PARMENTIER

Numéro

621

Prénom

Antoine

Naissance

1737

Décès

1813

Antoine Augustin Parmentier naquit à Montdidier le 12 août 1737, le deuxième des cinq enfants de Jean Baptiste Augustin Parmentier et de Marie Euphrosine Millon. Il mourut à Paris le 17 décembre 1813. Il ne s'était pas marié.

2. Formation

Sa famille, bourgeoise, qui avait occupé d'importantes charges municipales, s'était appauvrie au point de ne pouvoir lui assurer une instruction solide. Après avoir reçu des rudiments de latin enseignés par le curé, il entra en apprentissage à quinze ans chez un apothicaire de Montdidier, puis travaille à Paris chez l'apothicaire Jean Antoine Simonnet. Pendant la guerre de Sept Ans, pharmacien à l'armée de Hanovre, il fut fait prisonnier, resta en Allemagne auprès d'un pharmacien de Francfort et perfectionna ses connaissances en chimie. De retour en France en 1763, il reprit ses études et suivit les cours de chimie de Rouelle, fut le préparateur de physique de Nollet, de sciences naturelles de Jussieu. En 1766, il obtint au concours une place d'apothicaire-adjoint de l'Hôtel des Invalides et, en 1772 il fut nommé apothicaire-major. Membre de la Société d'agriculture en 1795, de l'Institut en 1796, de la Société de pharmacie de Paris en 1801, inspecteur général du Service de santé des Armées en 1803, membre de la Société philomatique.

3. Carrière

En 1774, après deux ans d'exercice comme apothicaire-major de l'Hôtel des Invalides, il se vit retirer son brevet à la suite d'une cabale, ainsi que l'usage du laboratoire (les sœurs de la Charité qui dirigeaient la Pharmacie des Invalides, s'étant senties dépossédées par cette nomination, firent agir auprès du roi). Le roi lui laissa sa pension, et le bénéfice du logement et du jardin. Exclu de l'Hôtel des Invalides en 1792, il habita jusqu'à sa mort le 12 rue des Amandiers Popincourt (actuellement 68 rue du Chemin Vert). En 1774, il voyagea en Poitou en compagnie de Cadet de Vaux pour découvrir les causes de la mauvaise qualité des grains. En 1782, il présida, toujours avec Cadet de Vaux, l'ouverture d'un cours de meunerie et de boulangerie à Amiens. En 1792, il fut chargé de mission auprès des armées des Pyrénées et des Alpes. Le 20 mars 1794, chargé de mission encore, il part pour Marseille, puis le 5 juin 1794, il est chargé de mission en Camargue par la commission d'agriculture. En 1802, après la paix d'Amiens, il fut envoyé avec son collègue Huzard comme délégué de la Société d'agriculture de Paris à celle de Londres.

4. Situation de fortune

De 1766 à 1772, il reçut des appointements d'apothicaire-adjoint, puis le traitement d'apothicaire-major à l'Hôtel des Invalides. En 1774, quand il lui retira son brevet, le roi lui laissa une pension annuelle de 12 000 £ égale aux appointements perdus. A trente-sept ans il jouit de l'indépendance et des loisirs qui lui permettront de se consacrer à son œuvre.

5. Opinions

A la suite de la famine de 1769-1770, l'académie de Besançon ayant proposé comme sujet de son prix de 1771 l'indication des substances alimentaires qui pourraient atténuer les calamités d'une disette, il établit, dans un mémoire qui fut couronné, les mérites de l'amidon contenu dans un grand nombre de plantes. Toute sa vie fut désormais vouée à propager des principes de nutrition et d'hygiène. Parmi ses campagnes de propagande les plus célèbres, citons la réhabilitation de la pomme de terre, connue en Europe depuis le XVe siècle, mais réservée au bétail, les travaux sur le pain, la meunerie et la boulangerie, le maïs, la châtaigne, le sucre de raisin. Un sens aigu de la réclame, mis au service de la philanthropie, marque les campagnes spectaculaires qui devaient faire connaître la pomme de terre, la facilité de sa culture et ses qualités nutritives. Il obtint du roi en 1786 l'octroi de 30 hectares de pierraille aux portes de Paris, dans la plaine des Sablons, et dirigea devant un public important la culture et la récolte des tubercules ; en 1787, il organisa plusieurs repas de cérémonie où tous les plats étaient à base de pomme de terre, depuis le pain jusqu'à l'eau-de-vie. Sous la Révolution, P., d'abord salué comme un bienfaiteur, puis suspect d'indifférence en matière politique, faillit payer la bienveillance avec laquelle le roi avait suivi ses travaux.

6. Activités journalistiques

P. a publié plusieurs de ses mémoires dans des revues savantes ; il a collaboré au Journal de physique sous la direction de La Métherie à partir de 1786. Il eut avec Deyeux la responsabilité de la Bibliothèque physico-économique, mais son nom n'est mentionné que pour la 2e série en 1797. D'une façon générale, c'est à partir de 1789 qu'il chercha à faire connaître du grand public le résultat de ses recherches agronomiques. Il écrivit dans la Feuille du cultivateur de Dubois de Jancigny à partir de 1790, dans les Annales de Chimie, dans le Journal de Pharmacie, etc. (voir Q., B.Un., N.B.G.).

7. Publications diverses

On trouvera la liste de ses œuvres dans Quérard et Didot. Son mémoire à l'académie de Besançon fut publié en 1772 et réédité après une refonte complète en 1781. Il a écrit sur la pomme de terre, le maïs, la châtaigne, la patate, le topinambour, le sucre de raisin, ainsi que sur la panification, le biscuit de mer, le lait, les grains, la nature des eaux de la Seine. Il est l'auteur d'un Formulaire pharmaceutique à l'usage des Hôpitaux militaires, Paris, 1793, rééd. 1807 et d'un Code pharmaceutique à l'usage des Hospices civils et des Prisons, Paris, 1802, 4e éd., 1811. Son œuvre majeure est L'Economie rurale et domestique, Paris, 1790, 8 vol. in-18. Elle fait partie de la Bibliothèque des dames.

8. Bibliographie

D.L.F. ; F.L. ; N.B.G. ; Hatin ; B.Un. ; M.S., t. XII-XV, XVIII, XXI, XXIX. – Kahane E., Parmentier ou la dignité de la pomme de terre, Paris, 1978.

GRASSET

Numéro

359

Prénom

François

Naissance

1722

Décès

1789

François Grasset est né à Vichy en 1722, mort à Lausanne en 1789. Sa famille vaudoise, bourgeoise de l'Abergement dès avant 1521 devait donner, outre le libraire éditeur François Grasset, un artiste célèbre au XIXe siècle. Eugène Grasset (1845-1917), peintre, sculpteur, illustrateur qui contribua au renouveau de l'art décoratif en France. Il eut un frère. Gabriel Grasset, éditeur à Genève (Dictionnaire historique et biographique de la Suisse).

3. Carrière

Commis des frères Cramer à Genève, de 1740 à 1754, convaincu d'indélicatesse, il fut renvoyé et entra dans la maison de librairie de Marc Michel Bousquet à Lausanne. Il représenta la maison Bousquet à Paris pendant l'année 1754, puis en Espagne où il voyagea de 1755 à 1757. La société de librairie Bousquet fut dissoute en 1758, G. s'installa alors à son compte. Une correspondance avec le secrétaire de Voltaire en 1776 témoigne de son activité professionnelle à cette époque (Gaullieur ; Revue historique vaudoise).

5. Opinions

La physionomie morale de G. à ses débuts peut surprendre. Homme de confiance des Cramer qui employaient aussi son frère Gabriel, il détourna pendant plusieurs années des stocks de livres pour les vendre à son profit. Il avait établi une clientèle personnelle à Lyon, Paris, Francfort, Marseille et jusqu'à Saint-Domingue. Découvert, il obtient des Cramer qu'ils abandonnent toute poursuite, contre un engagement à renoncer au commerce de librairie et à quitter Genève. Mais installé à Paris, il entreprit de détourner leur clientèle à son profit, puis au profit de son nouveau patron Marc Michel Bousquet. Les Cramer tentèrent de le déférer aux magistrats lors d'un de ses passages à Genève (Candaux). Deux querelles violentes l'opposèrent à Voltaire en 1755 et 1759. La première concerne une édition scandaleuse de La Pucelle d'Orléans, que Voltaire soupçonnait G. de vouloir faire imprimer à Lausanne sur un manuscrit très incorrect (tronqué et enrichi d'interpolations grossières). G. rencontre Voltaire aux Délices, une scène violente éclate. Voltaire le défère devant les magistrats et le fait arrêter. Relâché peu après, G. part pour l'Espagne au service de la maison Bousquet. Voir la lettre de G. à M.M. Bousquet, du 28 juillet 1755 (D6361), ce qui permet de comparer les deux versions, et l'article de J.D. Candaux.

G. était-il aussi étranger qu'il le déclare au projet d'impression de La Pucelle? Le Cat.B.N. fait état d'une édition de ce texte datée de 175 5, contrefaçon de celle de Louvain, dont les caractères typographiques sont les mêmes que ceux employés dans l'ouvrage intitulé Guerre littéraire (édité par G. en 175 5). Voltaire de son côté semble surtout soucieux de mettre en scène le scandale, dont G. faisait les frais, pour désavouer le poème au moment de son installation aux Délices et apaiser les autorités civiles et religieuses en France. On trouvera dans l'édition de La Pucelle donnée par J. Vercruysse (Voltaire, Œuvres complètes, t. VII, Genève, 1970, p. 44-57) un exposé complet de la question.

La deuxième querelle a pour point de départ un recueil polémique publié par G. en 1759 sous le titre Guerre littéraire ou choix de quelques pièces de M. de V***, pour servir de suite et d'éclaircissement à ses ouvrages. C'est un écrit apologétique dirigé contre les positions de Voltaire en matière de religion. Les textes de Voltaire sont réédités avec des réfutations dues à des pasteurs : sont prises à partie les Lettres philosophiques, la Défense de Milord Bolingbroke, ainsi que deux chapitres de L’Essai sur l'histoire générale concernant Calvin et Servet mais aussi des interventions récentes de Voltaire dans l'affaire Saurin. G. se vengeait de l'arrestation de 1755 et choisissait le camp des pasteurs genevois, inquiets de l'influence de leur hôte. Sa position était d'ailleurs délicate, car il avait une part dans l'impression clandestine de La Pucelle et devait se blanchir.

Voltaire contre-attaqua et tenta à nouveau de faire exiler G., par une double démarche : un mémoire adressé à MM. les recteurs de l'Académie de Lausanne (où il désavoue la Défense de Milord Bolingbroke et produit une déclaration des frères Cramer accusant G. de malversations), et une lettre à M. de Haller pour l'éclairer sur son protégé G. et le prier de lui retirer sa protection. Haller répondit par un refus et une humiliante leçon de modération. G. l'emportait et marquait sa victoire par la publication d'un deuxième recueil en 1759, Pièces échappées du portefeuille de Mr de Voltaire comte de Tournay. A côté du Mémoire de Voltaire au recteur de l'Académie de Lausanne (G. se gardait de reproduire la déclaration des frères Cramer), figurait la lettre à M. de Haller et surtout la réponse mortifiante de celui-ci. Dans cette correspondance Voltaire n'avait pas le beau rôle. G. intervenait en personne avec une lettre de l'éditeur en introduction et en conclusion des vers non signés, qui semblent de la même encre. Il prenait acte du désaveu que faisait Voltaire d'écrits religieux et l'invitait à désavouer aussi Candide (Gaullieur ; Revue historique vaudoise).

6. Activités journalistiques

Gazette littéraire et universelle de l'Europe qui contient l'annonce et les extraits des principaux livres qu'on y met au jour ; avec divers morceaux sur l'agriculture, l'économie rurale, le commerce, la poésie, la peinture, la musique et la sculpture, etc., 11 avril 1768 (n° 2) - 26 juin 1769, 5 vol., hebdomadaire, in-8°. A Lausanne, chez les éditeurs François Grasset et Compagnie (D.P.1 575).

7. Publications diverses

Q. cite une Epître à M. J.J. Rousseau, citoyen de Genève sur sa Nouvelle Héloïse « donnée au public par les soins, le sincère attachement et l'admiration de son très humble, très obéissant serviteur et compatriote». Q. et Cior 18 mettent au compte de la production personnelle de G. des traductions d'ouvrages italiens et espagnols, dont il a assuré l'édition (la première édition française) : Les Nuits romaines au tombeau des Scipions par le comte A. Verri, traduit de l'italien par M.F.G., Lausanne, 1796, in-12, 2 vol., La République littéraire ou description allégorique et critique des sciences et arts, ouvrage posthume de Don Diego Saavedra Fajardo, traduit de l'espagnol, Lausanne, 1770, in-12.

La production littéraire personnelle de G. semble se limiter aux introductions et conclusions des recueils polémiques dirigés contre Voltaire, Guerre littéraire ou choix de quelques pièces de M. de V*** avec les réponses pour servir de suite et d'éclaircissement à ses ouvrages, Lausanne, Grasset, 1759. in-12. Le même ouvrage reparaît sous un autre titre, à la suite de la protestation de Voltaire auprès de l'Académie de Lausanne : Choix de quelques pièces polémiques de M. de V*** avec les réponses, pour servir de suite et d'éclaircissement à ses ouvrages, Lausanne, F. Grasset, 1759, in-12. – Pièces échappées du portefeuille de M. de Voltaire, comte de Tournay. A Lausanne, aux dépens de M. le Comte, 1759, in-12.

8. Bibliographie

F.L. 1769 ; Cior 18. Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, Neuchâtel, 1921-1934. – Gaullieur E.H.A., «Etudes sur la typographie genevoise», Revue suisse, 1855, p. 397. – Revue historique vaudoise, 1894, p. 15. – Candaux J.D., «Les débuts de François Grasset», S.V.E.C. 18, 1961, p. 197-235. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman.

DU GONE

Numéro

267

Prénom

Jean

Naissance

1643?

Décès

1729

Jean Du Gone serait né à Gannat en Auvergne, vers 1643 et mort en 1729. Il ne doit pas être confondu avec Du Gono, auteur des Vœux de la France pour l'Espagne et son jeune roi (s.l.n.d.), ni avec J.F. Dugone, né au Puy en 1755 (D.O.A. ; Cat.B.N.).

2. Formation

Il fit des études de droit. Admis dans la société du premier président de Lamoignon, il assiste aux conférences des avocats que le premier président tenait chez lui et aux assemblées littéraires où il a l'occasion de rencontrer Bossuet, Huet, Pellisson, Ménage (D., Exposé d'un plan).

3. Carrière

Il fut secrétaire du premier président de Novion, puis secrétaire du roi jusqu'à sa mort (D.O.A.).

5. Opinions

D.O.A. cite le jugement d'un contemporain qui le connaissait pour «homme de mérite mais abondant en desseins singuliers». Nous n'avons trace d'autre entreprise que de la traduction française du Digeste et des Affiches de Paris. Dans les deux cas, l'exposé du projet révèle une grande attention aux besoins et aux vœux du public. Le Projet pour donner au public les Affiches de Paris témoigne même d'un véritable sens commercial. Mais D. semble avoir mieux réussi à présenter ses projets qu'à les faire aboutir (D.O.A. ; D., Exposé d'un plan).

6. Les Affiches de Paris, des provinces et des pays étrangers, 1716 ; 9 numéros in-12 paraissent par quinzaine du 20 février au 7 juillet (voir D.P.1 47). Le premier numéro avait été publié in-40, il fut réimprimé in-12, format adopté pour les numéros suivants, pour des raisons de commodité. Dans son avant-propos au premier cahier, D. souligne la parenté de sa publication avec la Gazette, le Journal des savants et le Mémoire du Bureau d'Adresse de Théophraste Renaudot ; mais aussi sa nouveauté puisqu'elle rassemble en fascicules les affiches apposées sur les murs de Paris. D'où le nom qui resta ensuite à toutes les feuilles d'avis.

7. Publications diverses

7. Exposé d'un plan pour la publication d'une traduction française du Digeste signé D., 8.1., impr. de Langlois, s.d., in-40, 20 p. Cette dissertation adressée à Monseigneur le Chancelier expose la nécessité d'aplanir les difficultés rencontrées dans l'étude du droit romain d'où l'entreprise de traduction du Digeste, mais aussi de collation des textes (D. raconte comment un manuscrit qu'il eut le bonheur de trouver parmi de vieux livres sur le quai des Grands Augustins, permit de combler une lacune), enfin des notes historiques et de droit comparé. La traduction que D. présente comme achevée n'a pas été éditée et s'est perdue.

8. H.P.L.P. ; B.H.C. ; D.O.A. – Feyel G., L'Annonce et la Nouvelle : la presse d'information et son évolution sous l'Ancien Régime (1630-1788), thèse, U. de Paris IV, 1994, t. II, p. 463-468.

DUCRAY-DUMINIL

Numéro

259

Prénom

François

Naissance

1761

Décès

1819

François Guillaume Ducray est né à Paris en 1761 de Guillaume Ducray, ingénieur «machiniste». Il ajouta le nom de sa mère Duminil, souvent écrit Dumesnil, pour former son nom de plume. Sa famille comprend deux ingénieurs « hydrauliques », et plusieurs hommes de loi. Il épouse Catherine Sophie Lhair. Il meurt dans sa maison de campagne à Ville d'Avray le 29 octobre 1819.

Plusieurs biographes invitent à ne pas le confondre avec Ducray-Maubaillarcq son frère cadet, auteur de romans moins prisés.

2. Formation

Membre de l'Académie des Arcades de Rome, du Musée de Paris, du Lycée des arts, sciences et belles-lettres et du Lycée de Paris. De18o8 à1818 il fournit au Caveau moderne ou à l'Enfant lyrique du Carnaval autant de chansons et de poésies fugitives que Béranger.

3. Carrière

Sur les quelques actes notariés répertoriés au M.C., il est inscrit comme «homme de lettres». Il ne quitta guère Paris où le retenaient ses fonctions de journaliste et d'auteur dramatique.

4. Situation de fortune

On peut supposer ses ascendants fort à l'aise. En 1788, son père est choisi comme tuteur d'un neveu qui hérite de grands biens, et D. lui-même, en l'an VIII est désigné comme tuteur d'une cousine, orpheline à l'âge de deux mois et

héritière d'un cabinet de «Pratique et Recouvrement» très prospère.

D. tirera profit de ses activités de journaliste puis de rédacteur en chef dans divers journaux d'annonces ou de spectacles. Une affaire prouve son sens commercial. En l'an VII, rédacteur du Journal d'annonces, affiches et avis divers, dit Affiches de Paris, en désaccord avec le propriétaire au sujet de la gestion, il donne sa démission et fonde avec un associé, sous le nom très proche de Petites affiches de Paris, une feuille concurrente, qui entraîne presque tout le personnel, les imprimeurs et de nombreux abonnés dont les noms ont été relevés sur les livres d'adresses de l'ancienne feuille. Cette affaire donne lieu à des échanges fort vifs entre les deux journaux et se poursuit en justice, sans dommage pour D.

L'essentiel de ses revenus vient de la littérature. A côté de pièces de théâtre avec vaudevilles dont il assure la réclame dans son Courrier des spectacles, il publie plus de vingt romans, dont les rééditions, de son vivant et tout au long du XIXe siècle, prouvent le succès commercial.

5. Opinions

Il n'est pas facile de cerner ses opinions politiques. Sous le titre La Semaine mémorable, il publie le 24 juillet 1789 une sorte de reportage enthousiaste, à l'usage de la province, des événements du 12 au 17 juillet. Ce récit n'aurait sûrement pas trouvé place dans le journal de l'abbé Aubert. En 1815, l'avant-propos du roman L'Hermitage Saint-Jacques ou Dieu, le Roi, la Patrie, accompagné d'une dédicace à la duchesse d'Angoulême, salue le retour des Bourbons et des armées qui les ramènent. Cet itinéraire est jalonné par des hommages aux Patriotes, aux soldats de la Grande Armée, au Grand Napoléon, poèmes lus dans les Académies parisiennes et les sociétés chantantes.

Cet accord avec la sensibilité dominante ne le mit pas complètement à l'abri des ennuis. En 1792, une de ses pièces de théâtre est censurée {Le Retour des Patriotes ou la Journée interrompue) et le 12 nivôse an II, il est décrété d'arrestation par la Convention nationale pour avoir laissé passer, dans le journal d'annonces dont il est rédacteur, l'avis d'un notaire proposant d'emprunter 60 000 £ en assignats démonétisés. Il ne s'agissait pas d'une plaisanterie comme l'ont cru les biographes du XIXe siècle, mais d'une tentative de spéculation, publiée, par suite d'un retard du journal, après la date limite de retrait des billets, le délit économique se doublant d'une apparente provocation politique puisque les assignats en question étaient les assignats à face royale. D. ne resta pas longtemps en prison mais le notaire fut interdit d'exercice pendant un an {Moniteur universel, 5 nivôse an II).

6. Activités journalistiques

Sa carrière de journaliste fut consacrée à deux groupes de publications : des journaux d'annonces comportant quelques rubriques théâtrales et littéraires ; des journaux de théâtre comportant quelques annonces.

Sous le titre Annonces, affiches et avis divers ou Journal général de France (D.P.1 49), quotidien dont l'abbé Aubert est rédacteur, on trouve quelques rubriques de la plume de D. En septembre 1790, l'abbé Aubert se retire, remplacé assez vite par D. En l'an VII, il déserte ce journal pour fonder les Petites affiches de Paris où il sera le maître. Il fait de nouveau appel à l'abbé Aubert. De 1799 à 1811, les deux journaux se font concurrence avec un net avantage pour celui de D., plus varié, vivant et riche : articles de mode, poésies légères, lettres de lecteurs, une critique théâtrale et des Salons dûs à D. En août 1811, un décret impérial ordonna la réunion des diverses feuilles d'annonces en un seul journal nommé lui aussi Petites affiches, seul habilité à recevoir les annonces judiciaires. C'est la fin des journaux d'annonces tels qu'ils ont fonctionné pendant plus d'un siècle.

Le Courrier des spectacles ou Journal des théâtres, quotidien qui paraît du 18 nivôse an V au 31 mai 1807 réunit Lepan, Legouvé, Salgues et accueille D. au bout de deux mois. Sa participation, annoncée en tête du journal, paraît de nature à attirer des abonnés. De fait D. signera des articles de plus en plus nombreux : critique de théâtre, d'opéra, étude des grands rôles (Alceste, Médée), problèmes du jeu dramatique, articles sur l'histoire du théâtre, etc. Sa collaboration au Courrier des spectacles ne s'est pas prolongée au-delà de l'an VIL.

Le 10 frimaire an VII, D. avait lancé le Journal des théâtres, de la littérature et des arts, qui ne durera que jusqu'au 30 floréal. L'opération de concurrence ne réussit pas aussi bien que pour les Petites affiches. Là aussi le rédacteur présente en feuilleton une histoire du théâtre. Les rubriques se diversifient : à côté de la partie littéraire (comptes rendus de romans nouveaux, musique, citations des classiques, poésies diverses), des recettes évoquent l'almanach (comment préserver les arbres de la gelée, comment soigner certaines maladies). Les annonces s'introduisent par la facilité donnée aux abonnés d'insérer gratuitement des avis personnels. Les formules des deux types de publication finissent par se rejoindre.

7. Publications diverses

On peut classer l'œuvre littéraire de D. en quatre séries : théâtre, poésies et chansons, recueils de contes et d'historiettes souvent groupés sous le titre de Soirées et les romans proprement dits :

a) théâtre : il est très difficile d'établir la liste complète des pièces de D., souvent restées manuscrites : Les Deux Martines ou le Procureur joué, comédie parade en un acte et en prose, 1786. – Martine et Trottin, suite des Deux Martines.Arlequin Pygmalion, comédie en un acte et en prose, avril 1789, pour le spectacle des Bluettes comiques et lyriques. – L'Entrevue des Patriotes en 1790 ou la Journée dérangée, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles représentée au théâtre de la rue Feydeau en 1792. – Le Testament mal entendu, comédie en deux actes et en prose mêlée d'ariettes, paroles de D., musique de Jadin, reçue au Théâtre-Italien le 3 juillet 1793. Les Horaces, tragédie lyrique en trois actes et en vers.

b) les poésies, idylles en prose et pièces diverses sont encore moins bien répertoriées. Les publications du Caveau moderne ou de L'Enfant Lyrique du Carnaval en présentent plusieurs par an. On en découvre dans les journaux d'affiches. Un recueil de ces pièces a été constitué par D. lui-même sous le titre : Le Codicille sentimental et moral : Recueil de discours, contes, anecdotes, idylles, romances et poésies fugitives, Paris, Le Prieur, an II, 2 vol. in-12.

c) les contes et les soirées : Les Soirées de la Chaumière ou les Leçons du Vieux Père, Paris, an III, 4 vol. – Les Veillées de ma grand-mère ou Nouveaux contes de fées, Paris, an VII, 1 vol. – Les Déjeuners champêtres de mon cher oncle à l'usage des adolescents, Le Prieur, an IX, 2 vol. – Les Journées au village ou Tableau d'une bonne famille, Paris, Le Prieur, an XII, 1804, 8 vol. in-12. – Emilio ou les Veillées de mon père, Paris, Belin, 1811,4 vol. – Contes moraux de ma grand-tante, à l'usage des enfants du second âge, Paris, Le Prieur, 1807, 2 vol. – Les Fêtes des enfants ou Recueil de petits contes moraux, Paris, Ménard et Desenne Fils, 1818, 3 vol. – Contes des Fées, Paris, Ménard et Desenne Fils, 1819, 4 vol. – Le Bon Oncle et ses neveux, annuaire moral où l'on trouvera quelques compliments et bouquets pour les jours de fêtes, Paris, Belin-Le Prieur, s.d. – Nouveaux contes des Fées, Paris, Le Bailly, 1844.

d) les romans proprement dits : Lolotte et Fanfan ou les Aventures de deux enfants abandonnés dans une isle déserte, rédigée sur des manuscrits anglais par M. D de M, Charlestown et Paris, 1788, 41. en 2 vol. – Alexis ou la Maisonnette dans les bois, manuscrit trouvé sur les bords de l'Isère et publié par l'auteur de Lolotte et Fanfan, Grenoble et Paris, Maradan, 1789, 4 vol. – Victor ou l'Enfant de la forêt, Paris, Le Prieur, an V-1797, 4 vol. Coelina ou l'Enfant du mystère, Paris, Le Prieur, an VII, 3 vol. – Les Petits Orphelins du hameau, Paris, Le Prieur, an X-1802, 4 vol. – Paul ou la Ferme abandonnée, Paris, Le Prieur, an XI-1803, 4 vol. – Elmonde ou la Fille de l'hospice, Paris, Dentu, 1805, 5 vol. – Jules ou le Toit paternel, Paris, Dentu, 1806, 4 vol. – Le Petit Carillonneur, Paris, J.G. Dentu, 1809, 4 vol. – La Fontaine Sainte-Catherine, Paris, Ménard et Raymond, 1813, 4 vol. – Madame de Valnoir ou l'Ecole des familles, Paris, J.G. Dentu, 1813, 4 vol. – L'Hermitage Saint-Jacques ou Dieu, le Roi et la Patrie, Ménard Fils, 1815, 4 vol. – Jean et Jeannette ou les petits Aventuriers parisiens, Paris, Ménard et Desenne Fils, 1816, 4 vol.

8. Bibliographie

B.N.C. ; B.Un. (1er éd.) ; N.B.G. ; B.H.C.,Cior 18.