MIRABEAU

Numéro

578

Prénom

Gabriel de Riqueti de

Naissance

1749

Décès

1791

Gabriel Honoré Riqueti, comte de Mirabeau, est né au Bignon (Loiret) le 9 mars 1749, de Victor de Riqueti, marquis de Mirabeau, et de Marie Geneviève de Vassan, son épouse. Une lettre patente avait élevé en 1685 la seigneurie de Mirabeau en Provence au rang de marquisat. Victor de Riqueti, physiocrate disciple et ami de Quesnay, est l'auteur d'ouvrages économiques qui lui ont valu à l'époque une certaine renommée. M. a épousé, le 23 juin 1772, à Aix-en-Provence, Marie Marguerite Emilie de Covet de Marignane. Leur fils, Victor, né le 8 octobre 1773, est mort en 1778. En janvier 1783, M.

2. Formation

Après avoir acquis auprès d'un tuteur une solide connaissance des littératures latine, française et anglaise, M. entre en 1764 à l'Académie de l'abbé Choquart à Paris, où il étudie pendant deux ans.

3. Carrière

En 1767 il se trouve à Saintes, officier au régiment de Berri-Cavalerie. Il participe en 1769 à l'expédition de Corse et devient, en 1770, capitaine dans les dragons de Lorraine. Lassé par sa carrière militaire, il se retire en 1771 au domaine de Mirabeau en Provence, où il demeure jusqu'en septembre 1774. De mai 1776 à mai 1777, il séjourne à Amsterdam, où il travaille comme traducteur à la maison d'édition Rey. En août et septembre 1782, il est à Neuchâtel, où il sympathise avec les démocrates suisses et se lie avec Clavière et Duroveray. Menacé d'une lettre de cachet, à cause d'un libelle contre Miromesnil, il passe en Angleterre en août 1784. Revenu en France en mars 1785, il part pour Berlin en novembre de la même année, rencontre Frédéric II en janvier 1786, et retourne à Paris à la mi-avril. Chargé par Calonne de le tenir secrètement au courant des affaires de la Prusse, il séjourne à nouveau à Berlin de juillet 1786 au 20 janvier 1787.

4. Situation de fortune

En 1769, à la suite d'une querelle avec son commandant, il est emprisonné six mois à l'île de Ré. Ses dépenses immodérées lui causent très vite des ennuis. Quinze mois après son mariage, qui lui avait assuré un revenu annuel de 11 500 £, ainsi que la résidence de Mirabeau, il s'est endetté de 200 000 £. Déclaré en faillite, il est d'abord exilé à Manosque, puis interné au château d'If, en septembre 1774, et, enfin, à la forteresse de Joux (Jura) en mai 1775. Un an plus tard il s'évade et s'enfuit en Hollande avec Sophie de Ruffey, marquise de Monnier. Accusé de rapt et de séduction par le mari de cette dernière, il est décapité en effigie à Pontarlier. Extradé en mai 1777, il est enfermé au secret à Vincennes, d'où il est libéré à la demande de son père en décembre 1780. Sa femme obtient la séparation de corps en juillet 1783. Son revenu n'est plus alors que de 3000 £ par an, le reste étant distribué entre ses créanciers. Pour subvenir à ses besoins, il semble avoir, à cette époque, servi d'espion à la police (Darnton). Sa mission secrète à Berlin lui rapporte 300 louis. Son frère cadet, Boniface, ayant hérité de la fortune familiale, et ses livres ne lui rapportant presque rien, il est obligé, en septembre 1789, d'emprunter 50 louis à un ami, le comte de La Marck. Grâce à ce dernier, il obtient du roi, en mai 1790 (en échange de ses services) un salaire mensuel de 6000 £, 300 francs par mois pour son secrétaire, le paiement de 208 000 £ de dettes, et la promesse de quatre chèques de 250 000 £ chacun.

5. Opinions

Hostile à la religion, il considère le catholicisme comme une institution surannée. Il a été très lié au mouvement physiocratique. Partisan de la saisie de tous les biens du clergé, il influence par sa position radicale l'Assemblée Nationale, qui déclare, le 2 novembre 1789, la nationalisation des biens de l'Eglise. Elu le 6 mars 1789, représentant du Tiers-Etat, à Aix-en-Provence, il arrive en mai à Paris pour siéger aux Etats Généraux. Il se distingue à l'Assemblée par ses talents d'orateur. Farouche partisan de l'abolition des privilèges, il se sépare des autres révolutionnaires par sa méfiance de l'abstraction et son monarchisme. Après les journées d'octobre, il se rapproche de Louis XVI, à qui il conseille secrètement de fuir Paris et de se réfugier en province. Deux fois président du club des Jacobins, il devient, le 29 janvier 1791, quarante-quatrième président de l'Assemblée Nationale.

6. Activités journalistiques

M. revendique avec hardiesse la liberté de la presse dans son Essai sur le despotisme (1774) et surtout dans son pamphlet De la liberté de la presse (1788) dans lequel, après avoir commenté Areopagitica de Milton, il attribue à la liberté de la presse la prospérité de l'Angleterre. Faute de souscripteurs, il est contraint d'abandonner le projet d'un hebdomadaire qui devait s'appeler Le Conservateur et qui se proposait de faire connaître les meilleurs textes des générations passées.

Il lance alors l'Analyse des papiers anglais pour préparer l'opinion à l'organisation des Etats Généraux. Il s'adjoint comme collaborateurs Clavière et Brissot de Warville. Ce dernier utilise le journal comme organe de la Société des noirs. Cent deux numéros paraissent entre 1786 et 1787 (D.P.1103).

Le 2 mai 1789, M. fait paraître le premier numéro d'Etats généraux, un journal qui se propose de rapporter fidèlement tout ce qui se passe à l'assemblée (D.P.i 412). Le Conseil d'Etat interdit le 6 mai la publication de toute espèce de journal sans permission expresse, et le 7 mai, supprime, par un deuxième arrêt, le premier numéro du journal. M. contourne la censure et fait paraître, le 10 mai 1789, le premier numéro de son nouveau journal, Lettres du Comte de Mirabeau à ses Commettants (D.P. 1 813). Le ministère recula, et la presse se trouva ainsi affranchie de fait. Dix-neuf lettres parurent entre le 10 mai et le 25 juillet 1789. Elles connurent un tel succès qu'elles furent réimprimées en 1791.

A partir du numéro 20, elles prirent le nom de Courrier de Provence. Ce dernier est un volumineux journal qui paraît trois fois par semaine et dont la qualité explique qu'il n'eut jamais moins de 20 000 abonnés. Edité par le libraire Le Jay, le journal est rédigé par les collaborateurs de M. : Duroveray, Clavière, Etienne Dumont, Casaux, Méjan, Lamourette, et Chamfort. 350 numéros paraissent entre juillet 1789 et septembre 1791.

7. Publications diverses

7. Cior 18, n° 45115-45243.

8. Bibliographie

Dumont E., Souvenirs sur Mirabeau et sur les deux premières Assemblées législatives, Londres, E. Bull, 1832. – Vallentin A., Mirabeau, voice of the Révolution, London, Hamish Hamilton 1948, trad. de Mirabeau avant la Révolution et Mirabeau dans la Révolution, Paris, 1946-1947. – Castries, duc de, Mirabeau, ou l'échec du destin, Paris, Fayard, i960. – Benetry J., L'Atelier de Mirabeau : quatre proscrits genevois dans la tourmente révolutionnaire, Paris, Picard, 1962. – Darnton R., «The grub style of révolution : J.P. Brissot, Police Spy», Journal of modem history, 1968. – Welch O.J.G., Mirabeau : study of a démocratie monarchist, Washington, Kennikat Press, 1968. – Les Mirabeau et leur temps, actes du colloque d'Aix­en-Provence, Paris, Seuil, 1982 (Société des études robespierristes). – Chaussinand Nogaret G., Mirabeau, Paris, Seuil, 1982. – Wittkop J.F., Graf Mirabeau : Biographie, Esslingen, Bechtle, 1982. – Ortega y Gasset J., Mirabeau 0 il politico, Madrid, Alianza Editorial, 1986. – Notices de M. dans le Dictionnaire critique de la Révolution (dir. F. Furet et M. Ozouf). Paris, 1988 ; dans le Dictionnaire historique de la Révolution (dir. A. Soboul), Paris, 1989 ; dans le Dictionnaire des Constituants (dir. E. Lemay), Paris, 1991. – Luttrell B., Mirabeau, New York, Harvester Wheatsheaf, 1990.

BRISSOT DE WARVILLE

Numéro

116

Prénom

Jacques

Naissance

1754

Décès

1793

Treizième enfant d'un «maître traiteur et cuisinier», Jacques-Pierre Brissot est né à Chartres le 15 janvier 1754. Le 17 septembre 1782 il épouse à Paris Félicité Dupont, dont il aura deux fils. Il habite encore sa ville natale, quand il décide d'ajouter à son patronyme «de Warville», forme anglicisée de Ouarville, petit village près de Chartres où son père possédait une terre. Il est guillotiné à Paris le 31 octobre 1793 (Ellery).

2. Formation

De 1761 à 1769 il reçoit une éducation classique au collège de Chartres. A quinze ans il commence un stage auprès d'un procureur de la ville pour apprendre le droit. Il apprend lui-même, à cette époque, plusieurs langues étrangères. Travailleur infatigable, il continuera toute sa vie ses études, et une fois à Paris, s'intéresse particulièrement à la philosophie, la chimie, la physique et l'anatomie.

3. Carrière

Se voyant offrir le poste de premier clerc aux appointements de 400 £ par an par M. Nolleau, procureur à Paris, il quitte Chartres pendant l'été de 1774. Lassé par le droit, il décide d'être homme de lettres, et pour vivre, écrit des pamphlets sur les questions du jour. Il part pour Boulogne-sur-Mer au printemps 1778, occuper le poste de rédacteur au Courrier de l'Europe. Il y restera un an et demi. Intéressé par la révolution genevoise, il passe l'été de 1782 en Suisse, où il se lie avec Clavière et Duroveray. Il part en septembre 1782 pour Londres, dans l'idée d'y fonder son Lycée. De retour à Paris en juillet 1784, il fera un bref séjour en Hollande en 1785. Chargé de négociations financières par Clavière, il séjourne aux Etats-Unis du printemps 1788 à l'hiver suivant (Ellery). En 1784 B. fit également la connaissance, si décisive pour sa carrière, de Mirabeau. Leurs premiers échanges épistolaires commencèrent en juillet-août 1783 ; mais leur rencontre effective n'eut lieu que vers juin ou juillet 1784 (M).

4. Situation de fortune

Alors qu'il vivait tant bien que mal de sa plume, B. hérite 4000 £ de son père en 1779. Il investit la totalité de cette somme dans son entreprise du Lycée, qu'il rêvait d'être une «confédération universelle des amis de la liberté et de la vérité». Le contrat passé en 1783 stipulait que son partenaire, Desforges d'Hurecourt, devait fournir 15 000 £, et que le Lycée devait durer sept ans au moins. Au bout d'un an, Desforges conclut à l'échec, refuse de payer le reste de la somme, et réclame le remboursement des 13 000 £ qu'il prétend avoir investies. Le propriétaire de B. et son percepteur exigeant au même moment le paiement de ses dettes, B. est emprisonné avec son imprimeur. Libéré grâce à l'argent que sa belle-mère avance à ses débiteurs, B. va à Paris essayer de trouver la somme nécessaire à son entreprise. Le 12 juillet 1784, il est embastillé sous l'inculpation d'avoir divulgué des ouvrages pernicieux (Darnton). Libéré deux mois après, grâce à l'intervention de ses amis, B. se trouve dans une situation financière désastreuse. Ayant perdu tous ses investissements, et devant encore une grosse somme à l'imprimeur, il lui fallait 13 500 £ pour éviter la banqueroute, et il devait à la Société typographique de Neuchâtel 12 301 £ pour les ouvrages dont il avait entrepris de payer lui-même la publication (Darnton). Sauvé de la banqueroute par Clavière, B. doit faire face à 25 000 £ environ de dettes. Il semble aujourd'hui prouvé que l'accusation d'espion aux gages de la police, à laquelle B. a dû faire face pendant toute sa carrière politique, se trouve justifiée. B. a bien travaillé secrètement pour la police après son embastillement (Darnton). A la même époque, il a rédigé des pamphlets financiers pour le compte de Clavière (Et. Dumont et Benetruy). De son «embastillement», B. devait tirer prestige sous la Révolution, se posant en victime de l'Ancien Régime et confortant ainsi son image de défenseur intrépide de la liberté.

Desforges intente un procès contre B. qui ne sera pas tranché quand il entre à la Législative (Ellery). B. tirera du Patriote français 6000 £ par an, l'imprimeur réalisant un gros bénéfice.

5. Opinions

Elevé dans un milieu dévôt, il s'oriente dès son adolescence vers le déisme, après un passage par le matérialisme. Il confessa lui-même cette attirance vers le matérialisme après sa sortie du collège, par rejet de l'enseignement des prêtres que lui avait imposé sa famille. Mais il ne poussa pas cette évolution à son terme et l'influence de Rousseau le fit rester déiste à l'âge adulte. Dans ses mémoires, sa conception religieuse est ainsi définie : «J'errais de système en système. Je me couchais matérialiste et je me réveillais déiste... Tel était l'état de doute et d'erreur ou j'ai passé quelques unes de mes années, jusqu'à ce qu'enfin, éclairé par les ouvrages de Jean-Jacques, ayant mûrement pesé le témoignage de mon sens intime, j'ai pris le parti de croire à un Dieu, et de régler ma conduite en conséquence» (M). Du reste il convient de rappeler que B. ne s'associa jamais, pendant la Révolution, aux professions de foi athées de ses amis girondins.

En contact avec le monde scientifique, il défend avec fougue les thèses antinewtoniennes de Marat et le mesmérisme de Bergasse. Il fait, avant 1789, la critique la plus cohérente de l'Académie des Sciences, qu'il accuse de conservatisme et d'élitisme (Hahn, p. 157). Ayant rêvé toute sa vie d'être philosophe, il est nourri de Rousseau, dont il a lu six fois les Confessions avant d'écrire ses Mémoires (Darnton).

Sa critique de la société et des institutions de l'Ancien Régime fut des plus vigoureuses. B. ne peut néanmoins être considéré comme un véritable novateur ; il fut essentiellement un propagateur, un «vulgarisateur» ; en cela il était parfaitement représentatif de cette «seconde génération des Lumières», formée à l'enseignement des «grands ancêtres» ; rappelons que B. n'avait que vingt-quatre ans en 1778, année de la mort de Voltaire et de Rousseau. On ne peut voir en lui ni un adversaire du droit de propriété ni un précurseur du socialisme. Le pamphlet de 1780, oeuvre de jeunesse à l'origine de cette légende, était en fait très nuancé et ambigu à cet égard : B. y dénonçait davantage l'abus du droit de propriété que ce droit en lui-même ; la propriété, pour être légitime, devant se limiter à la satisfaction des besoins de chacun : «La propriété n'est en effet que le droit de se servir, ou l'usage de la matière pour satisfaire ses besoins» (Recherches philosophiques sur le droit de propriété, p. 16) ; mais, pour B., l'égalité ne découlait pas de ce précepte : «Le système de l'égalité des propriétés, est donc sous ce rapport une chimère qu'on voudrait en vain réaliser parmi les hommes [...] ; leurs besoins ne sont pas les mêmes» (p. 39). La carrière de B., y compris et surtout pendant la Révolution, l'amena à lever les doutes que ce pamphlet pouvait laisser subsister : il se fit le défenseur le plus intransigeant du droit des propriétaires, désavouant publiquement ses hardiesses de jeunesse, si ambiguës qu'elles aient été alors (Patriote Français, 2 juil. 1792, p. 7). L'«anarchisme» de B. (cf. Rhis) ne peut non plus être retenu, indépendamment de l'anachronisme du terme appliqué au XVIIIe siècle. B., loin de rejeter l'autorité de l'Etat, fut dans ses premières années d'activité intellectuelle, un adepte de la transformation de la société «par en haut», c'est-à-dire par l'action d'un Prince éclairé imposant les Lumières à une société non encore préparée à les recevoir. Comme beaucoup de ses contemporains, il vit en Joseph II ce Prince-philosophe et il ne cacha pas son admiration devant son action réformatrice. Il n'abandonna cette voie qu'en 1785, déçu par le durcissement de la politique impériale à l'égard des minorités nationales. Cette rupture fut l'occasion de la publication d'un vigoureux pamphlet, l'un des plus enflammés sortis de sa plume. En 1789, B. se rangea résolument dans le camp de ceux qui entendaient bien contenir le peuple.

Influencé par l'exemple de l'Angleterre, B. fonde en 1788 la «Société des Amis des Noirs», dont Condorcet trace la constitution et qui eut un rôle important dans la politique coloniale de la France (Ellery). L'abolition de l'esclavage ne figurait toutefois que parmi ses buts lointains, étant reportée à la seconde ou troisième génération à venir ; pour l'immédiat, il s'agissait principalement d'apporter une amélioration au sort des esclaves, et surtout, d'imposer l'arrêt de la traite ; arrêt d'où découlerait sans heurt une lente et progressive extinction de l'esclavage lui-même ; enfin, la Société entendait faire admettre l'égalité des droits entre blancs et mulâtres libres. Malgré ces limites, la Société des Amis des Noirs, et B. en tout premier lieu, fut l'objet des plus vives attaques de la part des colons et des négociants des ports de l'Atlantique.

B. fut membre, et même fondateur, d'une autre société : la Société gallo-américaine, fondée en janvier 1787 en compagnie de Saint John Crèvecoeur, Nicolas Bergasse et Clavière. Cette société gallo-américaine n'eut qu'une existence ephémère, puisque sa dernière séance connue se tint le 3 avril 1787 (M, p. 105-136) ; elle ne fut pas moins révélatrice de l'état d'esprit de B. à ce moment et de l'influence des Etats-Unis sur lui. La même année, il publia son étude sur la France et les Etats-Unis, en collaboration avec Clavière. Enfin, signalons l'appartenance de B. à la franc-maçonnerie : ses mémoires attestent sans aucun doute possible son adhésion à une loge allemande. Mais B. s'en éloigna assez rapidement car il s'accommodait fort mal du secret et des rites maçonniques. L'influence de la franc-maçonnerie fut cependant non négligeable sur lui : il fut étroitement lié au Cercle Social de Nicolas de Bonneville, l'un des cercles politiques les plus audacieux des premières années de la Révolution, dont l'origine maçonnique est bien connue.

Elu député de Paris le 14 septembre 1791, il siège à la Législative et devient un des chefs du parti girondin, appelé aussi «brissotin». Il pousse l'Assemblée à la guerre avec l'Autriche, et s'oriente de plus en plus vers le républicanisme. Ecarté à Paris, il est renvoyé à la Convention par le département d'Eure-et-Loir le 6 septembre 1792. Suspect de fédéralisme, il partage le sort des autres girondins, est arrêté le 11 juin, et exécuté le 31 octobre.

6. Activités journalistiques

Courrier de l'Europe : quand en avril 1778, le ministère anglais décide d'en empêcher l'expédition, Swinton entreprend d'imprimer à Boulogne-sur-Mer le Courrier qui se publiait à Londres. B. s'en voit donc confier la rédaction mais, sous la menace du ministère français, il doit s'en tenir à une réimpression pure et simple du journal de Londres. Après un an et demi il est mis à pied par Swinton. De février à novembre 1783, à Londres, il assure la partie «Variétés» du Courrier, sous la direction de Serre de La Tour. Swinton lui ayant offert le poste de rédacteur en chef en commun avec Théveneau de Morande, B. refusa de collaborer avec ce «monstre» (v. G. et M. von Proschwitz, Beaumarchais et le Courrier de l'Europe, t. II, S.V.E.C. 273, 1990, p. 60-61, 68-70, 116).

Annales politiques et littéraires : B. rédige les tables des tomes IV, V et Vl du journal de Linguet en 1778-1779.

Correspondance philosophique et politique : il fonde ce journal en 1783, dès son arrivée à Londres. Douze numéros seulement paraissent, faute d'abonnés. Aucun exemplaire n'en a été conservé (DP1 238).

Correspondance universelle sur ce qui peut intéresser le bonheur de l'homme et de la société, janv. –nov. 1783 : journal fondé et rédigé par B. (DP1 238).

Journal du Licée de Londres ou tableau de l'état présent des sciences et des arts en Angleterre (1783-1784), 2 vol. in-8° (DP1 721) : conçu pour divulguer des découvertes scientifiques, les nouvelles artistiques et littéraires, et les institutions politiques de l'Angleterre, ce journal n'était qu'un des aspects du Lycée. B. envoie des deux premiers numéros à l'Académie de Dijon, avec une lettre d'accompagnement, le 11 mars 1784 (registre 14 de l'Académie, f° 52).

Tableau de la situation actuelle des Anglais dans les Indes orientales, et de l'état des Indes en général, Paris, 1784, journal fondé et rédigé par B., conçu comme supplément au Licée de Londres (D.P.11245).

Analyse des papiers anglais (1786-1787) : B. accepte de collaborer avec Mirabeau, notamment pour la partie «Mélanges» à partir d’avril 1788 (D.P.1103).

Bulletin de Versailles : B. a signé le n° 6 (juil.1789) (D.P.1103).

Le Patriote français, «journal libre, impartial et national, par une Société de Citoyens, et dirigé par J.P. Brissot de Warville» (28 juil. 1789-2 juin 1793) : journal quotidien de quatre pages in-8°, avec suppléments (D.P.11100). Lu dans la plus grande partie de la France et à l'étranger, ce journal à fort tirage avait été créé dans le but de répandre les idées révolutionnaires. En plus de résumés bien faits de ce qui se passe à l'Assemblée, ce journal illustre les thèses chères à B., devient l'organe de la Gironde et en reflète l'histoire détaillée (voir P. Rétat, Les Journaux de 1789. Bibliographie critique, Ed. du C.N.R.S., 1988, n° 144). Collaborateurs : Girey-Dupré, Condorcet, Pétion, Paine, Lanthénas, Grégoire, Roland. A partir du 23 septembre 1791, Girey-Dupré en assume la rédaction.

Le Républicain (mars 1791) : créé pour répandre le républicanisme, ce journal n'aura qu'une existence éphémère. Rédacteurs : Paine, Etienne Dumont, Condorcet, B., etc.

Chronique du mois (nov. 1791 - juil. 1793) : B. en est un des rédacteurs avec Clavière, Condorcet, etc.

B. a également collaboré au Journal encyclopédique et au Moniteur (1788).

7. Publications diverses

Le Pot-Pourri, «étrennes aux gens de lettres» (par B. et N.F. Gaillard), Londres, 1777. – Recherches philosophiques sur le droit de propriété considéré dans la nature, pour servir de premier chapitre à la Théorie des Loix Criminelles de M. Linguet. «Par un jeune philosophe», Paris, 1780, 116 p. (réédition, Paris, Edhis, 1966). – Testament politique de l'Angleterre, Philadelphia [Amsterdam], 1780 (trad. en hollandais, Amsterdam, 1781). – De la suppression de la peine de mort, ouvrage couronné par l'académie de Chalons-sur-Marne en 1780, réimprimé par A. Brissot, Lille, 1849. – Le Sang innocent vengé, «ou Discours sur les réparations dues aux accusés innocents». Couronné par l'académie de Chalons-sur-Marne le 25 août 1781, Berlin et Paris, 1781. – Les Moyens d'adoucir la rigueur des lois pénales en France, sans nuire à la sûreté publique ou Discours couronnés par l'académie de Chalons-sur-Marne en 1780, Chalons-sur-Marne, 1781. – Théorie des lois criminelles, 2 vol., Berlin, 1781 (réimpr. Paris, 1836). – Un Indépendant à l'ordre des avocats, sur la décadence du barreau en France, Berlin, 1781.

Lettres philosophiques sur Saint Paul, sur la doctrine politique, morale, et religieuse et sur plusieurs points de la religion chrétienne, considérés politiquement, Hambourg, 1782, Neuchâtel, 1783. – Bibliothèque philosophique du législateur, du politique, du jurisconsulte, Berlin et Paris, 1782-1785, 10 vol. – De la Vérité ou Méditations sur les moyens de parvenir à la vérité dans les connaissances humaines, Neuchâtel, 1782. – Correspondance universelle sur ce qui intéresse le bonheur de l'homme et de la société, t. 1, Neuchâtel, 1783, t. 2, Londres, 1783. – Le Philadelphien à Genève ou Lettres d'un Américain sur la dernière révolution de Genève, sa constitution nouvelle, l'émigration en Irlande, etc, pouvant servir de tableau politique de Genève jusqu'en 1784, Dublin, 1783. – L'Autorité législative de Rome anéantie «ou Examen rapide de l'histoire et des sources du droit canonique», Chartres, 1784 (réimpr. Paris, 1791). – Un Défenseur du peuple à l'empereur Joseph II sur son règlement concernant l'émigration, ses diverses réformes, etc., Dublin, 1785, 51 p. – Dénonciation au public d'un nouveau projet d'agiotage ou Lettre à M. le Comte de S. sur un nouveau projet de Compagnie d'assurances contre les incendies à Paris, sur ses inconvénients, et en général sur les inconvénients des compagnies par actions, Londres, 1786. – Examen critique des voyages dans l'Amérique septentrionale, de M. le Marquis de Chastellux, ou lettre à M. le Marquis de Chastellux, dans laquelle on réfute principalement ses opinions sur les Quakers, sur les nègres, sur le peuple et sur l'homme, Londres, 1786. – Mon mot aux académiciens, 1786 rééd. Paris, 1910. – Point de banqueroute ou Lettres à un créancier de l'Etat, sur l'impossibilité de la banqueroute nationale, et sur les moyens de ramener le crédit et la paix. Nouvelle édition, augmentée de trois autres lettres sur la dette nationale considérée relativement à la révocation des deux impôts, à la guerre de Hollande et à celle de Turquie, Londres, 1787 (réimpr. 1788). – De la France et des Etats-Unis ou de l'importance de la révolution de l'Amérique pour le bonheur de la France, des rapports de ce royaume et des Etats-Unis, des avantages réciproques qu'ils peuvent retirer de leurs liaisons, du commerce, et enfin la situation actuelle des Etats-Unis, par Etienne Clavière et J.P. Brissot de Warville, Londres, 1787 (réimpr.1791, trad. en anglais, Londres, 1788 et 1794, trad. en hollandais, Amsterdam, 1794). – Observations d'un républicain sur les différents systèmes de l'administration provinciale, particulièrement sur ceux de MM. Turgot et Necker, et sur le bien qu'on peut en espérer dans les gouvernements monarchiques, Lausanne, 1788, Paris, 1789. – Discours sur la nécessité d'établir à Paris une Société pour concourir, avec celle de Londres, à l'abolition de la Traite et de l'esclavage des nègres. Prononcé le 19 février 1788, dans une société de quelques amis rassemblés à Paris à la prière du comité de Londres, Paris, s.d., 32 p. (avec la collaboration de B.). – Règlement de la Société des Amis des Noirs, s.l., 1789, 48 p. (avec la collaboration de B.). – Nouveau voyage dans les Etats-Unis de l'Amérique septentrionale (fait en 1788), 3 vol., Paris, 1791 (trad. en anglais, Dublin, 1792, Londres, 1792, 1794, Boston, 1797 ; trad. en hollandais, Amsterdam, 1794, en allemand, Durkheim an der Haard, 1792, en suédois, Stockholm, 1799). – Rapport fait au nom de la Commission extraordinaire des Comités diplomatique et militaire, le 20 août 1792, sur le licenciement des régiments suisses au service de la France, par J.P. Brissot, Paris, 1792. – A tous les Républicains de France, sur la société des Jacobins de Paris, Paris, 1792. – A ses commettants sur la situation de la Convention nationale, sur l'influence des anarchistes et des maux qu'elle a causée [sic], sur la nécessité d'anéantir cette influence pour sauver la République, Paris, 1793 (trad. en anglais, Londres, 1793, réimpr. Londres, 1794). – Mémoires de Brissot [...] sur ses contemporains, et la Révolution française, publiés par son fils (A. Brissot) avec des notes et des éclaircissements historiques, par M.F. de Montrol, 4 vol., t. I et II, Paris, 1830 ; t. III et IV, Paris, 1832 (réimpr. Paris, 1877). – (M) Mémoires de J.P. Brissot, édition C. Perroud, 2 vol., 1910 (seule édition satisfaisante de ces Mémoires). – Correspondance et papiers précédés d'un avertissement et d'une notice sur sa vie par C. Perroud, Paris, 1912.

8. Bibliographie

A.N. 446 AP. 1-9, Papiers de J.P. Brissot acquis en 1982 par les Archives Nationales ; il s'agit des papiers achetés à Anacharsis Brissot par F. de Montrol et disparus depuis 1829. Cette acquisition des A.N. constitue désormais une source de première importance pour toute biographie de B., mais aussi de son entourage : Clavière, Condorcet, Mirabeau, etc. - Perroud C., rééd. des Mémoires de Madame Rolland, Paris, Plon, 1905, 2 vol. – Ellery E., Brissot de Warville, Boston et New-York, Houghton Mifflin, 1915. – Dumont E., Souvenir sur Mirabeau et les deux premières assemblées législatives, introd. et préface par J. Benetruy, avant-propos par G. Lefebvre, Paris, P.U.F., 1950. – Benetruy J., L'Atelier politique de Mirabeau, Paris, Picard, 1962. – Darnton R., «The Grub Style of Revolution : J.P. Brissot, Police Spy», Journal of Modern History, mars 1968 ; – Id., «Brissot espion de police» dans Bohême littéraire et Révolution. Le monde des livres au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, Le Seuil, 1983. – Id., «The Brissot dossier », French historical studies, Spring 1990. – Rhis C., Les Philosophes utopistes : le mythe de la cité communautaire en France au XVllle siècle, Paris, Marcel Rivière, 1970. – Hahn R., The Anatomy of a scientific institution : The Paris Academy of Sciences, 1666-1803, Berkeley, U. of California Press, 1971. – Dorigny M., «les Girondins et le Droit de Propriété», Bulletin de la Commission d'Histoire Economique et Sociale de la Révolution, Paris, 1980-1981.