorsque nous retrouvons les traces de M. 21 ans plus tard, le 22 février 1781, c'est pour apprendre qu'il est embastillé une seconde fois. Son arrestation coïncide presque jour pour jour avec la sortie d'un livre fulminant contre le règne de Louis XV : la Vie privée de Louis XV, dont la Correspondance secrète, politique et littéraire (t. XI, 7 mars 1781, p. 125, et 19 mars 1781, p. 143) lui accorde la paternité (voir D.P.1 904). Mais il y a aussi une autre raison à l'arrestation de M. ; il y est dit que M. a été arrêté : «Pour les Mémoires secrets de la République des lettres et pour nouvelles à la main » (Funck-Brentano, Les Lettres de cachet, p. 408). Un contemporain de M. résume la situation et nous apporte ces détails précieux : «Après [la mort de Mairobert], M. d'Angerville se chargea de la confection des mémoires secrets ; sous sa plume ils ne perdirent rien de leur agrément et acquirent un degré de correction qu'ils n'avoient point encore eu».

Toujours selon le même chroniqueur, la publication de la Vie privée de Louis XV oblige Lenoir à intervenir ; il fait arrêter M. et son domestique. «Rendu arrêté le premier, dans une chambre qu'il occupoit rue des Arcis, et chez lequel on trouva des nouvelles à la main, avoua qu'il servoit de secrétaire à M. d'Angerville, que c’étoit de lui qu'il tenoit des bulletins ; qu'il n'étoit que chargé de les transcrire, dont l'une étoit envoyée à Rotterdam, l'autre à Minden, & l'autre à Bruxelles». M. est arrêté aussitôt après : «M. d'Angerville, logé rue de Berry au marais, chez madame de Champigni, sa cousine, et veuve d'un conseiller au parlement, eut le même jour, et sur l'heure de minuit, la visite de MM. de la police, ayant à leur tête M. Chenon, commissaire, et le sieur Henri, conseiller du roi, inspecteur de police. On enleva tous ses papiers et sept cartons remplis de bulletins ou nouvelles à la main, formant une collection depuis 1766 jusqu'en 1781. Après les recherches et le furetage le plus scrupuleux, on mena M. d'Angerville à la Bastille. Son séjour n'y fut pas long [il fut libéré le 3 avril 1781 : La Bastille dévoilée, t. IV, p. 19]. Nous n'avons pu apprendre ce qu'il devint après sa sortie ; mais nous voyons qu'un an après cette époque, en janvier 1782, il alla chez M. le Noir, réclamer les sept cartons de bulletins qu'on lui avoit enlevés ; que le commissaire Chenon dressa procès-verbal de cette délivrance, à l'hôtel même de la police : ce procès-verbal est ainsi terminé : < les avons remis audit sieur Mouffle d'Angerville, à la charge par lui de les rapporter à M. le lieutenant-général de police, après les corrections dans un an, délai fixé par les magistrats ; à quoi le sieur Mouffle d'Angerville, s'est soumis et a signé >» (La Bastille dévoilée, t. VIII, p. 52-54).

Ces lignes, outre qu'elles confirment la part active prise par M. à la rédaction des Mémoires secrets, soulignent ce fait important qu'il dût jouir de très hautes protections pour qu'il fût relâché si tôt, compte tenu du fait qu'il était récidiviste, et pour qu'on lui eût restitué ses sept cartons de nouvelles à la main prohibées. Elles nous apprennent, enfin que M. versait dans le journalisme depuis 1766 au moins, année où commence la collection de nouvelles à la main saisie chez lui.

4. Situation de fortune

M. a hérité de son père et fut le seul légataire de son oncle et parrain, Barthélémy Moufle, prêtre, docteur en Sorbonne, décédé le 19 janvier 1740 (C, p. 5 et 13, doc. II), mais rien ne porte à croire qu'il eût joui d'une fortune importante. Il est permis de penser, vu l'empressement avec lequel M. multiplia à volonté additions et suppléments aux numéros donnés par Mairobert, que son procédé était guidé par l'appât du gain. De plus, l'inventaire établi après sa mort laisse plutôt l'impression d'un état d'indigence : « une mauvaise table, une couchette à deux chevets, un secrétaire en bois de placage, une fontaine en cuivre, une petite armoire, quatre fauteuils, trois chaises, du linge sale, etc.» (C, p. 10). Tout porte à croire que M. a, en partie du moins, vécu des fruits de sa production littéraire et journalistique.

5. Opinions

M. aurait été selon Tate (D.J., p. 287-288) : «habitué du salon parisien de Mme Doublet, la fameuse Paroisse» (voir également « Petit de Bachaumont : his circle and the Mémoires secrets», dans S.V.E.C. 65, 1968, p. 112 et suiv.). Cette assertion qui n'est pas documentée est toutefois partiellement appuyée par Carriat, qui évoque certains liens de parenté entre M. et Bachaumont. M. était, toujours selon Tate, en relations épistolaires avec Bachaumont et le comte de Clermont. Il bénéficiait de la bienveillance du lieutenant de la police Le Noir (cf. La Bastille dévoilée, t. VIII, p. 51).

6. Activités journalistiques

Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la République des Lettres en France depuis 1762 jusqu'à nos jours, Londres, J. Adamson, 1777-1789, 36 vol. Chronique rétrospective des événements survenus entre le janvier 1er 1762 et le 31 décembre 1789 (D.P. 1 904). Mairobert en assura la rédaction du commencement du journal jusqu'à sa mort, le 27 mars 1779 et M. la continua jusqu'à la fin du recueil en 1789. La qualité du journal, disons-le, ne souffrit point sous la direction de M., mais celui-ci, prétextant de rétablir des suppressions imposées par la censure à son prédécesseur, résolut d'augmenter la matière courante du journal de considérables additions aux notices antérieures, portant ainsi de treize à trente-six les volumes relatifs à une période allant du 1er janvier 1779 au 31 décembre 1787 alors qu'il ne fallut que douze vol. à Mairobert pour couvrir les années 1762 à 1778. Cette démarche peu astreignante – M. ayant sûrement directement puisé dans les manuscrits de Mairobert – nous porte à croire que l'intérêt matériel n'y était pas étranger. Une autre innovation apportée par M. fut celle d'accorder davantage d'intérêt aux faits politiques.

7. Publications diverses

Le Cannevas de la Paris, ou mémoires pour servir à l'histoire de l'Hôtel du Roulle, à la porte Chaillot, 1750, 2 vol. (en collaboration avec Rochon de Chabannes). A fait l'objet d'un c.r. dans CL., t. I, p. 468 ; rééd. : Yverdon [Bruxelles, Gay], 1866 ; introd. B. de Villeneuve, Paris, Bibliothèque des Curieux, s.d. [1910] ; Introd. J. Hervez, Paris, Tchou, 1967. – Journal historique de la révolution opérée dans la constitution de la monarchie française par M. de Maupeou, chancelier de France, Londres [Amsterdam], 1774-1776, 7 vol. On ne sait au juste la part exacte que M. a eue dans la rédaction de cet ouvrage qui lui est souvent attribué en collaboration avec Mairobert et qui présente trop d'affinités avec d'autres ouvrages des deux journalistes pour que son nom ne soit retenu (voir D.P.2, art. «Pidansat de Mairobert»). – Vie Privée de Louis XV, ou principaux événemens, particularités et anecdotes de son règne, Londres, J.P. Lyton, 1781 ; c.r. dans CL., t. XII, p. 481-482. Rééd. : une Nouvelle édition corrigée et augmentée sur les manuscrits de l'auteur, Londres, 1781 ; cette édition n'est pas « augmentée » et la mention « sur les manuscrits de l'auteur» n'est qu'une astuce commerciale, destinée à faire donner la préférence sur l'originale (renseignements communiqués par F. Mars). Cette contrefaçon a été imprimée à Liège par Jean François Joseph Desoer, 1720-1792 (A.A.E., C.P., Liège, vol. 69, f° 183 v° : Léonard à Vergennes, 6 nov. 1782). Ed. sous le titre du Siècle de Louis XV, attribuée à Arnoux Laffey, Paris, 1796, 2 vol. Rééd. part, par A. Meyrac, Paris, Calmann-Lévy, 1921. – On attribue également à M. un ouvrage contre les excès de la Révolution : Adresse aux princes et aux émigrants de cette malheureuse nation, suivi d'une Réponse du comte de Sanois à Monsieur d'An**, Paris, «chez l'Allemand, au Pont Neuf», mai 1792.

8. Bibliographie

CL. – (C) Carriat A., «Un écrivain guérétois méconnu Barthélémy Mouffle d'Angerville (1728-1795), continuateur des Mémoires dits de Bachaumont», Mémoires de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse,1976, t. XXXIX, p. 637-656. – Funck-Brentano F., Figaro et ses devanciers, Paris, Hachette, 1909. – Id., Les Lettres de cachet à Paris : étude suivie d'une liste des prisonniers de la Bastille(1659-1789), Paris, Impr. nationale, 1903. – Manuel L.P., La Bastille dévoilée, Paris, Desenne, 1789 et 1790, t. IV, p. 19, t. VIII, p. 49-54.

9. Additif

La perquisition opérée chez Mouffle d’Angerville par le commissaire Chenon le 24 février 1781 est décrite par François Moureau dans son Répertoire des nouvelles à la main, p. 309. On saisit chez lui « sept cartons remplis de bulletins ou nouvelles à la main, formant une collection depuis 1766 jusqu’en 1781 ». On les lui rend un an plus tard, en janvier 1782, « à la charge par lui de les rapporter à M. le Lieutenant général de Police après les corrections dans un an ». Les M.S. reçoivent une permission tacite le 2 février 1782 pour les volumes 19 et 20 (ms. fr. 21982, f° 411).

Le seul manuscrit qui en subsiste est le ms. 679 de la BHVP, pour l’année 1766 (voir le Répertoire des nouvelles, p. 308-309). Un article des Révolutions de Paris en 1790confirme la participation de Mouffle aux Mémoires secrets après la mort de Mairobert : « Aprés sa mort, M. Mouffle d’Angerville se chargea de la confection des Mémoires secrets ; ce qui lui valut six semaines de détention, à la Bastille, du 2 février au 3 avril 1781 » (Voir « Pidansat de Mairobert, journaliste à deux visages », dans Nouvelles, gazettes, mémoires secrets (1775-1800), dir. B. Berglund-Nilsson, Karlstad University Press, 2000, p. 24-25). Sur le caractère de son travail, voir notre anthologie, Mémoires secrets (1762-1787) (Tallandier, 2011, p. 12-13). (J.S.)