LE FEBVRE

Auteurs

Numéro

489

Prénom

Philippe

Naissance

1705

Décès

1784

Philippe Le Febvre naquit à Rouen le 15 janvier 1705 (acte de baptême du 16, en l'église Sainte-Marie la Petite, B.V. Rouen). Il était le fils de Philippe Le Febvre, «directeur général des fermes du Roi à Rouen», plus tard receveur général des finances en la même ville (A.D. Seine-Maritime, C 2304). Son parrain, Philippe de Monchy, écuyer, était secrétaire du Roi et fermier général ; sa marraine, Suzanne Le Mercier, était la veuve d'Olivier Le Mercier, «en son vivant intéressé dans les fermes de Sa Majesté». Il eut au moins un frère, Jean Baptiste Louis, né le 17 janvier 1706.

3. Carrière

Il semble avoir partagé sa vie entre Rouen et Paris où il s'installa probablement en octobre 1722 (B.N., f.fr. 21904, f° I) : en tout cas, malgré son jeune âge, il participa très activement l'année suivante à la querelle d'Inès. Il devint second président au Bureau des Finances de Rouen le 10 mars 1730 (A.D. Seine-Maritime, C 2304 et 11 B 159) et résigna cette charge le 15 juin 1736 (C 2305). D'après la France littéraire (1769, t. 1, p. 260), il fut conseiller de la Cour des Aides de Paris.

6. Activités journalistiques

Le Pot pourry, deux «brochures» publiées en mars 1727. Page 3, l'auteur évoquait «le dessein qu'[il avait] formé de donner toutes les semaines au public une brochure de [sa] façon» (D.P.1 1136).

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 38511-38528. Les premières oeuvres de Philippe Le Febvre parurent dans le courant de l'automne 1723: Examen de la tragédie d'Inès de Castro (Paris, Thomelin, in-8°; Lettre d'un gentilhomme à un ami de province au sujet de la tragédie d'Inès de Castro (Paris, Thomelin, in-8° de 15 p., compte rendu dans le Mercure d'octobre 1723, p. 702).

8. Bibliographie

8. B.Un.

LAMBINET

Auteurs

Numéro

448

Prénom

Pierre

Naissance

1742

Décès

1813

Pierre Lambinet naquit à Tournes, près de Mézières, de «Louis Lambinet, laboureur, et de Marie Jeanne Lebas», et y fut baptisé le 22 octobre 1742 (Reg. par. de Tournes, A.D. Ardennes). Il mourut à Mézières, «rue du Grand Bourg», «célibataire, pensionnaire ecclésiastique», le 10 décembre 1813 (Reg. d'état civil de Mézières, A.D. des Ardennes). Son frère aîné, Jean Maurice (1741-1822), fut médecin à Charleville (B.A.).

2. Formation

Il fit ses études au collège des Jésuites de Charleville où il prit «le goût du travail et de la bonne littérature» (B.A.). «A l'âge de quinze ans, et après avoir fait ses humanités», il fut «envoyé à Pont-à-Mousson pour y faire son noviciat» (B.Un.).

3. Carrière

D'abord Jésuite, il entra ensuite dans l'ordre de Prémontré (vers 1765? B.A., Goovaerts ; ou vers 1775? B.A., Goovaerts ; ou vers 1775 ? B.N.C. ; B.Un.) «et fit profession à l'abbaye de Villers-Coterets, sous l'abbé Richard, son compatriote» (B.C., B.Un., B.A.). Quelques années après, il rentra dans le monde, avec le consentement tacite de ses supérieurs, mais le bref de sécularisation n'intervint que beaucoup plus tard. Il vécut à Liège, puis à Bruxelles, où il fut précepteur de deux des fils du duc de Croquenbourg. Sa carrière fut celle d'un bibliographe et il noua des relations avec Wilhelmi, bibliothécaire de Berne, avec lequel il composa une Notice de quelques manuscrits qui concernent l'histoire de la Belgique et qui se trouvent dans la bibliothèque publique de Berne, présentée à l'Académie de Bruxelles en octobre 1780 (Mémoires de l'Académie, t. V, 2e partie, 1788, p. 252-263). On ne sait au juste quand il se retira dans son pays natal.

4. Situation de fortune

D'après la B.Un. et la B.A., «il conserva jusqu'à sa mort une pension de 8 à 900 francs», versée par la famille de Croquenbourg.

6. Activités journalistiques

Collaboration épisodique à l'Esprit des journaux : juillet 1777, p. 243-247 (lettre sur l'empereur Joseph) ; septembre 1777, p. 261 (Epigramme) ; mars 1778, p. 243-245 (lettre en vers et en prose à M. le baron de ***) ; août 1778, p. 266-268 (lettre à S.E. le cardinal de Franckemberg) ; mai 1781, p. 418 et août 1781, p. 245-259 (notice sur la Bible des pauvres et le Missel ambrosien).

Rédaction de la Table raisonnée des matières contenues dans l'Esprit des journaux, depuis 1772 jusqu'en 1784 inclusivement, Liège et Paris, 1785, 4 vol. in-12.

Brèves interventions dans le Journal des curés, 23 et 27 août, et 4 novembre 1809 (Remarques bibliographiques et critiques sur l'édition de l'Imitation de Jésus-Christ procurée par Beauzée en 1788), avec un correctif le 5 juillet 1813.

7. Publications diverses

Eloge historique de Marie-Thérèse, Liège et Bruxelles, 1781. – Recherches historiques, littéraires et critiques sur l'origine de l'imprimerie, Bruxelles, Plon, 1798 (nouv. éd. Paris, Nicolle, 1810, 2 vol. in-8°). – Imitation de Jésus-Christ, par le R.P. Gonnelieu, revue et corrigée par L., Paris, Mame et Nicolle, 1811.

8. Bibliographie

B.N.C, B.Un. (B.A.) Boulliot J.B.J., Biographie ardennaise, Paris, 1830. – Goovaerts L., Ecrivains, artistes et savants de l'ordre de Prémontré. Dictionnaire bio-bibliographique, Genève, 1971.

GUYOT DE MERVILLE

Auteurs

Numéro

382

Prénom

Michel

Naissance

1696

Décès

1755?

plus tard sous le nom de Guyot de Merville, «Michel fils de René Guiot, maître de la poste de Versailles, et de Marie Andry», naquit en cette ville le 2 février 1696 et fut «baptisé le lendemain», paroisse Notre-Dame (A.M. Versailles ; Archives des Yvelines). Son parrain, Michel Blondel, était «conseiller du roi, procureur de la ville de Troyes», et sa marraine, Marie Sion, femme de Charles Mitouflet, «conseiller du roi».

2. Formation

«Il eut de bonne heure le goût des voyages et profita d'une circonstance favorable pour visiter l'Italie, l'Allemagne et l'Angleterre» (P ; B.Un. ; D.L.F.). A son retour en France, il composa trois tragédies qui furent refusées par les Comédiens français (M.S.). Après avoir été quelques années libraire à La Haye (au moins de 1724 à 1729), il semble avoir de nouveau couru l'Europe et s'être trouvé en Allemagne lors de la guerre de Succession de Pologne. Il écrivait en effet dans une Ode au Roi. Sur le retour de Sa Majesté publiée chez Bordelet en 1754, mais écrite dix ans plus tôt : «Vingt ans en vingt climats [1716-1736?] par le sort exilé/ Des lieux où, près de toi, je reçus la naissance [...]/ Et pendant quatre mois dans les fers de Hambourg/ Charles me fit porter la peine de la gloire/ Qu'Asfeldt acquit à Philisbourg». Puis, rentré en France, il se lança dans une carrière de dramaturge, tout en collaborant un temps «à la rédaction [des] feuilles de l'abbé Desfontaines» (B.Un. ; N.B.G.). Il fit jouer, à la Comédie Italienne, les Mascarades amoureuses (un acte en vers, 4 août 1736) et les Impromptus de l'amour (un acte en vers ; 9 février 1737), puis, au Théâtre français, Achille à Scyros («comédie héroïque» en trois actes, d'après Métastase), le Consentement forcé (un acte en prose ; 13 août 1738), qui obtint un très grand succès, et les Epoux réunis ou la Veuve fille et femme (trois actes en prose ; 31 octobre 1738). Mais les Français lui firent réduire son Faux Enlèvement de cinq actes à trois, puis «de trois à un» (N), et enfin, «à la veille de la représentation», décidèrent de jouer à la place la Belle Orgueilleuse, de Destouches (P). Il finit par pouvoir faire représenter cette comédie au Théâtre Italien, sous le titre du Dédit inutile ou les Vieillards intéressés (11 juin 1742) ; mais elle n'y réussit guère» (D.L.F.) et les suivantes, pas davantage. L'Apparence trompeuse (2 mars 1744) lui valut «un regain de faveur». Mais, alors que ses Talents déplacés allaient être représentés, «l'acteur à qui seul convenait le rôle de Léandre refusa de le jouer» (P). G. de Merville supprima ce rôle et, le 20 août 1744, sa pièce fut très bien accueillie. Brouillé avec les Italiens, il fut bientôt repris par la passion des voyages et «visita de nouveau l'Italie» (B.Un. ; N.B.G.). S'y étant lié d'amitié avec un gentilhomme du pays de Vaud, il séjourna quelque temps à Genève -en 1750?- (N.B.G.). Enfin, vers 1753 (lettre à Voltaire eu 15 avril 1755), il se fixa à Genève, non loin de son protecteur (N ; N.D.H.) auquel il se proposait de dédier ses Oeuvres diverses (lettre citée).

4. Situation de fortune

D'après les biographes anciens de G. de Merville, sa vie aurait été une longue suite de «malheurs» et de «disgrâces». Comme libraire, il aurait eu peu de succès (B.Un.). «Sans état et sans fortune» (N) lors de son mariage avec une femme «privée comme lui» de tout bien, il aurait été amené à écrire dans les journaux de Desfontaines par «la nécessité de se procurer des ressources» (B.Un.). Bachaumont ajoute qu'il «apporta» en Suisse «une tristesse occasionnée en partie par sa mauvaise fortune» : «Il ne recevait plus ses petites rentes, par l'interruption des cours de justice. Les comédiens l'avaient traversé, et lui avaient ôté ses ressources ; une gouvernante infidèle avait abusé de sa confiance». A la veille de sa mort, rongé par les inquiétudes que lui causait la position d'une fille unique et d'une femme adorée» et déçu dans l'espoir qu'il avait formé d'éditer Voltaire, il fit un «état de ses effets» (N ; N.D.H.), constata que le montant en était suffisant pour «acquitter ses dettes» et «chargea, par une lettre, un magistrat de ses amis, de l'exécution de ses dernières volontés» (N.D.H. ; N.B.G.).

5. Opinions

Dans le tome II de l'Histoire littéraire de l'Europe (mai 1726, p. 1-10), G. de M. s'explique avec vivacité à propos de la publication d'un article qui lui avait valu d'être «insulté personnellement» par Burman, professeur à l'Université de Leyde dans ses Epistolae ad Cl. Capperonnerium. Bachaumont évoque «les querelles qu'il eut avec plusieurs gens de [la] troupe du Théâtre français», parce qu'il refusait de «fléchir» devant leur «autorité orgueilleuse» (N), et, dans la lettre qu'il écrivit à Voltaire, de Lyon, le 15 avril 1755, Merville fait mention avec amertume de leurs «mauvais procédés», tout en se flattant de l'«estime» et de l'«affection» du résident de France à Genève, M. de Montpéroux. Ses relations avec Voltaire semblent avoir été à l'origine du dernier drame de sa vie. Dans la lettre citée il lui avoue qu'à cause de son «attachement à Rousseau» et de sa «complaisance pour l'abbé Desfontaines», il avait écrit contre lui - «deux satires», dira Voltaire dans sa réponse -, alors qu'il l'«estime plus que [ses] partisans les plus zélés». Il lui envoie «des vers» qu'il avait déjà confiés au comédien d'Auberval pour les lui remettre lors de son passage à Lyon et se propose de lui apporter la critique de ses ouvrages : «quatre volumes manuscrits» et de supprimer de l'édition de ses Oeuvres diverses les «deux pièces de vers que Desfontaines [lui] avait suggérées», ainsi qu'une «lettre à la tête de [sa] première comédie, dont Rousset [lui avait écrit] autrefois que [Voltaire] avait été choqué». Enfin il est prêt à lui dédier son «théâtre en 4 volumes» et lui propose d'éditer tel ou tel de ses ouvrages, en se chargeant «du matériel de cette impression», comme il l'avait fait «à La Haye», «plus de trente ans» plus tôt lorsqu'il avait corrigé les épreuves de la Henriade (Correspondance de Voltaire, Bibl. de la Pléiade, t. IV, p. 1335-1337). Voltaire lui répondit que son amitié ne valait pas «les grands sacrifices» que Merville lui «offrait» et que, pour sa part, il ne dédiait ses ouvrages qu'à ses amis (Best. D 6252 ; ibid., p. 432). Ne se tenant pas pour battu, celui-ci «alla rendre visite à M. de Voltaire qui le reçut froidement» (M.S.). Désespéré, il alla passer «huit à dix jours chez son ami» (N), puis «retourna chez lui à Genève», pour se donner la mort.

6. Activités journalistiques

6. Nouvelliste sans fard, ou la Gazette sans privilège, «Cologne», Couraprez, 1723, 1725 (B.N., G 16506) ; D.P.1 1068.

Le Nouvelliste universel, La Haye, 15 juillet-28 décembre 1724 (Ars., ms. 10865 et Sächsische Landsbibl. Dresde, Eph. hist. 52). 48 livraisons (D.P.1 1069). Boindin écrivait à d'Ombreval au sujet de ce second journal, à la fin de 1724 : «C'est une Gazette qui s'imprime effectivement à La Haye, mais sans permission des Etats, et dont les auteurs se sont déjà fait de mauvaises affaires par leurs imprudences. [...] Il serait aisé d'en arrêter le cours, car elle a déjà été interdite une fois sous le titre de Nouvelliste sans fard et la moindre plainte suffirait pour la faire supprimer». Et de La Haye, La Grange-Chancel annonçait au Lieutenant général de police, le 1er février 1725, que «Caillaud, habitant de Rotterdam», avait pu apprendre par «M. Jeannisson» que l'auteur des «nombreuses Calottes» incriminées par le ministère français, et en particulier des vers contre Fleury, était Roy. Ils avaient été envoyés «par un commis de la poste de Bruxelles nommé doux fils». Convoqués par «le magistrat», «le sieur Guyot et demoiselle Vauclier» [Vaucher], «auteurs du Nouvelliste universel», «crurent devoir se précautionner de sorte [...] qu'ils déclarèrent qu'ils avaient brûlé tous leurs manuscrits, pour n'être pas obligés de trahir le secret de leurs correspondants» (A.B., t. 12, p. 108-109). D'après J. Lombard, G. de M. aurait assuré la direction du Mercure historique et politique pendant moins de deux ans à partir de 1724 (D.P.1 940).

Histoire littéraire de l'Europe, «contenant l'extrait des meilleurs livres, un catalogue choisi des ouvrages nouveaux, les nouvelles les plus intéressantes de la République des Lettres et les pièces les plus curieuses», La Haye, chez M. G. de Merville, 1726-1727, 6 vol. in-8°. Livraisons mensuelles (D.P.1 613). L'abbé Bonardy écrivait au président Bouhier le 8 mars 1726 : «M. Camusat qui avait eu beaucoup de part à la Bibliothèque française a dessein de faire l'histoire littéraire de l'Europe, et je crois qu'il a déjà vendu le titre aux Hollandais» (Correspondance littéraire du président Bouhier, éd. H. Duranton, n° 5, p. 8). L'auteur de la préface de ce journal érudit, paru dans une période d'interruption du Journal littéraire de La Haye, le plaçait sous le patronage de Bayle, de Beauval et de Le Clerc et il évoquait «la variété des sujets» qui y seraient abordés. Dans l'«Avertissement du Libraire» placé en tête du tome II (mai 1726) G. de M. «réitère la prière que les auteurs [du] journal ont fait[e] aux libraires de lui envoyer les livres nouveaux», sollicite des «nouvelles littéraires» et signale qu'il n'a jamais écrit lui-même qu'un article : «l'Eloge de Mr. de Rapin, [...] mois de février, p. 153». Parmi les collaborateurs de l'Histoire littéraire de l'Europe on peut compter J. Van Effen.

Collaboration probable de G. de M. aux Observations sur les écrits modernes.

7. Publications diverses

Voyage historique d'Italie, contenant des recherches exactes sur le gouvernement, les moeurs, les fêtes, les spectacles et les singularités des villes où l'auteur a passé, La Haye, G. de Merville, 2 vol. in-12°.– Une dizaine de pièces de G. de M. ont été publiées de son vivant : Les Mascarades amoureuses (Chaubert, 1736, et Prault père, 1742), Achille à Scyros (Chaubert, 1738), Le Consentement forcé (Chaubert, 1738 ; N.B. Duchesne, 1756 ; 1821, Le Dédit inutile et Les Epoux réunis (Prault père, 1742), Les Impromptus de l'amour et Les Dieux travestis ou l'Exil d'Apollon (1742), Les Talents déplacés (1745) et enfin Le Roman, comédie en trois actes et en vers, écrite en collaboration avec Procope-Couteau (1746).– Oeuvres de théâtre de M. Guyot de Merville contenant toutes ses comédies, nouvelle édition, Paris, 1758, in-8.– Oeuvres de théâtre de M. Guyot de Merville, Paris, veuve Duchesne, 1766, 3 vol. in-12. Le troisième volume contient quatre nouvelles comédies en vers «trouvées dans son portefeuille» : Les Tracasseries ou le Mariage supposé (5 actes), Le Triomphe de l'amour et du hasard (3 actes), La Coquette punie (1 acte) et Le Jugement téméraire (1 acte) ; comptes rendus dans le Journal encyclopédique, 1er février 1766, p. 96-113 ; le Mercure de France, février 1766, p. 92-102.– D'après le Nécrologe et les M.S., G. de M. «avait fait une Critique des Oeuvres de M. de Voltaire, un autre ouvrage qu'il appelait les Epîtres d'Horace et les Veillées de Vénus».

8. Bibliographie

(N.D.H.) Chaudon et Delandine, Nouveau Dictionnaire historique ; B.Un., N.B.G., D.L.F., Brenner, Cior 18.– (A.B.) Archives de la Bastille, Documents inédits par F. Ravaisson, 1881. Brenner. Cioranescu.– Supplément au Parnasse français (Titon du Tillet).– Notice en tête des Oeuvres de théâtre, 1766.– Castilhon J., «Eloge historique de M. Guyot de Merville», Ordre chronologique des deuils de cour, 1766, p. 121-150, et (N) Nécrologe des hommes célèbres, tome II, 1766, p. 67-81.– M.S., 12 décembre 1765 et 26 février 1766 (éd. Adamson, Londres, 1781, t. II, p. 172 et 300-301 ; t. XVI, p. 275-276).– (P) Petitot, notice en tête du Consentement forcé, t. 22 de son Répertoire du Théâtre français.

GOUJET

Numéro

352

Prénom

Claude

Naissance

1697

Décès

1767

Claude Pierre Goujet est né à Paris le 19 octobre 1697, fils de Claude Goujet, tailleur, originaire de Saint-Aignan (Loir-et-Cher) ; mort à Paris le Ier février 1767 (testament, A.D. Seine, DC 6248, f° 81-82). Sa vie nous est rapportée par les Mémoires historiques et littéraires de M. l'abbé Goujet et par un mémoire qu'il envoie à l'abbé Papillon le 9 février 1738 (B.N., f.fr. 24411).

2. Formation

A cinq ans, il a pour «instituteur» un «laïc», le Sr Davesne. A partir de sept ans, il fréquente le collège Mazarin, puis, de la troisième à la rhétorique, le collège Louis-le-Grand ; deux ans de rhétorique avec les PP. Porée et Sanadon ; acolyte à Saint-Germain l'Auxerrois où il soutient une thèse de philosophie ; trois ans de théologie à la Faculté ; un an d'institution à l'Oratoire (1719-1720) ; il y continue le grec et l'hébreu qu'il avait commencé d'apprendre. «Vers le commencement de 1723 », il est admis aux conférences théologiques des Trente-trois (Mémoires).

Il a reçu la tonsure le 12 septembre 1715 à Saint-Germain l'Auxerrois ; il prend les ordres mineurs le 4 juin 1719 ; est nommé « sans être prévenu » au canonicat de Saint-Jacques de l'Hôpital, fin septembre 1720 ; sous-diacre le 19 mars 1721, diacre le 21 mars 1722, prêtre en 1724.

Membre des Académies de Rouen, Angers, Marseille, Auxerre (Mémoires ; Feller-Weiss), il ne put entrer à l'Académie des belles-lettres en raison de l'hostilité de Fleury (lettre de G. à Grosley, 14 juin 1744. Archives de l'Oratoire, dossier Goujet).

3. Carrière

Voyage de la Trappe en 1721 ; à partir de 1723, il visite l'Orléanais, le pays de la Loire, le Berry, la Picardie, la Normandie ; il séjourne «huit jours chaque année» au monastère de Saint-Martin de Borenc en Beauvaisis, jusqu'en 1726.

4. Situation de fortune

«Reçu gratuitement» à l'Oratoire grâce au P. de La Brue, curé de Saint-Germain l'Auxerrois, il refuse «trois ou quatre cures» proposées notamment par «M. le Cardinal» et M. de Caumartin, évêque de Vienne ; il semble avoir joui, dès sa jeunesse, de hautes protections. En 1744, il possédait près de 6000 volumes (lettre citée, à Grosley) ; catalogue de sa bibliothèque à la B.N. ; selon l'abbé Barrai, éditeur des Mémoires, G., «né sans patrimoine, chargé de faire vivre une famille nombreuse» (p. XI), vendit en 1767 sa bibliothèque à M. de Charost et en légua le profit à sa famille.

5. Opinions

Farouchement hostile à la Constitution Unigenitus («Par la Grâce de Dieu, je n'ai point signé cet acte inique», Mémoires, p. 86), il est, en 1723, exclu des conférences des Trente-trois ; en 1739, ses pouvoirs dans les couvents du Val-de-Grâce et des Filles-Dieu sont révoqués ; se trouve guéri de la pierre, par l'intercession du diacre Paris (Mémoires, p. 136). Sa «Vie de M. François de Paris, diacre mort en odeur de sainteté» est arrêtée en cours d'impression (ibid., p. 148).

Nouvelles littéraires, Paris, Lefebvre, en collaboration avec Desmolets, du 1er décembre 1723 au 1er mars 1724 (D.P.1 1041) ; interrompu par intervention du P. de La Tour (voir art. «Desmolets»).

Continuation des Mémoires de littérature de Desmolets (D.P.1 226) : G. a donné à cette revue une dizaine de dissertations, la plupart signées de ses initiales (G.C.D.J.L. : Goujet Chanoine de Saint Jacques de l'Hôpital).

Nouvelles ecclésiastiques ; G. en fut, selon ses propres Mémoires, un collaborateur assidu. «Depuis cette année 1736 -écrit-il - jusqu'à aujourd'hui [1764], j'ai fourni au même écrit périodique un grand nombre d'articles qu'on y a insérés. Il y en a de fort considérables» (cité par Duranton, p. 121).

Bibliothèque française « ou Histoire littéraire de la France » : G. écrit dans ses Mémoires : «Je profitai de l'offre que me fit le Sr du Sauzet, alors libraire en Hollande, d'insérer les petits écrits que je voudrais mettre au jour dans le Journal intitulé Bibliothèque française ou Histoire littéraire de la France dont on a plus de quarante volumes. Le libraire ex-jésuite était lui-même auteur de ce bon ouvrage périodique. Mais il recevait aussi de plusieurs endroits des extraits de livres et des pièces fugitives» (p. 63). Du Sauzet reprend la Bibliothèque française en 1730 (t. XIV). Dans sa correspondance avec le président Bouhier, G. fait souvent allusion à ses échanges avec Du Sauzet, mais ne mentionne sa collaboration à la Bibliothèque française que dans une lettre du 15 août 1739 (Duranton, p. 36) ; il s'agit de deux articles parus dans le t. XXVIII.

G. a envoyé des contributions à de nombreux périodiques, notamment aux Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres (D.P.1 902).

7. Publications diverses

G. donne dans ses Mémoires historiques et littéraires et dans son Catalogue raisonné la liste de ses ouvrages et articles, classés en 6 parties : traductions, ouvrages de piété, ouvrages historiques, éloges, pièces diverses. Cette liste comprend 88 titres ; elle a été reprise dans l'édition de 1759 de Moreri et par J.M. Ingold dans son Essai de bibliographie oratorienne, Paris, 1880-1882. Voir Cior 18, n° 31635-31694 et, pour la période antérieure à 1746, la bibliographie donnée par Duranton, p. 101-124.

8. Bibliographie

B.Un. ; D.B.F. ; D.L.F. ; Cior 18. Mémoires historiques et littéraires de l'abbé Goujet, publiés par l'abbé Barrai, La Haye, Du Sauzet, 1767. – Nécrologe, 1768. – B.N., n.a.fr. 1009-1013, «Catalogue raisonné de la Bibliothèque de Goujet». – Peach T., Le Fonds Goujet de la Bibliothèque municipale de Versailles, Genève, Slatkine, 1992. – Duranton H., Correspondance du Président Bouhier, t. II, Lettres de l'abbé Claude-Pierre Goujet (1737-1745), U. de Saint-Etienne, 1976.

GACON

Auteurs

Numéro

322

Prénom

François

Naissance

1667

Décès

1725

François Gacon naquit à Lyon, le 16 février 1667, «de Pierre Gacon, marchand toillier et de dame Anne Chrestien, sa femme (A.M. Lyon). Il semble avoir eu plusieurs frères, dont l'un résidait à Lyon en 1717 (C, 21 sept.). Il mourut le 15 novembre 1725 au prieuré de Bâillon, dans le «territoire» d'Asnières-sur-Oise, et fut «inhumé le lendemain dans sa chapelle prieurale», en présence de «Maître François Gacon [sic], avocat au Parlement de Paris, son frère» (reg. par. de Viarmes ; A.D. du Val d'Oise).

2. Formation

Prêtre de l'Oratoire, «il quitta de bonne heure la Congrégation pour s'occuper de littérature satirique» (D.L.F.). En 1717, l'Académie française lui accorda son prix de poésie pour une ode sur le thème de «Louis le Grand perdant ses enfants» ; mais comme il avait «satirisé presque tous ses membres» (N.D.H.), elle le lui fit remettre [B.Un.), par l'intermédiaire de l'abbé de Choisy (N.D.H.), pour éviter de le lui décerner sur place. Six mois plus tard, le 4 janvier 1718, proposé par l'archevêque, il fut reçu, « unanimement et avec toutes les marques possibles de distinction», à la «Société royale» de Lyon (C, lettres des 6 janv. et 11 mars).

3. Carrière

« Gacon reprit l'habit ecclésiastique sur la fin de ses jours » (N.D.H.) et il obtint le prieuré de Notre-Dame de Bâillon, abbaye bernardine toute proche de celle de Royaumont. A ce titre, il était aussi chapelain de Sainte-Anne, d'Asnières, comme le rappelle son acte de décès, où il est désigné comme «clerc tonsuré du diocèse de Lyon».

5. Opinions

G. s'était donné pour «modèle» Boileau (N.D.H.). Il lui arriva pourtant de le critiquer (en lui reprochant notamment la froideur de sa «satire contre les femmes»), peut-être sous l'influence de Regnard (B.Un.) qui, disait-on couramment, dans le choix de ses ennemis, puisqu'il soutint des guerres d'épigrammes contre Pradon (B.Un. ; N.B.G. ; D.L.F.), puis contre Jean Baptiste Rousseau (Passeron), et qu'il attaqua notamment Bossuet, Fontenelle (N.B.G. ; D.L.F.), Crébillon, Dufresny, au sujet du Chevalier joueur (B.Un.), Perrault, «les auteurs du Mercure galant», Thomas Corneille, Duché, Dancourt, à propos de La Foire de Bezons, l'abbé Bordelon, mais bien d'autres écrivains de moindre importance, comme la demoiselle Saintonge, pour ses opéras de Didon et de Circé, le vieil avocat grenoblois Perrachon, le sieur Debrie (Passeron), etc. Le Poète sans fard lui valut quelques mois de prison (N.D.H. ; B.Un. ; N.B.G.). Il dédia son Homère vengé à la duchesse du Maine sans lui en demander la permission. La Motte, qui fut un de ses adversaires privilégiés, déclara qu'il ne voulait pas lui répondre «parce qu'on n'a rien à gagner avec ceux qui n'ont rien à perdre» ; mais l'abbé de Pons le dénonça au chancelier Voysin (Mercure, mai 1715 ; Journal littéraire, 1715, t. VI, p. 452-465) et il «dut écrire dans un avertissement ajouté à son livre une espèce d'amende honorable» (N.B.G.). Quoique soumis préalablement à la censure (B.N., f.fr. 21942, p. 265 ; 31 oct. 1714), L’Homère vengé, violent pamphlet contre les Modernes, fut « supprimé » l'année suivante (Bonaccorso, p. 175, n.). Gacon s'acquit ainsi, auprès de certains de ses biographes, une réputation, largement usurpée, de «nouvel Arétin» (B.Un.). Le P. Oudin écrivait à Bouhier, à propos de L’Homère vengé : Gacon «est toujours le même» (f.fr. 24417, f° 342) ; et Bonardy, le 8 mars 1726 : «Un neveu de Gacon mettra bientôt sous presse ses ouvrages posthumes» (Correspondance littéraire du président Bouhier, éd. H. Duranton, n° 5, p. 8).

Brossette, l'éditeur lyonnais de Boileau, a entretenu une correspondance amicale avec G. (C). En 1710, il discute longuement le mémoire que celui-ci a envoyé au prévôt des marchands de Lyon « concernant les inscriptions de la statue équestre » de Louis XIV (16 janv.). En 1717, après avoir reçu l'ode qui avait obtenu le prix de l'Académie française (21 sept.), il lit à la Société royale la lettre que G. avait adressée à celle-ci (déc.) et facilite l'admission du poète à cette « Académie» qui n'avait pas encore obtenu de «lettres patentes» (lettres du 6 janv. et du 11 mars 1718). La B.N. conserve une lettre, imprimée, de Gacon (1723) à Desrochers, pour les portraits duquel il avait rédigé « plus de deux cents inscriptions en vers» (N.D.H.).

6. Activités journalistiques

En tenant compte notamment de leur titre, on peut à la rigueur considérer comme des publications journalistiques les petits pamphlets que Gacon a écrits contre les Modernes à l'occasion de la querelle littéraire qui a suivi la représentation de L’Inès de Castro, de La Motte :

Le Secrétaire du Parnasse, au sujet de la tragédie d'Inès de Castro. Et souscriptions désintéressées, par le P.S.F., Paris, François Fournier, 1723, in-8°, II-57 p. (D.P.1 1202). «Permission simple » accordée à Etienne Ganeau et enregistrée le Ier octobre (f.fr. 21952, p. 359), puis à F. Fournier (signature du 12 nov., enregistrement du 16 : ibid., p. 677). Cette permission fut ensuite révoquée, le 29 mars 1724 (ibid., note marginale), alors qu'un exemplaire avait été fourni pour le Cabinet du roi le 31 décembre précédent (f.fr. 22022, p. 35). Annonce préalable dans les Nouvelles littéraires du 1er décembre 1723 (p. 14-16). Comptes rendus dans une lettre datée du 15 décembre, parue, vers le 10 janvier, dans le Mercure de décembre, p. 1158, et dans les «Nouvelles littéraires» du 15 janvier 1724, p. 91-93 («Du bon et de l'original, mêlé avec du médiocre et du mauvais»). Autre édition, «par M. Gacon, poète sans fard», La Haye, M. Roguet, 1724, 54 p. in-8°.

Suite du Secrétaire du Parnasse, par le poète sans fard. Seconde partie, François Fournier, 1724, 48 p. in-8. (D.P.1 1234).

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 29962-29976. Y ajouter L’Epître à M. D. sur son dialogue ou Satire Xème contre les femmes, par le Sieur Gacon, Lyon, 1694 et quelques «brevets» satiriques dans le Recueil de pièces du Régiment de la Calotte, 1726, et dans les Mémoires pour servir à l'histoire de la Calotte, 1752.

8. Bibliographie

Nicéron, t. XXXVIII, p. 233-240 ; N.D.H. ; B.Un. ; N.B.G. ; D.L.F. ; Cior 18. – Pérachon, Le Faux Satirique puni et le mérite couronné, Lyon, 1696. – Goujet C.P., Bibliothèque française, Paris, 1740-1756, t. IV. – Dreux Du Radier J.F., Table générale alphabétique et raisonnée du Journal historique de Verdun, Paris, 1760. – «Lutte satirique de Crébillon et de Gacon», Revue rétrospective, t. II, 1834, p. 149-158. – (C) Collombet F.Z., « Lettres inédites de Brossette à Gacon », Revue du Lyonnais, 1.1, 1835, p. 189-196. – Passeron J.S., «François Gacon et Jean-Baptiste Rousseau», ibid., p. 337-375. – Collombet F.Z., «Gacon ou le poète sans fard», Etudes sur les historiens lyonnais, t. II, Paris, 1844, p. 139-173. – Lachèvre F., Bibliographie des recueils collectifs, t. III, Paris, 1904, p. 343-344 ; t. IV, 1905, p. 114. – Watts G.B., «An epigram erroneously ascribed to Voltaire», Modem language notes, t. XXXVIII, 1923, p. 119-120. – Id., François Gacon and his enemies», Philological quarterly, t. III, 1924, p. 58-68. – Lachèvre F., «Bibliographie des ouvrages de Gacon», Bulletin du bibliophile, 1927, p. 131-140 ; 182-189 (repris dans Nouvelles Glanes bibliographiques et littéraires, 1933). – Adam A., Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, Paris, Domat, 1956, t. V. – Bonaccorso, G., Gli Anni difficili di Marivaux, Messina, Peloritana, 1964. – Les Archives de la Ville de Lyon conservent une abondante liste de manuscrits et ouvrages lyonnais où il est fugitivement question de François Gacon.

FUZELIER

Numéro

321

Prénom

Louis

Naissance

1672?

Décès

1752

Louis Fuzelier est né à Paris vers 1672 (Table du Journal de Verdun, B.Un., Cior 18) ou 1674 (Dictionnaire des théâtres), et il y est mort le 19 septembre 1752. Son nom a subi toutes sortes d'avatars orthographiques : Fuselier, Fusellier (texte du privilège du Mercure) ou Fusillier, etc.

2. Formation

Sur ses déplacements, nous ne disposons que d'une infime indication : le 28 mars 1719 (B.N., fr. 21 903), il reçoit une caisse de livres venue de Besançon, où il venait probablement de séjourner.

3. Carrière

Sa carrière dramatique s'étend sur cinquante ans, et l'on peut considérer sa production comme la plus féconde du siècle. Fournisseur du théâtre des marionnettes dès 1701, grand maître des parodies (au point de parodier ses propres parodies), il fut pendant plus de vingt-cinq ans (1713-1730) le plus grand pourvoyeur du théâtre de la Foire, avec Lesage et d'Orneval ; mais il a fait jouer aussi de nombreuses comédies au Théâtre italien (1718-1725), une tragédie et plusieurs divertissements au Théâtre Français, qui en 1726 le considérait comme un de ses auteurs attitrés («Liste des entrées gratuites, telle qu'elle fut imprimée [...] au 1er avril», dans les «Mémoires de Lekain», Mémoires relatifs à l'Histoire de France, t. VI, p. 141). Enfin, et peut-être surtout, composant successivement pour Campra, Collin de Blamont, Mouret, Rameau et Mondonville, il a été le principal librettiste d'opéras et de ballets entre 1713 et 1749. Au moins à partir de la Régence, il bénéficia de hautes protections. En 1717 il dédie un «Bouquet» à la jeune princesse de Conti (Mercure d'août, p. 130). En décembre 1726, «le censeur ne juge pas à propos d'approuver l'Almanach du Parnasse, pour plusieurs raisons, entre autres que l'auteur y annonce qu'Arouet de Voltaire et Fuzelier ont travaillé pour les marionnettes [...] ; ce qui est injurieux pour les grands auteurs» (Anecdotes de l'Opéra comique, Ars. 3534, texte cité par H. Lagrave, p. 61). Déjà arrêté en 1730 (Ars., ms. 11100, f° 54-61), le 17 novembre 1731, «soupçonné d'avoir fait une épigramme contre le Sr. Marette» (Ars., ms. 11145, f° 338), – «contre Boindin, Mallet et autres, dans laquelle le nom du père Girard se trouve malheureusement», écrivait Voltaire le 21 (à J.B.N. Formont, D 435) – il est arrêté et «conduit aux prisons du Petit Châtelet» (Ars., ms. 11145, f° 341). Dans la supplique qu'il adresse à Fleury, il prie le «Ministre» de «se souvenir qu'il l'a honoré autrefois de sa protection, qu'il a même dit un jour que ce qu'il estimait le plus en lui était la réputation d'honnête homme qui lui était généralement accordée, [...] qu'en conséquence de ce sentiment avantageux, Son Eminence avait eu la bonté de [le] présenter de son propre mouvement [...] au Roi en deux différentes occasions» (ibid., f° 343). Enfin il espère que les témoignages de «tous les princes et princesses de la maison de Condé [...] dissiperont les idées qu'on a voulu donner contre lui» (ibid., f° 345). Le 4 octobre 1744, c'est-à-dire le lendemain de la mort d'Antoine de la Roque, Pont-de-Veyle écrivait à Feydau de Marville que «depuis plus de deux ans» (Ravaisson, t. XII, p. 253) il était entendu que le Mercure serait «accordé» à F. (Mouhy à Marville, ibid., p. 252) et qu'il pourrait avoir le chevalier de Mouhy pour collaborateur. En fait, à la suite d'une intervention aussi étourdie que pressante de Mme de Mailly, favorite du roi, Maurepas lui avait concédé cet «agrément» dès l'automne 1740 : Barbier note à cette occasion que F. «est de tout temps ami du marquis de Nesle» et de sa fille (t. III, p. 234-236). Antoine de La Roque était alors gravement malade (voir ce nom).

4. Situation de fortune

En 1721 le privilège du Mercure, que F. partageait avec A. de La Roque était de 3000 £. Une pension de 400 £ devait être payée à «Monsieur Racine». F. a exposé dans le Mercure de mai 1745 les difficultés nées de ce privilège en société. Sur ces points, voir la notice «Dufresnoy». En novembre 1740, Barbier présente F. comme un «garçon d'esprit et mal à son aise». Les «mouvements» du poète auprès de Maurepas devaient lui permettre d'assurer enfin largement sa situation matérielle, la «commission» du Mercure produisant «six à sept mille livres de rente, ce qui est très gracieux pour un homme de lettres» (ibid.).

5. Opinions

Collaborateur de Lesage, F. était très lié avec lui. La B.M. de Nantes conserve une lettre du 15 juillet 1747 (ms. 157, f° 674,), où celui-ci l'appelle «mon cher Plaute», se déclare «jaloux de montrer l'intérêt qu'[il] prend à sa gloire» de librettiste, lui demande de présenter ses respects à Mme de La Grave et conclut : «Aimez-moi comme je vous aime». A propos de l'affaire qu'il s'attira en 1731, F. parle, sans autre précision, d'une «relation fabriquée par ses ennemis» (Ars. ms. 11145, f° 343). Mise à part une controverse particulièrement vive au cours de laquelle il désavoua ironiquement le Nouveau Monde et l'Oracle de Delphes (1723), qu'on lui attribuait comme au principal spécialiste de comédies anonymes (voir dans le Journal de Verdun, juin 1723, p. 451, les «plaintes du journaliste contre lui»), il ne semble pas qu'il ait été impliqué dans de très violentes querelles, bien que ses railleries aient touché tous les principaux écrivains de son temps : La Motte (Momus fabuliste, 1719), Marivaux, qu'il a présenté comme une précieuse (Les Amours déguisés, 1726), Voltaire, «célébrissime auteur d'un élégantissime poème épique» (Les Noces de la Folie, 1725) «Imprimé par souscription, / La faridondaine, la faridondon» (Arlequin Persée, 1723). Celui-ci écrivait à Thiériot le 3 janv. 1723 : «Je pardonne volontiers aux gredins d'auteurs ces trivelinades, c'est leur métier, et il faut que chacun fasse le sien» (D 144).

6. Activités journalistiques

Il obtient le privilège du Mercure de France, avec Dufresny et La Roque, le 3 juillet 1721 (Mercure de juin et juill. 1721, lre partie), La Roque en devenant seul titulaire en octobre 1724, à la suite de la mort de Dufresny ; puis de nouveau, avec Charles de La Bruère, «par brevet du roi donné au camp devant Fribourg le 31 octobre 1744» («Mémoire historique sur le Mercure de France», Mercure de mai 1760, p. 127). Rémond de Sainte-Albine lui succèdera comme rédacteur en chef à partir de juillet 1748. Dans le Mercure de janvier 1749, on indique que M. F. s'est «chargé de la partie qui dans ce recueil concerne les spectacles, [...] quelques morceaux [étant cependant] de M. Rémond de Sainte-Albine» : «les extraits de pièces de théâtre séparés [de sa rubrique] par un réglet». On ne peut lui donner la responsabilité de toute la critique théâtrale du Mercure : ses parodies d'Inès de Castro (La Parodie et Les Vacances du théâtre) sont attaquées dans le journal. Les papiers Fuzelier (A.N., J13 1034 (13) donnent la liste des contacts et des collaborateurs de F. au Mercure sous la Régence :

Chez le Ministre (Maurepas) : Pequet (relit les nouvelles étrangères), Briquet, Blondeau («changements d'officiers, ordonnances militaires»), Meniard («Maison du Roi, pensions, survivances, Menus Plaisirs»), Florimond (id.), Maydier (Dons du Roi, bénéfices), Rigaud («édits, arrêtés et déclarations») ; Hénaut («bénéfices vacants»). Adam, Harpin («thèses, sacres, réceptions de charges») ; veuve Rochet, Scotin, graveur ; abbé Tournier, d'Hozier («généalogies»), de Clérambault (généalogies).

Pour les pays étrangers : Amelot, Gueau de Pouancey (Espagne) ; abbé Asciato, abbé Gilben, Lézinoi, banquier, Antoine Rizi, abbé Nézot (Rome) ; Morville, Hop (Hollande) ; Robrou de la Poterie, Nicole, Boisben (Angleterre) ; Madame, comte d'Albert, comte de La Pérouse (Allemagne), Le Coeur (Malte), de Bonac (Constantinople), Verton (Moscovie).

Marine : Valincourt, Potier («Marine de Levant»), La Chapelle, de Salby, abbé Couture («relations des pays lointains»), père Fleuriau («missions des Indes»), de Piganiol.

7. Publications diverses

Voir Brenner, n° 6585 et suiv.

La liste d'oeuvres fournie ci-dessous a été établie d'après le Dictionnaire des théâtres et les journaux de l'époque, Cior 18 et H. Lagrave (éd des Notices du marquis d'Argenson et Le Théâtre et le public en France...), et le cat. B.N. :

– «Au jeu des marionnettes» :

(seul) : Thésée, ou la Défaite des Amazones, 3 actes, 1701. – Les Amours de Tremblotin et de Marinette, en trois intermèdes, 1701.– Le Ravissement d'Hélène, le siège et l'embrasement de Troie, grande pièce qui sera représentée aux Jeux des Victoires du Sr. Alexandre Bertrand, dans le préau de la Foire Saint-Germain, 3 actes, Paris, A. Chrétien, 1705, in-8° de 32 p. et pl.

(avec Lesage et d'Orneval) : L'Ombre du cocher poète, prologue, 1722. – Pierrot Romulus, ou le Ravisseur poli, 1 acte (parodie du Romulus de La Motte), 1722.– Le Rémouleur d'amour, 1 acte, 1722.

– A l'Opéra comique :

(seul) : Arlequin et Scaramouche vendangeurs, divertissement précédé d'un prologue et suivi de Pierrot Sancho Pança, gouverneur de l'lsle Barataria (Foire Saint Laurent, sept. 1710), 1711.– Jupiter curieux impertinent (Foire Saint Germain, 3 févr 1711), «avec la scène du vin mousseux», 1711, in-12 de 12 p.– Arlequin Enée, ou la Prise de Troie [...] par les pantomimes du Grand jeu du préau de la Foire Saint Laurent (comédie par écriteaux, 25 juil. 1711), 1711.– Scaramouche pédant, divertissement repr. par les sieurs Dolet et La Place à la Foire Saint Laurent le 12 sept. 1711. Orphée ou Arlequin aux enfers, div. qui a été joué en suite du Pédant, impr. de G. Valleyre, 1711, in-12 de 20 p..– Arlequin grand vizir, 3 actes, 1713.– La Matrone d'Ephèse, 3 actes, 1714.– Arlequin défenseur d'Homère, 1 acte, 25 juil. 1715. – Le Lendemain de noces, 1 acte, 1716.– Pierrot furieux, ou Pierrot Roland, 1 acte, 1717.– Le Pharaon, 1 acte, 20 févr. 1717.– Le Réveillon des dieux, prol., 1718.– La Gageure de Pierrot, 1 acte, 1718.– La Prise du Monomotapa, 1 acte, 1718.– Le Camp des amours, 1 acte, 1720.– Le Chartier du diable, 1 acte, 1720.– Le Lourdaut d'lnca, 1 acte, 1720.– Le Déménagement du théâtre, prol., 1722.– Les Noeuds, 1 acte, 1722. – Le Quadrille du théâtre, prol., 1722.– Les Dieux à la foire, prol., 1724.– Les Bains de Charenton, 1 acte, 1724.– Les Vacances du théâtre, 1 acte, Paris, G. Cavelier, 1724.– L'Audience du temps, prol., 1725.– Pierrot Perrette, 2 actes, 1725.– Les Quatre Mariannes, 1 acte, 1er mars 1725, F. Flahault, 1725.– Le Ravisseur de sa femme, 1 acte, 1725.– Atys, parodie, 1 acte, 1726.– L'Ambigu de la folie, prol., 1726.– L'Amour et Bacchus à la foire, 1 acte, 1726.– Les Songes, 1 acte, 1726.– Pierrot Céladon, 3 actes, 1729.– Les Sincères malgré eux, 1 acte, 1733.– L'Eclipse favorable, 1 acte, 1737.– Les Jaloux de rien, 1 acte, 1739.

(avec Lesage et d'Orneval) : Les Funérailles de la foire, 1 acte, 1718. – Le Diable d'argent, prol. d'Arlequin roi des ogres et de La Queue de vérité, 3 févr. 1720.– Arlequin Endymion (parodie de la pastorale italienne de ce nom, par L. Riccoboni, avec des scènes françaises par Biancolelli ; musique de Gilliers), févr. 1721. – La Fausse Foire, prol., avec La Boëte de Pandore et La Tête noire, 31 juil. 1721. – Le Rappel de la foire à la vie, 1721. – Le Régiment de la Calotte, 1721.– Le Jeune Vieillard, 3 actes, 1722. – Le Dieu du hasard, prol., avec La Force de l'amour, 1 acte, et La Foire des fées, 1 acte, 1722.– L'Enchanteur mirliton, prol., avec Les Enragés et Le Temple de Mémoire (musique de Mouret), 21 juil. 1725 – Les Comédiens corsaires, prol., avec L'Obstacle favorable et Les Amours déguisés, 20 sept. 1726.– La Pénélope française (musique de Gilliers, décoration de Servandoni), 6 sept. 1728.– Les Pélerins de la Mecque, 1728.– L'Industrie, prol., avec Zémine et Almanzor et Les Routes du monde, 1730.– L'Indifférence, prol., avec L'Amour marin et L'Espérance, 5 sept. 1730.– L'Epreuve des fées, 3 actes, avec La Réconciliation des sens, ou l'Instinct de la nature (parodie du Ballet des sens, de Roy et Mouret, et du Procès des sens, de F.), prol., et Les Intérêts de village, 1 acte, 28 juil. 1732.

(avec Lesage) : Le Temple de l'ennui, prol., 1716.– L'Ecole des amants, 1716.– Le Tableau du mariage, 1716.– Arlequin, roi des ogres, ou les Bottes de sept lieues, 3 févr. 1720.

(avec d'Orneval) : L'Astre de Laverna, 1720. –La Grand'mère amoureuse (parodie d'Atys, de Lulli et Quinault ; musique de Gilliers), 3 actes, 18 févr. 1726.– Les Stratagèmes de l'amour, parodie, 3 actes, 1726.

(avec Legrand) : Les Animaux raisonnables, 1 acte, 25 févr. 1718.

(avec Panard et Pontau) Pierrot Tancrède, ou la Méprise de l'amour, parodie, 1 acte, 1729.– Le Malade par complaisance, 3 actes. 1730.

(de F. ou de Laffichard) : La Nymphe des Thuilleries, 16 juil. 1735.

– A la Comédie française : Cornélie, vestale, tragédie, 1713 (éd. : s.l., 1769).– Momus fabuliste, ou les Noces de Vulcain, 26 sept. 1719, Paris, 1719 : veuve Ribou, et impr. de P. Simon ; 1720 : veuve Ribou ; La Haye : 1720, J. Gosse.– Les Amusements de l'automne, div. composé de deux pièces en 1 acte et 1 prol., 1725.– Le Procès des sens (parodie du Ballet des sens, de Roy et Mouret), 1 acte en vers, 16 juin 1732, Paris, P. Prault, 1732.

– A la Comédie italienne : La Mode, prol., avec L'Amour maître de langues, com. fr. en 3 actes, avec quelques scènes italiennes, 18 sept. 1718.– La Méridienne, 1719.– Le Mai, 1719.– La Rupture du carnaval et de la folie (parodie de la comédie-ballet de La Motte et Destouches, Le Carnaval et la folie), 6 juil. 1719.– Le Faucon, 1719.– Mélusine, 3 actes, 1719.– Hercule filant (parodie d'Omphale, opéra de La Motte et Destouches), 1 acte, 15 mai 1721.– Les Noces de Gamache, 16 sept. 1722.– Le Vieux Monde, ou Arlequin somnambule, 1722.– Arlequin Persée, (parodie de Persée et Andromède, de Quinault et Lulli), 18 déc. 1722.– Le Serdeau des théâtres (parodie de Basile et Quitterie, tragi-comédie de Gaultier, des Noces de Gamache, de F., d'Arlequin au banquet des sept sages, de Delisle, et de Pirithoüs, opéra de La Serre et Mouret), 19 févr. 1723.– Parodie (parodie d'lnès de Castro, de La Motte, et de Pirithoüs), «tragi-comédie critique» en 1 acte, 23 mai 1723.– Les Saturnales, ou le Fleuve Scamandre, 3 actes, 1723.– Les Débris des Saturnales, 1 acte, 1723.– Amadis le cadet (parodie d'Amadis de Grèce, de La Motte et Destouches), 1 acte, 24 mars 1724, s.l.n.d..– Momus exilé, ou Les Terreurs paniques (parodie du ballet des Eléments, Roy, musique de Lalande et Destouches), 1 acte, 25 juin 1725, s.l.n.d..– La Bague magique, 1 acte, 1726.

(avec Legrand) : Les Amazones modernes, 1727, s.l.n.d.

(avec Romagnesi) : Le Retour de tendresse, 1 acte, 31 mai 1728.

– «Au théâtre de l'Académie royale de musique» : Les Amours déguisées, ballet, prol. et 3 entrées, musique de Bourgeois, 22 août 1713, Paris, P. Ribou, 1713, veuve de P. Ribou, 1726.– Hypsipyle et Jason, entrée ajout au ballet précédent, 1714.– Arion, trag. lyrique, prol. et 5 actes, musique de Matho, 10 avr. 1714, Paris, P. Ribou, 1714.– Les Ages, ballet, prol. et 3 actes, musique de Campra, 9 oct. 1718, P. Ribou, 1718, veuve de P. Ribou, 1724. – Les Fêtes grecques et romaines, ballet héroïque, prol. et 3 entrées : Les Jeux olympiques, Les Bacchanales, Les Saturnales, mus. de Collin de Blamont, 13 juil. 1723, veuve de P. Ribou, 1723, impr. de J.B.C. Ballard, 1733, 1734 (avec une nouvelle entrée, ajoutée en févr. 1734 : La Fête de Diane), Lyon, 1739 (sous le titre de Les Fêtes grecques et romaines, ou Les Caractères de la musique). – La Reine des Péris, comédie persane, 10 avr. 1725, veuve de P. Ribou, 1725.– Les Amours des dieux, ballet héroïque, prol. et 4 entrées, mus. de Mouret, 14 sept. 1727, veuve de P. Ribou, 1727 ; impr. de J.B.C. Ballard, 1737, aux dépens de l'Académie ; impr. de la veuve Delormel, 1746, et sous le titre de Paroles du concert d'Amiens, Amiens, L. Godart.– Les Amours des déesses, ballet héroïque, prol. et 3 entrées, mus. de J.B.M. Quinault, «l'aîné», 9 août 1729, Paris, impr. de J.B.C. Ballard, 1729 (avec une entrée ajoutée : L'Aurore et Céphale).– Le Caprice d'Erato, div. donné à l'occasion de la naissance de Mgr.le Dauphin, 8 oct. 1730, J.B.C. Ballard, 1730.– Les Indes galantes, trag. lyrique, prol. et 3 actes, mus. de Rameau, 23 août 1735, impr. de J.B.C. Ballard, 1735 (3 éditions), 1736 (avec une 4e entrée : Les Sauvages, 10 mars 1736), 1743, aux dépens de l'Académie, Veuve Delormel et fils, 1751, 1761.– L'Ecole des amants, ballet, prol. et 3 actes, mus. de Nieil, 1744, avec une 4e entrée ajoutée en 1745, Les Sujets indociles.– Le Carnaval du Parnasse, ballet héroïque, prol. et 3 actes, mus. de Mondonville, 23 sept. 1749, impr. de veuve Delormel et fils, 1749, 1754, 1759, 1767.– On peut ajouter à cette liste au moins Cléopâtre, ballet héroïque, mus. de Collin de Blamont, repr. sur le th. des Petits Appartements à Versailles, s.l., 1748 – Ovide et Julie, ballet héroïque, mus. de Cardonne, aux dépens de l'Acad. royale de musique, chez Delormel, 1773 (dans le recueil Les Fragments héroïques) – Phaétuse, ballet héroïque, mus. de Iso (dans un autre recueil portant le même titre), aux dépens de l'Ac. royale de musique, veuve Delormel et fils, 1759. – Jupiter et Europe, divertissement repr. sur le th. des Petits Appartements, «imprimé par exprès commandement de Sa Majesté», s.l.n.d. (c.r. dans le Mercure de janv. 1749, p. 196-199).

En dehors des éditions du Théâtre de la foire (1721-1737), le théâtre inédit de F. a été recueilli par Soleinne : B.N., f.fr. 9332, 9335, 9337 et, subsidiairement, 9262. F. a aussi écrit un Discours à l'occasion d'un discours de M.D.L.M.[M. de la Motte] sur les parodies, Paris, Briasson, 1731, in-12 de 120 p. et publié dans divers journaux des «pièces de vers», comme Le Raccomodement de l'Amour et d'Apollon (Journal de Verdun, janv. 1721, p. 25-27). Il est possible qu'il ait collaboré à la rédaction de la Lettre d'un rat calotin au sujet de l'Histoire des chats (de Montcrif), A Ratopolis, M. Lunard, 1727.

Paris, A.N., AJ13 1034, pièces de théâtre autographes par F. : Alcionide et Alacamène, trag. lyrique, 5 actes. Le Lys naissant, prol. allégorique. – La Gageure de Pierrot, 1 acte avec Lesage et d'Ornaval, Foire Saint-Germain, 1718.– La Matrone d'Ephèse, 2 actes avec Lesage et d'autres, Foire Saint-Germain, 1714.– Scène ajoutée, Saint-Laurent, 1716.– Le Jaloux, avec Lesage, op. com., 3 actes, 1716.– Arlequin devin par hasard, ou Le Lendemain de noces, op. com., 3 actes, Foire Saint-Laurent, 1716. – Les Bains de Charenton, op. com., 1 acte, Foire Saint-Laurent, 22 septembre 1724. – Amusements lyriques , 1709.– Le Triomphe de Bagatelle, inc..– La Gageure de l'Hymen et de l'Amour, inc. Les Nouveaux Voyages de l'Amour, inc.– L'Ecole du Coeur, inc.– Rosalie, inc.– Tantale ou Pélops, trag., plan.– Idalis ou les Heureux Captifs, 3 actes (corrections de Crébillon père).– Divers poèmes, dont un Madrigal à la princesse de Lambesc, un Bouquet à Mme de Fréneval (1745), Epître à M. Gilon, bourgmestre de Rotterdam, à Mlle d'Alençon, Cantate à Mlle de Charolais ; épigramme contre Cahusac, librettiste ; Sonnet au duc d'Aumont ; Epithalame sur le mariage de Mlle de Chartres (1753) ; Epître à la Princesse de Conti (1716) ; A M. Titon du Tillet ; A Mme la Marquise de Spinola ; Menuet I et II du prol. des Indes galantes ; vaudevilles variés (le dossier provient des archives de l'Opéra). Voir aussi AJ13 1035 et Paris, B.H.V.P., ms. 228-231.

8. Bibliographie

B.Un. ; Cior 18 ; Ravaisson. Voltaire, Correspondance, éd. Besterman t. I et II. – Chronique de la Régence et du règne de Louis XV (1718-1763) ou Journal de Barbier, Paris, Charpentier, 1858, t. III. – Parfaict C. et F., Dictionnaire des théâtres de Paris, Paris, Lambert, 1756, p. 660-667. – Annals of opera 15971940, ed. A. Loewenberg et al. New York, 1970.– Lagrave H., Le Théâtre et le public à Paris de 1715 à 1750, Paris, Klincksiek, 1972. – Todd C., «La rédaction du Mercure de France (1721-1744) : Dufresny, Fuzelier, La Roque», R.H.L.F., 1983 (1983), n° 3, p. 439-441. – Trott D., «Louis Fuzelier et le théâtre : vers un état présent», ibid., n° 4, p. 604-617.

FRAMERY

Auteurs

Numéro

314

Prénom

Nicolas

Naissance

1745

Décès

1810

Nicolas Etienne Framery naquit à Rouen le 25 mars 1745. Son père exerçait, près de la cathédrale, dans la paroisse de Saint-Candé-le-Jeune, la profession d'orfèvre-bijoutier (C, p. 63). Il fut marié, mais n'eut pas d'enfants (C, p. 117). Il mourut à Paris le 26 novembre 1810.

2. Formation

«Commencées à Rouen», ses études «se continuèrent à Paris, d'abord au collège Mazarin, puis dans celui du Plessis», où il fut si brillant que, malgré sa petite taille, «ses professeurs le [surnommèrent] le grand écolier» (C, p. 63). «Encore sur les bancs du collège», il fit recevoir par la Comédie italienne sa comédie de La nouvelle Eve, dont la représentation fut interdite par la police (M.S., 3 mars 1763). En 1769 l'Académie des Palinods de Rouen lui décerna un second prix d'ode française pour son poème sur La Pureté de l'âme (C, p. 69). Sa Médée, inspirée d'une tragédie anglaise de Glower, remporta en avril 1787 le premier prix au concours institué par arrêt du Conseil d'Etat (3 janv. 1784), pour encourager la composition de livrets d'opéra (C, p. 97). Enfin, la 4e classe de l'lnstitut (Littérature et Beaux-Arts) ayant ouvert un concours sur la question : «Analyser les rapports qui existent entre la musique et la déclamation, déterminer les moyens d'appliquer la déclamation à la musique sans nuire à la mélodie», prima son Discours le 15 nivôse de l'an X - 5 janvier 1802 (C, p. 110). Elle l'élut membre correspondant le 30 juillet 1803 (C, p. 112), et dès lors les trois membres de la section de musique, Grétry, Gossec et Méhul, se reposèrent sur lui du soin d'accomplir leur travail académique : «Il était chargé de la rédaction du dictionnaire [des beaux-arts], prenait part à toutes les délibérations et était en quelque sorte regardé comme un membre honoraire» (Choron, Motifs d'éligibilité présentés par un des candidats pour la place vacante à l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut royal de France, cité par C). Il fut également membre de la Société philotechnique, du Lycée des arts et de la Société d'émulation d'Abbeville, où il présenta diverses communications.

3. Carrière

La carrière de F. se dessina très tôt, lorsqu'il aborda la «comédie à ariettes» ou «opéra-bouffon» : Nanette et Lucas (d'après sa Nouvelle Eve), musique du chevalier d'Herbain, 1764, Nicaise (d'après la comédie de Vadé), musique du jeune «prodige» Félix Bambini, 1767 ; La Sorcière par hasard, dont il composa la musique et le livret, jouée chez la duchesse de Villeroy en 1768 et reprise à la Comédie italienne en 1783 ; L'Indienne (d'après La Veuve du Malabar, de Lemierre), musique de J. Cifolelli, représentée d'abord devant la Cour, à Fontainebleau, en 1770 ; La Tourterelle, ou les Enfants dans les bois, musique d'A. Gresnich, 1796. «Tout jeune, il devint surintendant de la musique du comte d'Artois» (Fétis, p. 304 ; C, p. 69). Mais dans ce domaine sa grande spécialité fut d'appliquer des paroles et parfois des intrigues nouvelles à des musiques déjà écrites, et c'est ainsi qu'il fit connaître en France Anfossi (Il Geloso in cimento, qu'il adapta sous le titre du Jaloux à l'épreuve), mais surtout Sacchini (L'Isola d'amore qui, sous sa plume, devint La Colonie, l'un des plus grands succès dramatiques de l'époque ; L'Olympiade ; Armida, qu'avec l'aide de Leboeuf il transforma en Renaud, d'après un ancien scénario de Pellegrin) et Paisiello (Le Duc Comtesse ; La Frascanata, dont il fit L'Infante de Zamora en tirant son livret du Diable amoureux) ; Le Barbier de Séville, dont il dirigea les répétitions avec Beaumarchais et qu'il fit jouer devant la Cour (en sept. et oct. 1784). En 1795 il remit au goût du jour le Tarare de Beaumarchais et Salieri, en lui donnant «une forte teinte révolutionnaire» (C, p. 107).

En même temps il fut l'un des pionniers de l'analyse musicale, substituant à des réflexions purement «littéraires» un examen sérieux des partitions (voir sa présentation de Philidor dans le Journal de musique) et se passionna pour la technique du «théâtre chanté» («déclamation» et mélodie). A la mort de l'abbé Arnaud (1784), Suard, qui avait été chargé par Panckoucke de composer avec celui-ci le Dictionnaire de musique, lui confia la rédaction des articles techniques. Framery s'associa Ginguené et, assisté par des collaborateurs comme l'abbé Feytou, Jean Castilhon et Hullmandel, publia le premier tome (jusqu'à l'article «Gamme») en 1791. Son nom figure sur la page de titre du tome II, mais celui-ci ne fut entrepris qu'en 1813 (par Jérôme de Momigny). Comme «homme de lettres, versé [...] dans la théorie musicale» (Cherubini, dans Le Moniteur universel du 16 pluviôse de l'an X), F.. fut appelé à faire partie de la commission, nommée l'an IX, pour procéder au choix d'un traité d'harmonie destiné «à l'enseignement dans le Conservatoire» national de musique (C, p. 107) fondé sept ans plus tôt, suivant le voeu qu'il avait formulé dans un mémoire de 1784.

Au début de 1791, F. fut l'un des promoteurs de la réunion des auteurs et compositeurs dramatiques, au cours de laquelle ceux-ci décidèrent «d'établir un bureau central chargé de correspondre avec les différents théâtres de France, d'opérer le recouvrement des droits» et d'en effectuer la distribution (C, p. 105). Elu agent général à l'unanimité, «il établit son agence dans son domicile, 127 rue Neuve-des-Petits-Champs, vis-à-vis la rue de Chabanais» et déploya un «grand zèle» dans l'accomplissement de cette fonction, qu'il exerça jusqu'à sa mort. Sa correspondance avec Beaumarchais montre les difficultés qu'il éprouva pour recueillir les droits des auteurs dramatiques (G. et M. von Proschwitz, Beaumarchais et le Courier de l'Europe. Documents inédits ou peu connus, S.V.E.C. 273-274, doc. 631, 636, 645).

Mis à part un voyage à Londres que F. fit vers la fin de 1775 pour transmettre à Sacchini les propositions de l'administration de l'Opéra (C, p. 79), il semble qu'il n'ait jamais quitté Paris.

4. Situation de fortune

La charge de surintendant de la musique du comte d'Artois procura probablement plus de relations et d'honneurs que d'argent à F., car il ne figure pas dans la liste de la «maison» de celui-ci, tenue à jour dans les Almanachs royaux. En 1787 son premier prix de «tragédie lyrique» lui valut 1200 £ (C p. 97). Ses adaptations musicales, qu'il ne put pas toujours faire jouer à la Comédie italienne (en raison des privilèges de l'Opéra où régnaient les gluckistes) obtinrent de grands succès en province, et c'est ainsi que L'Infante de Zamora fit le tour de la France avant d'être enfin reprise à Paris, au théâtre de Monsieur. Mais il est difficile de savoir s'il put toujours faire valoir ses droits d'auteur : en juin 1781, la directrice du théâtre de Strasbourg Mlle de La Haye, invita vainement ses confrères à voter en faveur de Framery un subside qui pût lui permettre «de s'occuper exclusivement de traductions, dans l'intérêt des théâtres de province» (C, p. 90).

5. Opinions

Pour présenter les citations musicales, il utilisait le système de notation chiffrée de Jean-Jacques Rousseau, légèrement modifié, et ce n'est peut-être pas la moindre raison de l'hostilité de Grimm à son égard (voir la C.L., 1er déc. 1770, mais déjà, il est vrai, 15 juin 1764). La principale controverse où il fut engagé fut celle qui l'opposa à Gluck en 1776. Dans La Soirée perdue à l'Opéra, l'abbé Arnaud avait accusé Sacchini, son idole, d'avoir emprunté à l'Alceste de Gluck un air de L'Olympiade : dans le Mercure de septembre, F. soutint, un peu imprudemment, que le plagiaire était Gluck ; celui-ci l'accabla de son mépris dans le Mercure de novembre. Pendant plusieurs années les projets de N.E.F. se heurtèrent aux persécutions de ses partisans.

6. Activités journalistiques

A partir de mai 1770, Framery a assuré la rédaction du Journal de musique historique, théorique, pratique, qui, d'après Fétis, aurait été fondé en 1764 par Mathon de la Cour, et publié de loin en loin jusqu'en août 1768, puis poursuivi l'année suivante par Etienne de Framicourt, conseiller au Présidial d'Angers. Malgré le patronage de la dauphine, Marie-Antoinette, la publication dut cesser après le mois d'avril 1771 en raison du trop petit nombre d'abonnés (C, p. 72-73). Le Journal de musique «par une société d'amateurs», continua cependant de paraître épisodiquement, sous l'impulsion de F., entre 1773 et 1778, trois vol. in-8° s'ajoutant à celui de 1770-1771. A partir de 1777, il publia dans le Courier de l'Europe des articles sur le théâtre et la musique. En 1788 et 1789, il publia le Calendrier musical et il semble qu'il tint la rubrique des spectacles dans les trente-quatre volumes du Mercure français politique, historique et littéraire qui parurent de décembre 1791 à l'an VII. Vers la fin de sa vie il continua certainement de faire paraître des articles sur des sujets musicaux, comme en témoigne une «Lettre sur la Médée de Glower», parue dans le Moniteur universel, 1807, n° 112.

7. Publications diverses

Nanette et Lucas, ou La Paysanne curieuse, comédie [...] mêlée d'ariettes, en un acte, repr. [...] Ie 14 juin 1764, Paris, C. Hérissant, 1754 [sic]. – Le Passé, le présent et l'avenir, contes, s.l. 1766. – Réponse de Valcour à Zeïla, précédée d'une lettre de l'auteur à une femme qu'il ne connaît pas, Paris, impr. de S. Jorry, 1766, in-8° de 42 p. et fig. (1re éd., 1764 – voir C.L. du 15 juin). – Les Trois Nations, contes nationaux, Londres et Paris, Vve Duchesne, 1768, 2 t. en un vol. in-12. – L'Indienne, comédie en un acte mêlée d'ariettes, repr. [...] Ie 31 octobre 1770, Paris, Vve Duchesne, 1770 (2e éd., 1771). – La Pureté de l'âme, ode, s.l. – Mémoires de M. Ie marquis de St Forlaix recueillis dans les lettres de sa famille (Trad. de Frances Mores Brooke), Paris, 1770, 4 vol. in-12. – La Colonie, comédie en deux actes, imitée de l'italien et parodiée sur la musique du sign. Sacchini, repr. [...] Ie 16 août 1775, Paris, Vve Duchesne, 1775 (nouv. éd. : ibid., 1776 ; Parme, Impr. royale, s.d. (1784) ; trad. danoise, à Copenhague, en 1778 ; allemande à Francfort, la même année). – L'Olympiade, ou le Triomphe de l'amitié, drame héroïque en trois actes et en vers, mêlé de musique, repr. [...] le 20 octobre 1777, Paris, Vve Duchesne, 1777, et Impr. de P.R.C. Ballard, 1777. – Les Deux Comtesses, opéra-bouffon en deux actes, imité de l'italien et parodié sur la musique du célèbre sign. Paisiello, Paris, 1781. – La Sorcière par hasard, opéra comique en vers, mêlé de musique, Paris, Houbaut, 1783. – Mémoire sur le Conservatoire de musique et les écoles de chant, Paris, 1784. – Jérusalem délivrée trad. par M.F., Paris, 1785, 5vol. in-18 (autre éd., s.l.n.d. Essai d'une version fidèle de la Jérusalem délivrée). – Ie Barbier de Séville, opéra-comique en quatre actes, mis en musique sur la traduction italienne, par le célèbre Paisiello, et remis en français d'après la pièce de Beaumarchais, et parodié sur la musique, Amsterdam, 1786. – Le Musicien pratique (trad. de F. Azopardi), Paris, 1786. Roland furieux trad. par MM. Panckoucke et Framery, Paris, 1787, 10 vol. in-24 (nouv. éd., 1842). De l'organisation des spectacles de Paris, ou Essai sur leur forme actuelle, sur les moyens de l'améliorer par rapport au public et aux acteurs ; dans lequel on discute les droits respectifs qui concourent à leur existence, et où l'on trouve les principales questions relatives à ce sujet. Ouvrage utile dans les circonstances présentes et dédié à la municipalité, Paris, Buisson, 1790, in-8° de 262 p. – L'Infante de Zamora, com. en quatre actes, mêlée d'ariettes, parodiées sur la musique du sign. Paisiello, Paris, Durand neveu, 1791. – Encyclopédie méthodique. Musique, publiée par MM. Framery et Ginguené [et de Momigny], Paris, 2 vol. in-4°, Panckoucke, 1791, 760 p., et Agasse, 1818. – Avis aux poètes lyriques, ou de la nécessité du rhythme et de la césure dans les hymnes, ou odes destinées à la musique, Paris, impr. de la République, an IV, in-8° de 11-36 p. Sur les théâtres, discours à la séance du Lycée des arts, du 9 pluviôse an VI, (Paris), impr. du Lycée des arts, s.d., in-8° de 15 p. – Notice sur le musicien Della-Maria, lue à la Société polytechnique, Paris, 1800. – Discours qui a remporté le prix de musique et de déclamation proposé par la classe de Littérature et Beaux-Arts de l'Institut, Paris, E. Pougens, an X, in-8° de 51 p. et ms. – Notice sur Joseph Haydn, associé étranger de l'lnstitut de France, contenant quelques particularités de sa vie privée relatives à sa personne ou à ses ouvrages [...], Paris, Barba, 1810, in-8° de 47 p.

8. Bibliographie

B.N.C. ; B.Un. ; H.P.L.P., t. III, p. 236-238 (analyse de la composition du Journal de musique, parue dans L'Année littéraire). – M.S., 3 mars 1763, 14 juin 1764, 3 et 12 oct. 1777, 19 janv. 1778, 30 avr. 1780, 5 fév. 1785. – Fétis J.G., Biographie universelle des musiciens, Paris, Didot, 186-1880, t. III, art. «Framery», «Framicourt». – (C) Carlez J., «Framery littérateur-musicien (1745-1810)», Mémoires de l'Académie nationale des sciences, arts et belles-lettres de Caen, Caen, Henri Delesques, 1893, p. 62-117.

DUFRESNE DE FRANCHEVILLE

Auteurs

Numéro

264

Prénom

Joseph

Naissance

1704

Décès

1781

D'après Formey, Joseph Du Fresne de Francheville, dont Frédéric II reconnut «l'ancienne noblesse» par lettre du 17 septembre 1774 (Eloge, p. 72), «sortait de l'[...] illustre famille d'Oisy de Wallincourt, établie dans le Hainaut, et qui. dans le IXe siècle, ayant hérité [...] la seigneurie de Fresne sur l'Escaut, en a porté le nom depuis» (ibid., p. 70).

2. Formation

A quinze ans il fit paraître une élégie latine sur la mort d'un de ses maîtres (Illustrissimi Lud. Lorel tumulus, Amiens, 1719, in-40) et il «acheva ses humanités à Paris». Son professeur de rhétorique, le P. Porée, finit de «faire passer» en lui «le goût de la belle latinité» (Eloge, p. 72). Comme ses parents le destinaient à l'état ecclésiastique, « on le retira du collège des Jésuites pour le mettre dans un séminaire, où il fit son cours de théologie» (p. 73). Beaucoup plus tard, il fut membre de l'Académie de Berlin, au «renouvellement» de celle-ci (p. 75), et l'Académie impériale des Curieux de la nature l'accueillit en 1768.

3. Carrière

Son père ayant obtenu «un emploi lucratif», «on lui fit quitter la théologie», vers 1726 ou 1727, pour l'envoyer travailler dans les bureaux des finances. «Son application lui fit bientôt découvrir des abus sans nombre dans le département des cinq grosses fermes, et à vingt-quatre ans il conçut le projet d'une Histoire générale des finances dont le but eût été d'éclairer le gouvernement», et qui devait comporter 40 volumes ; mais Fleury « appréhendait qu'on ne répandît trop de lumières sur les opérations des fermiers généraux » : malgré une intervention du chancelier d'Aguesseau, lointain parent de Francheville, il «fit arrêter l'impression et saisir le manuscrit qui était alors chez le censeur». «Au désespoir», le jeune financier «voulut quitter la France au même instant» ; il en fut dissuadé par le comte et le marquis d'Argenson qui «le retinrent par l'espérance qu'ils seraient un jour ministres, et très en état de protéger son travail » (p. 73), mais «les fermiers généraux, avertis de son dessein, lui interdirent l'entrée de leurs dépôts». Il relut Télémaque et écrivit alors son Histoire des premières expéditions de Charlemagne, roman utopique qu'il dédia à Frédéric II le 29 novembre 1740 ; le roi l'invita aussitôt. Son départ fut retardé de quelques mois par la mort de sa femme et son remariage ; dans le courant de l'automne, il s'arrêta à Francfort-sur-le-Main pour assister à l'élection de l'empereur, Charles VII, c'est-à-dire aux grandes manœuvres diplomatiques du maréchal de Belle-Isle. Il en profita pour lancer L'Espion turc à Francfort, «lettres imprimées furtivement en ce pays-là sous le nom de Londres, dans lesquelles les Français [étaient] fort maltraités, et la plupart des autres fort loués» (Bonardy à Bouhier, 27 avril 1742, Correspondance littéraire du président Bouhier, éd. H. Duranton, n° 5, U. de Saint-Etienne, 1977, p. 80). Si l'on devait en croire Formey, c'est à la «main mercenaire» d'un successeur qu'il faudrait attribuer le caractère subversif de ce journal. Quoi qu'il en soit, Belle-Isle «employa tout son crédit pour perdre » Francheville, et à son arrivée à Potsdam Frédéric II refusa de le recevoir. Il entra cependant «à son service avec le titre de conseiller de cour le 5 octobre 1742 » (Eloge, p. 75) grâce à l'intervention du conseiller Jordan et M. de Happe, ministre d'Etat, l'employa au «département du commerce et des manufactures » : le Grand Directoire le chargea particulièrement d'« examiner, tant l'état des manufactures de soierie qu'on venait d'établir [...], que les plantages de mûriers dont Berlin était entouré» (p. 76). En 1751 et au début de 1752 - déjà «six mois de peine», pour lui, selon Voltaire, à la date du 29 déc. 1751 (D4635) - il s'occupa de l'édition du Siècle de Louis XIV, pour lequel il servit à celui-ci de prête-nom (D4622, 4625, 4632, 4753) : acquisition (D4632), au moins fictive (D4852), du privilège pour la Prusse, lecture et correction des épreuves (D4622, 4632), dépôt des volumes imprimés (D4763). Voltaire demeura chez lui, 20 Taubenstrasse, du 8 décembre 1752 au 5 mars 1753 (D5102, n.), et, d'après Thiébault (t. I, p. 344), c'est d'une de ses fenêtres qu'il vit brûler Le Docteur Akakia, «sur la grande place de Berlin, qu'on appelle la place des gendarmes». Il devint ensuite lecteur et secrétaire du prince Guillaume Auguste de Prusse et après sa disgrâce (été 1757) le suivit à Orangebourg où il demeura plusieurs mois, jusqu'à la mort de celui-ci, formant, avec le «ci-devant quartier-maître de son régiment», Hainchelin, «la seule société qui lui fût demeurée fidèle» (T, 1.1, p. 202). Pendant les quinze dernières années de sa vie, il participa très ponctuellement aux «assemblées» de l'Académie de Berlin, où il recueillait «la substance qu'il déposait dans ses feuilles».

4. Situation de fortune

Comme conseiller aulique de Frédéric II, Francheville recevait «une pension de 240 écus par an». C'était «peu de chose» (Eloge, p. 75), et les «commissions» dont le chargea le Grand Directoire lui furent certainement plus profitables. Mais Thiébault nous dit qu'« il est mort pauvre », en précisant que, «peu estimée», sa «gazette littéraire» ne «lui était pas d'un grand secours» (t. II, p. 290). En 1752 il n'avait évidemment «point de remise» (D5102), ni de carrosse, et, en certaines occasions (D4705), Voltaire lui prêta le sien. Le philosophe parle des petits gains qu'il envisage pour lui, d'une façon assez déplaisante : dans une lettre à G.C. Walther, datée du 28 décembre 1751 (D4632), il prétend qu'«avec le secrétaire et M. de Francheville qu'il a fallu payer», le Siècle de Louis XIV lui a coûté «environ deux mil écus», ce qui est probablement inexact, et il invite le libraire à donner «un présent de 50 écus à Francheville» pour avoir «la préférence sur d'autres». Le 15 janvier 1752 (D4763) il lui annonce qu'Arkstée et Merkus ont offert « 1800 écus à M. de Francheville de l'édition» et lui propose une transaction : «On vous donnera les 2500 exemp. pour 1500 écus, ce qui est à peu près les 500 ducats que vous offrez avec l'honoraire dû à M. de Francheville», ces 1500 écus représentant «le compte juste de tout ce que l'ouvrage [...] a coûté» à celui-ci (D4773, juin 1752). Le 18 novembre il écrit au même libraire que Francheville ayant «fait un poème sur les vers à soie» (Le Bombyx), il «voudrait avoir une douzaine d'écus de son poème et des exemplaires reliés pour faire des présents».

5. Opinions

Sur certaines répercussions de l'action de F. contre les «gens de finance», voir la notice «Dupin» par J.P. Le Bouler. Par ailleurs, un anonyme écrivait à Lekain le 5 juillet 1754 qu'il avait été «confirmé dans [son] zèle» pour Voltaire par M. de Francheville, «le plus honnête homme de la terre», «l'amitié d'un tel homme» suffisant «pour venger» le philosophe «de la haine des rois» (D5862). Le «caractère loyal et candide» de Francheville charma le chevalier Mitchel, ministre d'Angleterre à Berlin, «qui se mettait toujours à côté de lui et le servait lui-même» (T, t. II, p. 69), mais «son ami de cœur» avait «toujours été» Charles Etienne Jordan (Eloge, p. 75). Avant que sa réputation s'établît, la dédicace de sa traduction de Boèce, « adressée aux francs maçons, qui n'étaient pas alors aussi bien connus qu'ils le sont à présent (1782), rebuta les dévots et fit tort à l'ouvrage» (ibid.). Il figura parmi les cinq académiciens catholiques de Berlin qui assistèrent au service funèbre donné pour le repos de l'âme de Voltaire le 30 mai 1780 (T, t. II, p. 360).

6. Activités journalistiques

D'après F.L. 1769 (t. II, p. 185), «les histoires, les journaux, les écrits polémiques de M. de Francheville [étaient] absolument inconnus» chez nous en 1769. Il semble que ce soit encore le cas aujourd'hui. Il publia en 1739 Le Postillon français, Bruxelles, 2 part, (mois de mai et de juin) en un vol. in-12 (D.P.2 1134) ; en 1741, L'Espion turc à Francfort pendant la Diète et le couronnement de l'Empereur, «Londres, chez les libraires associés» (D.P. 1 390). F.L. (1769, t. II. p. 529) lui attribue aussi un Spectateur en Allemagne, Berlin, 1742 (D.P.1 1215), et un Observateur hollandais, Leuwarde, 1745 (D.P.1 1077), qui précéda de dix ans celui de J.N. Moreau. Selon Formey (p. 76) «pendant la guerre de 1756, il travailla à une gazette politique [qui] ne se soutint pas » et «commença l'an 1764 une gazette littéraire qui eut plus de succès». Il s'agit de la Gazette politique (D.P.1 580) et de la Gazette littéraire de Berlin (D.P. 1 5 71). D'après B.Un. et D.B.F., il poursuivit celle-ci jusqu'en 1781. Il en envoie les «271 premières feuilles» à Formey en 1775 pour que celui-ci complète sa collection (Staatsbibliothek, Berlin, Darms. 2 i 17451, f° 3, lettre du 27 juil. 1775). Le Bauld de Nans prit sa suite (voir ce nom).

7. Histoire générale et particulière des finances, où l'on voit l'origine, l'établissement et la régie de toutes les impositions par Du Frêne de Francheville, Paris, De Bure l'aîné, 1738, in-40 (t. I et II, Histoire du tarif de 1664 ; t. III, Histoire de la Compagnie des Indes ; ce tome fut réimprimé avec son titre particulier en 1746). – Essais de conversations sur toutes sortes de matières, s.l., 1741, in-12 de IV-68 p. – Relations curieuses de différents pays nouvellement découverts par M ***, Paris, 1741, in-8°. – Les Premières expéditions de Charlemagne pendant sa jeunesse et avant son règne, composées par Angilbert, surnommé Homère, auteur contemporain, Amsterdam [Paris], 1742, in-8°. – La Consolation philosophique de Boèce. Nouvelle traduction, avec la vie de l'auteur, des remarques historiques et critiques et une dédicace massonique, par un Frère masson, Berlin, 1744, 2 vol. in-8°. – Le Bombyx, ou le ver à soie, poème en 6 livres, Berlin, 1755, in-8°.

F. a aussi «donné [à l'Académie de Berlin] un grand nombre de dissertations sur je ne sais combien de sujets absolument différents, dont il faut convenir qu'il y a peu de profit à tirer, parce que M. de Francheville, fort savant d'ailleurs, avait beaucoup trop de bonhomie pour qu'on pût avoir une véritable confiance dans tout ce qu'il rapportait» (T, t. I, p. 289-290). Il y débuta «par une ode», et «sa première dissertation fut sur la pourpre des Anciens», la dernière, «sur la manière d'adoucir le fruit du marronnier d'Inde». Mais il était plutôt considéré comme un historien, spécialiste du Moyen Âge, et il « avait même conçu le projet d'une Histoire universelle, qui [...] manquait alors. Elle devait commencer à l'avènement de la maison de Habsbourg au trône impérial et finir où commence l'Histoire du président de Thou» (Eloge, p. 75-76) : fait notable, si l'on songe à ses relations avec Voltaire. De tous ses mémoires, le seul qui semble avoir conservé une réputation est la «Dissertation sur l'origine du peuple prussien» (Mémoires de l'Académie de Berlin, 1749, p. 501-519).

8. Bibliographie

B.Un. ; D.B.F. ; Cior 18. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman. – Formey, « Eloge historique de M. de Franche-ville», Nouveaux Mémoires de l'Académie royale des sciences et belles-lettres [de Berlin]. Année 1782. Avec l'histoire pour la même année, Berlin, G.J. Decker, 1784, p. 70-78. – Thiébault D., Mes souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin, Paris, Didot, 1860.

9. Additif

Opinions:  Dans son étude, La Gazette littéraire de Berlin (1674-1792) (Champion, 2006), François Labbé met en valeur l’importance de la Franc-Maçonnerie dans la pensée de Dufresne. Lors de son séjour à Francfort en 1741-1742, il est probablement associé aux travaux de la loge d’Union de Francfort (p. 20). À Berlin en 1744, il publie une traduction de la Consolation philosophique de Boèce dédiée à ses frères francs-maçons. Il y développe l’idéal d’Anderson, fait de tolérance, d’indépendance, de vertu antique.

Bibliographie:  Labbé, François, La Gazette littéraire de Berlin (1674-1792),Champion, 2006,  (J. S.).

DESMOLETS

Numéro

230

Naissance

Pierre

Pierre Nicolas Desmolets naquit à Ollainville (ou Aulainville) près d'Arpajon le 17 octobre 1677 (A). Il était le deuxième enfant de Pierre-Nicolas des Molets, seigneur d'un petit fief en ce village et procureur général au bureau des finances de Paris (C), et le petit-fils de Marc Nicolas, greffier, mort à la fin de 1682 (K). Sa mère, Marie Perrin (D), originaire de Chaumont en Haute-Marne (A) et nièce de Mgr. Marion, évêque de Gap (G), était, selon Bonnardet, fille d'un riche fermier.

2. Formation

Ayant appris à lire avec sa soeur aînée et commencé le latin avec l'abbé de Cornouailles, vicaire de Saint-Eustache (B), il fut bientôt mis «dans une petite pension du faubourg Saint-Antoine» où il «demeura trois ans à perdre son temps» (A). Il fit ses humanités de 1686 à 1692 au Collège des Génovéfains de Senlis (D), où il fut un brillant élève et eut pour régent de rhétorique le P. de Bassonville (B), puis sa philosophie en deux ans, au collège Mazarin, avec pour maître Pourchot. A cause de sa surdité, il renonça vite à suivre les leçons de Witasse et de Lestocq (B) et étudia la théologie «en particulier» (C) auprès du P. Mabille, «en deux ans de temps» (B). Vers 1699, il prit «le parti de [se] retirer au séminaire de l'Oratoire» (B) à Saint-Magloire où il passa 15 moi (B,C) avant d'entrer à l'institution (M).

3. Carrière

Voulant éviter d'entrer chez les Génovéfains et «pensant déjà à l'Oratoire» dont il vantera plus tard «la piété éclairée, mais sans affectation» (B), il reçut la tonsure à Saint-Nicolas du Chardonnet en juin 1692 (A). «Entré» à l'lnstitution le 31 octobre 1701 et «vêtu» le 7 décembre (D), il est qualifié de «confrère» au début de 1704, et demeure rue Saint-Honoré (K). Il fut ordonné sous-diacre en 1704, diacre en 1705 et prêtre le 29 mai 1706 (F). Bientôt chargé de seconder le P. Lelong, bibliothécaire de l'Oratoire en 1707, il lui succéda à sa mort, en août 1721 (A). A ce moment, il hérite de ses manuscrits et de sa chambre ; il ne quitte plus la rue Saint-Honoré que pour de courts séjours à la campagne (H), comme celui qu'il a fait dans son village natal en 1702 après une maladie (B).

4. Situation de fortune

A son entrée à l'Oratoire, il est spécifié qu'il paiera «400 livres de pension et son entretien pour toujours» (C; D). Lors du partage de 1704, il hérite d'un des trois lots tirés au sort, c'est-à-dire du tiers des biens de ses parents, estimés 59 408 £ (K). Le 21 septembre 1751, il vend le fief des Molets à un fermier. Le terrier est évalué 1400 £ et les fermages sont de 49 £ par an (L).

5. Opinions

Encore adolescent, il fut remarqué par le P. de Bassonville (1692) et par Ameline, archidiacre de Paris (1694). Plus tard, «les plus savants» Oratoriens, B. Lamy, Malebranche, Lelong, F.A. Pouget, «se lièrent avec lui» (A; G). En 1731, il possède une vingtaine de lettres de Leibniz au P. Lelong et à Malebranche, qu'il met à la disposition de Vèze pour une édition de la correspondance de Leibniz (lettre de Vèze à Seigneux, 15 juil. 1731, B.P.U. Genève, fonds Seigneux II, n° 51). A partir de 1722, il prit l'habitude d'assembler «chez lui tous les dimanches sur le soir un nombre d'amis qui à son exemple aimaient et cultivaient les lettres» (H). «On y apportait diverses pièces. La conversation faisait naître l'idée de quelque autre, des amis en envoyaient aussi» (Catalogue de la bibliothèque de Goujet, B.N., n.a.fr. 1012, p. 479). Ces réunions donnèrent lieu aux Nouvelles littéraires (I). Goujet, Granet, de Vèze, le mathématicien Gauger et le docteur F. Petit furent parmi les plus assidus ; y assistèrent également Jacob Vernet, l'abbé Conti (J), le président de Mazaugues (lettre de Granet, 10 mars 1725, B.V. Nîmes, ms. 151, f° 131), le P. Bougerel, Bonardy, J.L. Le Clerc, Papillon, d'Olivet, le président Bouhier (B.N., f.fr. 24410), le comte de Plélo (J), Desmaizeaux (B.M., add. mss. 4285). On ne possède pas de témoignages sur ces réunions après 1727 ; elles auraient été «jugées suspectes sans aucun fondement» et le P. de La Tour aurait «conseillé [leur] cessation» (Goujet, n.a.fr. 1012, f° 479) ; mais d'autres rencontres avaient lieu encore en 1741 (lettres de Bonardy à Bouhier, 21 août 1741 et 11 août 1742, dans la Correspondance littéraire du président Bouhier, éd. H. Duranton, n° 5, Université de Saint-Etienne, 1977, p. 73, 83). Il est probable que le jansénisme de D. et de plusieurs de ses amis parut compromettant aux Oratoriens.

D. était janséniste : «Je crois que sans le zèle des prétendus jansénistes l'irréligion s'emparerait de tout le royaume, mais c'est de quoi les promoteurs de la Bulle paraissent se soucier très peu pourvu qu'elle soit reçue» (lettre du 14 avr. à Conti, J). Il fournit plusieurs articles au «Catéchisme de Montpellier» dans la version latine et publia dans ses Mémoires d'importants textes de Pascal. Il admirait le P. Le Courayer (lettre à Conti, 12 mai 1727, J) et se méfiait des Jésuites : «Je les crains tous en général et en respecte plusieurs en particulier» (lettre à Bouhier, 3 mai 1726, n.a.fr. 1212, f° 72). Il fut en relations avec Montesquieu, surtout en 1734 et en 1749-1750 (R. Favre, «Montesquieu et la presse périodique», dans Etudes sur la presse au XVIIIe siècle, n° 3, P.U.L., 1978). Il était surtout connu pour son affabilité et sa largeur de vues ; on trouve plusieurs fois sous sa plume les termes de «tolérantisme» (lettre à Bouhier, 17 déc. 1727, f.fr. 24410, f° 451) et de «tolérance» (à Conti, 18 janv. 1730, J.) ; il redoute les interlocuteurs «pleins d'eux mêmes, entêtés de leurs opinions et incapables d'écouter le bon sens et la droite raison» (à Desmaizeaux, add.mss. 4285, f° 256-257). L'abbé Papillon le qualifiait de «meilleur homme du monde» (f.fr. 2418, f° 49, 15 sept. 1727).

6. Activités journalistiques

Nouvelles littéraires, 7 numéros du 1er décembre 1723 au 1er mars 1724, Paris, Vve Le Febvre puis A.X.R. Mesnier, VI-248 p. in-8° (D.P.1 1041). D. a utilisé un privilège acquis par A. Martel qui n'avait fait paraître, en octobre 1723 qu'une feuille sous le titre de Nouvelles littéraires, curieuses et intéressantes (Paris, L. Sevestre).

Continuation des Mémoires de littérature et d'histoire de M. de Sallengre, Paris, Simart, 11 vol, en 21 parties in-12. Projeté dès 1724 (f.fr. 21974, priv. du 24 déc., enregistré le 29 janv. 1725, et 21953, p. 133), le journal prit corps en 1726 : 1re partie du tome I à la fin de février (Histoire littéraire de l'Europe, nouv. litt., mars, p. 275) ; 2e partie à la fin de mars (lettre de Bonardy à Bouhier, 8 mars 1726, éd. citée, p. 9) ; 1re partie du tome II, début juillet (lettre de l'abbé d'Olivet à Bouhier, 9 juil.1726, éd. citée, n° 3, p. 108) ; sept volumes fournis à la Bibliothèque du Roi en 1729 (f.fr. 22023, p. 83, 21 juin). Il commença à péricliter pendant l'été 1731, du fait de l'«indolence» du libraire (lettres de D. à Desmaizeaux du 27 juil. 1731, add.mss. 4285, f° 259, et du 16 juin 1732, dossier Bonnardet, J), et cessa à la fin de l'année à cause du dérangement des affaires de Simart (H) : «Le pauvre homme est prisonnier à la Conciergerie sans qu'on puisse trop dire pourquoi sinon qu'il était un des plus assidus valets de chambre des convulsionnaires» (D. à Bouhier, 21 sept. 1735, f.fr. 24410, f° 459 ; cf. Bonardy à Bouhier, lettre du 18 juil. 1734, f.fr. 24409, f° 131).

Recueil de pièces d'histoire et de littérature (D.P.1 1171), t. III et IV, Paris, Chaubert, in-12, juin 1738 (D. en envoie deux exemplaires à Bouhier, le 16, f.fr. 24410, f° 455) et février 1740 (tome dont Goujet annonçait «l'impression» imminente dès juin 1738 : f.fr. 244112, f° 311). Il s'agit d'une reprise des Mémoires sous un autre titre (voir lettres de Bonardy à Bouhier, 3 mars 1738 et 31 janv. 1740, éd. citée, p. 32 et 58) ; mais D. ne semble y avoir publié que peu d'articles de lui ; son rôle, dans les divers périodiques qu'il a animés, a consisté à «ramasser des dissertations, des discours et autres pièces de prose et de poésie, ou nouvelles, ou rares» (lettre de Bonardy à Bouhier, 8 mars 1726, éd. citée, p. 9) .

On lui doit encore l'éloge de Dom de Vert dans les Mémoires de Trévoux de 1708, l'abrégé de la vie du P. Lelong dans le Journal des savants (janv. 1724), une «lettre d'un professeur de l'université d'Angers» dans la Bibliothèque française (mai 1726).

Il a surtout su donner corps, dans les Nouvelles littéraires, au projet d'A. Martel : faire vivre un grand journal d'information littéraire. Il y a mis en pratique la régularité et la fréquence de publication (une livraison au moins tous les quinze jours), une information large et rapide (le compte rendu consacré au Spectateur suisse paraît le jour même de la publication), une critique impartiale et aimable. D'après Goujet (H), les Nouvelles littéraires eurent un grand retentissement, si bien que le P. de La Tour, supérieur de l'Oratoire, «homme trop politique», demanda bientôt à D. d'en interrompre la publication.

7. Publications diverses

Voir la liste des ouvrages du D. à la B.V de Dijon, ms. 1134, f° 73 : Historia ecclesiae Parisiensis du P. Gérard Dubois, Muguet, 1710, (2e t. : Vie du P. Dubois, épître, préface et tables de D.). – Ed. des Explications [...] des cérémonies de l'Eglise de Dom Claude de Vert, t. III et IV, 1713 (notes et éloge de l'auteur «qui était son oncle»). – Ed. du De Tabernaculo foederis de B. Lamy, Mariette, Delespine, 1720 (préface, vie de l'auteur et tables de D.). – Ed. du De Templo Salomonis de B. Lamy, 3e éd. fr., Lyon, Certe, 1723. – 2e éd. de la Bibliotheca sacra du P. Lelong, Paris, Coustelier, 1738 (additions et vie de l'auteur par D.). – Institutiones catholicae de F. Pouget, «catéchisme de Montpellier», Paris, Simart, 1725 (citations recueillies par D.). – Panégyriques des Saints, Paris, Moreau, 1723, 2 vol. in-12. Sermons pour l'Avent, ibid., 1725, in-12, et Sermons pour le Carême, ibid., 1735, 3 vol. in-12, du P. Jean de La Roche (éd, et éloge de l'auteur par D.). – Les Ruses de guerre de Polyen avec les stratagèmes de Frontin, Paris, 1738, 2e éd., Ganeau, 1739, trad. attribuée à Dom Lobineau, probablement de D. (lettre d'Anfossi à Caumont, 14 oct. 1738, B.V. Avignon, ms. 2279, f° 192). – Ed. de la Résolution des cas de conscience, du p. G. Juénin, s.l., 1741. – Histoire de l'empire ottoman de D. Cantemir, trad. par M. de Jonquières, éd. par P.D., s.l., Leclerc, 1743, 2 vol. in-4°, et Barois fils, 4 vol. in-4°. Bibliothèque historique de la France du P. Lelong, 2e éd. par Fevret de Fontette, 1768-1778 (réalisée à partir de l'exemplaire annoté de D. : cf. préf., p. VII).

8. Bibliographie

(A) Adry, Bibliothèque des écrivains de l'Oratoire, t. II et VI (B.N., f.fr. 25 682 et 25 686). – (B) Autobiographie de D. utilisée par le P. Bonnardet dans le Bulletin de la paroisse Saint-Eustache. – (C), A.N., MM 6612 ; (D), A.N., MM 618 ; (F), A.N., MM 230 ; (G), A.N., MM 607. – (E) Catalogue Bicaïs de la B.V. Aix et sa copie aux Archives de l'Oratoire. – (H) Mémoires historiques et littéraires de l'abbé Goujet, La Haye, 1767. – (I) Goujet, «Lettre à M.» [Bonamy] «sur la vie et les ouvrages du P. Desmolets» (25 juin 1764) dans le Journal de Verdun, septembre 1764. – (J) Archives de l'Oratoire à Montsoult (correspondance de D. et de Conti et pièces utilisées par Bonnardet). – (K) Partage du 8 février 1704 (Etude Jean-François Richer, Minutier central, MC XVI/383 ; MC LXII/173). – (L) Vente du 21 septembre 1751 (Etude Lemoine, Minutier central, MC XVI/383). – (M) Table des écrivains de l'Oratoire (A.N., M 231, n° 8).

DES FOURNEAUX

Auteurs

Numéro

227

Naissance

?

Décès

vers 1730

On l'a dit, à tort, chanoine de Laon : on ne trouve pas trace de lui dans le fonds du Chapitre cathédral, ni dans la table alphabétique des décès (1700-1790) de la ville. On ne doit pas non plus le confondre avec l'abbé Fourneaux, curé de Saint-Léonard, près de Reims (1726-1790), auteur de poèmes publiés à partir de 1756, ni avec l'abbé Fourneau (ou Fourneaux), curé de Saint-Brice, dont quelques textes ont été recueillis dans le ms. 1299 de la B.V. de Reims. En revanche Desfourneaux et l'abbé de (ou des) Fourneaux (ou Fournaux), séparés dans le Cat. B.N.

3. Carrière

D'après le Journal de Verdun (mai 1706, p. 379), "après avoir brillé à la Cour de Lorraine", il s'attacha au maréchal de Tessé. Il semble avoir été très mondain, si l'on en juge d'après le caractère de certaines de ses œuvres, fidèlement annoncées dans le même journal : l'Epître dédicatoire à Mgr. le duc de Bretagne qui constitue une bonne partie de son Histoire de la musique, Vve Vauger, in-4°, 8 p., 1704 ; une Ode sur le Voyage du roi d'Espagne en Aragon "adressée à M. de Tessé", une Épigramme à Mlle Barbier sur sa tragédie d'Arrie et Poetus (ibid.) ; un poème sur La Chasse du loup au Château du Rhincy, une Ode à M. le duc d'Orléans sur la prise de Lérida (ibid., sept. 1708, p. 229) ; des Vers sur la fête du roi, "imités", il est vrai, "des versets de quelques psaumes" (ibid., oct. 1716, p. 260), etc.

5. Opinions

Auteur des vers gravés au bas de l'estampe du Cardinal de Noailles (Journal de Verdun, févr. 1717, p. 122), il s'était attiré depuis longtemps l'hostilité des jésuites. Quand parut sa minuscule Histoire de la musique, ils remarquérent que "jamais on [n'avait abusé] plus indignement de la crédulité du public" (Mémoires de Trévoux, nov. 1704, p. 2008).

6. Activités journalistiques

Le Spectateur suisse, traduit en franais, "avec un avis du traducteur au lecteur", "Le prix est de 12 sols" ; A. Morin et F. Flahault, 42 p., in-12 (D.P.1 1226). Approbation sollicitée le 5 septembre 1723, obtenue le 9 (B.N., f.fr. 21956, f¡ 9 v.) pour la 1re feuille ; privilège de 8 ans délivré dès le 9, mais confirmé le 19 septembre (f.fr. 21974, f¡ 173), puis le 12 novembre (f.fr. 21952, f¡ 386) pour la seconde feuille. Parution de la première feuille en octobre (c.r. dans le Mercure d'octobre, approuvé le 4 nov., p. 750-752, et dans les Nouvelles littéraires du 1er déc. : "On promet de donner une ou plusieurs suites chaque mois"). Le "second mois" est publié à la fin de novembre (c.r. dans les Nouvelles littéraires du 15 déc., approuvées le 7, p. 62 et suiv., et le Mercure de déc., 1er vol., p. 1172 et suiv.). Il n'y aura pas de "troisième mois" (Nouvelles littraires du 15 fév., p. 179-180).

Un exemplaire du "premier mois" est conservé à la B.V. de Dijon (cote 1-2523) ; la collection complète se trouve à l'Arsenal (8¡ H 26300).

7. Publications diverses

Aux œuvres signalées par Cior 18 (rubriques Desfourneaux et Fournaux), on peut ajouter les Dialogues à l'imitation de Lucien. Approbation sollicitée le 7 novembre 1723 (f.fr. 21956, n¡ 201) et obtenue le 25 (n.a.fr. 2801 et f.fr. 21952, f¡ 416). Parution au début de 1724, chez François Flahault : cette brochure in-12 est apportée "de la chambre syndicale" à la bibliothèque du roi le 28 mars (f.fr. 22022, f¡ 38). Ses Lettres critiques (appr. du 17 déc., priv. du 24 déc. 1724 ; f.fr. 21956, f¡ 46 v.) et ses Nouveaux Dialogues des morts, présentés "par le Sr. des Fourneaux" le 27 mai 1725 et approuvés le 21 juin (f.fr. 21955, n¡ 737, date du privilège en blanc), ne paraissent pas avoir été publiés. Son œuvre majeure est l'Essay d'une philosophie naturelle, applicable à la vie, aux besoins et aux affaires, fondée sur la seule raison et convenable aux deux sexes, Paris, 1724, XXXIX-425 p. et table, in-12. Privilège acquis par André Morin qui en "fait part" le 5 juin 1723 à Cavelier fils, Guillaume Saugrain, Prault et Huart (f.fr. 21956, n¡ 557). Publication chez ces cinq libraires en avril ou mai 1724 (c.r. dans le Journal des savants, mai 1724, p. 342 ; oct. 1724, p. 624-625 ; dans les Mémoires de Trévoux, sept. 1724, p. 1684-1705).