ROUSSET DE MISSY
Numéro
Prénom
Naissance
Décès
Jean Rousset de Missy est né à Laon le 26 août 1686, de Jean Rousset et de Rachel Cottin. Il se marie à La Haye le 17 août 1710 ; les bans sont publiés entre «Jean Roset, jeune homme de Laon en France», et Maria Pion. Le mariage a lieu le 31 août 1710 dans l'église haut-allemande à La Haye. Ils ont trois enfants qui sont baptisés dans l'église wallonne de La Haye : Jean, baptisé le 10 juin 1711 ; Marie Magdelaine, baptisée le 19 juin 1712 ; Abraham, baptisé le 8 juillet 1714. Le 30 juin 1716, R. devient citoyen de La Haye (A.M. La Haye, O.A., 1056, f° 12).
2. Formation
II est né d'une famille protestante. Après la mort de sa mère, son père veut quitter la France mais est arrêté. R., lui, est enlevé par lettre de cachet et élevé au collège du Plessis à Paris, d'où il s'enfuit à l'âge de dix-huit ans. R. est reçu membre de l'église wallonne de La Haye le 4 juillet 1710, par confession (B.W.). Le même registre mentionne un autre Jean Rousset, reçu membre de l'église de La Haye, le 18 octobre 1730, par témoignage de la chapelle de Paris. Il apprend l'anglais après 1729 (B, p. 157). En 1732, il est nommé membre de la Société royale de Berlin et en 1739 associé à l'académie de Pétersbourg (Haag). En 1745 il est exclu de l'Académie de Berlin, parce qu'il ne lui a fourni aucune «pièce d'érudition» ; mais il continue de se prévaloir de son titre dans les gazettes qu'il anime. Sur l'ordre de Frédéric II, l'Académie envoie à la presse berlinoise une anonyme Lettre de M.**, membre de l'Académie royale des Sciences de Berlin à M.**, professeur des Belles-Lettres dans l'Université de ... en Hollande, où l'on fait mine de croire que R. n'a jamais été membre de l'Académie (Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Archiv, LUI. 71, acte du 14 janv. 1745 ; renseignement transmis par F. Moureau).
3. Carrière
En 1704, R. arrive en Hollande et entre dans les gardes des Etats Généraux. Il quitte le service en 1709, après la bataille de Malplaquet (Haag, t. IX, p. 56). Il s'établit alors à La Haye où il ouvre un pensionnat qu'il dirige avec succès pendant quatorze ou quinze ans selon Barbier (B.N., n.a.fr. 5184, f° 53-55, notice ms. de R.). En 1723 selon Barbier, il renonce à la carrière pédagogique pour s'occuper de la direction de journaux littéraires. II assiste en 1724 au congrès de Cambrai (B, p. 160). En novembre 1747, il obtient la patente de conseiller historiographe (A.M. La Haye, Fagel 2124, lettre de R. à H. Fagel, 22 nov. 1747, Amsterdam). D'après une lettre du 26 juin 1748, il semble être au service de Bentinck, déjà cité dans la lettre ci-dessus (B.L., Egerton ms. 1745, f° 486). La même année, il est nommé conseiller de la Chancellerie impériale de toutes les Russies avec le grade de colonel (B.U. Leyde, BPL 242). Il tombe en disgrâce auprès du stathouder en mai 1749 (BSV, p. 9-10) et s'enfuit à Bruxelles où il vit de sa plume et de services rendus au gouvernement des Pays-Bas autrichiens. Le 19 février 1750, il écrit à Fagel au sujet de la restitution de ses papiers (A.M. La Haye, Fagel, 2189). Entre la fin de 1752 et sa mort, il habite Maersen, village près d'Utrecht (lettres au Dr Bernard d'Amsterdam, B.U. Leyde, BPC 242 ; lettres à Cobenzl, A.R.B.). A Maersen, R. conduit l'imprimerie du libraire réfugié Joly (Ars., ms. 11706, f° 245, dossier Duquerlon 1752, déclaration de Denoncourt).
4. Situation de fortune
Son école est un établissement florissant (B, p. 159). Il s'associe La Barre de Beaumarchais en qualité de maître à 100 florins de gages. Plus tard, il emploie La Barre de Beaumarchais à traduire Suétone, à annoter les Métaphysiques d'Ovide dans la traduction de Du Ryer (B) et à rédiger le Mercure historique et politique (Haag). C'est peut-être La Barre de Beaumarchais qui est désigné par «le copiste de Rousset, qu'il nomme capucin» (March. 47 ; Heinzelman à Marchand, La Haye, 23 mars 1749). Le libraire de Paris qui lui demande sa collaboration au Journal économique, lui propose, en 1753, 200 florins pour douze mémoires par an (B.U. Leyde, BPL 242, lettre à Bernard, 18 déc. 1753). Le Magazin des événements, et ses suites, sont vendus pour un florin le tome de vingt numéros (Avocat pour et contre, t. II, Avert.).
5. Opinions
R. ne garde aucune tendresse pour son pays natal (BSV, P- 54-55). Dans ses lettres au comte de Cobenzl, ministre plénipotentiaire aux Pays-Bas autrichiens, il l'avertit constamment contre les intrigues de la Cour de France. A plusieurs reprises, il assure Cobenzl de son dévouement pour l'auguste Maison. Ses renseignements lui viennent de l'espion d'Etat, M. Cailland de Rotterdam, et de plusieurs correspondants anonymes. Il avoue de façon cynique son «caméléonisme». Cependant, il n'a pas varié dans sa défense de l'Eglise, sa haine de l'athéisme, de Voltaire, des encyclopédistes (BSV, p. 142, 198, 224, 227). Il semble en même temps qu'il ait été franc-maçon : en 1752, il se dit «Maître de la loge d'Amsterdam» (BSV, p. 180). Il semble avoir un grand nombre d'ennemis (B, p. 156), dont le plus violent est La Barre de Beaumarchais. Leur amitié réciproque s'est convertie en une haine implacable (B, p. 167), qui s'extériorise dans une polémique incessante. R., ami du libraire Wetstein (B, p. 222), mène une campagne contre le libraire Jean Van Duren, dans les articles de la Bibliothèque raisonnée, de la Gazette des savants, et de La Quintessence. La Barre de Beaumarchais, en s'associant inconditionnellement à Van Duren, réplique dans les Lettres sérieuses et badines (L.S.B.) et, à partir de 1733, dans le Journal littéraire (L.S.B., 1.1, p. XXXVII, avis du libraire). R. a entretenu une polémique avec Janiçon, dont il critique l' Etat présent de la république des Provinces Unies et des pays qui en dépendent. Janiçon réplique avec vivacité dans le t. 1 des L.S.B. (Haag, t. VI, p. 31 ; B, p. 167). Depuis la tentative de R. et de La Varenne en vue de supplanter Bruys chez Scheurleer et Van Lom (B.L., add. mss 4281, lettre de Bruys à Desmaizeaux, 13 mars 1731, f° 336-338), Bruys se compte aussi parmi les ennemis de R. La Varenne est son ami fidèle. Tous les deux ont été pendant dix ans correspondants et partisans de Jean Baptiste Rousseau (Voltaire à Thiériot, 13 nov. 1738). Il existe une hostilité ouverte entre Voltaire et R. Voltaire ne cesse de déprécier les ouvrages historiques de R. (Voltaire, Œuvres complètes, éd. Moland, t. XVI, p. 379-380). R. attaque régulièrement Voltaire dans ses périodiques, en particulier dans le Magazin des événements (voir 1741, 1.1, p. 15-16) et dans L’Epilogueur moderne (voir Fontius ; Gembicki, p. 244 et suiv.). Un ennemi anonyme publie le Courrier critique ou l'Anti-Rousset, Genève, 1743 (Marchand, Dictionnaire historique, La Haye, 1758-1759,1.1, p. 55 ; Mercure historique et politique, mai 1743, t. CXIV, p. 483 ; D.P.1 258) ; le même auteur, sans doute bordelais, publie de 1743 à 1747 le Courier véridique, également destiné à réfuter le Mercure historique (D.P.1 322).
6. Activités journalistiques
Mercure historique et politique, La Haye, 1686-1782 (D.P.1 940). D'après l'avertissement de janvier 1732, ce périodique est rédigé par R. depuis 1726 ; mais R. semble bien y avoir travaillé dès 1724 avec la collaboration de La Barre de Beaumarchais (Haag ; B) ; il aurait donc régné sur le journal pendant 26 ans, d'août 1724 à décembre 1750.
Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savants de l'Europe, Amsterdam, Wetstein, 1728-1753 (D.P.1 169). R. fournit la plupart des articles historiques (B) ; une polémique entre R. et Bruzen de La Martinière en 1731 semble avoir mis fin à cette collaboration (voir D.P.1 169, p. 198).
Le Censeur ou caractère des moeurs de La Haye, La Haye, 1714. R. a publié un Censeur, qui a des chances d'être celui de 1714 (B ; L.S.B.;D.P.1 202).
La Quintessence des nouvelles historiques, critiques, politiques, morales et galantes, La Haye, Meynders, Amsterdam, Oosterwijck, 1696-1730. Edité par Mme Dunoyer de 1714 à 1717, le journal a été continué par R. durant l'année 1719 (B ; L'Epilogueur, t. VII, préface ; D.P.1 1153).
Le Courrier, périodique commencé par Potin et Van Effen, continué par R. (L.S.B., premiers numéros ; G.H., p. 187 ; D.P.1 251). C'est probablement le même que Le Courrier politique et galant (D.P.1 316), fait successivement par Potin et R. d'après les Mémoires de la Calotte (p. 149) et le Courrier politique, que R. affirme avoir publié (préface de L'Epilogueur, t. VII) ; R. semble l'avoir dirigé en 1723-1724 (D.P.1 316).
Le Glaneur historique, moral, littéraire, galant et calotin, par J.B. de La Varenne, La Haye, I73I-I733 (D.P.1 588). R. dit avoir eu bonne part à ce périodique (L'Epilogueur, t. VII, préface).
Il semble avoir participé, de 1739 à 1746, à l'Etat politique de l'Europe, revue hebdomadaire dans laquelle sont utilisés ses recueils de documents (D.P.1 410).
Magazin des événements de toutes sortes, passés, présents et futurs, par M. R.D.M. Amsterdam, J. Ryckhoff, le fils, 17411742, 4 vol. in-8° (D.P.1 859), continué sous le titre L'Epilogueur politique, galant et critique, «composé par une société d'amis», Amsterdam, J. Ryckhoff, le fils, 1743 1745 (D.P.1 383), 4 vol. in-8°. Continué sous le titre Démosthène moderne ou réflexions sur les affaires présentes de l'Europe, Utrecht, Lobedanius, 1745-1746, 2 vol. in-8° (D.P.1 341). Continué sous le titre Avocat pour et contre, Amsterdam, J. Ryckhoff, le fils, 1746-1747, 5 vol. in-8° (D.P.1 136). Continué sous le titre Le Vrai patriote hollandais, Amsterdam, Ryckhoff junior, 1748-1749, 5 vol. in-8° (D.P.1 1267). R. est bien l'auteur de L'Epilogueur (A.A.E., C.P., Prusse, 134, f° 35, rapport à Amelot, Berlin, 22 févr. 1744 ; Ars., ms. 11706, f° 245, dossier Duquerlon ; B.U. Leyde, March. 52).
R. dirige, de 1750 à 1755, L'Epilogueur moderne, hebdomadaire politique et littéraire (D.P.1 382). La correspondance Rousset-Marchand fournit des informations intéressantes sur cette revue et confirme qu'elle a duré au moins jusqu'en juillet 1755 (BSV, p. 258 et n. 2, 263, 264).
Journal économique (?) ; voir sa lettre au Dr Bernard (B.U. Leyde, BPL 242, du 18 déc. 1753) : «un libraire de Paris qui imprime un Journal économique m'a écrit pour m'engager à lui fournir des mémoires de ce que produit nos Pays-Bas et les pays du nord voisins». La collaboration de R. au Journal économique (1751-1772) n'a pas été confirmée jusqu'ici.
Clef de l'Ecole de l'homme (?) (Ars., ms. 11706, dossier Duquerlon, f° 245) : «Denoncourt croit que ce Roussette est l'auteur de la Clef de l'Ecole de l'Homme».
Son dernier périodique a été identifié par J.D. Candaux ; il s'agit du Nouvelliste du Parnasse, de Cythère et de la Cour, publié en 1756 (D.P.1 1062).
7. Publications diverses
Voir la bibliographie de ses œuvres dans Quérard, Haag, Michaud, Cior 18, n° 1595-1596. A partir d'une liste fournie par R. lui-même à P. Marchand (BSV, p. 257-258), Berkvens-Stevelinck et Vercruysse ont donné une bibliographie plus précise et complète de ses œuvres (BSV, p. 269-275). Ses archives furent vendues à Berlin en 1764 : voir le Catalogue d'une nombreuse collection de livres, Amsterdam et Berlin, J. Néaulme, 1764, dans lequel on trouve (t. V, n° 407) des manuscrits cotés de A à RR, provenant de R., «grand politique et intrigant», dont «Correspondance secrète sur l'état des affaires de l'Europe», nouvelles à la main de 1734, 127 p. in-4° ; «Anecdotes très curieuses sur les Iroquois [...], sur le voyage de Jacques Massé et sur le voyage de M. le baron de La Hontan », 10 p. On trouvera dans BSV les 105 lettres de R. conservées dans le fonds Marchand de Leyde, et adressées à P. Marchand de 1734à 1756.
8. Bibliographie
Haag ; N.B.G. – A.M. La Haye, registres. – (A.R.B.) Archives du Royaume, Bruxelles, secrétaire d'Etat et de Guerre, n° 120, vol. 1058, f° 1-66. – (B.W.) Bibliothèque wallonne, Amsterdam, registres. – B.L., Egerton ms. 1745, f° 486. – B.U. Leyde, BPL 242 et March. 52. – Ars., ms. 11706, f° 245, dossier Duquerlon. – A.A.E., C.P., Prusse, 134, f° 35. – B.N., dossier d'A. Barbier, n.a.fr. 5184, f° 53-55. – Bruys F. de, Mémoires historiques, critiques et littéraires, éd. [P.L.] Joly, Paris, Hérissant, 1751, 2 vol. in-12. – Kleerkooper M.M. et Van Stockum W.P., De Boekhandel te Amsterdam voornamelijk in de 17e eeuw, La Haye, 1914-1916, p. 694-989. – Fontius M., Voltaire in Berlin, Berlin, 1966. – Gembicki D., «Le journalisme <à sensation> : L'Epilogueur moderne (1750-1754) de Rousset de Missy», dans Le Journalisme d'Ancien Régime, éd. P. Rétat, P.U. de Lyon, 1982, p. 241-255. – (BSV) Berkvens-Stevelinck C. et Vercruysse J., Le Métier de journaliste au dix-huitième siècle : correspondance entre Prosper Marchand, Jean Rousset de Missy et Lambert Ignace Douxfils, S.V.E.C. 312, 1993.
9. Additif
Activités journalistiques : Dans un article publié en 1999 dans Gazette et information politique sous l’Ancien Régime (textes réunis par H. Duranton et P. Rétat, Publications de l’Université de Saint-Étenne), Christiane Berkvens-Stevelinck fait le bilan de l’oeuvre de journaliste de R. et de ses sources. Jusqu’en 1745, il transmet à des feuilles bi-hebdomadaires des nouvelles politiques qu’il puise dans les nouvelles à la main ou dans les gazettes, et notamment dans le Mercure historique et politique. Il n’est pas rare que l’on trouve dans sa correspondance avec Douxfils une ébauche des analyses politiques qu’il publie par la suite. Cette correspondance prouve en outre qu’il sert à la fois le stathouder de Hollande et la cour de Bruxelles, et que ses activités de journaliste sont à la limite de l’espionnage. (J.S.)
Des lettres signées de la main de Marie Rousset à propos d’une pension pour des « bulletins » attestent que celle-ci aurait repris l’activité d’informateur de son père, au moins en 1767, 1775, 1781-1782 (voir, Archives du Royaume, Bruxelles, Secrétairerie d’État et de Guerre, 2747, f° 114 ; 2751, f° 89 ; 2757, f° 26-27 et 65). (Marion Brétéché)
Bibliographie : Berkvens-Stevelinck, Christiane, « L’information politique dans les journaux de Rousset de Missy », Gazette et information politique sous l’Ancien Régime, textes réunis par H. Duranton et P. Rétat, Publications de l’Université de Saint-Étenne, 1999, p. 97-106.
À ma connaissance, la correspondance de R. avec Cobenzl pour les années 1753-1758 est conservée sous la cote : Archives du Royaume, Bruxelles, Secrétairerie d’État et de Guerre, 1210, f° 1-63 ; les folios 63-68 correspondent à deux lettres datées d’août 1762 de Marie Rousset, sa fille, au comte de Cobenzl.
On peut ajouter que R. a entretenu une relation épistolaire avec les ministres plénipotentiaires des Pays-Bas, prédécesseurs de Cobenzl, dès 1746 (voir, Archives du Royaume, Bruxelles, Secrétairerie d’État et de Guerre, 1048, f° 109-141 ; 2738, f° 274-280 ; 2741, f° 5-6).(J.S.)
Lorsqu’il est question dans la notice du Dictionnaire de « l'espion d'Etat, M. Cailland de Rotterdam », il s’agit en réalité d’Etienne Caillaud. (Marion Brétéché)
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